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21/01/2011 | FRANCE | N°08/16530

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 21 janvier 2011, 08/16530


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 6



ARRET DU 21 JANVIER 2011



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 08/16530



Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Juin 2008 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - 9ème Chambre 2ème Section RG n° 06/05366





APPELANTE:



SNC BANQUE DELUBAC & CIE

ayant son siège social [Adresse 2]r>
[Localité 5]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



représentée par la SCP MONIN - D'AURIAC DE BRONS, avoués à la Cour

assistée de Me...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRET DU 21 JANVIER 2011

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 08/16530

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Juin 2008 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - 9ème Chambre 2ème Section RG n° 06/05366

APPELANTE:

SNC BANQUE DELUBAC & CIE

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 5]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

représentée par la SCP MONIN - D'AURIAC DE BRONS, avoués à la Cour

assistée de Me Thierry BISSIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R036

INTIMES:

Monsieur [N] [X]

demeurant [Adresse 4]

[Localité 1]

représenté par la SCP DUBOSCQ - PELLERIN, avoués à la Cour

assisté de Me Joseph ROUDILLON , avocat au barreau de MONTLUCON (03)

Monsieur [J] [F]

demeurant [Adresse 3]

[Localité 1]

représenté par la SCP DUBOSCQ - PELLERIN, avoués à la Cour

assisté de Me Joseph ROUDILLON , avocat au barreau de MONTLUCON (03)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 Novembre 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Josèphe JACOMET, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Françoise CHANDELON, Conseillère

Madame Caroline FEVRE, Conseiller

qui en ont délibéré,

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de Procédure Civile,

Greffier, lors des débats : Monsieur Sébastien PARESY

ARRET :

- contradictoire

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Josèphe JACOMET, Conseiller faisant fonction de Président et par Monsieur Daniel COULON, Greffier auquel la minute de l'arrêt a été remise par le magistrat signataire.

Le 29 décembre 1998, la société International Management & Taxes Consultant (IMTC), et M. [L] [Z], gérant de cette entité, ont créé la société en nom collectif (SNC) Golden Water Investment 4 qui avait pour objet l'investissement dans le domaine minier dans les départements d'Outre Mer.

La société IMTC possédait 8999 parts et M. [Z], désigné gérant de la SNC, une part du capital social fixé à 9.000F.

Le 30 décembre 1998, la société IMTC a cédé à M. [N] [X] d'une part, à M. [J] [F], d'autre part, 1000 de ses parts, les cessionnaires désirant réaliser des investissements ouvrant droit à défiscalisation au titre de la loi Pons.

Leurs apports, 286.000 F pour chacun d'eux, ont été portés au crédit d'un compte ouvert dans les livres de la banque Delubac & Cie.

Par jugement du 17 mai 2006, confirmé par arrêt du 11 juin 2007, le tribunal correctionnel de Paris a démontré que ces sommes, comme les autres capitaux investis et déposés sur le même compte, n'ont pas été utilisés conformément à leur destination et condamné les différents protagonistes de cette affaire, dont M. [Z], pour escroqueries et abus de confiance.

Dans le cadre de cette instance, l'action civile de MM. [X] et [F] a été accueillie et M. [Z], condamné à régler à chacun d'eux la somme de 43.600,42€

Reprochant à la banque d'avoir permis la commission de ces faits délictueux, MM [X] et [F] ont engagé la présente procédure par exploit du 23 mars 2006.

Par jugement du 18 juin 2008, le tribunal de grande instance de Paris a:

- condamné la banque Delubac & Cie à payer à M. [X] d'une part, à M. [F] d'autre part la somme de 43.600,42 € portant intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2003,

- condamné la banque Delubac & Cie au paiement de deux indemnités, chacune de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par déclaration du 21 août 2008, la banque Delubac & Cie a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du code de procédure civile,

déposées le 21 juin 2010, la banque Delubac & Cie demande à la Cour de:

- infirmer le jugement,

- débouter MM. [X] et [F] de leurs demandes,

- condamner in solidum MM. [X] et [F] à lui verser la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières écritures, au sens de l'article 954 du code de procédure civile, déposées le 14 septembre 2010, MM. [X] et [F] demandent à la Cour de:

- confirmer le jugement,

- condamner la banque Delubac & Cie à leur verser la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 28 septembre 2010.

CELA ETANT EXPOSE,

LA COUR,

Sur l'inopposabilité du rapport d'expertise

Considérant que dans une instance opposant M. [Z] à MM. [X]

[F] et Ruther, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris a, par décision du 23 janvier 2001, ordonné une expertise aux fins de déterminer si l'opération pour laquelle avait été constituée la SNC Golden Water Investment 4 avait été réalisée;

Que la banque Delubac & Cie conclut à l'inopposabilité de ce rapport au motif qu'elle n'a été appelée aux opérations d'expertise qu'en qualité de sachant, pour produire la copie des virements ou chèques émis sur le compte de sa cliente;

Mais considérant d'une part que cette expertise, ordonnée dans le cadre d'une autre instance a été régulièrement versée aux débats et soumise ainsi à la discussion des parties, que d'autre part et surtout, les données de cette expertise sont corroborées par les décisions des juridictions pénales produites, permettant à la Cour de forger sa conviction;

Que dans ces conditions le principe de la contradiction posée par l'article 16 du code de procédure civile a été respecté et que ce moyen ne peut prospérer;

Sur le fond

Considérant que la présente instance s'inscrit dans une fraude d'envergure, ayant porté sur plus de 15 millions de francs;

Que la société IMTC avait créé plusieurs SNC qui devaient acheter du matériel, notamment d'orpaillage et centrales de béton destinés à être donné en crédit bail à des professionnels des DOM-TOM;

Qu'elle avait ensuite cédé ses participations dans ces SNC à des investisseurs qui apportaient en compte courant les sommes nécessaires au financement des opérations précitées pour en retirer le bénéfice fiscal autorisé par la loi Pons;

Que la fraude, sanctionnée pénalement, est née du fait que les fonds investis n'ont pas été affectés aux investissements envisagés;

Que les investigations opérées par les services fiscaux, à l'origine de redressements pour les intimés, ont démontré que la SARL Golden Water 4, présentée aux investisseurs comme preneuse d'un matériel, dont ni l'achat, ni la livraison n'étaient établis, malgré les factures pro forma produites, et censée être domiciliée à Ekiny en Guyane y était inconnue;

Considérant que s'agissant de la SNC Golden Water Investment 4, les juridictions pénales ont mis en évidence que son compte ouvert dans les livres de la banque Delubac & Cie a été crédité de 2.936.320 F puis débité de 1.150.000 F au profit de M. [Z] et de 1.000.000 F au profit de M° [R], commissaire à l'exécution du plan d'une société 'résidence du Parc des Thermes'qui exploitait un hôtel à [Localité 6], pour acquitter le prix de cession de cette entité dans le cadre d'un plan adopté par le tribunal de grande instance d'Alberville le 5 mars 1999;

Considérant que les pièces produites par la banque et annexées au rapport d'expertise déposé le 28 juin 2002 apportent les précisions suivantes:

- les encaissements sur le compte se sont élevés de 1998 à mars 1999 à 2.651.940 F,

- les débits ont été les suivants:

* 26 janvier: chèque de banque de160.000 F, émis le 18 janvier 1999 à l'ordre de American Express,

* 28 janvier: virement de 150.000 F au profit de M. [Z],

* 28 janvier: chèque de 320.000 F, émis le 27 janvier à l'ordre de la SNC correspondant à un retrait d'espèces,

* 2 mars: chèque de 10.000 F, émis le 31 janvier 1999 correspondant à un retrait d'espèces,

* 3 mars: chèque de banque de 1.000.000 F, émis le 12 février à l'ordre de M° [R],

* 23 mars: virement de 1.000.000 F au profit d'un compte ouvert au nom de M. [Z] dans une banque sise à Bamako (Mali) majoré de 964 F de frais;

Considérant que MM. [X] et [F] soutiennent que l'anormalité apparente de ces divers retraits traduirait un manquement de la banque à son devoir de vigilance;

Qu'ils caractérisent l'anomalie par le laps de temps très court qui s'est écoulé entre l'approvisionnement du compte et les paiements effectués qui ont 'vidé le compte', par le fait que M. [Z] a été le principal bénéficiaire des transferts de fonds, opérant à deux reprises à des retraits d'espèce qualifiés de suspects par les intimés;

Mais considérant que le banquier n'a pas à contrôler, pour le compte de tiers, la régularité, la licéité ou l'opportunité des mouvements de fonds des comptes ouverts en ses livres;

Que tenu à un principe de non ingérence ou de non immixtion dans les affaires de son client, il ne saurait voir sa responsabilité engagée que dans l'hypothèse d'une anormalité manifeste de l'opération effectuée;

Considérant qu'en l'espèce la banque Delubac & Cie n'avait aucun motif de mettre en doute la validité des encaissements opérés par M. [Z], dirigeant de la société cliente;

Que le court laps de temps séparant les versements des retraits n'est pas en soi une anomalie, ni davantage la demande d'espèces au moyen de chèques réguliers signés par son dirigeant, également gérant de son principal actionnaire et associé lui-même sur un compte qui présentait un crédit suffisant;

Considérant encore que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la banque aurait pu, avant de rédiger un chèque de banque à l'ordre de M° [R], solliciter de sa cliente des pièces justificatives de sa demande qui lui auraient permis de constater que l'acquisition d'une résidence hôtelière ne rentrait pas dans son objet social;

Qu'il ne peut en effet être demandé à une banque qui traite des milliers d'opérations par jour de se livrer à de telles investigations qui ne lui incombent pas alors encore qu'elle n'a pas à se faire juge du contenu de l'objet social tel que défini par les statuts;

Considérant que la même observation s'impose pour le virement à une banque malienne, étant encore observé que la banque n'y a procédé que sur ordre écrit de M. [Z], demandant un transfert 'swift' pour un objet explicité: garanties des pénalités de retard et de la conformité d'un matériel de concassage, criblage, lavage et bétonnage en cours de production et que la banque ne pouvait, sans sortir de ses obligations de discrétion précitées, refuser ce transfert demandé aux motifs que sa cliente ne pouvait avoir d'activité hors DOM-TOM;

Considérant enfin que si, comme le soutiennent les intimés et comme l'a retenu le tribunal, la banque est tenue à une vigilance spéciale envers les comptes ouverts par une société en formation au double motif que les fonds de souscription ne doivent pas être débloqués et que toutes les opérations devront être ratifiées par la société après son immatriculation, aucune des opérations réalisées entre le début de son activité, 29 décembre 1998 et son inscription au registre du commerce, le 26 février 1999, ne pouvait attirer les soupçons de la banque, de par leur montant, 630.000 F, ne représentant que 24% du crédit du compte;

Considérant qu'ainsi aucune faute n'est établie à l'encontre de la Banque Delubac & Cie et qu'il convient, infirmant le jugement infirmé, de débouter MM. [X] et [F] de leurs demandes;

Considérant que l'équité ne commande pas l'application au profit de la banque des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

PAR CES MOTIFS :

Infirme le jugement entrepris;

Déboute MM. [X] et [F] de leurs demandes;

Déboute la Banque Delubac & Cie de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile;

Condamne MM. [X] et [F] aux dépens avec distraction au profit de l'avoué concerné dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 08/16530
Date de la décision : 21/01/2011

Références :

Cour d'appel de Paris I6, arrêt n°08/16530 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-01-21;08.16530 ?
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