Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 4
ARRET DU 19 JANVIER 2011
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/28912
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 7 décembre 2009 rendue par le Président de la Commission d'Indemnisation des Victimes d'Infractions - CIVI- Tribunal de Grande Instance d'EVRY - RG n° 09/00139
APPELANTES
- Madame [X] [P]
[Adresse 12]
[Adresse 12]
[Localité 7]
- Madame [G] [T] épouse [E]
[Adresse 3]
[Localité 5]
- Madame [V] [C]
[Adresse 2]
[Localité 8]
représentées par la SCP BOMMART-FORSTER - FROMANTIN, avoués à la Cour
assistées de Me Frank NATALI, avocat au barreau D'ESSONNE
INTIME
FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES D'ACTES DE TERRORISME ET AUTRES INFRACTIONS
[Adresse 6]
[Localité 10]
représenté par la SCP HARDOUIN, avoués à la Cour
assisté de Me Bernard FLORENT, avocat au barreau de PARIS, toque E 549
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 1er décembre 2010, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Renaud BOULY de LESDAIN, président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Renaud BOULY de LESDAIN, président
Marie-Christine LAGRANGE, conseiller
Julien SENEL, magistrat placé nommé par ordonnance de roulement du Premier Président en date du 30 août 2010 pour compléter la formation
Greffier, lors des débats : Marine RIGNAULT
Ministère Public : qui a fait connaître son avis par conclusions
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Renaud BOULY de LESDAIN, président et par Marine RIGNAULT, greffier présent lors du prononcé.
******
Considérant que [X] [P], née le [Date naissance 9] 1972, et [G] [T], née le [Date naissance 4] 1970, ont été victimes courant 1985 et 1986 de viols avec violence, contrainte ou surprise, en réunion, sur mineure de 15 ans, par [I] [T], leur beau-père et père ;
Considérant que [I] [T] a été condamné pour ces faits, par contumace, par arrêt de la cour d'assises de l'Essonne du 1 avril 1992 ;
Considérant que Mmes [P] et [T] ont obtenu l'indemnisation de leurs préjudices par arrêt de la cour d'appel de Paris du 7 février 1997 statuant sur appel d'une décision rendue par la commission d'indemnisation des victimes du tribunal de grande instance d'Évry ;
Considérant qu'après son arrestation en septembre 2007, [I] [T] été déclaré coupable et condamné sur son opposition à l'arrêt précité par arrêt de la cour d'assises de l'Essonne en date du 30 mai 2008 ;
Considérant que Mmes [P] et [T] et Mme [V] [C], leur mère, ont saisi le 29 mai 2009 le président de la commission d'indemnisation des victimes d' infractions du tribunal de grande instance d'Évry d'une demande d'expertises médico - psychologiques afin d'évaluer leur préjudice et, subsidiairement, d'allocations de diverses sommes d'argent en réparation de leurs préjudices exposant que depuis les expertises effectuées en 1987 aucune expertise n'avait été effectuée et qu'il n'avait pas été tenu compte de la crainte dans laquelle elles avaient vécu pendant 20 ans, jusqu'à l'arrestation de M.[T] ;
Considérant que par décision du 7 décembre 2009, le président de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions du tribunal de grande instance d'Évry a débouté les requérantes de leurs demandes aux motifs qu'elles ne pouvaient prétendre à la réparation que des seuls dommages résultant du viol et non du préjudice résultant de la crainte dans laquelle elles avaient vécu pendant 20 ans, la fuite de l'auteur n'étant pas elle-même constitutive d'une infraction et que les sujétions inhérentes à la comparution en justice n'entraient pas dans les prévisions de l'article 706 ' 3 du code de procédure pénale ;
Considérant que Mmes [P] et [T] et Mme [C] ont régulièrement relevé appel de cette décision ; qu'elles demandent à la cour de faire droit à leurs demandes d'expertises médico-psychologiques et en ce qui concerne les demandes d'indemnités présentées à titre subsidiaire qui relèvent de la compétence de la commission d'indemnisation des victimes, de renvoyer l'examen de ces demandes à ladite commission ;
Qu'elles font valoir essentiellement que, conformément aux réquisitions de l'avocat général, les arrêts de contumace ont été mis à néant par la nouvelle procédure diligentée à l'encontre de M.[T] et que s'il appartenait au président de la commission de statuer sur les demandes d'expertises, il ne lui appartenait pas de statuer au fond sur les demandes d'indemnités qui relèvent de la commission elle-même ;
Considérant que Mme l'avocat général TERRIER MAREUIL conclut d'une part à la recevabilité des demandes d'expertise formées par Mmes [P] et [T] au motif qu'à raison de la contumace tout se passe comme si l'accusé n'avait jamais été jugé et les victimes sont contraintes de revivre tout ce que ce qu'elles ont subi et tenté d'oublier et d'autre part à l'incompétence du président de la commission d'indemnisation des victimes pour les demandes subsidiaires, ce magistrat n'ayant compétence que pour fixer des indemnités provisionnelles ;
Considérant que le Fonds de garantie conclut à la confirmation sur les mêmes motifs que ceux énoncés dans la décision déférée par le président de la CIVI ;
SUR CE,
Considérant que selon l'article 706 ' 3 du code de procédure pénale ne peut être réparé que le préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction ;
Considérant cependant que par l'effet de l'anéantissement de l'arrêt de condamnation prononcé par contumace, le contumax ne pouvant acquiescer à l'arrêt qui l'a condamné et devant être rejugé contradictoirement, le principe selon lequel le préjudice résultant de l'exercice d'une voie de recours par les auteurs de l'infraction ainsi que les sujétions inhérentes à la comparution en justice n'entrent pas dans les prévisions de l'article 706 ' 3 du code de procédure pénale ne peut recevoir application ; qu'en conséquence les demandes d'expertise formées par Mmes [P] et [T] sont recevables en droit et fondées en fait par les pièces médicales produites qui révèlent des atteintes sérieuses à la personne ;
Considérant qu'en revanche la demande d'expertise médicale formée par Mme [C] n'est pas justifiée ; que celle-ci sera renvoyée directement devant la CIVI d'EVRY pour qu'il soit statué sur le mérite de sa demande d'indemnité ;
PAR CES MOTIFS,
Infirmant la décision déférée,
Déclare recevables et fondées les demandes d'expertise médico psychologiques formées par Mmes [P] et [T]
COMMET pour y procéder M. le docteur [K] [L]
[Adresse 13]
[Adresse 13]
[Localité 11]
tél: [XXXXXXXX01]
Avec pour mission, eu égard à la nomenclature nouvelle des préjudices corporels ci-jointe, de :
- se faire communiquer et consulter tous les documents médicaux relatifs à l'accident depuis les premières constatations jusqu'aux derniers bilans pratiqués,
- déterminer les blessures consécutives à l'accident dont Mmes [P] et [T] ont été victimes en indiquant leur évolution et les traitements suivis,
- dans l'hypothèse d'un état antérieur pouvant avoir une incidence sur le dommage subi, préciser si cet état :
* était révélé et traité avant les faits (dans ce cas, préciser les périodes, la nature et l'importance des traitement antérieurs et s'il existait un déficit fonctionnel antérieur),
* a été aggravé ou a été révélé ou décompensé par les faits,
* si, en l'absence de ces faits, il aurait entraîné un déficit fonctionnel et, dans l'affirmative, dans quel délai et à concurrence de quel taux,
- fixer la date de consolidation,
- décrire et fixer le déficit fonctionnel temporaire avant consolidation,
- décrire et évaluer les souffrances endurées avant la consolidation,
- décrire et évaluer le préjudice esthétique temporaire avant consolidation,
- décrire le déficit fonctionnel permanent, caractérisé par les atteintes aux fonctions physiologiques, la perte de la qualité de vie et les troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence personnelles, familiales et sociales,
- décrire et préciser les besoins en véhicule adapté,
- décrire et préciser les besoins en assistance par tierce personne (pour quels actes de la vie courante et/ou pour quels actes spécifiques et pendant combien d'heures) :
* d'une part pendant la période avant consolidation,
* d'autre part à titre permanent,
- décrire les incidences professionnelles des blessures en donnant un avis détaillé sur la difficulté ou l'impossibilité pour la victime de :
* poursuivre l'exercice de son activité professionnelle antérieure,
* réaliser une conversion professionnelle,
- évaluer le préjudice d'agrément en précisant si Mmes [P] et [T] peutvent continuer à pratiquer les activités sportives ou de loisirs qu'elles déclarent avoir pratiquées,
- évaluer le préjudice esthétique permanent,
- évaluer le préjudice sexuel éventuel en précisant s'il s'agit de difficultés ou de l'impossibilité d'avoir des relations sexuelles,
- décrire et évaluer, s'ils existent, les préjudices permanents exceptionnels subis par les victimes,
- dire si leur état est susceptible de modifications (aggravation ou amélioration) et, dans l'affirmative, fournir toutes précisions utiles sur cette évolution,
- fournir, de manière générale, tous autres renseignements d'ordre médical qui paraîtraient utiles à la solution du litige,
DIT que l'expert pourra, en cas de nécessité, s'adjoindre le concours de tout spécialiste de son choix dans un domaine distinct du sien après avoir avisé les parties et leurs conseils,
DIT que l'expert adressera son rapport définitif aux parties et le déposera en double exemplaire au Greffe de la Cour avant le 30 avril 2011
DIT que l'expert accomplira sa mission sous le contrôle de Monsieur le Président de la Chambre 2-4 et, à défaut, de tout magistrat de la Chambre, conformément aux dispositions des articles 623 et suivants du code de procédure civile,
DIT qu'en cas d'empêchement ou de refus de l'expert, il sera pourvu à son remplacement par ordonnance rendue sur requête,
DIT que les frais d'expertise seront supportés par le Trésor Public conformément aux dispositions de l'article 92 du code de procédure pénale,
Dit qu'après le dépôt des rapports ceux-ci seront transmis par le greffe de la chambre à la CIVI d'EVRY pour qu'il soit statué ce que de droit ;
Déclare recevable la demande d'indemnité formée par Mme [C] et la renvoie devant la CIVI d'EVRY pour qu'il soit statué ce que de droit ;
Alloue aux requérantes la somme globale de 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
LAISSE les dépens d'appel à la charge du Trésor Public conformément aux articles R 91 et R 92.15 du code de procédure pénale lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT