La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/01/2011 | FRANCE | N°09/02741

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 18 janvier 2011, 09/02741


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 18 Janvier 2011

(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/02741



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Février 2009 par le conseil de prud'hommes de PARIS Section encadrement RG n° 04/10070





APPELANT



Monsieur [K] [C]

[Adresse 2]

[Localité 4]

comparant en personne, assisté de Me Thierry GATIN, avocat au

barreau de PARIS, toque : C0333







INTIMEE



SAS FOCAL SYSTEMS DEVENUE SOCIETE OSIATIS SYSTEMS

[Adresse 1]

[Localité 6]

représentée par la FROMONT, BRIENS ET ASSOCIES, avocats ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 18 Janvier 2011

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/02741

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Février 2009 par le conseil de prud'hommes de PARIS Section encadrement RG n° 04/10070

APPELANT

Monsieur [K] [C]

[Adresse 2]

[Localité 4]

comparant en personne, assisté de Me Thierry GATIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C0333

INTIMEE

SAS FOCAL SYSTEMS DEVENUE SOCIETE OSIATIS SYSTEMS

[Adresse 1]

[Localité 6]

représentée par la FROMONT, BRIENS ET ASSOCIES, avocats au barreau de LYON substituée par Me Sébastien ARDILLIER, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Novembre 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne-Marie DEKINDER, Conseillère, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente

Madame Anne-Marie DEKINDER, Conseillère

Madame Denise JAFFUEL, Conseillère

Greffier : Mademoiselle Sandrine CAYRE, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente

- signé par Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente et par Mademoiselle Sandrine CAYRE, greffier présent lors du prononcé.

La Cour est saisie de l'appel interjeté par Monsieur [K] [C] du jugement du Conseil des Prud'hommes de PARIS statuant en départage , section encadrement rendu le 26 février 2009 qui l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et rejeté celles de la société FOCAL SYSTEMS tendant notamment à voir prononcer la nullité du rapport d'expertise.

Devant la Cour la SAS OSIATIS SYSTEMS anciennement FOCAL SYSTEMS a indiqué qu'elle ne soulève plus la nullité du rapport d'expertise .

FAITS ET DEMANDES DES PARTIES

Monsieur [K] [C] né le [Date naissance 3] 1964 a été engagé par contrat à durée indéterminée le 3 juin 1991 par la société INSYSCOM PRODUCTION, société de services en ingenierie informatique, en qualité de contrôleur réseau, non cadre ; sa fonction consistait à assurer des missions en clientèle et à apporter les services attendus dans le domaine des réseaux par les utilisateurs ; le contrat stipulait que le lieu actuel de travail était fixé à [Localité 8] mais qu'il pourra être transféré ultérieurement dans toute autre localité de la région parisienne ; le salarié s'engageait à exercer ses fonctions dans tous les lieux d'activité actuels ou futurs de l'entreprise situés en France et à ne pouvoir élever aucune réclamation en ce qui concerne les déplacements de courte durée, tant en France qu'hors de France lorsque la société les jugera utiles pour ses activités ;

A compter du 11 juin 1996 Monsieur [K] [C] est devenu ingénieur de production 2.3,catégorie cadre ;sa rémunération était de 3277.65 € brut sur 12 mois

En Octobre 2001, la société INSYSCOM PRODUCTION et la société ANTALI ont fusionné et constitué la société FOCAL SYSTEMS devenue OSIASTIS SYSTEMS en 2005 ; jusqu'à la fin de l'année 2001 Monsieur [K] [C] a travaillé pour l'agence de [Localité 7] ;

En 2002, Monsieur [K] [C] qui était entre deux missions s'est trouvé en « inter-contrat », dispositif prévu par l'accord national du 22 juin 1999 applicable aux entreprises entrant dans le champ d' application de la convention collective nationale SYNTEC; pendant cette période les salariés continuent à percevoir leur rémunération ;

Au mois d'Octobre 2002, Monsieur [K] [C] a été affecté sur une mission suite à un appel d'offre du CEA de Tours ; cette mission a fait l'objet d'une lettre de cadrage, Monsieur [K] [C] étant intégré dans une équipe pluridisciplinaire constituée pour répondre aux objectifs définis dans la lettre de cadrage versée aux débats qui fait notamment référence à l'expérience acquise par Monsieur [K] [C] dans « les environnements clients et techniques variés » ; cette lettre de cadrage remise à Monsieur [K] [C] faisait état de son planning et des étapes de sa mission ( prise de connaissance de l'appel d'offre, remise des documents de synthèse de préconisation et des périmètres de réponses prises en charges, participation à la rédaction de la réponse à cet appel d'offre au sein du siège social à [Localité 11]) ;

Au reçu de cette mission , Monsieur [K] [C] a adressé un courrier à la société FOCAL SYSTEMS le 10 Octobre 2002 dans lequel il fait état qu'au mois de janvier 2002 la société lui avait dit qu'il n'y avait plus de poste disponible correspondant à ses attributions et qualification, qu'au mois de Juillet suivant on lui avait laissé envisager un éventuel licenciement, qu'il avait alors mis en avant sa situation familiale et les conséquences que cela entraînerait pour lui puisqu'il était père de famille nombreuse et que son épouse ne travaillait pas et ajoutait qu'il considérait que l'ordre de mission qui lui était confiée s'analysait en une modification radicale de ses fonctions, qu'il n'était pas préparé ni habilité à exécuter le projet qui lui avait été remis, qu'il s'agissait d'une man'uvre destinée à le prendre en défaut et qu'en conséquence il refusait une telle modification de ses tâches habituelles qu'il considérait être un véritable changement de fonction ;

La société FOCAL SYSTEMS a répondu à son salarié le 21 Octobre 2002 en lui rappelant en substance:

- le contexte concurrentiel dans lequel la société évoluait, l'engagement qu'elle avait pris en début d'année de maintenir l'emploi en améliorant l'employabilité de ses collaborateurs la nécessité corrélative du sens de la solidarité, de l'engagement, du professionnalisme et de la flexibilité

- qu' elle s'étonnait de la référence à des propos qui auraient été tenus au mois de Juillet par Monsieur [F], directeur des opérations régions, concernant un licenciement puisqu'il n'avait rencontré Monsieur [F] pour la première fois en compagnie de Monsieur [J] son responsable de région que le 30 septembre , rencontre au cours de laquelle il leur avait fait part de ses projets personnels et de son souhait de quitter la société moyennant une indemnité substantielle pour création d'entreprise

- qu'aucune mesure de licenciement n' était envisagée à son égard

- que la réunion du 30 septembre avait permis de mieux appréhender son savoir faire et que c'est dans cet esprit que le 7 Octobre Monsieur [J] lui avait remis la lettre de cadrage concernant sa mission

- que cette mission était en tous points conforme à sa qualification et qu'elle contestait donc les affirmations contenues dans son courrier concernant une quelconque man'uvre destinée à le prendre en faute

Monsieur [K] [C] a ensuite été en arrêt maladie du 14 Octobre 2002 au 18 Octobre 2002 puis du 12 novembre 2002 au 11 février 2003 ;

Le 21 février 2003, la société FOCAL SYSTEMS a adressé un nouvel ordre de mission pour deux mois à Monsieur [K] [C] suite à un entretien du 19 février 2003, il s'agissait d'une mission d'administration et d'exploitation des systèmes d'information et des réseaux informatiques gérés par le CPA ( centre de pilotage et d'administration à distance de FOCAL SYSTEMS ; dans ce courrier, la société FOCAL SYSTEMS indiquait « (...) Nous avons pris note de vos contraintes personnelles évoquées lors de notre entretien du 19 février 2003 pour une mobilisation immédiate sur cette nouvelle mission, nous vous confirmons que celle-ci ne débutera qu' à compter du 10 Mars 2003. De même et conformément à votre demande, vous bénéficierez d'une première période d'immersion de deux semaines au cours de laquelle vous serez soumis à des horaires aménagés par rapport à la mission soit 9 heures à 17h30. A l'issue de cette période de deux semaines, vous intégrerez le planning des rotations établi par le chef de mission applicable aux membres de l'équipe du CPA (...) » ; un descriptif de mission était joint à cette lettre faisant état du lieu de travail Focal Systems [Adresse 5] et mentionnait les horaires à savoir : « l'équipe de jour est organisée pour couvrir des fractions de 7h30 à 16h le matin ou de 14h à 22h30 le soir par rotation du lundi au vendredi. Une équipe de nuit distincte se charge d'assurer le reste de la plage horaire permettant la couverture 24h/24;

Par mail en date du 28 février 2003, Monsieur [K] [C] a accepté sa mission en indiquant toutefois que se trouvant à plus d' une heure trente de son lieu de mission et ne pouvant pas prendre le dernier train de 22h43 il aimerait savoir quels sont ses frais de déplacement ; à même date l'employeur lui a répondu qu'il lui proposait de lui rembourser un aller/retour journalier sur présentation des justificatifs (tickets SNCF) ;

Le 7 Mars 2003 Monsieur [K] [C] a été convoqué à la médecine du travail pour le 14 Mars suivant ; il n'est pas contesté qu'il a été déclaré apte à la fonction ;

Le 20 Mars 2003, le conseil de Monsieur [K] [C] a adressé un courrier à la société FOCAL SYSTEMS dans lequel il reprend l'historique des relations contractuelles des parties, conteste l'intérêts de la mission qui avait été confiée à son client au mois d' Octobre 2002, reprend le thème d'une proposition concomitante de licenciement qui aurait été faite à Monsieur [K] [C], fait état de la dépression en relation avec ses problèmes professionnels qui a conduit Monsieur [K] [C] à être en arrêt maladie de novembre 2002 à février 2003, fait état de ce qu' il aurait repris son travail sans visite médicale qu'il avait dû solliciter, soutient que la nouvelle mission confiée à Monsieur [K] [C] est inférieure à sa qualification réelle, que le salarié a été placé dans un local rempli de cartons, sans téléphone et qu'il n'a pas de badge d'entrée, qu'il ne lui a pas été offert d'indemnités kilométriques mais seulement un billet A/R SNCF, qu'il lui a été interdit de se rendre à un rendez-vous à l'inspection du travail, que la mission constitue une modification substantielle de son contrat de travail intervenue dans des conditions vexatoires et injustifiées, que les faits sont constitutifs de harcèlement moral et qu'à défaut d'une solution amiable des initiatives judiciaires seront prises.

A compter du 20 Mars 2003 Monsieur [K] [C] a été en arrêt de travail sans interruption ;

Le 28 Avril 2003 l'employeur a adressé un courrier à Monsieur [K] [C] s'inscrivant en faux à l'égard de l'ensemble des allégations contenues dans la lettre de son avocat, ajoutant « nous observons, assez curieusement pour la seconde fois consécutive que le fait de vous attribuer une mission entraîne systématiquement de votre part la production d'un arrêt de travail, le dernier devant prendre fin le 30 Avril 2003 (...) »

Le 2 février 2004 Monsieur [K] [C] a été déclaré « inapte temporaire » par le médecin du travail, il a été admis en longue maladie le 1er Mars 2004 ave effet au 2 Août 2003 ;

Monsieur [K] [C] a saisi le Conseil des Prud'hommes le 22 Juillet 2004 d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et de dommages intérêts pour harcèlement moral ;

Le 4 Mai 2006 la Caisse primaire d'Assurance maladie de Montargis à notifié à Monsieur [K] [C] qu'elle ne lui versera plus d' indemnités journalières à compter du 1er Juillet 2006 son état de santé étant stabilisé, qu'une pension d'invalidité lui sera attribuée ;

Monsieur [K] [C] a fait l'objet d'un première visite médicale de reprise le 3 Juillet 2006, la fiche d'aptitude mentionne « Inapte au poste d' ingénieur de production à revoir dans 15 jours », la seconde visite du 18 Juillet 2006 mentionne « Inapte au poste d'ingénieur de production, serait apte à un poste de télétravail à son domicile » ;

Le 6 Juillet 2006 la SAS OSIATIS SYSTEMS a questionné le médecin du travail afin de connaître les éventuelles mesures telle transformation de poste ou aménagement du temps travail qui pourraient être mise en 'uvre pour tenir compte de l'état de santé de Monsieur [K] [C] ;

Le 24 Juillet 2006 la SAS OSIATIS SYSTEMS a adressé un courrier à Monsieur [K] [C] lui précisant « (...) Le 18 Juillet 2006, date de votre contre visite, elle [le médecin du travail] nous a alors confirmé que vous étiez inapte à votre poste d'ingénieur de production et que vous seriez seulement apte à un poste en télétravail à domicile. Après étude des éventuelles possibilités de reclassement au sein du groupe Osiatis sur l'ensemble de la France, nous sommes au regret de vous annoncer qu'aucune possibilité de reclassement n'est envisageable car incompatible avec notre activité» ;

Le 28 Juillet 2006 Monsieur [K] [C] a été convoqué à un entretien préalable en vue d'une mesure de licenciement pour le 8 Août suivant, il a été licencié le 11 Août 2006 ; la lettre de licenciement vise le fait qu' il n'a pas été trouvé de poste adapté au sein du groupe auquel la société appartient, l'activité étant principalement basée chez les clients, aucun des contrats commerciaux ne prévoyant ou n'envisageant une quelconque forme de télétravail à domicile.

Monsieur [C] a retrouvé un emploi en changeant d'orientation professionnelle.

La convention collective applicable est la convention SYNTEC; l'entreprise emploie plus de 10 salariés.

Le Conseil des Prud'hommes saisi de la demande de Monsieur [K] [C] s'est déclaré en partage de voix le 2 février 2006 ; suivant jugement en date du 18 juin 2007 la formation de départage a ordonné une expertise avant dire droit afin de « dire si l'état dépressif de Monsieur [K] [C] a un lien exclusif ou partiel avec son activité professionnelle et/ou ses relations avec son employeur, la société FOCAL SYSTEMS devenue OSIATIS SYSTEMS, et le harcèlement moral invoqué » .

L'expert judiciaire, le Docteur [S] [R] a examiné Monsieur [K] [C] le 18 janvier 2008 ; ses conclusions qui ne tiennent pas la juridiction énoncent qu' il a constaté que Monsieur [K] [C]présente un état anxio dépressif et que « l'état dépressif de Monsieur [K] [C] a un lien exclusif mais par décompensation d'une fragilité antérieure, avec son activité professionnelle et/ou ses relations avec son employeur La SAS OSIATIS SYSTEMS anciennement SA FOCAL SYSTEMS et le harcèlement moral invoqué » ; il relève dans sa discussion « Monsieur [K] [C] a été et est dépressif (...) L' analyse pas à pas de sa trajectoire depuis 2001 montre l'effondrement thymique, non pas en fonction de l' évolution de sa pensée ( par exemple délirante ou interprétative) mais en fonction des réponses - légitimes ou non, c'est une autre question - de la société à ses demandes. Comme l'a écrit avec justesse le Docteur [P], l'éloignement du foyer conflictuel (« la certitude de l'arrêt de travail dans la société ... ») a amélioré l' état de Monsieur [K] [C] car cette pathologie « était réactionnelle ».

Monsieur [K] [C] demande à la Cour d' infirmer le jugement, de prononcer la résiliation de son contrat de travail aux torts de l'employeur et de le condamner à lui payer les sommes de :

9832.95 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis plus 983.29 € pour congés payés afférents

3277.65 € pour inobservation de la procédure de licenciement, l' indemnité de licenciement ayant été réglée

58997.70 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

39331.80 € à titre de dommages intérêts pour harcèlement moral

À défaut, prononcer la nullité du licenciement pour harcèlement moral, constater qu' il ne sollicite pas sa réintégration et condamner la SAS OSIATIS SYSTEMS à lui payer les sommes de :

9832.95 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis plus 983.29 € pour congés payés afférents

98329.50 € à titre de dommages intérêts pour préjudice moral lié au harcèlement moral, préjudice financier et de carrière soit respectivement 58.997.70 € et 39331.80 €

Subsidiairement : dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse pour manquement de l' employeur à son obligation de reclassement et condamner la SAS OSIATIS SYSTEMS à lui payer avec intérêts légaux à compter de l'introduction de la procédure les sommes de :

9832.95 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis plus 983.29 € pour congés payés afférents

58997.70 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

en tout état de cause, condamner la SAS OSIATIS SYSTEMS à lui payer la somme de 5000 € en application de l'article 700 du Code de procédure Civile

ordonner la remise d'une attestation ASSEDIC et d'un certificat de travail

condamner la SAS OSIATIS SYSTEMS aux entiers dépens y compris les frais d'expertise

La SAS OSIATIS SYSTEMS anciennement SA FOCAL SYSTEMS demande de confirmer le jugement, de constater :

l'absence de tout harcèlement moral à l'encontre de Monsieur [K] [C]

l'absence de mauvaise foi de l'employeur dans l' exécution du contrat de travail

l' impossible résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l' employeur

qu'elle a rempli son obligation de reclassement

de dire que le licenciement de Monsieur [K] [C] est fondé sur l'inaptitude du salarié et l'impossibilité de le reclasser de sorte que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse

de débouter en conséquence Monsieur [K] [C] de toutes ses demandes et de le condamner à lui payer la somme de 2000 € en application de l'article 700 du Code de procédure Civile ainsi qu'aux dépens y compris les frais d'expertise

SUR CE

Il est expressément fait référence aux explications et conclusions des parties visées à l'audience et soutenues oralement à la barre.

Le licenciement de Monsieur [K] [C] a été prononcé postérieurement à la saisine du Conseil des Prud'hommes par Monsieur [K] [C] pour obtenir la résiliation de son contrat de travail, il convient donc d'examiner si les griefs invoqués par le salarié à l'encontre de son employeur sont réels et établis et constituent des manquements d'une gravité suffisante pour justifier la demande ;

Monsieur [K] [C] invoque plus particulièrement les articles L 1152-1 et L 1222-1 du Code du Travail ;

Il soutient que son employeur a cessé de lui fournir du travail conforme à sa qualification et sans responsabilité à compter du mois de janvier 2002, qu' au mois de Juillet 2002 il a tenté de lui faire accepter un licenciement sans aucune proposition acceptable après 11 ans de vie professionnelle sans reproche, qu'il lui a imposé au mois d' Octobre 2002 une mission entraînant un changement radical de fonction sous la menace d'un non versement de son salaire, qu'au mois de février 2003 il a tenté de lui imposer une mission entraînant une rétrogradation de fonction et un retour au plus bas de la hiérarchie dans des tranches horaires de nuit incompatibles avec l'éloignement de son domicile dans un local dépourvu de tout aménagement et de téléphone et sans indemnités kilométriques ce qui constituait une modification contractuelle enfin que ces agissements sont à l'origine de sa dépression nerveuse et l'ont empêché de poursuivre sa carrière au sein de la société et de se reconvertir éventuellement professionnellement.

L'ensemble des faits est réfuté point par point par la société FOCAL SYSTEMS ;

Il est constant que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi par les parties ; la bonne foi est présumée sauf à établir les manquements caractérisant la défaillance d' une ou des parties dans la mise en 'uvre des obligations réciproques découlant du contrat ; si l'employeur manque à ses obligations, le salarié est fondé à demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail ;

Aux termes de l'article L1152-1du Code du travail «Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel» ; selon les dispositions de l'article L1154-1 du code du travail ,en cas de litige relatif à l'application de l'article L. 1152-1 précité, le salarié a seulement la charge d'établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, le juge formant sa conviction après avoir ordonné, en cas que de besoin, toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l' espèce, il ressort tant des pièces versées aux débats que des renseignements recueillis par l'expert judiciaire auprès de Monsieur [K] [C] dans le cadre de l'expertise ordonnée par le juge départiteur, que le litige a pris naissance à l'époque ou l' employeur originel de Monsieur [K] [C] a fusionné avec une autre société de sorte que la structure dans laquelle Monsieur [K] [C] avait été habitué à travailler et à évoluer s'est trouvée modifiée passant d'une trentaine de personnes à environ 200 ;

Dans le dernier état de sa carrière avant naissance des prémisses du litige, Monsieur [K] [C] a effectué des missions de janvier 1998 à Mars 2001 auprès du Crédit Lyonnais puis d'Avril 2001 à janvier 2002 chez ATOS ;

L'expert sur déclaration de Monsieur [K] [C] décrit le mode de fonctionnement des attributions de missions : « le commercial décroche une affaire » le siège est informé, le commercial et l'informaticien se rendent chez le client et l'informaticien se met au travail, lorsque la mission est achevée il est en « inter-contrat », il est rémunéré mais ne fait rien, il est chez lui ou présent au siège.

L'expert a encore rappelé qu' au terme de sa mission auprès du Crédit Lyonnais Monsieur [K] [C] souhaitait se rapprocher de son domicile de [Localité 9], qu'il convoitait un poste à [Localité 7] de 3 mois suivi d'un poste à [Localité 10], que le commercial qui avait décidé de ce placement a été remercié en 2001 et que son successeur n'avait pu obtenir aucun contrat, qu 'entre temps au mois de novembre 2001 Monsieur [K] [C] avait eu son 7ème enfant ; qu' au mois de Juillet 2002 il avait engagé des négociations avec le commercial en vue d'un licenciement, mais qu'inquiet pour son avenir, il avait souhaité obtenir un délai de 3 mois et qu'au mois d'Octobre 2002 les négociations avaient été abandonnées ;

Il est donc acquis que Monsieur [K] [C] tout en étant rémunéré ne s'est pas vu confier de mission spécifique à l'extérieur de la société chez un client avant Octobre 2002 ; cette situation d' intercontrat est selon les déclarations du vice-Président et membre du comité exécutif du SYNTEC informatique article du 15 juin 2005 versé aux débats) une chose naturelle dans le domaine des services informatiques puisque pour passer d'un projet à l'autre il y a forcément un taux de latence ; l'intercontrat ne fait l'objet d'aucune réglementation légale ou conventionnelle, chaque employeur l'utilisant comme il l'entend puisque le salarié perçoit son salaire pendant cette période ;

Il s'ensuit que la pratique étant usuelle dans le secteur professionnel de Monsieur [K] [C], aucun manquement à ses obligations contractuelles ou abus n'est établi à l'encontre de la société FOCAL SYSTEMS pour la période d'intercontrat de janvier 2002 à Octobre 2002, Monsieur [C] ayant été rémunéré ;

Le juge départiteur a justement relevé que Monsieur [K] [C] ne peut sérieusement soutenir que l'employeur a tenté de le licencier alors même qu'il ne conteste pas avoir fait part de son projet de création d'une entreprise de restauration ; les déclarations de Monsieur [K] [C] rapportées par l'expert judiciaire confortant d'ailleurs le fait que ce n'est pas l'employeur qui a tenté courant 2002 de licencier Monsieur [K] [C], l'expert judiciaire relevant « Monsieur [K] [C] qui a 7 enfants, habite loin, abat du travail et du kilomètre, songe à 37 ans à reconfigurer sa vie professionnelle et se rapprocher de sa famille et s'en ouvre à son interlocuteur, « le commercial » ;

S'agissant des deux missions confiées à Monsieur [K] [C] aux mois d'Octobre 2002 et février 2003, c'est également par des motifs pertinents et une juste analyse des lettres de cadrage que le juge départiteur a retenu que la première mission avait pour objet la maintenance et l' exploitation du système d'information et des réseaux informatiques sur le centre du Ripault et consistait notamment pour Mr [C] à organiser la prestation, à dimensionner l'équipe, chiffrer les postes et que l'objet de cette mission correspondait aux compétences du salarié ainsi qu'il résultait de ses précédentes missions, en effet la mission au Crédit Lyonnais comprenait le conseil auprès de la maîtrise d'ouvrage, la réalisation de l'étude préalable pour la montée en charge progressive, le conseil sur les méthodes à employer, l'étude de normalisation ; la mission auprès d' ATOS comportait la gestion de différents projets dans des environnements diversifiés, le suivi et la planification des modifications applicatives ...etc ;

Les éléments de comparaison analysés ne permettent donc pas de retenir une quelconque sous-qualification ou modification du contrat de travail ou une quelconque man'uvre vicieuse de l'employeur destinée comme alléguée par le salarié à le prendre en défaut ;

S'agissant de la mission de février 2003, il a été rappelé dans l'exposé des faits que Monsieur [K] [C] l' avait acceptée, or alors qu'il est relevé et non contesté que Monsieur [K] [C] a été remplacé sur cette mission par un ingénieur principal, Monsieur [K] [C] ne démontre pas en quoi celle-ci emportait une rétrogradation puisque l'objectif consistait à assurer de façon homogène les prestations réalisées par chacun des membres de l'équipe et que l'annexe jointe à la lettre de mission du 21 février 2003 établit que le travail du CPA consistait en la fourniture de prestations d'administration et d'exploitation de serveurs, services et réseaux, le descriptif des prestations entrant manifestement et parfaitement dans les compétences et qualifications de Monsieur [K] [C] sans que soit démontré une rétrogradation hiérarchique ;

A l'occasion de cette mission, l'employeur a accédé au voeu de Monsieur [K] [C] en lui accordant un report de début de mission afin de lui permettre de s'organiser, lui a accordé un aménagement d'horaire pendant deux semaines sans qu'il soit jamais question de le faire travailler la nuit après ces aménagements, une équipe spéciale assurant ce service ; l'employeur a en outre accepté de prendre en charge ses frais de transport A/R sur la base d' un voyage SNCF de sorte que Monsieur [K] [C] ne peut pas soutenir que son employeur voulait lui faire accomplir cette mission sans indemnités kilométriques, rien n'imposant à l'employeur de rembourser des frais de transport selon le mode de transport choisi par le salarié, Monsieur [K] [C] n'établissant pas comme il le prétend que son heure de sortie était incompatible avec un retour à son domicile par voie ferroviaire ; c'est donc sans fondement que Monsieur [K] [C] invoque une modification contractuelle de son contrat de travail ;

Il n'est pas établi que Monsieur [K] [C] a dû effectuer la mission de février 2003 dans un local dépourvu de téléphone et de tout aménagement ou ait été empêché de se rendre à l'inspection du travail ainsi que soutenu dans la lettre de son conseil en date du 20 Mars 2003 ;

Par ailleurs la seule attestation de Monsieur [E] [D] versée aux débats par Monsieur [K] [C] témoigne exclusivement du ressenti de ce témoin face aux changements intervenus suite à la fusion de INSYSCOM avec la société FOCAL SYSTEMS, du départ de certains responsables de Insyscom , du retard avec lequel les commerciaux ont reçu leurs objectifs annuels tout en ajoutant que pour être ambitieux ceux qui lui ont été notifiés restaient réalisables ; le fait que Mr [D] indique le 1er juin 2004 en termes généraux qu' il est impossible de travailler avec une pression aussi importante dans cette société, que des départs importants sont à attendre côté structure que la société FOCAL SYSTEMS souhaite dégoûter une certaine catégorie de personnes pour qu'elles démissionnent de manière à ne pas leur verser d'indemnités compensatoires et que la lettre est destinée à l'ensemble des personnes « pour qui il est difficile de travailler dans un contexte qui se dégrade de plus en plus » ne caractérise pas les agissements dont Monsieur [K] [C] aurait été personnellement l'objet et dont il fait grief à son employeur ;

S'il n'est pas contestable que Monsieur [K] [C] a été victime d'une dépression nerveuse, les premiers arrêts de travail semblant se situer à partir du 14 Octobre 2001 soit à l'époque où une mission en clientèle lui est confiée, il ne ressort pas pour autant des faits ci-dessus analysés qu' il ait été personnellement victime de faits avérés, répétés et de pression susceptibles de caractériser un harcèlement moral, le fait que l'employeur ait pu dire au salarié à l'occasion des tergiversations de Monsieur [C] pour accepter la mission qui lui était confiée en Octobre 2002 que s'il ne faisait pas le travail il ne serait pas payé ne peut pas dans ce contexte être constitutif de harcèlement puisqu'il a été retenu ci-dessus que la mission était conforme à la qualification du salarié enfin, le fait que Monsieur [K] [C] ait ressenti comme ses collègues une certaine tension au sein de l'entreprise liée à la nouvelle organisation de la société FOCAL SYSTEMS, aux départs de dirigeants qu'il connaissait suite à l'absorption de son ancien employeur par celle-ci ne peut être assimilé à du harcèlement moral ;

La Cour considère avoir les éléments nécessaires et suffisants pour dire que l'état dépressif de Monsieur [K] [C] qui pour s'être amélioré subsistait lors de l' examen par l'expert judiciaire 20 mois après qu' il ait été licencié et 5 ans après qu'il ait arrêté de travailler dans la société n'est pas la conséquence de manquements de l'employeur à ses obligations de sorte que Monsieur [K] [C] sera débouté de sa demande de résiliation de son contrat de travail et de l'ensemble de ses chefs de demandes rattachés à cette prétention, la preuve n'étant pas rapportée des griefs invoqués à l'encontre de la société FOCAL SYSTEMS .

Monsieur [K] [C] a été licencié le 11 Août 2006, l'employeur précisant dans la lettre de licenciement qu' il n'a pas été trouvé de poste adapté au sein du groupe auquel la société appartient, l'activité étant principalement basée chez les clients, aucun des contrats commerciaux ne prévoyant ou n'envisageant une quelconque forme de télétravail à domicile ;

Il a été jugé ci-dessus que l'employeur ne s'est pas rendu responsable de harcèlement moral, le licenciement de Monsieur [K] [C] n'est pas nul et sa demande de dommages intérêts pour préjudice lié au harcèlement moral sera rejetée ;

Monsieur [K] [C] soutient que la société FOCAL SYSTEMS n'a pas satisfait à son obligation de reclassement suite à l'avis de la médecine du travail en date du 18 Juillet 2006 l'ayant déclaré « inapte au poste d'ingénieur de production, apte à un poste de télétravail à son domicile » ; il soutient que la société FOCAL SYSTEMS a agi avec hâte sans véritable recherche puisque dès le 24 Juillet 2006 elle lui écrivait qu'elle ne pouvait pas le reclasser et que la lettre de licenciement ne fait référence qu'à deux mails justifiant l'impossibilité de reclassement ;

Il est justifié que la première visite médicale de reprise avait eu lieu le 3 Juillet 2006 ; dès cette date le médecin du travail le déclarait inapte au poste d'ingénieur de production ;

Il est justifié que le 6 Juillet 2006 la société FOCAL SYSTEMS a interrogé le médecin du travail afin que les capacités physiques restantes de Monsieur [C] lui soient précisées afin qu'elle puisse étudier au mieux les types de poste adaptés à ses possibilités dans le cadre de ses obligations de reclassement ;

Il est également justifié que la RRH a adressé huit mails le 21 Juillet 2006 avec le profil détaillé de Monsieur [K] [C], à des responsables de régions et de direction du groupe ; des réponses négatives lui ont été adressées entre le 21 Juillet et le 7 Août 2006, la société FOCAL SYSTEMS explique que l'activité de la société est principalement basée chez les clients ou dans les locaux de l'entreprise et nécessite un contact avec l'environnement informatique existant chez le client et qu'il n'existe pas de poste de télétravail à domicile ;

Aucune précipitation dans la recherche d'un reclassement, dans l'information donnée au salarié ou dans le licenciement ne peut être reprochée à la société FOCAL SYSTEMS qui a satisfait à son obligation de reclassement ; Mr [C] est donc non fondé en sa demande d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents puisqu'il n'était pas apte à effectuer son préavis ;

En conséquence de ce qui précède le licenciement étant fondé sur une cause réelle et sérieuse les demandes de dommages intérêts pour préjudice financier et de carrière sont non fondés et seront rejetées.

Chaque partie conservera à sa charge les frais irrépétibles qu'elle a exposés pour sa défense et les dépens y compris les frais d'expertise seront supportés par Monsieur [K] [C].

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement.

Déboute les parties de leurs demandes

Condamne Monsieur [K] [C] aux dépens y compris les frais d'expertise .

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 09/02741
Date de la décision : 18/01/2011

Références :

Cour d'appel de Paris K4, arrêt n°09/02741 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-01-18;09.02741 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award