Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 3
ARRET DU 17 JANVIER 2011
(n° 11/30, 1 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/22935
Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Octobre 2009 -Tribunal de Grande Instance de PARIS, 19ème Chambre Civile - RG n° 08/07822
APPELANTE
GARANTIE MUTUELLE DES FONCTIONNAIRES (GMF) prise en la personne de ses représentants légaux
dont le siège social est [Localité 3]
représentée par la SCP GOIRAND, avoués à la Cour
assistée de Me Stéphanie MOISSON, plaidant pour Me JP LEON, avocat au barreau de PARIS, toque : C406
INTIMÉES
Madame [W] [K]
demeurant [Adresse 2] prise en la personne de son tuteur Madame [I] [R], demeurant [Adresse 1] suivant jugement en date du 1er décembre 2005
représentée par la SCP GAULTIER - KISTNER, avoués à la Cour
assistée de Me Valérie BURSTOW, plaidant pour le Cabinet Rémy LE BONNOIS, avocat au barreau de PARIS, toque : L299
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA GIRONDE prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 5]
défaillante
MUTUELLE OCÉANE prise en la personne de ses représentants légaux
dont le siège social est [Adresse 4]
défaillante
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 29 Novembre 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Nathalie NEHER-SCHRAUB, Présidente, entendue en son rapport
Madame Blandine FROMENT, Présidente
Madame Régine BERTRAND-ROYER, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Nadine ARRIGONI
ARRÊT : RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Nathalie NEHER-SCHRAUB, présidente et par Mme Nadine ARRIGONI, greffière.
° ° °
Le 24 juillet 2004, [W] [K] a été victime d'un accident de la circulation alors qu'elle était passagère d'un véhicule assuré auprès de la GARANTIE MUTUELLE DES FONCTIONNAIRES (GMF) qui ne conteste pas son droit à indemnisation.
Par ordonnance du 10 janvier 2005, le juge des référés du tribunal de grande instance de Bordeaux a désigné en qualité d'expert le Docteur [D] [T], alloué à la victime une provision et réservé les dépens.
L'expert a déposé un rapport le 1er juillet 2005 aux termes duquel il concluait notamment à l'absence de consolidation de l'état de la victime.
Par jugement du 1er décembre 2005, le juge des tutelles du tribunal d'instance de Bordeaux a désigné [I] [R] en qualité de tutrice de [W] [K].
Par ordonnance du 5 février 2007, le juge des référés du tribunal de grande instance de Bordeaux a redésigné le Docteur [D] [T], alloué à la victime une provision complémentaire et condamné la GMF aux dépens.
L'expert a déposé son rapport daté du 31 juillet 2007.
Par jugement du 13 octobre 2009, le tribunal de grande instance de Paris, a pour l'essentiel :
¿ condamné la GMF à payer à [W] [K], en réparation de son préjudice corporel :
- la somme de 146'211,68 € en capital,
- une rente trimestrielle viagère indexée au titre de la tierce personne d'un montant de 3591 € payable à compter du 1er mai 2008,
- la somme de 7'850 € en application de l'article 700 du CPC laquelle comprend les honoraires du Docteur [N] pour un montant de 3850 € ;
- les intérêts au double du taux légal à compter du 16 juin 2008 jusqu'au jour du jugement devenu définitif sur les sommes allouées en capital,
¿ condamné la GMF aux dépens.
La GMF a relevé appel du jugement.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 25 novembre 2010, la GMF fait valoir que les indemnités allouées au titre de la tierce personne, du déficit fonctionnel permanent, du préjudice esthétique et du préjudice d'agrément sont excessives et offre, en réparation de ces postes de préjudice, les montants mentionnés dans le tableau ci-dessous et, pour le surplus acquiesce au jugement. En toutes hypothèses, elle demande de dire que le doublement de l'intérêt au taux légal ne peut courir que du 16 au 26 juin 2008, date à laquelle elle a fait une offre et subsidiairement du 16 juin 2008 au 27 janvier 2009 avec pour assiette le montant de l'offre.
[I] [R] agissant en qualité de tutrice de [W] [K], dans ses dernières conclusions signifiées le 1er juin 2010, soutient que les indemnités allouées sont insuffisantes et demande, en réparation du préjudice corporel de cette dernière, les sommes suivantes. Elle sollicite, en outre, les intérêts au double du taux légal sur la totalité des indemnités fixées par la cour à compter du 16 juin 2008 jusqu'à ce que le présent arrêt devienne définitif.
OFFRES
DEMANDES
Préjudices patrimoniaux :
¿ temporaires :
- dépenses de santé actuelles :
* exposées par les organismes sociaux :
confirmation
confirmation:
- sécurité sociale : 60'553,20 €
- mutuelle : 1422 €
* demeurées à la charge de la victime :
confirmation
confirmation: 579,62 €
- frais divers restés à la charge de la victime :
confirmation
confirmation: 110,50 €
¿ permanents :
- tierce personne :
14 h/semaine à 12 €/h
sous forme de rente
- du 9-11- 2004 au 29-8- 2005 et du 2-9-2005 au 6-11-2006 : 54'712,80 €
- du 7-11- 2006 au 30-4-2008 : 19'225,08 €
- à compter du 1er mai 2008 : 234'590,02 €
total : 308'527,90 €
en capital
Préjudices extra-patrimoniaux :
¿ temporaires :
- déficit fonctionnel temporaire :
confirmation
confirmation: 8'710 €
- souffrances :
confirmation
confirmation: 12'000 €
- préjudice esthétique temporaire :
confirmation
confirmation: débouté
¿ permanents :
- déficit fonctionnel permanent :
68'000 €
confirmation : 80'000€
- préjudice d'agrément :
débouté
confirmation : 7'000 €
- préjudice esthétique :
débouté
confirmation : 3000 €
Art.700 du code de procédure civile :
- première instance: confirmation : 7'850 €
- appel : 4000 €
La CPAM DE LA GIRONDE, assignée à personne habilitée, n'a pas constitué avoué mais a écrit le 6 mai 2010 pour préciser le montant de sa créance laquelle s'élève au total à la somme de 60'553,20 € constituée uniquement de prestations en nature.
La Mutuelle OCIANE, assignée à personne habilitée, a écrit le 5 mai 2010 que sa créance, composée de prestations en nature, s'élevait à la somme de 1422 €.
CELA ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR :
Sur le préjudice
Il ressort du rapport d'expertise médicale du 31 juillet 2007 que [W] [K] présentait un état antérieur pour des douleurs lombaires et un important état dépressif qui a entraîné sa mise en invalidité et un suivi hebdomadaire; qu'à la suite de l'accident du 27 juillet 2004, elle a présenté un important traumatisme crânien avec formation d'un oedème cérébral et sur le plan neurologique, un syndrome confusionnel et une parésie brachio-faciale droite avec irritation pyramidale de l'hémicorps droit et une tendance à la somnolence qui ont entraîné une ITT du 29 août 2005 au 2 septembre 2005 et une ITP au taux de 45 % du 25 novembre 2004 au 28 août 2005 et du 3 septembre 2005 au 6 novembre 2006, date de la consolidation; qu'il persiste des séquelles des troubles cognitifs associant lenteur d'idéation évidente, déficit de la mémoire, difficultés d'élaboration des stratégies complexes avec un petit déficit sensitivo-moteur; que les séquelles justifient un taux de déficit fonctionnel permanent de 40 % ; qu'il n'y a pas de préjudice professionnel puisqu'au moment de l'accident la victime était en invalidité pour son état antérieur ; que son état séquellaire nécessite l'assistance par une tierce personne faisant fonction d'aide ménagère et d'auxiliaire de vie qui assure la toilette, la distribution des médicaments, la stimulation, le ménage et les courses 14 heures par semaine; que pour la période antérieure à la consolidation, l'expert se basant sur ce qui avait été mis en place (9 heures par semaine) a entériné cette durée au motif qu'elle était suffisante compte-tenu de l'état de la victime et des différentes autres prises en charge ; que les souffrances sont de 4/7, qu'il existe un préjudice d'agrément mais qu'il n'y a pas de préjudice esthétique.
Au vu de ces éléments et de l'ensemble des pièces versées aux débats, le préjudice corporel de [W] [K] qui était âgée de 59 ans lors de l'accident et de 61 ans à la consolidation et était en invalidité, sera indemnisé comme suit :
Préjudices patrimoniaux :
¿ temporaires, avant consolidation :
- dépenses de santé actuelles :
le jugement sera confirmé en ses dispositions précisant que ce poste de préjudice est constitué d'une part, de la créance des organismes sociaux soit 60'553,20 € pour la CPAM et 1422 € pour la mutuelle et d'autre part des dépenses de santé restées à la charge de la victime pour un montant de 579,62 €.
Total : 62'554,82 €
Préférence victime :.........................................................................................579,62 €
- frais divers :
le montant sollicité au titre des frais de communication du dossier médical et des frais de transport restés à la charge de la victime, n'est pas contesté :......................110,50 €
- ¿ permanents, après consolidation :
- tierce personne :
la cour estime que le premier juge, par des motifs précis, circonstanciés et pertinents qu'elle approuve et qu'elle fait siens, a fait une exacte appréciation de ce chef de préjudice en fixant à 14 heures par semaine les besoins en tierce personne de la victime, avant et après la consolidation, le taux horaire à 14 € pour la période antérieure au 1er mai 2008 et en allouant pour le futur une rente viagère indexée. En revanche, l'augmentation du taux horaire pour la période postérieure au 1er mai 2008 n'est pas justifiée.
Dans ces conditions, l'indemnité au titre de la tierce personne s'élève au jour du présent arrêt à :
* du 9 novembre 2004 au 6 novembre 2006 (compte-tenu des hospitalisations) :
101,32 semaines x14 heures x14 € = 19'858,72 €
* du 6 novembre 2006 au 6 novembre 2010 :
(57 semaines x14 heures x14 €) x 4 ans = 44'688 €
soit un montant total en capital de :............................................................64'546,72 €
* à compter du 7 novembre 2010, une rente viagère annuelle de 11'172 € (57 semaines x 14 heures x 14 €) payable conformément au dispositif.
Préjudices extra-patrimoniaux :
¿ temporaires, avant consolidation :
- déficit fonctionnel temporaire, souffrances et préjudice esthétique temporaire:
le jugement n'est pas contesté en ses dispositions concernant ces trois postes de préjudice de sorte qu'il sera alloué à la victime les sommes de :
* déficit fonctionnel temporaire :....................................................................... 8'710 €
* souffrances :.................................................................................................. 12'000 €
* préjudice esthétique temporaire: débouté
¿ permanents, après consolidation :
- déficit fonctionnel permanent :
Les séquelles décrites par l'expert et conservées par [W] [K] après la consolidation de son état, entraînent non seulement des atteintes aux fonctions physiologiques mais également des douleurs ainsi qu'une perte de qualité de vie et des troubles dans les conditions d'existence, personnelles, familiales et sociales, qui justifient, compte tenu de l'âge de la victime lors de la consolidation de son état, la somme de :....................................................................................................... 72'000 €
- préjudice d'agrément :
l'expert a conclu que les séquelles imputables à l'accident gênent la victime pour ses activités d'agrément sans la rendre inapte et précisé qu'à la suite de celui-ci, elle a abandonné la conduite automobile.
[W] [K] produit de nombreuses attestations dont il ressort qu'elle a effectivement abandonné la conduite automobile, la bicyclette et la marche à pied, qu'elle ne part plus en voyage ni en vacances et qu'elle ne fait plus de jardinage.
Ce poste de préjudice a été exactement indemnisé par l'allocation de la somme de :...................................................................................................................... 7'000 €
- Préjudice esthétique :
si l'expert n'a pas retenu de préjudice esthétique au motif que la victime ne présente ni cicatrice ni déformation inesthétique imputable à l'accident, il n'en demeure pas moins que le fait de se déplacer à l'aide d'une canne, de surcroît à petits pas, ce qui est établi par les attestations versées aux débats, altère notablement la présentation de la victime.
Compte tenu de ces éléments et de l'âge de la victime, il sera alloué de ce chef une indemnité de :..................................................................................................... 2000 € ----------------------
TOTAL : 166'946,84 €
[W] [K] recevra ainsi, en réparation de son préjudice corporel, une indemnité totale de 166'946,84 € outre la rente au titre de la tierce personne.
Sur la demande de doublement des intérêts
En application de l'article L. 211-9 du code des assurances, l'assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d'un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter dans un délai maximal de huit mois à compter de l'accident, une offre d'indemnité comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice, à la victime qui a subi une atteinte à sa personne ; l'offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l'assureur n'a pas, dans les trois mois de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime et l'offre définitive d'indemnisation doit alors être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de cette consolidation.
A défaut d'offre dans les délais impartis par l'article L.211-9, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge, produit, en vertu de l'article L.211-13 du même code, des intérêts au double du taux légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif.
[W] [K] fait valoir à l'appui de sa demande que le rapport d'expertise définitif ayant été déposé le 4 janvier 2008, il appartenait à l'assureur de faire une offre au plus tard le 15 juin 2008, ce qu'il n'a pas fait.
La GMF reconnaît ne pas avoir fait d'offre dans les délais mais se prévaut de celle qu'elle a adressée le 26 juin 2008 et subsidiairement de ses conclusions valant offre du 27 janvier 2009.
Mais il convient de constater d'une part que l'offre du 26 juin 2008 ne satisfait pas aux exigences des textes précités puisqu'elle ne comprend pas les créances des organismes sociaux et n'est pas accompagnée de la copie des décomptes produits par les tiers payeurs et d'autre part, que les conclusions du 27 janvier 2009 invoquées à titre subsidiaire par l'assureur ne portent ni le cachet de l'huissier ni le visa du greffe et n'ont donc pas date certaine.
En revanche, l'assureur a par conclusions du 11 mai 2009 présenté une offre complète d'indemnisation comprenant tous les postes de préjudice et cette offre est conforme aux textes précités.
Par application de l'article L. 211-13 du code des assurances, la GMF doit les intérêts au double du taux légal à compter du 16 juin 2008 jusqu'au 11 mai 2009 sur le montant de l'indemnité offerte dans les conclusions du 11 mai 2009.
Sur l'article 700 du code de procédure civile
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la victime l'intégralité des frais et honoraires exposés par elle et non compris dans les dépens. La somme fixée de ce chef par le premier juge comprenant les honoraires du médecin conseil, sera confirmée et il lui sera alloué en cause d'appel, la somme complémentaire de 3000 €.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement à l'exception de ses dispositions relatives aux dépens ;
Et statuant à nouveau, dans cette limite :
Condamne la GMF à verser à [I] [R], agissant en qualité de tuteur de [W] [K], en réparation de son préjudice corporel, en deniers ou quittances, provisions et somme versée en vertu de l'exécution provisoire non déduites:
- en capital, la somme de 166'946,84 €, ladite somme augmentée des intérêts au taux légal à compter du jugement à concurrence des sommes allouées par celui-ci et à compter du présent arrêt pour le surplus ;
- une rente viagère d'un montant annuel de 11'172 € au titre de la tierce personne, payable trimestriellement, à compter du 7 novembre 2010, indexée selon les dispositions prévues par la loi du 5 juillet 1985 et suspendue en cas d'hospitalisation à partir du 46e jour ;
- les intérêts au double du taux légal à compter du 16 juin 2008 et jusqu'au 11 mai 2009 sur les sommes offertes par conclusions du 11 mai 2009, sur l'indemnité revenant à la victime avant déduction de la créance de l'organisme social ;
- sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 7'850 € allouée en première instance et la somme complémentaire de 3000 € en cause d'appel ;
Précise qu'une copie du présent arrêt sera envoyée par le greffe au juge des tutelles du tribunal d'instance de Bordeaux ;
Condamne la GMF aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE