RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 3
ARRÊT DU 11 janvier 2011
(n° 4 , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/02480 et 09/02481
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 06 juillet 2007 par le conseil de prud'hommes de Paris section des activités diverses RG n° 06/14090
PREMIER APPELANT ET DEUXIÈME INTIME
M. [K] [R]
[Adresse 1]
[Localité 6]
comparant en personne, assisté de Me Hacen BOUKHELIFA, avocat au barreau de PARIS, toque : C 1841 substitué par Me Ali HAMMOUTENE, avocat au barreau de PARIS,
toque : C 1841
DEUXIÈME APPELANT ET PREMIER INTIMÉ
SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU [Adresse 3] représenté par le SYNDIC LA SAS CABINET VILLA
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Gilles BOUYSSOU, avocat au barreau de PARIS, toque : K0152 substitué par Me Elisabeth MORAND DE GASQUET, avocate au barreau de PARIS,
toque : E 1180
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 novembre 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marthe-Elisabeth OPPELT-REVENEAU, conseillère, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Elisabeth PANTHOU-RENARD, présidente
Mme Michèle MARTINEZ, conseillère
Mme Marthe-Elisabeth OPPELT-REVENEAU, conseillère
Greffier : Monsieur Eddy VITALIS, lors des débats
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Elisabeth PANTHOU-RENARD, présidente, et par M. Eddy VITALIS, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. Faits et procédure
M. [K] [R] a été engagé par le Syndicat des co propriétaires du [Adresse 3] (ci-après le Syndicat) à compter du 1er novembre 1981 en qualité de surveillant de jour, essentiellement les samedis, dimanches et jours fériés, moyennant un salaire brut mensuel s'élevant à 1136,66 €.
L'entretien préalable à un éventuel licenciement a eu lieu le 17 juillet 2006 et M.[R] a été licencié pour faute grave par courrier recommandé en date du 20 juillet 2006.
L'entreprise occupe moins de 10 salariés.
La relation de travail est régie par la convention collective des Gardiens, Concierges et Employés d'immeubles.
Estimant son licenciement injustifié, M.[R] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris aux fins, en dernier lieu de se voir payer une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, une indemnité conventionnelle de licenciement, des dommages et intérêts pour rupture abusive, ainsi que des rappels de salaire pour la mise à pied (du 6 au 24 juillet 2006) et les congés payés afférents, et des rappels de salaire au titre des dimanches travaillés, outre les congés payés afférents. Il a, enfin, demandé la condamnation aux dépens de l'employeur.
A titre reconventionnel, le Syndicat a réclamé une indemnité en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par décision en date du 6 juillet 2007, le conseil de prud'hommes, faisant partiellement droit aux demandes de M.[R] a condamné le Syndicat à lui payer les sommes suivantes :
- 2 246,60 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis
- 224,66 € au titre des congés payés afférents,
- 9 360,83 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 494, 06 € à titre de rappels de salaire pour la mise à pied (du 6 au 24 juillet 2006)
- 49,40 € au titre des congés payés afférents
ces sommes portant intérêts au taux légal à compter de la réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation.
- 7 000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive, outre intérêts au taux légal à compter du jugement.
Le conseil de prud'hommes qui a débouté pour le surplus M.[R] , a débouté le Syndicat de sa demande reconventionnelle et l'a condamné aux dépens.
Le Syndicat a régulièrement fait appel de cette décision dont elle sollicite l'infirmation partielle. Il conclut, en conséquence, au débouté de M.[R] et à sa condamnation à lui payer la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, suivant les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
M.[R] a également régulièrement fait appel de la décision dont il sollicite la confirmation partielle concernant les chefs de demande auxquels il a été fait droit. Pour ceux ayant été rejetés, il conclut à l'infirmation. Il demande à la cour de condamner le Syndicat à lui payer les sommes suivantes :
- 2 246,60 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis
- 224,66 € au titre des congés payés afférents,
- 9 360,83 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 494, 06 € à titre de rappels de salaire pour la mise à pied (du 6 au 24 juillet 2006)
- 49,40 € au titre des congés payés afférents
- 26 959 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive
- 27 983 € au titre des rappels de salaires pour les dimanches travaillés
- 2 798,30 € au titre des congés payés afférents.
Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions des parties visées par le greffier le 22 novembre 2010, reprises et complétées à l'audience.
Motivation
- Sur le licenciement
Tout licenciement doit avoir une cause réelle et sérieuse (art L 1232-1 du code du travail). La faute grave est définie comme un manquement du salarié à ses obligations tel que la rupture immédiate du contrat est justifiée. Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la faute grave qu'il invoque.
Les faits invoqués doivent être matériellement vérifiables.
En application de l'article L 1232-6 du code du travail , la motivation de la lettre de licenciement fixe les limites du litige.
En l'espèce, la lettre de licenciement du 20 juillet 2006 énonce les griefs suivants à l'encontre de M.[R] : ' le 4 juillet 2006, nous avons été informé que le 4 juin 2006 vous vous êtes fait subtiliser un trousseau comprenant notamment la clé d'entrée du [Adresse 4], ainsi que la clé de la loge alors que cette dernière était demeurée ouverte et le trousseau posé sur le pupitre à la vue des passants.
Vous n'étiez pas présents à votre poste puisque des personnes vous ont aperçu vous promenant au même moment dans le jardin du Ranelagh.
Ces événements sont intervenus lors des vacances du gardien titulaire...vous avez consigné cette disparition sur le cahier tout en vous abstenant d'en aviser la direction du cabinet, alors que la prise de possession de ces moyens d'entrée présente un risque majeur d'intrusion pour les personnes mal intentionnées....'
Le Syndicat fait valoir que la sanction prononcée est proportionnelle à la gravité de la faute commise qui trouve sa source dans le manque de surveillance des lieux par M.[R] . Elle lui reproche de n'avoir pas immédiatement alerté le syndic et d'avoir dénoncé tardivement le 10 juillet des faits survenus le 4 juin. le Syndicat appuie ses affirmations sur les attestations de MM. [J] et [T].
M.[R] fait valoir qu'il a immédiatement averti de l'événement M.[J], gardien remplaçant du titulaire, parti en vacances, lequel lui a indiqué qu'il s'occupait de l'affaire.
La perte des clés est matériellement vérifiable. Elle n'est d'ailleurs pas contestée.
Il convient de relever en premier lieu que l'attestation de M.[J], produite par l'employeur, fait état de ce que M.[R] lui a immédiatement fait part de la perte du trousseau de clé, que lui-même en a informé M.[F] qui est le gardien titulaire, alors en congé, et que celui-ci a déclaré s'en occuper.
Cette attestation accrédite la version des faits relatés par M.[R] et démontrent qu'il n'y a eu ni dissimulation de sa part ni retard dans la révélation du sinistre. En outre, celui-ci, le jour même des faits a mentionné la perte en cause dans le carnet de surveillance.
Il s'ensuit qu'en perdant les clés confiées à sa surveillance, M.[R] a commis une faute dans l'exécution de ses obligations contractuelles. En revanche, aucun élément produit aux débats n'accrédite la réalité des circonstances de cette perte telle que relatée dans la lettre de licenciement.
Pour autant, les attestations produites aux débats, précises et circonstanciées, émanant de nombreux résidents de la copropriété du [Adresse 4] établissent qu'en 25 ans de service, M.[R] s'était montré jusqu'alors irréprochable. Les attestations produites par le Syndicat sont plus nuancées. Celle émanant de M.[T] invoque, en des termes généraux toutefois, le manque d'ordre de M.[R] et ses promenades dans le jardin du Ranelagh pendant ses heures de services.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, la cour retient les témoignages précis, circonstanciés et concordants qui attestent du sérieux et du professionalisme de M.[R] pendant ses 25 ans de service auprès de cette copropriété ainsi que du caractère exceptionnel de la faute commise.
Il s'en déduit que cette unique faute commise par ce salarié constitue une cause réelle mais non sérieuse de licenciement.
Il s'ensuit que le licenciement de M.[R] est sans cause réelle et sérieuse.
Cette situation donne droit à M.[R] au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, et des congés payés afférents, d'une indemnité conventionnelle de licenciement, d'un rappel de salaire pendant la période de mise à pied (du 6 au 24 juillet 2006) et des congés payés afférents.
Compte-tenu de la convention collective applicable et des bulletins de salaire produits aux débats, la cour retient l'exacte évaluation de ces indemnités et rappels de salaire réalisée par les premiers juges.
En outre, en application de l'article L1235-5 du code du travail, compte tenu notamment de l'ancienneté de M.[R] et de son âge, la cour est en mesure d'évaluer le préjudice subi par lui du fait de la rupture abusive de son contrat de travail, à la somme de 14 000 €.
- Sur les salaires
Se prévalant des dispositions de la convention collective (article 19) , M.[R] demande à se voir appliquer les majorations de salaires pour les dimanches travaillés comme ce même texte le prévoit également pour les jours fériés.
Le Syndicat conteste l'application de l'article 19 invoqué au motif que cette disposition vise l'hypothèse où sont organisées 'par roulement' des 'permanences' les week-end, pour les gardiens travaillant également la semaine.
L'article 19 précité prévoit que 'dans un ensemble immobilier employant plusieurs préposés bénéficiant du repos hebdomadaire le dimanche, appartenant éventuellement à différents employeurs liés par un accord ad hoc, des permanences les dimanches et jours fériés, incluant les tâches de surveillance générale et les interventions éventuellement nécessaires s'y rattachant, pourront être organisées par roulement si, ..elles s'avèrent nécessaires.......Le salarié assurant cette permanence bénéficiera soit d'une d'une rémunération supplémentaire égale à 1/30 de la rémunération globale brute mensuelle conventionnelle et d'un repos compensateur de même durée dans la quinzaine qui suit, soit d'une rémunération supplémentaire égale à 2/30 de la même rémunération. Toute permanence partielle sera rémunérée sur ces bases, prorata temporis.'
Il ressort de cette disposition que son objet consiste à compenser par une majoration de salaire l'absence de repos hebdomadaire, lorsque, à l'issue d'une semaine travaillée, le dimanche, jour dédié au repos par le code du travail, est également travaillé.
Il s'ensuit que cette disposition ne concerne que les gardiens qui travaillent les jours de la semaine et bénéficient d'un jour de repos hebdomadaire, le dimanche.
Cette disposition n'est donc pas applicable à M.[R] qui travaille seulement les samedis, dimanches, et jours fériés et assure, occasionnellement, le remplacement du gardien titulaire pendant ses congés. M.[R] , qui ne rapporte pas la preuve que sa situation relève du champ d'application de l'article 19 précité, ne peut donc qu'être débouté de sa demande de ce chef.
Le jugement déféré est donc confirmé sauf en ce qui concerne ses dispositions relatives à l'indemnité pour rupture abusive.
Par ces motifs, la cour,
- confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne ses dispositions relatives à l'indemnité pour rupture abusive.
Statuant à nouveau sur ce chef :
- condamne le Syndicat des co propriétaires du 24 av Raphaël à payer à M. [K] [R] la somme de 14 000 € à titre d'indemnité pour rupture abusive du contrat de travail, en application de l'article L 1235-5 du Code du travail
- déboute M.[R] pour le surplus
- condamne le Syndicat aux dépens
- la déboute de sa demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE