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11/01/2011 | FRANCE | N°09/22005

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 11 janvier 2011, 09/22005


Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1



ARRET DU 11 JANVIER 2011



(n° 12, 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 09/22005



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 7 octobre 2009 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 06/16548





APPELANT



Monsieur [W] [I]

[Adresse 8]

[Localité 1]

[Localité 2] ALLEMAGNE

re

présenté par la SCP AUTIER, avoués à la Cour

assisté de Maître Clémence MIREUX, avocat au barreau de PARIS

substituant Me Alexandre ALBIN, avocat au barreau de PARIS, toque : A 655







INTIMÉS





Mon...

Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRET DU 11 JANVIER 2011

(n° 12, 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/22005

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 7 octobre 2009 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 06/16548

APPELANT

Monsieur [W] [I]

[Adresse 8]

[Localité 1]

[Localité 2] ALLEMAGNE

représenté par la SCP AUTIER, avoués à la Cour

assisté de Maître Clémence MIREUX, avocat au barreau de PARIS

substituant Me Alexandre ALBIN, avocat au barreau de PARIS, toque : A 655

INTIMÉS

Monsieur AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 5]

représenté par Me Frédéric BURET, avoué à la Cour

assisté de Me Alexandre de JORNA, avocat au barreau de PARIS, toque : P 0278

SCP CHAIGNE & Associés, avocats au barreau de PARIS

Le MINISTÈRE PUBLIC

pris en la personne de

Monsieur LE PROCUREUR GÉNÉRAL

près la Cour d'Appel de PARIS

élisant domicile en son parquet

au Palais de Justice

[Adresse 3]

[Localité 4]

Madame Martine TRAPERO, avocat général, a déposé des conclusions écrites

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 3 novembre 2010, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre et Madame Dominique GUEGUEN, conseiller chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre

Mme Brigitte HORBETTE, Conseiller

Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller

qui en ont délibéré

MINISTERE PUBLIC

Madame Martine TRAPERO, avocat général, a déposé des conclusions écrites

Greffier, lors des débats : Mme Noëlle KLEIN

ARRET :

- contradictoire

- rendu publiquement par Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, Président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

******************

Par des assignations délivrées en date du 23 octobre 2006 et du 30 Janvier 2008 tant à l'agent judiciaire du Trésor qu'au Ministère Public, M. [W] [I] a recherché devant le tribunal de grande instance de Paris la responsabilité de l'Etat français, sur le fondement des articles L 141-1 du code de l'organisation judiciaire et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de la Convention de la Haye du 25 octobre 1980, de l'article 1er du protocole additionnel à la Convention, en invoquant les dysfonctionnements graves et répétés du service public de la justice ayant entraîné une durée anormalement longue des deux procédures de succession de ses grands-parents paternels et maternels, ouvertes en 1971 et en 1986 et étant toujours en cours, alors qu'il ne peut lui être reproché aucune obstruction ou défaut de diligences, durée qu'il estime déraisonnable et caractérisant un déni de justice ; il a demandé la condamnation de l'agent judiciaire du Trésor à l'indemniser de son préjudice chiffré à la somme de 500 000 € et à lui verser une indemnité de procédure de 10 000 € ; il invoque avoir subi un préjudice certain, lourd et persistant dès lors qu'il n'a jamais, malgré des frais et honoraires versés aux experts judiciaires, aux notaires et à ses conseils, eu la jouissance des biens légués par ses grands-parents ni perçu la moindre somme provenant de ces successions, alors que ses cohéritiers en ont bénéficié par l'habitation d'une maison indivise et la perception de loyers, invoquant en outre un préjudice moral lié à la nécessité de lutter non seulement contre des cohéritiers de mauvaise foi mais contre l'inertie d'une justice qui n'a pas respecté ses droits et ne s'est pas souciée de l'enlisement des procédures dont la durée est exorbitante.

Par jugement en date du 7 octobre 2009, le tribunal a débouté M. [I] de toutes ses demandes, a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné M. [I] aux dépens.

CELA ETANT EXPOSE, la COUR :

Vu l'appel interjeté le 27 octobre 2009 par M. [I],

Vu les conclusions déposées le 20 octobre 2010 par l'appelant qui demande l'infirmation du jugement, la condamnation de l'agent judiciaire du Trésor à lui verser la somme de 500 000 € à titre de dommages et intérêts, la somme de 15 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à payer les entiers dépens,

Vu les conclusions déposées le 30 août 2010 par l'agent judiciaire du Trésor qui demande la confirmation du jugement entrepris, la condamnation de M. [I] à lui payer la somme de 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à payer les entiers dépens,

Vu les conclusions déposées le 8 octobre 2010 par le procureur général en sa qualité de partie jointe tendant à sa mise hors de cause en qualité de partie principale et à la confirmation du jugement.

SUR CE :

Considérant qu'il y a lieu de mettre hors de cause le Ministère Public, M. [I] ayant également dirigé son action en responsabilité contre le procureur général près la cour d'appel de Paris, lequel ne saurait être considéré comme étant partie à titre personnel, seule la responsabilité de l'Etat pouvant être éventuellement engagée ;

Considérant que si l'Etat est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice, sa responsabilité n'est engagée que par une faute lourde ou un déni de justice, lequel s'entend notamment de tout manquement de l'Etat à son devoir de protection juridique de l'individu de nature à priver le justiciable du droit de voir statuer sur ses demandes dans un délai raisonnable ; qu'en particulier il convient d'approuver les premiers juges en ce qu'ils ont rappelé que des délais de procédure, même objectivement très longs, ce qui est le cas en l'espèce, ne sauraient suffire à engager la responsabilité de l'Etat dès lors qu'il convient de démontrer que la durée de la procédure est imputable au seul service public ; que l'existence du dysfonctionnement ne peut donc s'apprécier qu'au regard des circonstances propres à chaque affaire, en tenant compte en particulier de sa nature, de son degré de complexité, du comportement des parties et des mesures mises en oeuvre par les autorités compétentes ;

Considérant que si l'appelant a produit aux débats diverses pièces, il est constant qu'il n'a pas été en mesure de fournir toutes les pièces permettant de retracer toutes les étapes des procédures, étant souligné à cet égard, comme observé très pertinemment par les premiers juges qui seront approuvés sur ce point, qu'en particulier il existe une absence totale de production de pièces pour de longues périodes notamment avant 1977, puis entre 1977 et 1984 et entre 1984 et 1990 pour la branche paternelle, ce qui exclut d'imputer la responsabilité de tous ces délais à l'institution judiciaire ; qu'il est par ailleurs établi, contrairement aux affirmations de M. [I], apparaissant certes comme l'un des héritiers les plus diligents, ce dont atteste notamment le fait qu'il ait en 1996 assumé seul le coût d'un expertise dont les frais auraient dû être partagés entre les co-héritiers, ainsi que la correspondance qu'il a échangée essentiellement en 1991, 1992, 2004 et 2005 avec le procureur général et le premier président de la cour d'appel de Bastia, fustigeant les procédés utilisés en Corse et les pratiques qui y ont cours, que la carence des parties à agir à certaines époques est démontrée de manière certaine et concerne aussi l'appelant ; qu'en effet l'instance a été radiée du 10 octobre 1991 au 31 janvier 1994 faute de diligences des parties dans la branche maternelle ;

Considérant également que M. [I] a admis que l'attitude de ses cohéritiers, hostiles à la licitation afin de continuer à occuper privativement des biens indivis, avait consisté à multiplier les incidents et les recours, dont il reconnaît lui-même qu'ils ont ce faisant usé voire abusé des voies de recours pour retarder l'exécution des décisions de justice ;

Considérant que la cour dispose des éléments chronologiques suivants quant aux décisions judiciaires intervenues entre les dates d'ouvertures des successions dont s'agit et l'introduction de la présente procédure par M. [I] ; qu'il convient de relever que le tribunal de grande instance de Bastia a été saisi de deux procédures de partage judiciaire, par les héritiers de M. [W] [V], décédé en 1914 et de son épouse décédée en 1951 ainsi que de leur fille [Y], décédée en 1973 et par les héritiers de M. [M] [I] et son épouse, décédés respectivement en 1953 et 1962, qui étaient les grands parents des enfants d'[Y] [V] dans la branche paternelle ;

Considérant que dans la branche paternelle, 7 cohéritiers sur 16, par assignation du 8 juin 1971, ont sollicité le partage de la succession ;

que l'expert [E] désigné par jugement du 2 Juin 1977, dont seules les deux premières pages sont produites, ce qui ne permet pas d'en connaître la teneur et la longueur, a été remplacé par M. [T] par une ordonnance du 4 mai 1984, lequel a rendu son rapport le 22 janvier 1990 dans lequel il préconisait une licitation de la succession au lieu d'un partage en nature ; que le 8 octobre 1992, le tribunal de grande instance de Bastia, constatant dans ses motifs la clarification effectuée quant à la contenance d'une succession complexe par l'examen des multiples pièces versées aux débats durant tant d'années, écartant la possibilité d'un partage en nature, rejetant la demande nouvelle d'expertise, a homologué le partage proposé et prononcé la licitation de la succession, décision confirmée par un arrêt de la cour d'appel de Bastia en date du 27 mars 1995, relevant la consistance de la succession et l'absence de proposition sérieuse de partage en nature et par un arrêt de la cour de cassation en date du 10 février 1998 ; que par jugement du 13 avril 2000, le cahier des charges déposé par M. [W] [I] a été annulé et que les parties ont été renvoyées devant le notaire chargé de la liquidation de la succession ;

Considérant que dans la branche maternelle, les cohéritiers ont sollicité le partage le 24 septembre 1986 ; que l'expert, M. [K], désigné par une ordonnance du 8 décembre 1987, a rendu son rapport le 30 décembre 1988 ; que le 10 octobre 1991, la procédure a été radiée du rôle et qu'elle a été réinscrite le 22 juillet 1994, à l'initiative de M. [W] [I] ; que l'expert, M. [K] a été chargé par jugement du 22 Juillet 1994 d'éclaircir certains points de la succession dans un délai de 4 mois et qu'il a déposé un nouveau rapport le 1er Février 1996 ; que par un jugement du 13 février 1997, la licitation de la succession maternelle a été prononcée ;

Considérant que le 13 mai 2000, les procédures relatives au règlement des successions paternelle et maternelle ont été jointes, que le notaire désigné par le tribunal de grande instance de Bastia, M. [B], a soulevé le 28 juin 2002 des difficultés quant à l'exercice de sa mission pour rédiger les titres de propriété pour chacune des successions, dès lors que dans le cadre de la branche paternelle, il se heurtait à l'envoi en possession de deux testaments olographes et que dans le cadre de la branche maternelle, il se heurtait à la construction d'une maison sur un terrain indivis à l'insu des co-indivisaires ; qu'à la suite de l'échec d'une conciliation, le notaire a dressé un procès-verbal de difficultés le 9 janvier 2003 ; que le juge de la mise en état a ordonné le 14 novembre 2003 la disjonction des deux procédures, que par deux jugements en date du 10 mars 2005, le tribunal de grande instance de Bastia a tranché respectivement les litiges nés dans chacune des successions ; que dans la branche paternelle, il a ordonné l'exécution du testament et renvoyé les parties devant le notaire chargé de liquider la succession ; que dans la branche maternelle, il a décidé que la maison construite sur le terrain indivis appartenait à la masse successorale et a désigné un expert aux fins d'estimer la valeur de cette maison, fixant le dépôt du rapport au 30 septembre 2005 ; que la décision a été confirmée par un arrêt de la cour d'appel du 28 juin 2006 et que l'expert a déposé son rapport en Juin 2006 ;

Considérant que la cour dispose encore du procès-verbal de difficultés dressé le 28 février 2008 par M. [B], notaire à [Localité 6], relatif à la branche paternelle et dont il résulte clairement que cet officier ministériel se heurte au fait qu'il doit reconstituer un titre de propriété et se heurte à l' opposition de l'un des héritiers à cette reconstitution, ce qui rend le travail du notaire impossible et par là-même ne permet pas la vente des biens ordonnée par le jugement du 8 octobre 1992 ; que cet élément atteste à lui seul de l'extrême complexité du litige, dès lors que non seulement il s'agit du règlement de la succession de deux couples laissant de nombreux héritiers, dont certains sont décédés en cours d'instance, règlement au surplus engagé fort longtemps après les dates de leurs décès sus-rappelées, et qui pose des problèmes juridiques aigus dès lors que certains titres de propriété sont manquants ;

Considérant que tant l'exposé chronologique que le contenu des décisions intervenues attestent de relations très conflictuelles entre de nombreux héritiers, le litige portant toujours notamment sur la question du partage en nature de la succession, la masse successorale comportant une maison de 14 pièces occupée par l'un des ayants droit et souhaitant continuer à y habiter ; qu'entre 1984 et 1990, comme relevé pertinemment par les premiers juges, M. [I] ne fournit aucun élément permettant d'apprécier les circonstances du déroulement de l'expertise, le rapport permettant de constater que l'expert s'est rendu deux fois sur les lieux les 24 et 28 Octobre 1987,

mais ne fournissant aucune précision sur le comportement des parties, les difficultés rencontrées et le travail effectué par le juge chargé du contrôle des expertises ; que le jugement de 1992 susvisé retient la qualité du travail fourni ; que s'agissant de la procédure en vue du partage de la succession de la branche maternelle, il a été constaté qu'entre 1991 et 1994, c'est la carence des parties qui a entraîné la radiation de l'affaire ; qu'entre 1997 et 2000, aucun élément n'est fourni sur l'évolution des dossiers ; que suite à la jonction des procédures en 2000, la complexité de l'affaire se renforce au regard des difficultés rencontrées par le notaire, lequel n'obtient aucune conciliation ; que la disjonction intervient en 2003 en vue de mieux résoudre les difficultés et que plusieurs décisions judiciaires interviennent, en 2003, 2004, 2005, donc dans un délai à chaque fois raisonnable ;

Considérant en conséquence, ainsi que l'ont estimé les premiers juges par de plus amples motifs que la cour adopte, que M. [I] ne démontre à aucun moment, si l'on écarte les éventuels manquements de divers autres intervenants qui sont des collaborateurs du service public de la justice, dont l'Etat ne saurait être responsable, tels que les notaires et avocats, que le service de la justice stricto sensu se soit montré défaillant dans sa mission et qu'il ait subi un déni de justice ni au sens de l'article L 141-1 du code de l'organisation judiciaire ni à celui de l'article 6 de la Convention précitée ; que l'appelant invoque seulement les dépassements de délais imputables à chaque expert judiciaire, mais sans préciser à ce propos qu'il ait existé une carence du juge chargé du contrôle des expertises, dont rien n'établit qu'il ait été utilement saisi ; qu'il ne précise en revanche à aucun moment quelles anomalies seraient directement imputables aux juridictions en charge des procédures ; qu'en conséquence, le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions ;

Considérant que l'équité ne commande pas de faire application au profit de l'intimé des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; que les dépens seront supportés par l'appelant qui succombe en toutes ses prétentions.

PAR CES MOTIFS :

Met hors de cause M. Le Procureur Général près la cour d'appel de Paris en qualité de partie principale,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Dit n'y avoir lieu à application en appel des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [W] [I] aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 09/22005
Date de la décision : 11/01/2011

Références :

Cour d'appel de Paris C1, arrêt n°09/22005 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-01-11;09.22005 ?
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