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20/01/2011 | FRANCE | N°09/00445

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 20 janvier 2011, 09/00445


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12



ARRÊT DU 20 Janvier 2011

(n° , pages)







Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/00445 JD



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Novembre 2008 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de BOBIGNY RG n° 08-00717/B









APPELANTE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA SEINE SAINT DENIS (CPAM 93)

[Adresse

2]

[Localité 5]

représentée par M. [P] [U] en vertu d'un pouvoir spécial











INTIMÉE

SOCIÉTÉ UNION TECHNIQUE DU BATIMENT

[Adresse 1]

[Localité 6]

représentée par Me Franck SINGER, avo...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 20 Janvier 2011

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/00445 JD

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Novembre 2008 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de BOBIGNY RG n° 08-00717/B

APPELANTE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA SEINE SAINT DENIS (CPAM 93)

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée par M. [P] [U] en vertu d'un pouvoir spécial

INTIMÉE

SOCIÉTÉ UNION TECHNIQUE DU BATIMENT

[Adresse 1]

[Localité 6]

représentée par Me Franck SINGER, avocat au barreau de PARIS, toque : D 903 substitué par Me Roxana BUNGARTZ, avocat au barreau de PARIS

Monsieur le Directeur Mission nationale de contrôle et d'audit des organismes de sécurité sociale

[Adresse 3]

[Localité 4]

régulièrement avisé - non représenté.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 02 Décembre 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Jeannine DEPOMMIER, Président

Monsieur Louis-Marie DABOSVILLE, Conseiller

Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Mlle Christel DUPIN, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Jeannine DEPOMMIER, Président et par Mademoiselle Christel DUPIN, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

* *

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est expressément référé à cet égard.

Il suffit de rappeler que :

* monsieur [Y] [O], salarié de la société anonyme UNION TECHNIQUE DU BATIMENT en qualité d'étancheur, a été victime d'un accident le 29 mars 2002 à 9 heures 30 sur son lieu de travail, déclaré le même jour, dans les circonstances suivantes : «a reçu une bouteille de gaz sur la tête et en voulant se protéger s'est fait mal à la main»,

* le certificat médical initial établi le 29 mars 2002 par le service des urgences du centre hospitalier de [Localité 7] faisait état d'une plaie articulaire IPP 3ème doigt (un point profond et 6 points cutanés) contusion 3ème et 4ème doigt main droite, traumatisme crânien sans PCI et plaie superficielle non suturable du cuir chevelu, contusion du genou gauche, entorse bénigne cervicale,

* par lettre du 5 avril 2002, la caisse primaire d'assurance-maladie de la Seine-Saint-Denis, ci-après désignée la caisse, a informé l'employeur que la procédure d'instruction était terminée et qu'il pouvait consulter le dossier dans les 10 jours,

*de nouvelles lésions étaient constatées les 15 juin 2004 et 11 mai 2005,

*après avoir vainement contesté devant la commission de recours amiable de la caisse l'opposabilité à son égard de la décision de prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels de l'accident du 29 mars 2002 et des lésions nouvelles, la société UNION TECHNIQUE DU BATIMENT, ci-après désignée la société UTB, a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny,

*par jugement contradictoire du 25 novembre 2008, cette juridiction l'a déboutée de sa demande d'inopposabilité concernant l'accident lui-même, a fait droit à la demande d'inopposabilité des décisions de prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels des lésions nouvelles déclarées les 15 juin 2004 et 11 mai 2005 et dit en conséquence que la caisse devrait procéder à la régularisation du compte employeur,

*la caisse a régulièrement interjeté appel par lettre recommandée postée le 9 janvier 2009 de cette décision qui lui avait été notifiée par lettre recommandée avec avis de réception signé le 10 décembre précédent.

À l'audience du deux décembre 2010, la caisse par la voix de son représentant, développe oralement ses conclusions visant à voir infirmer le jugement en ce qu'il a dit inopposable à l'employeur ses décisions de prise en charge au titre de la législation professionnelle des lésions nouvelles déclarées les 15 juin 2004 et 11 mai 2005. Elle approuve le jugement en ce qu'il a déclaré opposable sa décision de prise en charge de l'accident survenu au temps et au lieu du travail en présence d'un témoin connu le jour même de l'employeur et déclaré sans réserve. Elle fait valoir que dans ce cas, elle était en droit d'effectuer une reconnaissance d'emblée au titre de la législation professionnelle et n'était pas tenue de l'obligation d'information prévue par l'article R 441-11 du code de la sécurité sociale. Elle explique que, bien que n'ayant pas d'obligation, elle a néanmoins informé l'employeur par lettre recommandée du 5 avril 2002 avec avis de réception du 9 suivant de la possibilité de consulter le dossier pendant 10 jours, et a pris sa décision de prise en charge de l'accident du travail le 17 avril 2002. En ce qui concerne les nouvelles lésions, elle soutient que là encore, elle n'était pas tenue à l'obligation d'information de l'employeur dans la mesure où d'une part, les deux certificats médicaux les constatant mentionnaient qu'il s'agissait de prolongation des arrêts relatifs à l'accident initial du 29 mars 2002 et d'autre part, elles n'étaient pas assimilables à des rechutes étant intervenues avant toute consolidation. Elle fonde sa position sur un arrêt de la Cour de Cassation du 11 juin 2009. Elle fait remarquer qu'elle a néanmoins informé l'employeur qui selon elle, ne peut pas lui reprocher un manquement à une obligation qu'elle n'a pas dans le cadre de nouvelles lésions.

La société UTB fait plaider par son conseil les conclusions déposées visant à voir confirmer le jugement en ce qu'il lui a déclaré inopposables les décisions de prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels des lésions nouvelles déclarées les 15 juin 2004 et 11 mai 2005 et l'infirmer en ce qu'il lui a déclaré opposable la décision de prise en charge de l'accident du 29 mars 2002. Elle demande à la cour d'ordonner le retrait de l'ensemble des sommes afférentes à cet accident comme aux lésions nouvelles de son compte employeur et de faire procéder à la rectification des tarifications subséquentes ; en tout état de cause, elle conclut que soit jugé que la décision rendue sur recours de l'employeur n'est pas susceptible de remettre en cause les droits du salarié.

Elle insiste sur la contradiction consistant pour la caisse à soutenir qu'elle a pris en charge d'emblée l'accident au titre de la législation sur les risques professionnels et en même temps à l'avoir informée de la clôture de l'instruction. Elle se plaint de ce que la caisse ne lui a laissé qu'un délai de quatre jours utiles pour consulter le dossier et faire valoir ses éventuelles observations préalablement à la décision de prise en charge de l'accident déclaré le 29 mars 2002, ce qu'elle assimile à un non-respect de l'obligation d'information de l'employeur. En ce qui concerne les lésions nouvelles, elle reproche à la caisse de ne pas lui avoir communiqué les éléments recueillis susceptibles de lui faire grief et notamment l'avis rendu par le médecin conseil sur leur rattachement à l'accident initial du 29 mars 2002. Elle affirme que la caisse se devait de respecter le formalisme lié à l'information préalable de l'employeur dès lors qu'elle avait effectué les premières démarches en ce sens.

Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Aux termes de l'article R 441-11 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige, hors les cas de reconnaissance implicite et en l'absence de réserve de l'employeur, la caisse doit, avant de se prononcer sur le caractère professionnel d'un accident ou d'une maladie, aviser l'employeur des éléments susceptibles de lui faire grief ainsi que de la fin de la procédure d'instruction, de la possibilité de consulter le dossier et de la date à laquelle elle entend prendre sa décision ; pour que soit respecté le principe du contradictoire, le délai imparti à l'employeur doit être suffisant pour lui permettre effectivement de prendre connaissance du dossier avec notamment les éléments lui faisant grief et être en mesure de présenter ses observations.

En l'espèce, il résulte des pièces produites que :

- la caisse a adressé à la société UTB une lettre de clôture de l'instruction datée du vendredi 5 avril 2002, pour l'informer de la possibilité de venir consulter les pièces constitutives du dossier pendant 'un délai de 10 jours à compter de la date d'établissement de ce courrier» soit le lundi 15 avril 2002,

- ce courrier n'a été réceptionné par sa destinataire que le mardi 9 suivant selon les propres écritures de l'appelante, confirmées en cela par la copie de l'avis de réception déposé par elle au dossier du tribunal des affaires de sécurité sociale transmis à la cour en application de l'article 968 du code de procédure civile.

Il apparaît ainsi que le délai de 10 jours annoncé dans le courrier de la caisse pour permettre à l'employeur de venir consulter le dossier et présenter ses observations, s'est trouvé, de fait, réduit à moins de 4 jours pleins ; un tel délai n'est pas suffisant pour garantir le respect du principe du contradictoire et permettre à l'employeur de formuler utilement ses observations. Il importe peu que finalement elle n'ait pris sa décision que le 17 avril 2002, comme elle l'écrit dans ses conclusions dès lors que l'employeur n'avait pas été informé préalablement et en temps utile de ce délai complémentaire de deux jours.

La caisse ne peut utilement se prévaloir de ce qu'elle n'avait pas d'obligation d'information dès lors qu'elle reconnaissait d'emblée en l'absence de réserve de l'employeur le caractère professionnel de l'accident. En choisissant d'informer la société UTB de la clôture de l'instruction, -ce qui contredit l'hypothèse d'une décision immédiate- elle se devait de respecter intégralement le principe du contradictoire.

Ce manquement rend la décision de prise en charge de l'accident lui-même au titre de la législation sur les risques professionnels inopposable à l'employeur ; c'est donc à tort que les premiers juges ont débouté la société UTB de son recours et le jugement doit être infirmé sur ce point.

En ce qui concerne les lésions nouvelles, par des motifs pertinents que la cour adopte, les premiers juges ont, après avoir rappelé que la présomption d'imputabilité des lésions se produisant au temps et au lieu du travail concerne non seulement celles qui se manifestent immédiatement ou dans un temps voisin de l'accident mais également celles survenues avant la date de consolidation, relevé que dans la mesure où la décision de prise en charge fait suite à une mesure d'instruction, la caisse est tenue à son obligation générale d'information découlant de l'article R 441-11 du code de la sécurité sociale.

Il est établi que la caisse a effectivement adressé les 1er et 9 juillet 2004 à la société UTB deux courriers, le premier pour l'informer de la réception du certificat médical du 15 juin 2004 faisant état de nouvelles lésions, de la nécessité pour elle de recourir à un avis médical avant de se prononcer sur leur rattachement à l'accident du 29 mai 2002 et par conséquence de l'existence de l'instruction de la demande en cours, le second pour lui annoncer qu'elle recourait à un délai complémentaire d'instruction n'ayant pu arrêter sa décision dans le délai de 30 jours. La caisse adressait encore à la société UTB une lettre datée du 2 juin 2005 l'informant de la réception d'un certificat médical révélant une nouvelle lésion et reprenant les mêmes mentions que la lettre du 1er juillet 2004. Avec l'envoi de ces trois courriers, la caisse s'est soumise à une obligation complète d'information de l'employeur et se devait de respecter intégralement le principe du contradictoire. En omettant de transmettre à l'employeur le double du volet un des certificats médicaux faisant état des nouvelles lésions puis de l'aviser de la clôture de l'instruction, de la possibilité de consulter le dossier et de faire valoir ses observations préalablement à sa décision dont elle devait annoncer la date, la caisse a manqué à ses obligations.

C'est en conséquence à juste titre que les premiers juges ont déclaré les deux décisions de la caisse de prise en charge des lésions nouvelles déclarées les 4 juin 2004 et 11 mai 2005 au titre de la législation sur les risques professionnels inopposables à la société UTB et le jugement doit en conséquence être confirmé de ce chef.

L'inopposabilité des décisions de prise en charge par la caisse au titre de la législation sur les risques professionnels de l'accident du 29 mars 2002 ainsi que des lésions déclarées les 4 juin 2004 et 11 mai 2005 impose que soit ordonné le retrait de l'ensemble des sommes afférentes à ces trois événements du compte employeur de la société UTB et qu'il soit procédé à la rectification des tarifications subséquentes.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Déclare la caisse primaire d'assurance-maladie de la Seine-Saint-Denis recevable mais mal fondée en son appel principal ;

Déclare la société anonyme UNION TECHNIQUE DU BATIMENT bien fondée en son appel incident ;

Confirme le jugement rendu le 25 novembre 2008 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny en ce qu'il a déclaré inopposable à la société UNION TECHNIQUE DU BATIMENT les décisions de la dite caisse de prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels des lésions nouvelles après l'accident dont a été victime monsieur [Y] [O] le 29 mars 2002 et constatées les 4 juin 2004 et 11 mai 2005 et en a tiré les conséquences ;

L'infirme uniquement en ce qu'il a déclaré opposable à la société UNION TECHNIQUE DU BATIMENT la décision de la dite caisse de prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels de l'accident dont a été victime monsieur [Y] [O] le 29 mars 2002 ;

Statuant à nouveau :

Déclare inopposable à la société UNION TECHNIQUE DU BATIMENT la décision de prise en charge au titre des risques professionnels de l'accident dont a été victime monsieur [Y] [O] le 29 mars 2002 ;

Ordonne le retrait de l'ensemble des sommes afférentes à cet accident du compte employeur de la société UNION TECHNIQUE DU BATIMENT et dit que la caisse devra procéder à la régularisation de ce compte ainsi qu'à la rectification des tarifications subséquentes ;

Rappelle que la partie du jugement confirmé comme la présente décision rendue sur recours de l'employeur n'est pas susceptible de remettre en cause les droits du salarié ;

Dispense l'appelante qui succombe, du droit d'appel prévu par l'article R 144-10, alinéa 2, du code de la sécurité sociale.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 09/00445
Date de la décision : 20/01/2011

Références :

Cour d'appel de Paris L3, arrêt n°09/00445 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-01-20;09.00445 ?
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