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19/01/2011 | FRANCE | N°09/13977

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 19 janvier 2011, 09/13977


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 4



ARRET DU 19 JANVIER 2011



(n° 22 , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 09/13977



Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Mai 2009

Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2007030185





APPELANTE



S.A.R.L. LINA'S BOUTIQUES venant aux droits de la société LG & ASSOCIES agissant poursuites

et diligences de son représentant légal

[Adresse 3]

[Localité 4]



représentée par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avoués à la Cour

assistée de Me FERCHICHE Lila, avocat au barreau de PARIS...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 4

ARRET DU 19 JANVIER 2011

(n° 22 , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/13977

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Mai 2009

Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2007030185

APPELANTE

S.A.R.L. LINA'S BOUTIQUES venant aux droits de la société LG & ASSOCIES agissant poursuites et diligences de son représentant légal

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avoués à la Cour

assistée de Me FERCHICHE Lila, avocat au barreau de PARIS - toque K24

plaidant pour la SCP LINA'S, avocat

INTIMEE

S.A.S. L & SUD

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour

assistée de Me ROSENFELD Virginie, avocat au barreau de MARSEILLE

plaidant pour la SCP ROSENFELD, avocat

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 1ER décembre 2010 en audience publique, après qu'il ait été fait rapport par M.ROCHE, président de chambre , conformément aux dispositions de l'article 785 du Code de procédure civile, devant la Cour composée de :

- M.LE FEVRE, président de chambre, président

- M.ROCHE, président de chambre

- M.VERT, conseiller

Greffier lors des débats : Mme CHOLLET

ARRET

- contradictoire

- prononcé publiquement par M. LE FEVRE, président

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. LE FEVRE, président et Mme CHOLLET, greffier.

LA COUR,

Vu le jugement en date du 26 mai 2009 par lequel le Tribunal de commerce de PARIS a condamné la société LINA'S BOUTIQUE à verser à la société L&SUD la somme de 389 428 euros à titre de dommages et intérêts outre celle de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ayant indiqué dans les motifs, sans le reprendre dans le dispositif qu'il prononçait la nullité du contrat de franchise ;

Vu l'appel interjeté par la société LINA'S BOUTIQUE et ses conclusions enregistrées le 5 novembre 2010 et tendant à faire, notamment :

- dire que la société L&SUD a conclu le contrat de franchise du 28 juin 2000 en toute connaissance de cause, excluant l'existence de manoeuvres dolosives de sa part, qu'elle n'a manqué à aucune de ses obligations contractuelles et en particulier qu'elle n'a pas violé la clause d'exclusivité ;

- en conséquence, infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de franchise et l'a condamnée à verser à la société L&SUD la somme de 389 428 euros au titre du préjudice prétendument subi par cette dernière et débouter la société L&SUD de l'ensemble de ses demandes dirigées à son encontre ;

- dire que la société L&SUD a manqué à ses obligations contractuelles en vertu de l'article 6 du contrat, constater l'utilisation illégale de la marque, de l'enseigne et des signes distinctifs du réseau LINA'S par la société L&SUD et prononcer, en conséquence, la résolution du contrat de master-franchise à ses torts exclusifs à compter du 31 décembre 2001 ;

- condamner la société L&SUD à lui verser la somme de 143 536 euros au titre de manquement à son obligation essentielle de développer le réseau, outre celles de 16 365,55 euros, sauf à parfaire, au titre des redevances impayées avec les intérêts et la capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du Code civil, de 2 800,97 euros au titre des factures de transport impayées et de 100 000 euros en réparation des préjudices causés à l'image de son réseau et faire injonction à la société L&SUD de cesser l'utilisation de la marque et de tout autre signe distinctif d'appartenance au réseau LINA'S sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

- débouter la société L&SUD de toutes ses demandes ;

A titre subsidiaire,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à restituer les sommes de 19 056, 32 472, 7 623 et 214 502 euros et juger que ces sommes ne sont pas dues,

- condamner, en tout état de cause, la société L&SUD à lui verser la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu, enregistrées le 19 novembre 2010, les conclusions présentées par la société L&SUD et tendant à faire, notamment :

- confirmer le jugement entrepris et débouter la société LINA'S BOUTIQUE de toutes ses demandes,

- dire qu'elle a été trompée par les manoeuvres et la réticence dolosive de la société LINA'S BOUTIQUE, que les sommes investies et réglées par le franchisé sont dépourvues de cause, prononcer la nullité de la convention initiale et des contrats subséquents et condamner, en conséquence, le défendeur au paiement de la somme de 550 000 euros outre intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts, somme à parfaire car arrêtée pour les besoins de la procédure à fin septembre 2006 ;

subsidiairement,

- condamner la société LINA'S BOUTIQUE au paiement des mêmes sommes sur le fondement de la responsabilité contractuelle soit au paiement de la somme de 550 000 euros au regard des manquements constatés et prononcer la résolution judiciaire du contrat aux torts exclusifs du franchiseur,

- vu le manquement à l'obligation d'exclusivité, ordonner, en tout état de cause et sous astreinte de 3 000 euros par jour à compter du prononcé du jugement, la fermeture des deux établissements LINA'S ouverts à [Localité 7] en violation avec le contrat souscrit et condamner la société LINA'S BOUTIQUE au paiement de la somme de 350 000 euros à titre de dommages et intérêts complémentaires ;

- la débouter de ses demandes reconventionnelles,

- dire que la compensation devra s'opérer entre le montant des dommages et intérêts dus par la société LINA'S BOUTIQUE et le montant des sommes qu'elle devra éventuellement;

condamner la société LINA'S BOUTIQUE au paiement de la somme de 5 000 euros au titre des frais hors dépens ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société L.G & ASSOCIES, aux droits de laquelle vient la société LINA'S BOUTIQUE, qui a conçu, exploite et développe un système de fabrication et de diffusion de sandwiches haut de gamme commercialisés sous la marque « LINA'S » et la société L&SUD, ont conclu le 28 juin 2000 un contrat de « master franchise » aux termes duquel le masterfranchiseur concédait à L&SUD l'exploitation du système et la possibilité d'avoir des sous-franchisés dans les départements des BOUCHES DU RHÔNE, du VAR, du VAUCLUSE et des ALPES MARITIMES moyennant le versement d'un droit d'entrée et d'une redevance mensuelle égale à 5% du chiffre d'affaire hors taxes ; que ce contrat conclu pour une durée de neuf ans comportait, par ailleurs, une clause d'exclusivité interdisant à la société LINA'S BOUTIQUE d'ouvrir un point de vente sur le territoire contractuellement attribué à la société L&SUD ou d'y consentir une franchise à un tiers et imposait au franchisé l'ouverture d'au moins trois points de vente exploités directement et la conclusion d'au moins trois contrats de sous-franchise au cours des quatre premières années du contrat selon un calendrier déterminé; que la société L&SUD indique avoir rencontré dès le début de l'exploitation de la « master-franchise » des difficultés sans jamais pouvoir atteindre le chiffre d'affaire prévisionnel qui lui avait été indiqué lors de la conclusion du contrat et au surplus en dégageant des pertes ; que la société LINA'S BOUTIQUE, pour sa part, imputant à son franchisé divers manquements contractuels et, notamment, l'absence de paiement de certaines redevances, le non-respect du calendrier d'ouverture des points de vente ainsi que la fermeture prématurée de l'un d'entre eux a, postérieurement à un courrier envisageant cette possibilité à laquelle ne se serait pas opposée la société L&SUD, autorisé un franchisé situé à [Localité 6] à ouvrir un point de vente à [Localité 7] ; que l'intimée, estimant avoir investi des sommes importantes sur la base de « prévisionnels et d'informations erronées » fournis par le franchiseur, n'avoir obtenu aucune des contreparties contractuellement prévues et devoir faire face à une violation caractérisée de la clause d'exclusivité susmentionnée a, par acte en date du 25 avril 2007, assigné la société LINA'S BOUTIQUE devant le Tribunal de commerce de PARIS aux fins de faire constater la violation du contrat de franchise et la responsabilité du franchiseur à son égard, outre le dol et l'absence de cause du contrat ; que la société LINA'S BOUTIQUE, considérant, pour sa part, que le franchisé persistait à ne pas se conformer à ses obligations contractuelles, a mis en demeure la société L&SUD le 24 juillet 2007 d'avoir à lui régler la somme de 10 336,31 euros correspondant aux redevances dues pour les mois de novembre 2006 à mai 2007 et à des frais de transport dus pour les mois de février 2006 à février 2007 ; que cette mise en demeure étant restée infructueuse, la société LINA'S BOUTIQUE a, par courrier en date du 12 octobre 2007, informé la société L&SUD du fait qu'elle considérait le contrat résolu de plein droit en application de l'article 14 dudit contrat ; qu'enfin, la société LINA'S BOUTIQUE invoquait l'utilisation abusive par la société L&SUD des signes distinctifs de la franchise « LINA'S » postérieurement à la date 31 décembre 2007, date à compter de laquelle l'intimée a été sommée de cesser de les utiliser ; que c'est dans ces conditions de fait et de droit qu'est intervenu le jugement susvisé présentement entrepris ;

Sur la demande formée par la société L&SUD aux fins de nullité du contrat de franchise liant les parties :

Considérant que si les comptes de résultats prévisionnels fournis au titre de l'information contractuelle n'ont pas valeur d'engagement contractuel pour le franchiseur, lequel n'est pas obligé à en garantir la réalisation par le franchisé et si l'existence d'un écart entre les prévisions fournies à titre indicatif et les résultats effectifs de l'exploitation ne constitue pas en tant que tel la preuve de l'insincérité ou de l'irréalisme manifeste desdites prévisions, le franchisé comme tout professionnel du commerce se devant d'apprécier la valeur et la faisabilité des promesses de rentabilité qui lui sont faites dans la mesure où celles-ci ne comportent de la part du promettant aucune obligation de résultat, il ressort cependant de l'examen des pièces du dossier que le contrat litigieux souscrit le 28 juin 2000 prévoyait expressément que pendant la phase préliminaire le franchiseur « après avoir visité le site, donnera son avis sur les possibilités d'exploitation du local. Il étudiera la zone de chalandise, la concurrence, et procèdera à une comparaison sur la base des points de vente LINA'S SANDWICHES existants et indiquera la nature des travaux à envisager. Il donnera une estimation sommaire du coût d'aménagement des locaux et du matériel nécessaire afin d'établir les comptes prévisionnels d'exploitation » ; que néanmoins les informations fournies alors à ce titre par la société LINA'S BOUTIQUES, et notamment les prévisionnels, n'étaient pas seulement « optimistes » mais véritablement irréalistes et dépourvus de toute plausibilité économique dès lors par exemple que le chiffre d'affaire prévu pour la première année et pour un seul point de vente s'élevait à 380 000 euros et à 487 000 euros pour l'année suivante alors que le montant correspondant après plusieurs années d'exercice ne dépassera jamais la somme de 356 035 euros ; que, plus précisément, les résultats de la société L&SUD générèrent un chiffre d'affaire de 316 000 euros pour l'année 2000 et de 286 000 pour l'année suivante, tandis que les pertes d'exploitations pour les années considérées furent respectivement de 165 000 et de 49 0000 euros ;

Considérant, par ailleurs, qu'alors que le franchiseur se devait, conformément aux énonciations de l'article L330-3 du Code de commerce, de fournir un historique de la franchise ainsi qu'une analyse du potentiel du réseau, il a sciemment communiqué un historique partiel en occultant les difficultés de développement du réseau en province ; que c'est ainsi qu'en page 15 du document d'information précontractuel, la présence d'une franchise à [Localité 5] était précisée sans toutefois mentionner que la société en cause rencontrait des difficultés majeures, notamment l'existence de capitaux propres devenus inférieurs dès 1996 à la moitié du capital social du fait des pertes constatées, circonstance que le franchiseur ne pouvait ignorer ; que cette dissimulation volontaire constitue une réticence dolosive ;

Considérant qu'il s'ensuit que l'appelante ne s'est pas bornée à présenter des chiffres prévisionnels d'activité et de bénéfices totalement irréalistes mais a également volontairement déformé la réalité du réseau existant en cachant les difficultés de certains franchisés de province quant à l'exploitation du concept de franchise concédé ; que cette occultation de la réalité et cette rétention d'informations essentielles mettant en cause la viabilité et l'exploitation du concept considéré doivent être regardées comme constitutives d'un dol au sens de l'article 1116 du Code civil commis au détriment du franchisé qui s'est engagé sur la foi d'informations fausses et trompeuses ; qu'il y a lieu, en conséquence, de confirmer le jugement en ce qu'il a implicitement prononcé la nullité du contrat de franchise dont s'agit ;

Considérant qu'il ressort de l'examen des pièces du dossier, et notamment d'une attestation en date du 24 septembre 2008 de son expert comptable produite par la société L&SUD que les sommes engagées par cette dernière au titre du contrat de franchise s'élèvent à la somme totale de 389 428 euros se décomposant comme suit : « concession : 76 224,51 euros, Frais de formation initiale : 19 056,12 euros ; Redevances versées : 39 550,31 euros, intérêts sur l'emprunt : 32 472,25 euros » ; qu'au regard de ces éléments, la Cour dispose des éléments nécessaires pour confirmer le jugement qui a fait droit aux demandes de dommages et intérêts et remboursements formulées par la société L&SUD à hauteur de la somme totale susmentionnée, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt, le jugement n'étant pas exécutoire et capitalisation des intérêts échus dans les conditions de l'article 1154 du Code civil ; qu'en revanche et eu égard à l'annulation ainsi prononcée du contrat de franchise, il n'y a pas lieu d'indemniser la société L&SUD de l'éventuelle violation par la société LINA'S BOUTIQUE de la clause d'exclusivité qui y était insérée ni de lui octroyer des dommages et intérêts à ce titre ;

Considérant, enfin, qu'il convient, en conséquence de ladite annulation, de débouter la société LINA'S BOUTIQUE de l'ensemble de ses demandes en paiement au titre de redevances ou factures de transport impayées afférentes à ladite franchise ainsi qu'aux fins d'injonction ou de dommages et intérêts du fait de prétendus manquements de la société L&SUD à ses obligations contractuelles ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de débouter les parties du surplus de leurs demandes respectives.

Considérant qu'il est équitable d'accorder à la société L&SUD 3 500 euros pour ses frais irrépétibles d'appel ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement en date du 26 mai 2009 en toutes ses dispositions.

Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l'article 1154 du code civil.

Déboute les parties du surplus de leurs demandes respectives.

Condamne la société LINA'S BOUTIQUE aux dépens d'appel avec recouvrement dans les

conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.

La condamne également à verser à la société L&SUD la somme supplémentaire de 3 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 09/13977
Date de la décision : 19/01/2011

Références :

Cour d'appel de Paris I4, arrêt n°09/13977 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-01-19;09.13977 ?
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