Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 4
ARRET DU 21 JANVIER 2011
(n° ,5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/18948
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du juge de la mise en état du 14 Septembre 2010 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 09/06843
APPELANTE
Madame [O] [P]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par la SCP KIEFFER-JOLY - BELLICHACH, avoués près la Cour
assistée de Me Simone DAUL, avocat au barreau de PARIS, toque : C 878.
INTIMEES
SA UBS LUXEMBOURG, société anonyme de droit luxembourgeois
Prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée par la SCP FISSELIER-CHILOUX-BOULAY, avoués près la Cour
assistée de Me Denis CHEMLA, avocat au barreau de PARIS, toque : J25.
INTIMEE ET APPELANTE A TITRE INCIDENT
SA SOCIETE GENERALE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par la SCP HARDOUIN, avoués près la Cour
assistée de Me Frédéric BELLANCA, avocat plaidant pour AARPI DE PARDIEU BROCAS MAFFEI, avocats au barreau de PARIS, toque : R 45.
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 17 Décembre 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Jacques LAYLAVOIX, Président de chambre
Monsieur David PEYRON, Conseiller
Madame Catherine BOUSCANT, Conseillère
qui en ont délibéré sur le rapport de Madame Catherine BOUSCANT
Greffier, lors des débats : Mlle Fatia HENNI
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jacques LAYLAVOIX, président et par Mlle Fatia HENNI, greffier.
Mme [P], faisant valoir que, sur les conseils d'un ami d'enfance spécialisé dans la finance internationale, elle a souscrit, en 2006, par l'intermédiaire de sa banque, la SOCIETE GENERALE, agence Paris Kleber, des titres pour la somme de 110 000 € auprès de la société LUXALPHA SICAV, a fait assigner par acte du 9 avril 2009, devant le tribunal de grande instance de Paris, la SOCIETE GENERALE et la société UBS (Luxembourg) en sa qualité d'administrateur de la société LUXAPHA SICAV, de promoteur, gestionnaire et dépositaire du portefeuille de LUXALPHA SICAV-la société LUXALPHA SICAV ayant été mise en liquidation judiciaire suivant jugement du tribunal d'arrondissement de Luxembourg en date du 2 avril 2009 - en paiement solidaire de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la perte de ses avoirs à la suite du scandale [U] survenu en décembre 2008 ;
La société UBS (Luxembourg) ayant soulevé, au visa du règlement 44/2001, l'incompétence territoriale du tribunal de grande instance de Paris pour connaître des demandes de Mme [P], le juge de la mise en état, par ordonnance contradictoire rendue le 14 septembre 2010 :
*a fait droit à l'exception d'incompétence territoriale soulevée par la société USB Luxembourg et a renvoyé Mme [P] à mieux se pourvoir,
*en conséquence, a disjoint les demandes formées à l'encontre de la société USB Luxembourg
*a rejeté la demande de sursis à statuer formée par la SOCIETE GENERALE,
*a condamné Mme [P] aux dépens concernant la procédure qu'elle a engagée à l'encontre de la société UBS Luxembourg et réservé le surplus des dépens.
Par dernières conclusions du 16 décembre 2010, Mme [P],qui a interjeté appel de cette ordonnance, demande à la Cour, au visa de l'article 5(3) et, subsidiairement, 6 (1) du règlement 44/2001 :
*d'infirmer l'ordonnance,
Statuant à nouveau,
*de se déclarer territorialement compétente pour connaître de ses demandes à l'encontre d'UBS et d'enjoindre à UBS de conclure au fond,
*de confirmer l'ordonnance en ce qu'elle n'a pas fait droit à la demande de sursis à statuer formée par la SOCIETE GENERALE,
*de condamner UBS et la SOCIETE GENERALE , chacune, à lui payer la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Par dernières conclusions du 8 décembre 2010, la société UBS (Luxembourg),poursuivant la confirmation de l'ordonnance, prie la Cour, au visa du règlement 44/2001 et de l'article 771 du Code de procédure civile :
*de juger que les juridictions françaises sont internationalement incompétentes pour connaître des demandes de Mme [P],
*renvoyer Mme [P] à mieux se pourvoir devant le tribunal d'arrondissement de Luxembourg (Luxembourg),
*de condamner Mme [P] lui verser la somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel.
Par dernières conclusions du 19 novembre 2010, la SOCIETE GENERALE poursuivant la confirmation de l'ordonnance, sauf en ce qu'elle a rejeté sa demande de sursis à statuer, forme un appel incident tendant à voir infirmer l'ordonnance de ce chef, ordonner qu'il soit sursis à statuer dans l'attente du jugement à intervenir du tribunal luxembourgeois territorialement compétent à l'issue de la procédure qui serait engagée par Mme [P] à l'encontre de la société UBS (Luxembourg) SA et de condamner Mme [P] aux dépens de première instance et d'appel.
Sur l'exception d'icompétence,
Considérant, à titre liminaire, qu'en application des dispositions des articles 2, 3 et 60 du règlement 44/ 2001, la société UBS Luxembourg, personne morale domiciliée hors de France au Luxembourg, ne peut être attraite que devant les juridictions de cet état membre et ne peut être assignée devant les juridictions françaises que si l'une des exceptions prévues par ce texte et notamment l'article 5(3) et l'article 6 (1) invoquées par l'appelante trouve à s'appliquer ;
Considérant que Mme [P] soutient, en premier lieu, sur le fondement de l'article 5 (3) et non plus de l'article 6(1) du règlement 44/2001 que, contrairement à ce qui a été jugé, le fait dommageable s'est produit non pas au Luxembourg mais en France, puisque le préjudice qu'elle subit commence en France dans les locaux de la SOCIETE GENERALE sur la base de bulletins de souscription et de documents contractuels émis et souscrits en France où figure le nom d'UBS désigné comme dépositaire, gestionnaire et distributeur de LUXALPHA et qu' elle ne perd aucun actif au Luxembourg où elle n'en détient aucun et que dès lors,le tribunal de grande instance de Paris est compétent territorialement pour connaître de ses demandes à l'égard de la société UBS Luxembourg ;
Mais considérant que dans l'acte introductif d'instance, le fait dommageable invoqué par Mme [P] est non pas la souscription des SICAV LUXALPHA en 2006 mais la fraude de M. [U] et de la société BMIS intervenue deux ans plus tard, en décembre 2008, et certes, non pas en France comme l'indique à raison UBS Luxembourg mais pour le moins aux Etats-Unis ; que le lieu où s'est matérialisé le préjudice financier de Mme [P] est non pas la France mais le Luxembourg où la société LUXALPHA SICAV a subi en premier la perte de la valeur de ses titres ; qu'en admettant que les documents souscrits par Mme [P] en 2006 soient trompeurs, celle-ci ne recherche pas la responsabilité d'UBS Luxembourg sur la base de ces documents mais en tant que dépositaire des actifs de LUXALPHA SICAV, débitrice d'une obligation de restitution des fonds ; qu'en tout état de cause, si la demande de souscription a eu lieu en France au sein de la SOCIETE GENERALE, la souscription, elle-même, a eu lieu au Luxembourg , lors de l'acceptation de la souscription par la société LUXALPHA SICAV ; que le lieu où s'est produit le fait dommageable ne saurait non plus se confondre avec le lieu du domicile où est localisé le patrimoine de la demanderesse puisque dans cette hypothèse, retenir un tel critère reviendrait à admettre la compétence du domicile du demandeur en cas de préjudice patrimonial et faire échec au principe de la compétence du tribunal du domicile du défendeur visé par l'article 2 du règlement 44/2001 ;
Qu'il en résulte que la compétence dérogatoire prévue à l'article 5(3°) du règlement 44/2001 ne peut être retenue en l'espèce et l 'ordonnance du juge de la mise en état ne peut qu'être confirmée sur ce point ;
Considérant qu'en second lieu, Mme [P] se prévaut , non plus, cette fois-ci, à titre principal mais à titre subsidiaire, des dispositions dérogatoires de l'article 6(1) du règlement 44/ 2001en faisant valoir qu'en raison de la position contraire des intimés sur sa situation d'actionnaire ou non de LUXALPHA, UBS Luxembourg indiquant qu'elle n'est pas actionnaire de LUXALPHA et la SOCIETE GENERALE lui déniant cette qualité, il existe bien un risque de contrariété de décision au sens de l'article 6(1) du règlement 44/2001; que les demandes présentent ainsi des liens si étroits qu'il y a intérêt à les juger ensemble afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément, et ce, même si les fautes par elle invoquées ont des fondements juridique différents, contractuel en ce qui concerne la SOCIETE GENERALE et quasi-délictuel en ce qui concerne UBS Luxembourg car ces fautes ont contribué au même dommage ; que la situation de droit en France et au Luxembourg est la même au regard de la directive européennes 85/611 CEE intégrée au code monétaire et financier de la France et à la loi luxembourgeoise du 20 décembre 2002 ) ;
Mais considérant que l'article 6 (1) du règlement 44/2001 qui déroge, comme l'a rappelé le premier juge, au principe fondamental de la compétence du domicile du défendeur édicté par l'article 2 en cas de pluralité de défendeurs est d'interprétation stricte ; que même si les fautes alléguées par Mme [P] ont pu contribuer au même préjudice, ses demandes ne sont pas pour autant connexes au sens de cet article en l'absence d'une même situation de fait et de droit, ces deux conditions étant cumulatives ;
Qu'en l'espèce, et sans qu'il y ait lieu de rechercher si les situations de droit sont identiques, il convient de constater que les situations de fait sont distinctes puisque Mme [P] reproche à la SOCIETE GENERALE,de lui avoir fait souscrire des titres LUXALPHA (paragraphe IV-4 page 17 de ses conclusions d'appel ) et que la faute reprochée à UBS Luxembourg est un manquement à son obligation de dépositaire ; qu'en admettant que, comme l'invoque en appel Mme [P], sa banque ait souscrit par l'intermédiaire de la SOCIETE GENERALE BANK & TRUST Luxembourg au capital de LUXALPHA non pas au nom de sa cliente mais directement en tant qu'actionnaire de LUXALPHA, cette faute a été commise, aussi, lors de la souscription des titres ; que la complicité invoquée de manière imprécise en cause d'appel entre la SOCIETE GENERALE, sa filiale luxembourgeoise et d'une manière générale entre professionnels (page 21 des conclusions ) qui n'est qu'une supposition, n'est pas de nature à remettre en cause l'absence d'identité entre les deux situation de fait ;
Que la question de savoir si Mme [P] est actionnaire ou non de LUXALPLHA est une question de fond qui est sans incidence sur l'application de l'article 6(1) durèglement 44/ 2001, dès lors que la nature de la faute reprochée à la SOCIETE GENERALE relève de son obligation d'information et de conseil et qu' en en tout état de cause, Mme [P] tient du jugement ayant placé LUXALPHA en liquidation judiciaire, la qualité d'investisseur et qu'elle est représentée en cette qualité par les liquidateurs de la société LUXALPHA SICAV ;
Qu'en conséquence, la disposition dérogatoire prévue par l'article 6(1) du règlement 44/2001 ne peut être retenue, l'ordonnance dont appel étant confirmée aussi sur ce point ;
Sur le sursis à statuer,
Considérant que la SOCIETE GENERALE maintient en appel sa demande de sursis à statuer dans l'attente du jugement à intervenir du tribunal luxembourgeois compétent ;
Mais considérant que le juge de la mise en état est compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal pour statuer dans des cas limitativement énumérés à l'article 771 du Code de procédure civile et notamment pour statuer sur les exceptions de procédure et sur les incidents mettant fin à l'instance ; que le sursis à statuer prévu à l'article 378 du Code de procédure civile est un incident d'instance qui ne met pas fin à celle-ci contrairement aux autres incidents prévus aux articles 384 et 385 du même code, sans qu'il soit possible de faire appel sauf dans le cas prévu à l'article 380 du code ;
Qu'il en résulte que la demande de sursis à statuer formée par la SOCIETE GENERALE devant le juge de la mise en état est irrecevable et que le juge de la mise en état a excédé ses pouvoirs en statuant sur cette demande ;
Que l'ordonnance doit être infirmée sur ce point ;
Sur l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens ;
Considérant que Mme [P] qui succombe sera déboutée de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et condamnée sur ce fondement à payer à la société UBS LUXEMBOURG la somme de 1000 € ainsi qu'aux dépens d'appel ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme l'ordonnance sauf sur le sursis à statuer,
Statuant de nouveau de ce chef,
Déclare irrecevable la demande de sursis à statuer de la SOCIETE GENERALE,
Condamne Mme [P] à payer à la société UBS LUXEMBOURG la somme de 1000 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT