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13/01/2011 | FRANCE | N°08/07858

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 13 janvier 2011, 08/07858


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 13 Janvier 2011

(n° 1 , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/07858 JMD



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Février 2008 par le conseil de prud'hommes de PARIS section activités diverses RG n° 07/04983





APPELANTE

Madame [C] [O]

[Adresse 3]

[Localité 4]

comparante en personne, assistée de Me Sylvain R

OUMIER, avocat au barreau de PONTOISE





INTIMÉE ET APPELANTE INCIDENTE

S.C.I. YAMIJO

Chez SARL IGE

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Claudine MIMRAN, avocat au barreau ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 13 Janvier 2011

(n° 1 , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/07858 JMD

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Février 2008 par le conseil de prud'hommes de PARIS section activités diverses RG n° 07/04983

APPELANTE

Madame [C] [O]

[Adresse 3]

[Localité 4]

comparante en personne, assistée de Me Sylvain ROUMIER, avocat au barreau de PONTOISE

INTIMÉE ET APPELANTE INCIDENTE

S.C.I. YAMIJO

Chez SARL IGE

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Claudine MIMRAN, avocat au barreau de PARIS, toque : B2099

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 18 Novembre 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, Président

Madame Evelyne GIL, Conseillère

Madame Isabelle BROGLY, Conseillère qui en ont délibéré

Greffier : Mademoiselle Séverine GUICHERD, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, président et par Séverine GUICHERD, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu l'appel régulièrement interjeté par Madame [C] [O] à l'encontre d'un jugement prononcé le 21 février 2008 par le conseil de prud'hommes de PARIS ayant statué sur le litige qui l'oppose à la S.C.I. YAMIJO sur ses demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.

Vu le jugement déféré qui a condamné la S.C.I. YAMIJO à payer à Madame [C] [O] la somme de 7 031,74 € pour rupture abusive du contrat de travail, outre celle de 500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, et a débouté la salariée de ses autres demandes.

Vu les conclusions visées par le greffier et développées oralement à l'audience aux termes desquelles :

Madame [C] [O], appelante, poursuit l'infirmation partielle du jugement déféré, l'annulation des avertissements des 16 juin et 13 juillet 2006 ainsi que la condamnation de la S.C.I. YAMIJO au paiement des sommes suivantes :

- 22 501,64 € à titre de rappel de salaires et incidences sur les indemnités de rupture, subsidiairement la même somme à titre de dommages-intérêts, pour non respect des dispositions conventionnelles relatives aux heures de repos,

- 1 134,88 € à titre de rappel sur salaire pour non respect des minima conventionnels, outre les congés payés et le complément de 13ème mois afférents,

- 30 470 € à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,

- 2 000 € à titre de dommages-intérêts pour chaque avertissement annulé,

- 7 620 € à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- 7 620 € à titre de dommages-intérêts pour circonstances vexatoires du licenciement,

- 2 500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

avec intérêts légaux et capitalisation ainsi que remise sous astreinte d'une attestation P LE EMPLOI, d'un certificat de travail et de bulletins de paie conformes à la décision

La S.C.I. YAMIJO, intimée et appelante incidente, requiert le débouté des demandes de Madame [C] [O] et sa condamnation à lui payer la somme de 3 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

CELA ÉTANT EXPOSÉ

Par contrat écrit (à durée déterminée d'un an, selon une mention manuscrite, à durée indéterminée selon une mention pré-imprimée) en date du 14 février 1997 ayant pris effet le 19 janvier 1997, Madame [C] [O] a été engagée en qualité de gardienne d'immeuble par Monsieur [X], propriétaire de l'immeuble [Adresse 2]. La rémunération mensuelle, calculée sur la base de 6 800 U.V. et d'un coefficient hiérarchique de 255, s'élevait alors à la somme de 3 707,29 francs. Elle était fixée au moment du licenciement à la somme de 1 171,94 € sur 13 mois.

En dernier lieu, le propriétaire de l'immeuble était la S.C.I. YAMIJO, laquelle a confié un mandat de gestion locative le premier juin 2006 à la Sàrl IMMOGEST EUROPE, ensuite dénommée I.G.E.

Le 2 février 2007, la Sàrl IMMOGEST EUROPE convoquait Madame [C] [O] pour le 12 février 2007 à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

Par lettre du 26 février 2007 à en-tête "SCI Yamijo C/o ImmoGest Europe" le licenciement était prononcé pour cause réelle et sérieuse se fondant sur les griefs suivants :

- insubordination et exécution de mauvaise foi du contrat de travail,

- occupation et annexion abusive des parties communes et leur mauvais entretien,

- laxisme et inexécution des tâches.

SUR CE

Sur le rappel de salaire au titre des heures de pause.

Le contrat de travail de Madame [C] [O] définit les tâches qui lui sont confiées, sous les rubriques tâches générales, propreté et entretien des parties communes, entretien de propreté des espaces libres, détermine à un total de 6 735, arrondi à 6 800, le nombre d'unités de valeurs correspondantes, mentionne les heures d'ouverture de la loge, soit de 6 heures à 19 heures, et fixe le repos hebdomadaire du samedi midi au lundi 8 heures. Il en résulte que Madame [C] [O] est soumise à une amplitude horaire journalière de 13 heures au cours de laquelle elle a droit à une pause d'une durée totale de 4 heures.

Madame [C] [O] fait valoir qu'elle n'a jamais été en mesure de prendre la totalité de sa pause et qu'au demeurant les reproches qui lui ont été adressés par l'employeur dans les derniers temps de la relation contractuelle démontrent qu'aux yeux de ce dernier elle devait être en permanence à sa disposition.

Il convient toutefois de relever que Madame [C] [O] n'étaye par aucun élément précis et objectif ses affirmations sur l'impossibilité dans laquelle elle se trouvait de profiter de l'intégralité de son temps de pause et sur la perte à ce titre de deux heures quotidiennes, chiffrage que rien ne permet de confirmer dans son principe et a fortiori dans son quantum et qui procède d'une détermination a posteriori et totalement arbitraire.

Il ne peut donc être fait droit à cette demande.

A titre subsidiaire, Madame [C] [O] demande l'octroi de dommages-intérêts pour non respect de la convention collective sur la fixation des temps de pause. Il convient toutefois de relever sur ce point que le dernier employeur de Madame [C] [O] lui a demandé à plusieurs reprises de fournir un planning de son activité, ce qui aurait permis de déterminer de manière pertinente les temps de pause, mais que celle-ci n'a jamais répondu à cette sollicitation ce qui permet de considérer qu'elle s'accommodait parfaitement de cette situation, qui d'ailleurs prévalait depuis l'origine de la relation de travail, et qu'elle n'en subissait aucun préjudice.

Il convient donc de débouter Madame [C] [O] également sur ce fondement.

Sur le rappel de salaire au titre des minima conventionnels.

Aux termes de l'article 22 de la convention collective des gardiens, concierges et employés d'immeuble, les

'appointements minimaux garantis (rémunération mensuelle conventionnelle) sont constitués par l'addition des deux éléments de rémunération suivants :

a) Salaire de base = valeur point x coefficient hiérarchique ;

b) Salaire complémentaire = complément non hiérarchisé'.

Sur la base de cette définition, il apparaît que la rémunération de Madame [C] [O] a été inférieure au minimum conventionnel de janvier 2005 à décembre 2006.

Pour s'opposer à la demande de rappel, la S.C.I. YAMIJO soutient qu'il y a lieu de prendre en compte une 'indemnité différentielle' également versée à la salariée. L'examen des feuilles de paie fait clairement ressortir que cette indemnité n'a pas pour objet d'ajuster le salaire de la salariée sur le minimum conventionnel, comme soutenu par l'employeur, puisqu'il a été payé avant 2005 et après 2007 alors que ce minimum était respecté. Par ailleurs ce complément n'est pas affecté de prélèvements sociaux. Il s'agit donc d'un élément propre de rémunération ne rentrant pas dans la définition conventionnelle et ne pouvant être pris en compte pour la détermination du salaire garanti.

Il convient de faire droit à la demande de Madame [C] [O] et ce dans le quantum requis, lequel n'est pas contesté en tant que tel.

Sur l'avertissement du 16 juin 2006.

Il est reproché à Madame [C] [O] de n'avoir pu être jointe par téléphone des heures durant le 13 juin 2006 et d'avoir été absente de son lieu de travail le même jour aux environs de 15 heures.

Toutefois la S.C.I. YAMIJO ne démontre nullement avoir appelé Madame [C] [O] en vain à de multiples reprises par téléphone. La gérante de la société de gestion déclare s'être rendue sur les lieux avec un prestataire de service vers 15 heures et y être restée jusque vers 16 heures sans pouvoir rencontrer la gardienne malgré ses recherches. A ce moment de la journée il était loisible à Madame [C] [O] de prendre sa pause et de vaquer à des occupations personnelles sans que cela constitue un manquement à ses obligations contractuelles. Il n'est pas contesté que ses tâches quotidiennes ont bien été effectuées ce jour-là et Madame [C] [O] produit deux témoignages qui en attestent. Au demeurant une large majorité de locataires a exprimé son désaccord sur cet avertissement par une pétition où ils indiquent que la gardienne effectue très bien son travail et qu'il n'y a rien à lui reprocher.

Le grief n'étant pas fondé, il convient d'annuler l'avertissement litigieux, que Madame [C] [O] avait contesté amiablement en vain.

Sur l'avertissement du 13 juillet 2006.

La lettre de 2ème avertissement énonce deux griefs :

- refus de communiquer le planning journalier : il appartient à l'employeur, dans l'exercice de son pouvoir de direction, de définir les horaires de travail du salarié, dans le cadre des dispositions légales, contractuelles et conventionnelles applicables. Si le fait pour la S.C.I. YAMIJO de demander à Madame [C] [O] des précisions sur le déroulement habituel de ses journées dans le but notamment de fixer ses heures de pause relève d'une démarche positive, le défaut de réponse de la salariée n'avait pas pour effet de mettre en échec ses prérogatives, qu'il avait la faculté d'exercer indépendamment de cette réponse. L'attitude de Madame [C] [O], qui traduit certes un égard insuffisant aux attentes de l'employeur, ne peut s'analyser en un comportement relevant de l'insubordination et justifier un avertissement.

- retour d'un courrier adressé à un locataire : la S.C.I. YAMIJO expose qu'une lettre, revêtue de son timbre, qu'elle a adressée à un locataire "récemment installé dans les lieux" lui a été retournée par la gardienne. Il s'avère en réalité que la personne concernée, Madame [V] [M], qui a attesté, n'était pas arrivée dans l'immeuble et ne s'était pas encore signalée à la gardienne qui pouvait donc parfaitement ignorer son nom. Le fait de retourner le courrier à l'envoyeur, fût-il l'organisme de gestion de l'immeuble, ne peut dans ces circonstances constituer un motif sérieux de sanction disciplinaire.

Ce second avertissement doit donc être également annulé.

En faisant un usage inconsidéré de son pouvoir disciplinaire et en n'ayant pas pris en compte les observations pertinentes qu'il avait suscitées de la part de Madame [C] [O], ce qui aurait dû le conduire au retrait des avertissements, l'employeur a causé à cette dernière un préjudice qui sera globalement réparé par l'octroi de dommages-intérêts d'un montant de 2 000 €.

Sur la qualification du licenciement.

1/ Insubordination et exécution du contrat de travail de mauvaise foi.

Il est de nouveau reproché à ce titre le défaut de communication du planning dont il a été dit plus haut qu'il était insusceptible de justifier un avertissement et donc, a fortiori, un licenciement, l'obstination de la S.C.I. YAMIJO à réclamer un document dont elle n'avait nul besoin pour garantir l'intérêt invoqué "d'une bonne gestion de l'immeuble" n'étant pas de nature à aggraver la qualification à donner au défaut de réponse, même persistant, de Madame [C] [O].

Sous la même rubrique, la lettre de licenciement évoque la résiliation par Madame [C] [O] de sa ligne téléphonique personnelle et rappelle que l'employeur a fait alors installer une ligne professionnelle pour la bonne gestion de l'immeuble, ce qui, a contrario, peut signifier que la résiliation a nui à cette bonne gestion. Dans ses conclusions, la S.C.I. YAMIJO développe abondamment ce grief qui n'est toutefois pas exprimé clairement dans la lettre.

Il convient de relever que si Madame [C] [O] a mis pendant quelques années sa ligne téléphonique personnelle au service de son activité professionnelle, elle n'a pris aucun engagement durable de ce chef et était libre de procéder à la résiliation à tout moment. La lettre de résiliation à France Télécom est du 11 janvier 2006. Le 6 mars 2006, le gestionnaire de l'immeuble a reproché à Madame [C] [O] d'avoir procédé à cette résiliation sans concertation préalable avec son employeur. Par lettre du 10 mars 2006, Madame [C] [O] a rappelé à la S.C.I. YAMIJO qu'elle lui avait à plusieurs reprises demandé de prendre en charge les appels professionnels. En cet état, Madame [C] [O] est exempte de tout reproche sur ce point.

2/ Occupation et annexion abusive des parties communes et leur mauvais entretien.

La S.C.I. YAMIJO reproche à Madame [C] [O] d'avoir transformé en chambre d'enfant pour son usage familial un appentis relevant des parties communes et d'avoir maintenu cette situation malgré la mise en demeure de la faire cesser.

Il est constant que l'appentis litigieux ne figure pas dans l'énumération des locaux mis à la disposition de Madame [C] [O] à titre de logement ou pour son usage privatif dans le contrat de travail du 14 février 1997. Toutefois il résulte d'un courrier du 15 mars 2000 de la société RONDI-BAUDRIER, alors gestionnaire de l'immeuble pour le compte de Madame [N] [L] fille et héritière de Monsieur [X] propriétaire lors de l'engagement de Madame [C] [O], qu'était reconnu à cette dernière l'usage, outre de la loge, d'une pièce dans la cour faisant office de chambre et d'une chambre de bonne au 6ème étage, l'objet du courrier étant de l'inviter à contracter de ce chef une assurance multi-risques habitation, ce qui ne saurait mieux caractériser les droits qui lui étaient dévolus par le propriétaire.

Plusieurs résidents attestent qu'il en était déjà de même du temps de la gardienne précédente.

Ces droits sont opposables par Madame [C] [O] à la S.C.I. YAMIJO qui ne saurait arguer contre la salariée, comme elle le fait dans son courrier du 20 décembre 2006, le silence de l'acte de vente à cet égard, ce sur quoi il lui appartient de quereller son vendeur.

A tout le moins il existait un doute sur les droits respectifs, ce qui aurait dû conduire la S.C.I. YAMIJO à une retenue qu'imposaient la manifeste bonne foi de l'occupante comme la manifeste exiguïté d'un logement de fonction de 18 m2 pour un couple et deux enfants.

C'est donc particulièrement mal à propos, en invoquant une atteinte à ses droits non sérieusement établie et une insalubrité à laquelle il lui appartenait au besoin de remédier, que la S.C.I. YAMIJO a sommé Madame [C] [O] le 21 novembre 2006 de déguerpir sous 48 heures de cette chambre d'enfant et qu'elle fait de cette occupation jusque là paisible et qui s'est effectivement poursuivie après sa mise en demeure un motif de licenciement.

Il est encore reproché à Madame [C] [O] la fermeture de la porte d'accès à la courette, situation constatée par huissier le 8 décembre 2006, cet espace n'étant dès lors accessible que par la loge ou l'arrière-boutique d'un des commerces exploités au rez-de-chaussée de l'immeuble.

Toutefois Madame [C] [O] soutient sans être utilement démentie que la fermeture de cette cour répond à une consigne de l'ancien propriétaire qui ne voulait pas que les locataires y accèdent librement, d'autant plus qu'y étaient stockés des produits d'entretien pouvant présenter un danger pour les personnes. Au demeurant il est curieux que la société IGE qui gère l'immeuble depuis le premier juillet 2004 (mandat de gestion de la Sàrl MONTPARNASSA alors propriétaire) ait ignoré pendant plus de deux ans cette situation parfaitement apparente. Quoiqu'il en soit, Madame [C] [O] a cessé de fermer la cour dès que la S.C.I. YAMIJO lui a donné un ordre en ce sens.

La lettre de licenciement évoque également un défaut d'entretien qui toutefois n'est en rien caractérisé et se trouve formellement démenti par les nombreuses attestations de résidents.

3/ Laxisme et inexécution des tâches.

- le renvoi du courrier à son expéditeur : il s'agit du grief déjà invoqué à l'appui du second avertissement et qui ne peut être repris pour asseoir le licenciement, d'autant plus qu'il est mal fondé.

- la panne de chaudière du 6 février 2007 : il n'est pas contesté que cette panne est intervenue en soirée après la fermeture des bureaux du gestionnaire de l'immeuble et que face à l'urgence Madame [C] [O] a fait intervenir le chauffagiste habituel de la résidence. En fait, la S.C.I. YAMIJO ne remet pas en cause la nécessité et la qualité de l'intervention mais exprime le reproche d'avoir été prévenue tardivement, ce qui apparaît bien mineur comparé aux graves inconvénients que l'initiative de la gardienne a épargnés aux locataires, couramment en butte à des problèmes de chauffage ou de distribution d'eau chaude dont le gestionnaire tentait d'ailleurs de se défausser sur la salariée.

- la réception des clés : le 11 décembre 2006 et le 2 février 2007, Madame [C] [O] a refusé de se voir remettre, si ce n'est contre décharge, des clés d'appartements inoccupés ou en travaux. Compte tenu du climat de suspicion alors entretenu par le gestionnaire d'immeuble, cette attitude, qui n'enfreint aucune de ses obligations contractuelles, constitue de la part de Madame [C] [O] une précaution qui ne saurait lui être reprochée, ni dans l'absolu ni par comparaison avec le service de même nature qu'elle pouvait rendre à certains résidents avec lesquels elle était en climat de confiance.

- sur le relevé de compteur : le 18 décembre 2006, Madame [C] [O] n'était pas disponible lorsque le releveur de compteur d'eau s'est présenté sans avoir prévenu de son passage, ce qui constitue un fait dénué de conséquence et unique en 10 années de gardiennage.

- la commande de produits d'entretien : Madame [C] [O] répond à ce grief qui toutefois ne motive pas le licenciement mais est censé, par le rappel d'un incident antérieur, conforter le grief de défaut d'information du gestionnaire.

Au terme de cet examen, il apparaît que les griefs articulés contre Madame [C] [O] sont infondés et il y a lieu de confirmer la décision du conseil de prud'hommes ayant déclaré abusive la rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur.

Sur le montant des indemnités.

Au vu des pièces justificatives produites et des dispositions de l'article L. 1234-5 du code du travail, compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à la salariée, de son âge, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, ainsi que de son ancienneté dans ses fonctions, il apparaît que les premiers juges n'ont pas apprécié dans toute son étendue le préjudice qu'elle a subi et lui ont accordé une somme impropre à le réparer intégralement. Il convient de réformer sur ce point et de porter les dommages-intérêts à la somme de

22 000 €.

Sur les dommages-intérêts pour circonstances vexatoires du licenciement.

Les circonstances du licenciement ont été prises en compte dans la détermination de la somme arrêtée ci-dessus et ne sont pas détachables de la rupture du contrat de travail et de ses conséquences. Il n'y a donc pas lieu à une indemnisation distincte.

Sur les dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

Outre les deux avertissements annulés qui ont fait l'objet d'une indemnisation propre, la S.C.I. YAMIJO a adressé de façon répétée à Madame [C] [O] des courriers de reproches injustifiés, sous l'intitulé parfois de mise en demeure, et a entrepris de rendre particulièrement pénibles ses conditions de travail, voire de vie familiale, alors qu'au cours des huit années précédentes l'intéressée s'était acquittée de ses tâches dans des conditions agréées sans réserve par le propriétaire et appréciées par les résidents dont aucun ne s'est plaint et qui, à une large majorité, ont tenu à attester leur entière satisfaction comme leur réprobation face à la mesure prise, certains d'entre eux l'ayant d'ailleurs fait spontanément les 29 mai et 29 juin 2007 lors de venues sur place de Madame [B] [K], responsable de la société IGE, qui relate le mauvais accueil qui lui a été alors réservé. Ce soutien très largement exprimé rend dérisoires les allégations de la S.C.I. YAMIJO quant à une manipulation des locataires par Madame [C] [O]. Au demeurant, l'employeur ne démontre nullement que ce qui était fait pour eux par la gardienne, à l'instar d'une pratique répandue dans la profession, l'était nécessairement à son détriment, une bonne ambiance au sein de l'immeuble et un sentiment de satisfaction de ses occupants ne pouvant au contraire que profiter au propriétaire.

Le comportement inapproprié de la S.C.I. YAMIJO à l'égard de sa salariée au cours de la relation de travail a occasionné à celle-ci un préjudice qui sera réparé par l'allocation de dommages-intérêts d'un montant de 5 000 €.

Sur les intérêts légaux et la capitalisation.

Le rappel de salaire portera intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la S.C.I. YAMIJO de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes.

Les dommages-intérêts porteront intérêts au taux légal à compter du jugement de première instance sur la somme de 7 031,74 € et à compter de la présente décision pour le surplus.

Sur la demande de Madame [C] [O], et en l'absence de toute cause de retard de paiement due à son fait, il convient d'ordonner la capitalisation des intérêts dans les formes et conditions prévues à l'article 1154 du code civil.

Sur la remise de documents.

Compte tenu des dispositions prises, il appartiendra à la S.C.I. YAMIJO de remettre à Madame [C] [O], dans un délai de 15 jours francs à compter de la notification du présent arrêt, un certificat de travail, une attestation destinée au P LE EMPLOI et des bulletins de paie conformes à la décision, le prononcé d'une astreinte ne paraissant pas en l'état utile pour garantir l'exécution de cette obligation.

Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens.

Succombant au principal, la S.C.I. YAMIJO sera condamnée aux dépens d'appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés, les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance étant confirmées.

La somme qui doit être mise à la charge de la S.C.I. YAMIJO au titre des frais non compris dans les dépens exposés par Madame [C] [O] devant la cour peut être équitablement fixée à 2 000 €.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme le jugement déféré en ses dispositions relatives au rappel de salaire au titre des heures de pause, à la qualification du licenciement, aux dommages-intérêts pour circonstances vexatoires du licenciement, aux dépens et aux frais non compris dans les dépens exposés en première instance.

Le réformant pour le surplus et y ajoutant,

Annule les avertissements des 16 juin et 13 juillet 2006.

Condamne la S.C.I. YAMIJO à payer à Madame [C] [O] les sommes suivantes :

- 1 134,88 € à titre de rappel de salaire pour respect des minima conventionnels,

- 113,49 € au titre des congés payés afférents

- 89,44 € au titre de l'incidence 13ème mois,

- 22 000 € à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,

- 2 000 € à titre de dommages-intérêts pour les avertissements annulés,

- 5 000 € à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

Dit que les sommes allouées au titre du rappel de salaire porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la S.C.I. YAMIJO de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes.

Dit que les dommages-intérêts porteront intérêts au taux légal à compter du jugement de première instance sur la somme de 7 031,74 € et à compter de la présente décision pour le surplus.

Dit que les intérêts échus sur le capital pour une année entière produiront eux-mêmes des intérêts.

Déboute Madame [C] [O] de sa demande de dommages-intérêts pour défaut de fixation des heures de pause.

Condamne la S.C.I. YAMIJO aux dépens d'appel et à payer à Madame [C] [O] la somme de 2 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 08/07858
Date de la décision : 13/01/2011

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°08/07858 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-01-13;08.07858 ?
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