RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRÊT DU 12 Janvier 2011
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/03691
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 Janvier 2009 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - Section Commerce - RG n° 07/07882
APPELANTE
Madame [T] [C] épouse [H]
[Adresse 2]
[Localité 3]
comparante en personne, assistée de Me Christine BEZARD FALGAS, avocate au barreau de PARIS, G0521
INTIMÉE
E.U.R.L. [V] HEIM
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Alain PRUNIER, avocat au barreau de TOURS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Novembre 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne DESMURE, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Geneviève LAMBLING, Présidente
Madame Anne DESMURE, Conseillère
Monsieur Benoît HOLLEAUX, Conseiller
GREFFIÈRE : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.
- signé par Madame Geneviève LAMBLING, Présidente et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
En vertu d'un contrat de travail à temps partiel à durée indéterminée conclu le 27 janvier 2004, Mme [H] a été engagée en qualité d'assistante par l'Eurl [V] [U] qui exploite une galerie d'art au [Adresse 1].
A compter du 7 septembre 2005, Mme [H] a bénéficié d'un congé d'adoption auquel a succédé un congé parental d'éducation.
Elle a repris son activité le 17 novembre 2006.
Elle a fait l'objet d'un licenciement disciplinaire le 12 janvier 2007.
Saisi par Mme [H] d'une contestation de ce licenciement, d'une demande de rappel de salaires, et d'une demande d'indemnité pour travail dissimulé, le conseil de prud'hommes de Paris a, par jugement du 5 janvier 2009, rejeté ces demandes.
Régulièrement appelante, Mme [H] demande à la cour d'infirmer ce jugement et, statuant à nouveau, de condamner la société [V] [U] à lui verser la somme de 8 229 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la somme de 874,76 euros au titre des heures supplémentaires, la somme de 8 229 euros en application de l'article L.324-11-1 du code du travail et celle de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [H] demande également qu'il soit enjoint à la société [V] [U] d'avoir sous peine d'astreinte à lui remettre des bulletins de salaires et une attestation Assedic conformes.
Intimée, la société [V] [U] requiert la cour de confirmer le jugement déféré et de condamner Mme [H] à lui payer la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un complet exposé des faits, de la procédure et des prétentions, la cour se réfère expressément aux écritures déposées et développées oralement par les parties à l'audience du 23 novembre 2010.
MOTIFS
Sur la recevabilité de l'appel
Considérant qu'il résulte de la correspondance des services de La Poste en date du 22 décembre 2009 que le courrier recommandé portant notification du jugement a été distribué le 2 mars 2009 à Mme [H]; que, partant, l'appel formalisé par déclaration enregistrée au greffe le 1er avril suivant est recevable ;
Considérant que le moyen pris de l'irrecevabilité de l'appel est donc rejeté ;
Sur le licenciement
Considérant que la lettre de licenciement est ainsi rédigée :
'Vos départs anticipés de votre poste de travail (sans autorisation) et vos absences répétées injustifiées ne me permettent pas de compter sur votre collaboration régulière et désorganisent gravement le fonctionnement normal de la galerie';
Considérant que le licenciement est intervenu après que Mme [H] eut fait l'objet de deux avertissements, le 15 décembre 2006 au motif qu'elle 'partait vers 17 heures' au lieu de 18 heures, puis le 19 décembre 2006 pour être 'partie vers 15 heures le vendredi 15 décembre' ; que l'employeur reproche à Madame [H] d'avoir, les jours suivants, quitté son poste, le 19 décembre à 17 heures, le 20 décembre à 16 heures et le 21 décembre à 17 heures, et de ne pas s'être présentée sur son lieu de travail le 22 décembre ;
Considérant que si les parties sont contraires sur les circonstances dans lesquelles Mme [H] n'a pas travaillé le 22 décembre, puisque cette dernière soutient que son employeur lui avait été fait part le 15 décembre que la galerie serait fermée le 22 décembre et que c'est à la seule date du 21 décembre au soir, alors qu'elle avait pris des dispositions ne lui permettant plus de travailler le lendemain, qu'il lui a demandé de venir travailler le 22 décembre, Mme [H] ne discute en revanche pas avoir, les 19, 20 et 21 décembre 2006, quitté son poste de travail avant l'heure définie au contrat de travail, ni non plus qu'il en avait été de même les jours précédents visés par les deux avertissements dont elle a fait l'objet; que Mme [H] ne peut donc utilement soutenir que la lettre de licenciement ne vise pas des faits nouveaux depuis les deux avertissements ci-avant cités ;
Considérant que le contrat de travail précisait la répartition des 14 heures hebdomadaires de travail de Mme [H], à savoir le mardi et le mercredi de 14 à 18 heures, le jeudi de 16 à 18 heures et le vendredi de 14 à 18 heures; que pour combattre tout caractère fautif à ses départs anticipés renouvelés eu égard aux horaires contractuellement définis, Mme [H] soutient que ni les horaires ni la durée de travail définis au contrat n'étaient respectés, et se prévaut d'un usage pris de ce qu'elle a tout au long de la relation contractuelle travaillé selon des horaires variables et perçu un salaire en fonction des heures effectuées, ce dont elle veut pour preuve les retenues opérées sur ses salaires à proportion de la durée de ses absences ; que cependant, outre un courrier électronique du 9 mai 2005 par lequel Mme [H] sollicitait de son employeur l'autorisation de s'absenter le jeudi 19 mai et le vendredi 20 mai, la société [V] [U] justifie que les parties ont convenu, par mail du 8 novembre 2006, soit dans les semaines ayant précédé la reprise d'activité de Mme [H] après son congé parental d'éducation, de rester 'sur les mêmes horaires'de travail; que la circonstance par ailleurs que les bulletins de salaire comportaient des retenues pour absences ne fait en rien la preuve d'un usage autorisant Mme [H] à s'affranchir du respect des horaires de travail contractuellement définis ; que Mme [H] ne saurait non plus prétendre subordonner la qualification de faute à la preuve par l'employeur d'une désorganisation en étant résulté pour son entreprise ;
Considérant que du tout, il résulte que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse caractérisée par la réitération par Mme [H] de départs sans autorisation de son lieu de travail à une heure très antérieure à celle contractuellement convenue, malgré des avertissements ayant précédemment sanctionné des faits similaires ;
Que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [H] de ce chef de demande ;
Sur les heures supplémentaires
Considérant que Madame [H] réclame la somme de 874,76 euros en régularisation des heures supplémentaires accomplies des mois de janvier 2004 à juin 2005 au-delà du contingent d'heures complémentaires visé au contrat et que l'employeur ne lui a pas payées au taux majoré de 25% ;
Que pour combattre cette demande, la société [V] [U] soutient que l'appelante a bénéficié en 2004 d'un repos compensateur de 17,41 heures qui l'a remplie de ses droits à ce titre et que, s'agissant de l'année 2005, en l'absence de repos compensateur, Mme [H] est en droit de réclamer la seule somme de 344,46 euros ;
Mais considérant que l'employeur qui a la charge de la preuve de l'octroi effectif de droit au repos nés de la bonification bénéficiant à sa salariée au titre des heures de travail effectuées ne peut se borner à faire état des mentions figurant sur les bulletins de paie qui n'ont qu'une valeur informative et ne font pas la preuve qui lui incombe en présence de la contestation qu'oppose Mme [H] ;
Considérant qu'il sera par conséquent fait droit à la demande en paiement présentée par Mme [H] ;
Sur le travail dissimulé
Considérant que Mme [H] fait valoir qu'elle a perçu, à compter du mois de février 2005, une augmentation de salaire de 2 euros par heure que l'employeur n'a pas mentionné sur ses bulletins de paie et lui a réglé sous forme d'espèces, et que d'autre part l'employeur n'a pas non plus fait figurer sur ses bulletins de salaires les heures de présence qu'elle a effectués à l'occasion de ses déplacements professionnels au salon annuel de Maastricht en 2004 du 29 février au 1er mars puis du 10 au 14 mars, et en 2005 les 27 et 28 février qui lui ont été réglés en espèces ; qu'elle excipe d'une dissimulation intentionnelle d'emploi salarié pour ne pas régler les charges sociales tant patronales que salariales ;
Considérant qu'en défense, la société [V] [U] soutient que Mme [H] ne peut prétendre à l'indemnité prévue à l'article L.8223-1 du code du travail, aux motifs qu'aucun élément n'étaye les assertions adverses qui procèdent de l'affirmation gratuite, que les contrôles effectués par le service des douanes et par l'URSSAF après le départ de Mme [H] n'ont donné lieu à aucun redressement, que l'article L.8221-3 du code du travail n'incrimine pas l'insuffisance de déclarations, et que l'ensemble des heures de Mme [H] au salon de Maastricht ont été déclarées et payées, qu'il n'a enfin jamais été dans les intentions de M. [U] de dissimuler le travail de ses collaboratrices ;
Mais considérant que Mme [H] fonde sa prétention sur les dispositions de l'article L.8223-1 du code du travail; que l'eurl [V] [U] ne discute pas utilement que depuis février 2005, Mme [H] percevait une part de son salaire par chèque, celle figurant sur son bulletin de paye, et une partie en espèces, soit pour chaque heure travaillée 2 euros ; le fait de n'avoir pas mentionné sur les bulletins de paie l'augmentation de salaire dont Mme [H] a bénéficié à compter de février 2005 constitue une dissimulation d'emploi salarié au sens de l'article L.8221-5 du code du travail; qu'également, l'examen comparatif des bulletins de paye et des feuilles de temps témoigne que les heures de présence de Mme [H], tant en 2004 qu'en 2005, ne figurent pas sur ses bulletins de salaire ; que l'eurl [V] [U], qui ne peut contester avoir volontairement omis de mentionner l'ensemble des heures effectuées par sa salariée à l'occasion du salon annuel de Maastricht, a commis une dissimulation d'emploi salarié; que Mme [H] sera accueillie en sa demande en paiement de l'indemnité forfaitaire de six mois de salaire, soit la somme de 8 229 euros; que le jugement entrepris sera donc ici infirmé ;
Sur la demande de remise de documents
Considérant que Mme [H] demande légitimement qu'il soit fait injonction à l'eurl [V] [U] d'avoir à lui remettre des bulletins de salaire et une attestation conformes; qu'aucun élément ne justifie cependant en l'état que cette injonction soit assortie d'une mesure d'astreinte ;
Sur l'article 700 du code de procédure civile
Considérant que l'équité commande d'indemniser Mme [H] dont les prétentions sont partiellement reçues en cause d'appel dans la limite de la somme de 1 500 euros et de débouter l'eurl [V] [U] de sa demande sur le même fondement juridique ;
PAR CES MOTIFS
DIT l'appel recevable,
INFIRME le jugement entrepris si ce n'est en ce qu'il a débouté Mme [H] de sa demande d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse et statuant à nouveau :
CONDAMNE l'eurl [V] [U] à payer à Mme [H] la somme de 874,76 euros au titre des heures supplémentaires qu'elle a effectuées du 26 janvier 2004 au 30 juin 2005, la somme de 8 229 euros en application de l'article L.8223-1 du code du travail et la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
ENJOINT à l'eurl [V] [U] de remettre sans délai à Mme [H] des bulletins de salaire et une attestation Pôle emploi conformes,
DIT n'y avoir lieu en l'état d'assortir cette injonction d'une mesure d'astreinte,
CONDAMNE l'eurl [V] [U] aux dépens.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE