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14/01/2011 | FRANCE | N°08/04384

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 14 janvier 2011, 08/04384


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 6



ARRÊT DU 14 JANVIER 2011



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 08/04384



Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Décembre 2007 -Tribunal de Commerce d'EVRY - RG n° 06/00357





APPELANTE



S.A.R.L. SEGACO

agissant en la personnede sa gérante

ayant son siège social [Adresse 1]
r>[Localité 4]



représentée par la SCP BASKAL - CHALUT-NATAL, avoué à la Cour

assistée de Me Jean Pierre NABONNE, avocat au barreau de L'ESSONNE







INTIMEE:



SA BANQUE POPULAIRE RIVES DE ...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRÊT DU 14 JANVIER 2011

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 08/04384

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Décembre 2007 -Tribunal de Commerce d'EVRY - RG n° 06/00357

APPELANTE

S.A.R.L. SEGACO

agissant en la personnede sa gérante

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par la SCP BASKAL - CHALUT-NATAL, avoué à la Cour

assistée de Me Jean Pierre NABONNE, avocat au barreau de L'ESSONNE

INTIMEE:

SA BANQUE POPULAIRE RIVES DE PARIS

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 3]

représentée par la SCP BOLLING - DURAND - LALLEMENT, avoué à la Cour

assistée de Maître Nicolas ANCEL, avocat au barreau de PARIS, toque : P209, plaidant pour la SELARL CAMPANA-RAVET ET ASSOCIES et substituant Maître Anne-Marie DE CHARON-CAMPANA, avocat au barreau de PARIS, toque P 209

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 21 Octobre 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Josèphe JACOMET, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Françoise CHANDELON, Conseiller

Madame Caroline FEVRE, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Melle Guénaëlle PRIGENT

ARRET :

- contradictoire

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Josèphe JACOMET, Conseiller faisant fonction de Président et par Monsieur Sébastien PARESY , Greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

***

La Banque Populaire Industrielle et Commerciale a été sollicitée par Monsieur [X] [I], courtier en assurance en exploitation personnelle depuis le 17 mai 1982, pour le rachat de son portefeuille d'assurance par la société Segaco en cours de constitution.

La S.A.R.L. Segaco, constituée par Monsieur [X] [I] et son épouse Madame [S] [B], a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 15 septembre 1995 sous le numéro 402 231 088 , les deux époux en étant les co-gérants.

Par acte sous seing privé du 21 septembre 1995, la Banque Populaire Industrielle et Commerciale a consenti à la société d'Expansion [I] Courtage dite Segaco un prêt d'un montant de 750.000 francs remboursable en 5 ans au taux de 8,75 % l'an destiné à l'achat du fonds de commerce du Cabinet [I] Courtage.

Se prévalant des fautes commises par la Banque Populaire Rives de Paris venant aux droits de la Banque Populaire Industrielle et Commerciale à l'occasion de la mise en place du crédit de 750.000 francs destiné à l'achat du fonds de commerce de Cabinet [I] Courtage en septembre 1995, la société Segaco l'a assignée en paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.

Par jugement du 13 décembre 2007, le tribunal de commerce d'Evry a débouté la S.A.R.L. Segaco de l'ensemble de ses demandes, constaté la prescription de l'action intentée par la Banque Populaire Rives de Paris à l'encontre de Monsieur [X] [I], condamné la S.A.R.L. Segaco à payer à la Banque Populaire Rives de Paris la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ainsi que la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, condamné la S.A.R.L. Segaco à payer à Monsieur [X] [I] la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, débouté Monsieur [X] [I] de sa demande contre la Banque Populaire Rives de Paris, condamné la S.A.R.L. Segaco aux dépens.

La déclaration d'appel de la S.A.R.L. Segaco a été remise au greffe de la Cour le 28 février 2008.

Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du code de procédure civile, déposées le 19 octobre 2010, la S.A.R.L. Segaco demande l'infirmation du jugement déféré et à la Cour statuant à nouveau de:

- dire qu'en débloquant un prêt au bénéfice de Monsieur [I], cessionnaire du fonds de commerce, alors que la cession n'était pas intervenue au jour du virement et en ne surveillant pas attentivement le compte par la suite, la banque a commis différentes fautes au préjudice de la société Segaco,

- condamner la Banque Populaire Rives de Paris à lui payer des dommages-intérêts en réparation des préjudices subis d'un montant de :

. 142.786,49 euros représentant les sommes indûment versées à Monsieur [I] au titre du prêt, des intérêts et frais payés avec intérêts au taux légal à compter du 20 juillet 2005,

. 204.917,90 euros au titre du préjudice subi du fait des détournements opérés par Monsieur [I] avec intérêts au taux légal à compter du 20 juillet 2005,

. 322.182 euros au titre des frais financiers,

- condamner la Banque Populaire Rives de Paris à lui payer la somme de 4.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du code de procédure civile, déposées le 21 octobre 2010, la Banque Populaire Rives de Paris demande la confirmation du jugement déféré et y ajoutant la condamnation de la société Segaco à lui payer la somme de 8.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 21 octobre 2010.

CELA ETANT EXPOSE,

LA COUR,

Considérant que le jugement déféré n'est pas contesté en ce qu'il a constaté la prescription de l'action intentée par la Banque Populaire Rives de Paris à l'encontre de Monsieur [X] [I] et a débouté ce dernier de sa demande contre la banque ; que Monsieur [X] [I] n'est plus dans la cause en appel ;

Considérant que la société Segaco soutient que la banque a manqué à son devoir de conseil et à son obligation de prudence consistant à s'assurer de l'effectivité de la vente afin de faire prévaloir son propre intérêt qui visait à combler le solde débiteur du compte personnel de Monsieur [I] en virant par anticipation le montant du prêt sans attendre d'avoir confirmation de l'effectivité de la vente ; que le virement effectué est sans cause puisque la vente n'a pas été régularisée ; que la banque a également commis une faute tenant à l'absence de surveillance de l'opération et de ses suites en cas d'anomalie apparente ; que le virement effectué par la banque sur le compte professionnel de Monsieur [I] sans ordre écrit de la société Segaco à qui appartenait les fonds constitue un acte d'immixtion de la banque qui ne pouvait ignorer le virement fait sur le compte personnel de Monsieur [I] qui s'en est servi pour combler le débit de son compte personnel ; que la banque aurait dû vérifier les virements opérés de compte à compte et attirer l'attention de l'autre associée alors que le cabinet de courtage vendu appartenait à la communauté ; que la banque a continué à faire fonctionner un compte qui n'avait plus d'existence légale à la suite de la vente du fonds de commerce et qu'elle a accepté des chèques appartenant à la société Segaco sur le compte de Cabinet [I] Courtage qui a ainsi continué à encaisser des chèques de la société Segaco pendant trois ans; que c'est la défaillance de la banque qui a permis à Monsieur [I] de détourner une somme de 204.917,89 euros avec la participation active de l'établissement bancaire jusqu'à sa démission de ses fonctions de gérant; qu'elle considère que la société Segaco a dû rembourser un prêt dont elle n'a pas bénéficié pour la vente d'un bien personnel appartenant aux époux [I] - [B] et a subi des détournements ainsi qu'une perte financière et une perte de valeurs du portefeuille ;

Considérant qu'en réponse la Banque Populaire Rives de Paris fait valoir qu'elle a débloqué les fonds prêtés alors que toutes les conditions suspensives prévues par la promesse de vente signée des deux co-gérants ont été levées et qu'au jour de la remise des fonds la société Segaco n'a pas contesté la promesse de vente et a effectué les formalités d'enregistrement ; que les fonds prêtés ont été versés sur le compte de la société Segaco qui a bien acquis le portefeuille puisque l'entreprise [I] a été rayé du registre du commerce et que la société Segaco existe toujours et exploite le portefeuille cédé; qu'il y a eu une contrepartie et que le vendeur a été payé ; que la société Segaco a remboursé le prêt ; que la banque n'a pas de droit de suite sur les fonds prêtés et a un devoir de non ingérence ce qui lui interdit de contrôler l'usage des fonds prêtés;qu'elle n'avait pas à s'ingérer dans les relations entre les associés de la société Segaco et le cabinet de courtage [I] et les époux [I] ; que le devoir de surveillance renforcée dont fait état la société Segaco ne concerne que la lutte contre le blanchiment d'argent; qu'il n'y a aucune anomalie apparente au regard de la gestion de la société Segaco et de la finalité du prêt ; que les bordereaux de virement ne démontrent aucune immixtion et que la co-gérante devait surveiller les comptes sans pouvoir reprocher sa propre incurie à d'autres ; qu'elle n'avait pas à expliquer une opération simple aux gérants de la société Segaco ; qu'il n'y a pas de preuve d'un quelconque préjudice qui lui soit imputable puisque la cession du fonds de commerce a eu lieu, que les détournements de commissions allégués ne sont pas prouvés et qu'il n'y a pas d'action contre Monsieur [I] ; que l'action de la société Segaco derrière laquelle se cache Madame [B] divorcée [I] est abusive ce qui justifie de la condamner à lui payer des dommages-intérêts ;

Considérant qu'aux termes d'une promesse de vente synallagmatique de fonds de commerce en date du 17 août 1995 enregistré à la Recette des Impôts le 18 août 1995, Monsieur et Madame [I] ont vendu et cédé à la S.A.R.L. Société d'Expansion [I] Courtage dite Segaco, constituée par Monsieur et Madame [I] qui en sont les deux seuls associés et les co-gérants, le Cabinet [I] Courtage exerçant une activité d'assurance, situé [Adresse 1]) et immatriculé au registre du commerce et des sociétés sous le numéro A 322 704 297, au prix de 2.462.450 francs représentant la valeur de vente du portefeuille de courtage de Monsieur [X] [I] avec le droit au bail et le matériel d'occasion, tel qu'évalué par la société Segaco aux termes d'un courrier du 18 août 1995 adressé aux époux [I] ayant pour objet la transformation d'une activité personnelle en société de famille ; que cette acquisition est financée par un apport personnel en nature des associés de 1.722.450 francs et par un prêt bancaire de 750.000 francs ;

Considérant que par acte authentique reçu par Maître [T] , notaire, le 21 septembre 1995, la Banque Populaire Industrielle et Commerciale a consenti un prêt de 750.000 francs à la S.A.R.L. Expansion [I] Courtage dite Segaco, représentée par Monsieur et Madame [I], destiné au rachat du portefeuille de courtage d'assurance, remboursable en 5 ans avec intérêts au taux de 8,75 % ; que l'acte prévoit que le prêt est garanti par le cautionnement personnel de Monsieur et Madame [I], une hypothèque sur un immeuble situé [Adresse 2] leur appartenant ainsi que par le nantissement du fonds de commerce; que cet acte est signé des deux associés- gérants de la société ;

Considérant que les relevés bancaires produits établissent que les fonds prêtés ont été versés le 26 septembre 1995 par la banque sur le compte n°4074017222 de la société Segaco et que le lendemain la somme de 750.000 francs a été virée du compte de la société Segaco sur le compte n° 04074013482 du Cabinet de Courtage [I] qui est un compte distinct du compte personnel de Monsieur [X] [I] sous l'intitulé régularisation; qu'il est établi et non contesté que ce prêt a été intégralement remboursé par la société Segaco en 1998;

Considérant qu'ainsi il est démontré que la Banque Populaire Industrielle et Commerciale n'a pas versé les fonds prêtés sur le compte personnel de Monsieur [I] comme le prétend à tort la société Segaco ;

Considérant qu'il est également établi que la société Segaco exploite le fonds de commerce du Cabinet [I] Courtage créé par Monsieur [X] [I], exploitant en nom personnel, qui a été radié du registre du commerce et des sociétés le 19 novembre 1996 à la suite de la cessation de son activité le 14 septembre 1995 et que la société Segaco a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 15 septembre 1995 sous le numéro 402 231 088 dont le gérant est Madame [B] [S] épouse [I] à la suite de la démission de Monsieur [X] [I] intervenue le 3 septembre 1998 ; que la société Segaco a pour objet la création d'un fonds de commerce de courtage et conseil en assurances et qu'elle exerce son activité au [Adresse 1]);

Considérant que la promesse de vente étant parfaite en application de l'article 1589 du Code civil dès lors que les conditions suspensives ont été levées, ce qui n'est pas contesté, avec l'obtention du prêt, il ne peut être reproché à la banque d'avoir opéré la remise des fonds avant la régularisation de la vente par acte authentique lequel n'est pas nécessaire à la validité de la vente qui a produit tous ses effets puisque la société Segaco exerce son activité dans les locaux du Cabinet [I] Courtage et exploite le portefeuille cédé dont elle revendique d'ailleurs la propriété pour reprocher des détournements de fonds à Monsieur [X] [I] ;

Considérant que la banque n'a pas à vérifier l'utilisation des fonds versés conformément à l'objet du prêt à l'emprunteur qui en a viré le montant sur le compte du cédant en paiement du prix de vente ;

Considérant que si le virement opéré ne résulte pas d'un ordre écrit de la société Segaco, il est établi et non contesté que la société Segaco a reçu l'ensemble des relevés de son compte lesquels font clairement apparaître le virement litigieux ;

Considérant que les relevés bancaires sont le moyen par lequel la banque rend compte à son client de chacune des opérations effectuées sur son compte et lui rappelle que, sauf observation de sa part dans le délai d'un mois à compter du relevé, l'opération est considérée approuvée ;

Considérant que le virement litigieux n'a fait l'objet d'aucune contestation par la société Segaco jusqu'à la présente instance introduite par acte d'huissier du 20 juillet

2005 ;

Considérant qu'il résulte de l'expertise judiciaire diligentée en vertu d'une ordonnance de référé du 1er février 1999 que la première assemblée générale de la société Segaco en date du 4 octobre 1995, dont le procès-verbal est signé des deux associés, a validé l'achat du Cabinet [I] Courtage ; que le prêt a été comptabilisé au compte de la société Segaco ; que les apports dont l'apport du portefeuille clients comprenant le prêt ont été comptabilisés et crédités pour moitié à chacun des deux associés à concurrence de la somme de 1.231.225 francs comprenant 375.000 francs au titre du prêt et 856.225 francs au titre des apports ; que la somme de 750.000 francs a été versé sur le compte du Cabinet [I] Courtage laquelle a été débité à chacun des associés pour 375.000 francs qui seront remboursés mensuellement chacun à raison de 17.500 francs ;

Considérant qu'ainsi ces éléments constituent des présomptions graves, précises et concordantes prouvant la volonté de la société Segaco de payer le prix de la vente au Cabinet [I] Courtage en créditant le montant du prix de la vente sur le compte de ce dernier et qu'elle en donné l'ordre à la Banque Populaire Industrielle et Commerciale qui l'a exécuté expliquant qu'elle ait intitulé l'opération régularisation entre la société Segaco et le Cabinet [I] Courtage;

Considérant que la société Segaco est ainsi mal fondée à soutenir que le prêt est sans cause ; qu'il n'y a pas de manquement de la banque, ni aucun acte caractérisant une immixtion de la banque dans la gestion du compte de la société Segaco ;

Considérant que la société Segaco reproche également à la Banque Populaire Industrielle et Commerciale d'avoir été complice des détournements de Monsieur [X] [I] à son préjudice ;

Considérant que la société Segaco ne justifie pas avoir agi contre Monsieur [X] [I] et ne précise pas les suites qui ont été donné à la procédure pénale diligentée par le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Créteil dont il est fait mention par l'expert; qu'elle se prévaut du rapport d'une expertise judiciaire du 15 juin 2000 diligentée en vertu d'une ordonnance du 1er février 1999 rendue sur la requête des époux [I] qui s'accusent réciproquement de détournements de fonds appartenant à la société Segaco ;

Considérant que ce rapport met en évidence que la trésorerie de la société Segaco a été très difficile en raison de causes structurelles liés d'une part au remboursement de l'emprunt bancaire et au paiement du solde de l'achat du fonds aux associés et d'autre part aux rémunérations et prélèvements des gérants ; que les comptes courants font apparaître que les associés utilisent leurs comptes pour des dépenses personnelles et qu'ils ont plusieurs comptes personnels qu'ils utilisent aussi pour la société ; que selon l'expert les prélèvements exagérés de Monsieur [X] [I] sont à l'origine des difficultés de trésorerie de la société Segaco; qu'il estime que les comptes bancaires personnels de Monsieur [X] [I] présentent d'importantes recettes inexpliquées et des recettes d'assurances pour un montant de 1.344.173,30 francs, soit 204.917,89 euros, après régularisation ;

Considérant que ce rapport qui n'est pas contradictoire à l'égard de la Banque Populaire Industrielle et Commerciale qui n'était pas partie à l'expertise réalisée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile se contente de faire un constat sur l'encaissement injustifié de recettes par Monsieur [X] [I] sans établir un relevé opération par opération, ni un compte entre les associés; qu'il met en évidence un fonctionnement complexe de la comptabilité de la société Segaco qui implique les comptes courants des associés et leurs comptes personnels avec des mouvements fonds entre ces différents comptes ; qu'ainsi Monsieur [X] [I] est titulaire d'un compte personnel à La Poste sous le numéro 3264475H et d'un compte personnel à la Banque Populaire Industrielle et Commerciale ouvert en nom personnel sous le numéro 4174044809; que par ailleurs le Cabinet [I] Courtage est titulaire d'un compte professionnel à la Banque Populaire Industrielle et Commerciale sous le numéro 407413482 ; que les époux [I] sont également titulaires d'un compte joint à la Banque Populaire Industrielle et Commerciale sous le numéro 417044853 ; que Madame [B] divorcée [I] est titulaire de plusieurs comptes au Crédit Agricole et d'un compte au Crédit Mutuel;

Considérant que selon ce rapport la somme de 204.917,89 euros, dont la société Segaco réclame le paiement à la banque au titre des détournements dont elle s'estime victime, est constitué de versements en espèces pour un montant de 71.164,76 euros (466.810,24 francs) sur l'origine desquels la banque ne peut avoir aucun contrôle, de chèques non identifiés d'un montant de 221.960,02 euros (1.455.962,32 francs) sur lesquels la responsabilité de la banque ne peut être recherchée faute d'être identifiés et de chèques d'assurances identifiés sans pour autant avoir été établis à l'ordre de la société Segaco pour un montant de 42.645,05 euros (279.773,17 francs), ni avoir tous été encaissés sur les comptes ouverts dans les livres de la Banque Populaire Industrielle, ni même sur le compte personnel de Monsieur [I] ou le compte du Cabinet [I] Courtage puisque le compte joint des époux [I] a également bénéficié de recettes inexpliquées ainsi que le compte personnel de Monsieur [I] ouvert à La Poste;

Considérant que faute de preuve que ces recettes inexpliquées, qui résulteraient ainsi que la soutient la société Segaco, de détournements de fonds lui appartenant au profit de Monsieur [X] [I], constituent des opérations de blanchiment de capitaux, l'obligation de surveillance imposée aux établissements bancaires dans ce cadre n'a pas vocation à s'appliquer en l'espèce;

Considérant qu'il n'est argué d'aucune falsification des chèques émis par des compagnies d'assurance ou des clients de la société Segaco ; que la régularité formelle des chèques n'est pas mise en cause puisqu'il n'est ni argué, ni démontré que des chèques émis à l'ordre de la société Segaco ont été encaissés sur le compte du Cabinet [I] Courtage qui dépend au demeurant de la communauté légale des époux [I] ; qu'il est seulement reproché à la Banque Populaire Industrielle et Commerciale d'avoir permis à Monsieur [X] [I] d'appréhender des sommes qui auraient appartenu à la société Segaco en laissant fonctionner le compte du Cabinet [I] Courtage bien qu'il n'ait plus d'existence légale;

Considérant que la banque qui n'a pas à s'immiscer dans les affaires de ses clients n'avait pas l'obligation de clôturer le compte professionnel du Cabinet [I] Courtage du fait de sa cession à la société Segaco ; qu'elle n'a pas à se substituer aux dirigeants de la société pour prendre les décisions qu'ils estiment utiles à la gestion de leurs affaires et que le compte de l'entreprise [I] Courtage dépend de la communauté légale des époux [I] qui n'ont pas estimé utile de procéder à sa clôture alors qu'ils sont les associés dirigeants de la société Segaco ; que le compte a continué à fonctionner par la volonté de ses mêmes dirigeants qui ont continué à effectuer des opérations sur ce compte ;

Considérant que l'extrait de registre du commerce et des sociétés versé aux débats démontre que c'est Monsieur [X] [I] exerçant sous le nom commercial Cabinet [I] Courtage qui a été radié du registre du commerce et des sociétés le 19 novembre 1996 de sorte que le nom commercial pouvait lui survivre de même que le compte professionnel ouvert à ce nom pour les besoins de la continuation de l'activité dès lors qu'aucune disposition n'a été prise par les cédants et le cessionnaire pour arrêter les comptes entre eux ;

Considérant qu'il est établi que Monsieur [X] [I] a été démis de ses fonctions de gérant de la société Segaco le 3 septembre 1998 et que depuis sa démission aucun détournement n'est incriminé ; que Monsieur [X] [I] en sa qualité de gérant avait le pouvoir de gérer les comptes de la société et que c'est lui qui a établi et signé les bordereaux de dépôt de chèques ; que la banque n'a fait qu'exécuter les ordres qui lui ont été donnés par Monsieur [X] [I] en sa qualité de co-gérant de la société Segaco ;

Considérant que ce n'est pas à la banque de contrôler la gestion du gérant de la société composée de deux associés co-gérants difficilement appréhendable compte tenu de l'imbrication des comptes courants d'associés avec le compte du Cabinet [I] Courtage dépendant de la communauté légale des époux [I] et les comptes personnels des époux [I] et leur compte joint qui a aussi bénéficié de recettes inexpliquées utilisées par la communauté ; qu'il ne lui appartient pas davantage de faire circuler des informations entre les associés de la société Segaco qui sont les cédants du Cabinet [I] Courtage et qui en sont les co-gérants et qui sont au demeurant mari et femme ;

Considérant qu'il ne peut être argué d'un manquement de la banque à un devoir de vigilance et de prudence particulièrement accru envers des profanes non rompus aux mécanismes bancaires dès lors que la seule personne en cause est une société commerciale ayant pour objet une activité commerciale de courtage et conseil en assurances, produits financiers, crédit immobilier et gestion ;

Considérant qu'en l'absence de preuve d'une faute de la banque, la société Segaco est mal fondée en sa demande en dommages-intérêts contre la Banque Populaire Rives de Paris venant aux droits de la Banque Populaire Industrielle et Commerciale ;

Considérant que le jugement déféré sera confirmé en toutes ses

dispositions ;

Considérant qu'il est inéquitable de laisser à la charge de la partie intimée le montant de ses frais irrépétibles en cause d'appel ; qu'il convient de condamner la société Segaco à payer à la Banque Populaire Rives de Paris la somme de 3.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile;

Considérant que la société Segaco qui succombe supportera ses frais irrépétibles et les dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement du tribunal de commerce d'Evry en date du 13 décembre 2007,

Y ajoutant,

Condamne la S.A.R.L. Segaco à payer à la Banque Populaire Rives de Paris la somme de 3.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne la S.A.R.L. Segaco aux dépens avec distraction au profit de l'avoué concerné dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 08/04384
Date de la décision : 14/01/2011

Références :

Cour d'appel de Paris I6, arrêt n°08/04384 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-01-14;08.04384 ?
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