Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 6
ARRET DU 21 JANVIER 2011
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/05929
Sur renvoi après cassation d'un arrêt rendu le 29 novembre 2006 par la Cour d'appel de PARIS, 19ème Chambre section A (RG : 05/16366), sur appel d'un jugement rendu le 23 juin 2005 par le Tribunal de grande instance de PARIS, 7ème Chambre 2ème section (RG : 02/03091)
Arrêt du 17 juin 2008 - 3ème Chambre civile de la Cour de cassation - Arrêt n°689 F-D
DEMANDERESSE A LA SAISINE
S.A. AXA FRANCE IARD, anciennement dénommée AXA ASSURANCES, venant aux droits de la Compagnie AXA COURTAGE, elle-même venant aux droits de la Compagnie UAP
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par la SCP GRAPPOTTE BENETREAU JUMEL, avoués à la Cour
assistée par Me CHETIVAUX Simone-Claire, Toque C675
DEFENDERESSES A LA SAISINE
SA BUREAU VERITAS
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 6]
SOCIÉTÉ MUTUELLES DU MANS ASSURANCES IARD
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentées par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avoués à la Cour
assistées par Me BRYDEN Laurence, avocat plaidant pour la SELARL GUB , avocats au barreau de Paris, Toque P275
COMPOSITION DE LA COUR :
Rapport ayant été fait conformément aux dispositions de l'article 785 du Code de Procédure Civile
L'affaire a été débattue le 12 Novembre 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Jean-Louis MAZIERES, Président
Monsieur Paul André RICHARD, Conseiller
Madame Sylvie MESLIN, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Melle Caroline SCHMIDT
ARRÊT :
- contradictoire
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jean-Louis MAZIERES, président et par Monsieur Gilles DUPONT, greffier
**********
Au cours de l'année 1995, la SCI SALON CRAU a entrepris la construction d'un important ouvrage à destination industrielle qui devait être donné en location à la société COCA COLA.
Le maître d'ouvrage avait conclu un contrat d'entreprise générale avec la société GSE qui a sous-traité le lot 'dallages' à la société MENDES. Cette dernière avait confié l'étude du dimensionnement et de la composition du dallage à la société FIBCO.
La société GSE avait signé une convention de contrôle technique avec la société VERITAS.
L'ouvrage a été réceptionné le 7 juin 1996.
Le 11 mars 1998, une déclaration de sinistre pour cause d'apparition de fissurations dans le dallage était formée auprès de la société AXA, venant aux droits de la société UAP qui était l'assureur Police Unique Chantier, avec un volet dommages-ouvrage et un volet responsabilité décennale.
Après avoir fait réaliser l'expertise amiable, la société AXA acceptait de garantir le sinistre et elle versait à son assuré une indemnité de 1.138.172,55 euros.
Entendant exercer ses actions subrogations, la société AXA a, par exploits d'huissier des 24 janvier et 6 février 2002, fait citer la société FIBCO, la société VERITAS et son assureur la société MMA, afin de les entendre in solidum condamner à lui payer cette somme.
Le 23 septembre 2002, 13 et 21 février 2003, la société FIBCO a appelé en garantie son assureur, la société SWISS LIFE ainsi ainsi que les sociétés MENDES et GSE.
Les affaires ont été jointes.
Suivant jugement dont appel du 23 juin 2005 le Tribunal de Grande Instance de Paris s'est ainsi prononcé :
'Déboute la société AXA FRANCE de la totalité de ses demandes et la condamne à payer d'une part à la société SWISS LIFE Assurances de Biens et d'autre part, à la société VERITAS et à la Mutuelle du Mans une indemnité de 1.500 euros pour frais irrépétibles,
Déboute comme devenues sans objet, irrecevables ou mal fondées, les parties de toutes leurs autres demandes,
Condamne la société AXA FRANCE aux entiers dépens.'
Le Tribunal a jugé que la police de la société SWISS LIFE excluait la garantie des dommages ayant la caractéristique de ceux visés aux articles 1792 et suivants du code civil et que la faute de l'entreprise FIBCO était insuffisamment établie au vu des conclusions du Cabinet SARETEC désigné comme expert amiable dommages-ouvrage. En ce qui concerne VERITAS, le Tribunal a relevé que la convention de contrôle technique liait VERITAS à la société GSE mais pas au maître de l'ouvrage, qu'il s'en suivait que la Société AXA subrogée dans les droits du maître de l'ouvrage et tiers à cette convention ne pouvait agir contre VERITAS que sur le fondement de l'article 1382 du code civil, et ne pouvait bénéficier de la présomption de responsabilité découlant de l'article 1792 du code civil, qu'AXA supportait la charge de la preuve d'une faute délictuelle de VERITAS, que la faute de la société FIBCO dans ses notes de calcul n'était pas établie sinon par les affirmations insuffisantes résultant du propre expert de l'assureur dommages-ouvrage.
Sur appel de la Cie AXA FRANCE la Cour d'appel de Paris par arrêt du 29 novembre 2006 a confirmé le jugement entrepris.
Sur pourvoi de AXA FRANCE la Cour de Cassation par arrêt du 17 juin 2008 a cassé l'arrêt de la Cour d'appel en ces termes :
'Casse et annule seulement en ce qu'il déboute la société AXA de sa demande contre la société BUREAU VERITAS et la MMA sur le fondement de l'article L 111-24 du Code de la construction et de l'habitation, l'arrêt rendu le 29 novembre 2006".
Les motifs de cette cassation sont les suivants : 'Attendu que pour rejeter la demande de la société AXA contre la société BUREAU VERITAS et la MMA sur le fondement de l'article L 111-24 du code de la construction et de l'habitation, l'arrêt retient que la responsabilité de cette société, nonobstant ce fondement et le caractère décennal non discuté des désordres, n'est pas établie, l'approbation d'une note de calcul, dont la fausseté n'était pas démontrée, ne pouvant caractériser un manquement de la société VERITAS à sa mission, qu'en statuant ainsi sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la société BUREAU VERITAS n'avait pas été chargée du contrôle de la solidité des lieux par mission A+S qui lui avait été confiée par le maître de l'ouvrage, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision de ce chef.'
Sur saisine de la Cour de Renvoi par la société AXA FRANCE,
Vu les dernières écritures des parties,
La société AXA FRANCE a conclu à la réformation du jugement et à la condamnation de la société VERITAS et de son assureur les MUTUELLES DU MANS à lui payer la somme de 1.138.172,55 euros avec intérêts légaux et capitalisation.
La Société BUREAU VERITAS et la COMPAGNIE MUTUELLES DU MANS ASSURANCES ont conclu à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté AXA FRANCE de ses demandes et subsidiairement à la réduction du préjudice matériel et immatériel retenu.
SUR CE :
Considérant que la Cour adopte l'exposé des faits et des moyens des parties des premiers juges ainsi que leurs motifs non contraires au présent arrêt ;
Considérant qu'il résulte de l'arrêt de la Cour d'appel de PARIS du 29 novembre 2006 et de la Cassation partielle intervenue que sont définitivement jugés les points suivants :
- le principe de la subrogation de l'assureur dans les droits du maître de l'ouvrage
- le caractère décennal des dommages
- la qualité de contrôleur technique de VERITAS dès lors que la Cour dans son arrêt du 29 novembre 20006 a jugé 'qu'il résultait des dispositions contractuelles que la mission de contrôle technique a été confiée au BUREAU VERITAS par GSE pour le compte du maître de l'ouvrage, que la Cie AXA FRANCE qui lui est subrogée, est en conséquence recevable à se prévaloir des dispositions de l'article L 111-24 du CCH';
Qu'il n'apparaît d'ailleurs pas que ces points soient contestés par BUREAU VERITAS et les MMA ;
Considérant que la responsabilité du contrôleur technique est présumée en cas de dommages qui portent atteinte à la solidité de l'ouvrage quand sa mission porte précisément sur la solidité des ouvrages sans qu'il soit besoin de démontrer une faute de sa part, qu'il n'est plus discuté qu'en l'espèce la mission de BUREAU VERITAS portait bien sur la solidité des ouvrages et qu'il est résulté une atteinte à la solidité des ouvrages de la SCI LE SALON DE LA CRAU, que le contrôleur technique ne peut dès lors s'exonérer de cette présomption qu'en démontrant la cause étrangère ou la force majeure;
Considérant qu'AXA FRANCE soutient que dès lors que la mission de BUREAU VERITAS portait sur la solidité des lieux et qu'il est advenu des désordres affectant cette solidité dans le délai de dix ans, ces deux conditions suffisent à asseoir la responsabilité de plein droit du contrôleur technique envers le maître de l'ouvrage ;
Considérant que la présomption de responsabilité n'est pas une présomption d'imputation, que la mise en jeu de la responsabilité décennale du contrôleur technique suppose, comme pour tous les autres constructeurs, que soit établie l'imputabilité du dommage à son activité et que le dommage est intervenu dans les limites de la mission qui est confiée au Contrôleur technique, que cette condition résulte des termes mêmes de l'article L 111-24 du Code de la construction et de l'habitation ' le contrôleur technique est soumis, dans les limites de la mission à lui confiée par le maître de l'ouvrage à la présomption de responsabilité édictée par les articles 1792, 1792-1 et 1792-2 du Code civil';
Considérant toutefois que si AXA FRANCE rapporte la preuve de ce que le désordre par elle indemnisé entre bien dans le cadre de la mission générale de solidité qui était celle de BUREAU VERITAS , ce dernier, comme son assureur, ne rapportent pas la preuve que le désordre est étranger aux modalités particulières d'exécution de sa mission, et certainement pas par le seul rappel des limites légales de l'intervention du contrôleur technique, que le cadre général d'une mission de solidité étant établi, BUREAU VERITAS n'établit aucunement l'absence d'imputabilité qu'il invoque, le caractère extérieur à sa mission, même spécifiquement définie, des causes du désordre, et encore moins la cause étrangère susceptible de l'exonérer de la présomption de responsabilité, que le jugement sera réformé en ce qu'il a rejeté les demandes D'AXA FRANCE assureur dommages-ouvrage à l'encontre de BUREAU VERITAS et de son assureur ;
Considérant qu'AXA FRANCE en sa qualité d' assureur dommages-ouvrage est en droit de recourir pour l'intégralité du dommage à l'encontre des intervenants non couverts par la Police Unique de chantier dès lors qu'il est démontré que ceux ci ont concouru à la réalisation de l'entier préjudice, que toutefois si le principe de la subrogation est définitivement jugé, l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 29 novembre 2006 n'ayant pas été cassé sur ce point, il n'en est pas de même du quantum des préjudices matériels et immatériels sur lesquels cette subrogation porte, question qui n'a jamais été jugée par les juridictions du fond et qui ne fait aucunement partie des dispositions non cassées de l'arrêt du 29 novembre 2006, que BUREAU VERITAS et les MMA sont donc en droit de contester les montants réclamés ;
Considérant que la Cie AXA FRANCE réclame la somme de 914.125,55 euros au titre des préjudices matériels et 224.047 euros au titre des préjudices immatériels soit au total 1.138.172,55 euros, que cette réclamation est assise sur deux rapports du cabinet SARETEC du 5 mai et du 28 juillet 1998, expertise qui pour n'être pas judiciaire n'en est pas moins légale et même obligatoire, et qui a été régulièrement communiqué aux débats, de telle sorte qu'elle peut asseoir une discussion contradictoire, que ces rapports font apparaître que les montants des préjudices tant matériels qu'immatériels ont fait l'objet d'une vérification sérieuse, que l'expert dommages-ouvrage a écarté les propositions de réparations qui lui apparaissaient insuffisamment sérieuses, que BUREAU VERITAS et les MMA ne démontrent par aucune pièce précise, que les sommes allouées l'ont été au delà de la réparation nécessaire des désordres constatés, ont constitué un quelconque enrichissement, que les montants retenus ne peuvent qu'être adoptés ;
Considérant que si AXA FRANCE assureur DO est en droit de recourir pour l'intégralité du dommage à l'encontre des intervenants non couverts par la PUC, AXA FRANCE est aussi dans la procédure, depuis son origine, en qualité d'assureur décennal des constructeurs au titre de la PUC et a fait l'objet à ce titre d'une demande subsidiaire de BUREAU VERITAS et de son assureur, demande relatée dans l'exposé des moyens des parties du jugement et mentionnée à nouveau dans l'arrêt de la Cour, et sur laquelle il n'a évidemment pas été statué, le Tribunal puis la Cour ayant rejeté les demandes D'AXA FRANCE avant que ne se pose la question de la garantie de BUREAU VERITAS, que BUREAU VERITAS et les MMA sont donc en droit de reprendre cette demande à laquelle ne peuvent être opposées ni la prescription ni l'autorité de la chose jugée ;
Considérant cependant que BUREAU VERITAS et les MMA ne développent aucune argumentation subsidiaire détaillée à l'encontre de tel ou tel constructeur bénéficiaire de la PUC, qu'ils se contentent de procéder par propositions générales à propos de la Police Unique de Chantier et d'affirmer que la Cour 'pourrait laisser à la charge de la Cie AXA FRANCE
- la part de responsabilité qui incombe aux termes des décisions déjà rendues au maître d'ouvrage
- la part de responsabilité qui doit incomber à ses autres assurés, eux constructeurs, et ce, tant au titre de la présomption sans limite qui pesaient sur eux qu'au titre de leur obligation de résultat',
Que l'argument de la responsabilité du maître d'ouvrage n'est pas un motif opérant, que les suggestions des intimés, non étayées par des arguments de droit pertinents - leur action contre AXA FRANCE en sa qualité d'assureur décennal des constructeurs ne peut être fondée que sur l'article 1382 du Code civil et non pas sur la présomption de responsabilité, ni l'obligation de résultat- et de fait précis, tirés notamment du rapport SARETEC, ne permettent pas à la Cour, sauf à se substituer à ces parties, de se prononcer sur le recours en garantie esquissé par eux à l'encontre de AXA pris en qualité d'assureur décennal et de fixer un partage de responsabilité entre le BUREAU VERITAS et tel ou tel autre constructeur non désigné et dont AXA FRANCE serait l'assureur décennal ;
Considérant qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles tant en première instance qu'en appel ;
PAR CES MOTIFS
Statuant dans les limites de l'appel et de la cassation intervenue,
REFORME le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes D'AXA FRANCE à l'encontre de la société BUREAU VERITAS et des MUTUELLES DU MANS,
En conséquence,
CONDAMNE in solidum la société BUREAU VERITAS et LES MUTUELLES DU MANS son assureur à payer à la Compagnie AXA FRANCE la somme de 1.138.172,55 euros avec intérêts légaux depuis l'assignation introductive, et capitalisation dans les termes de l'article 1154 du Code Civil,
REJETTE toute autre demande des parties,
CONDAMNE in solidum la société BUREAU VERITAS et LES MUTUELLES DU MANS son assureur aux dépens de première instance et d'appel comprenant ceux de l'arrêt partiellement cassé, avec distraction au profit des avoués de la cause.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,