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06/01/2011 | FRANCE | N°09/02859

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 06 janvier 2011, 09/02859


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRET DU 06 Janvier 2011

(n° 8, 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/02859



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 Mars 2009 par le conseil de prud'hommes de CRETEIL section Encadrement RG n° 07/02085









APPELANT

Monsieur [Y] [V]

[Adresse 1]

[Localité 4]

comparant en personne, assisté de Me Etienne GR

UMBACH, avocat au barreau de VERSAILLES, toque : B390, et de Me Slim BEN ACHOUR, avocat au barreau de PARIS, toque : C 1077







INTIMEE

SA OSEO FINANCEMENT

[Adresse 3]

[Localité 5]

représen...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRET DU 06 Janvier 2011

(n° 8, 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/02859

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 Mars 2009 par le conseil de prud'hommes de CRETEIL section Encadrement RG n° 07/02085

APPELANT

Monsieur [Y] [V]

[Adresse 1]

[Localité 4]

comparant en personne, assisté de Me Etienne GRUMBACH, avocat au barreau de VERSAILLES, toque : B390, et de Me Slim BEN ACHOUR, avocat au barreau de PARIS, toque : C 1077

INTIMEE

SA OSEO FINANCEMENT

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentée par Me Thierry MEILLAT, avocat au barreau de PARIS, toque : J 033

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 18 Novembre 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Michèle BRONGNIART, Présidente

Monsieur Thierry PERROT, Conseiller

Monsieur Bruno BLANC, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Véronique LAYEMAR, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Madame Michèle BRONGNIART, Président et par Mlle Véronique LAYEMAR, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA COUR,

Après avoir été stagiaire du 18 octobre 1971 au 31 décembre 1972 auprès de la Chambre syndical des banques populaires, M. [V] a été engagé, à compter du 1er janvier 1973 par la CCHCI comme chargé de formation stagiaire aux conditions générales de la convention collective du personnel des banques.

'Par décision du Directoire (du Crédit d'équipement des PME) du 25 avril 1984, M. [V] qui était jusque là chargé de diriger les services de gestion du Financement des commandes publiques, s'est vu confier la responsabilité des opérations de transmissions d'entreprises à compter du 2 mai 1984'.

A tout le moins à partir de juin 1984, M. [V] a participé au Conseil d'administration de la société Avenir d'entreprises (PV du conseil d'administration du 27 juin 1984).

Le 18 novembre 1987, M. [V] a été nommé directeur général d'Avenir Entreprises SA avec les pouvoirs prévus par la loi et l'article 15 des statuts (PV des délibérations du conseil d'administration du 18 novembre 1987).

Le 30 novembre 1990, le CEPME a adressé à M. [V] une 'lettre de détachement (auprès d'Avenir Entreprises) portant avenant à son contrat de travail'.

Par courrier du 16 janvier 1991, le CEPME a adressé à M. [V] des 'précisions relatives à son contrat de détachement'.

Le 4 avril 2002, une convention individuelle de forfait annuel en jours a été conclue entre la société Avenir Entreprises gestion, représentée par le directeur des ressources humaines de la Banque du développement des PME, et M. [V].

Le 5 avril 2007, la société Avenir Entreprises Gestion a révoqué M. [V] de ses fonctions de directeur général.

Le 19 avril 2007, la société Avenir Entreprises Gestion a mis un terme au détachement de M. [V] auprès d'elle.

Par courrier du 25 avril 2007, la société Oséo Financement, venant aux droits du CEPME, a réintégré M. [V] en qualité de chargé de mission, auprès du Directeur Général Délégué en charge du pôle des activités opérationnelles, au grade de directeur (coefficient 1600), cadre hors classification de la convention collective des Banques avec une rémunération annuelle de 115000 €.

Par note du 15 mai 2007, la société Oséo Financement a demandé à M. [V], dans le cadre de ses nouvelles fonctions, de 'mener une réflexion sur le développement des activités fonds propres du groupe' avec dépôt de son rapport pour le 30 juin suivant.

Par courrier du 5 juillet 2007, la société Oséo Financement, par son directeur des ressources humaines, a fait des observations sur le rapport remis par M. [V] en lui demandant de 'procéder aux adaptations nécessaires qui s'imposent pour que son rapport puise présenter une utilité pour l'entreprise et plus, généralement, d'exercer ses fonctions avec le professionnalisme requis'.

Par lettre recommandée du 25 juillet 2007, le Directeur délégué général de la société Oséo Financement, M. [Z], a décidé de 'confier à M. [V] pour mission de l'assister dans la préparation des comités d'engagement d'Oséo qu'il préside'.

Par courrier du 26 septembre 2007, M. [V] a pris acte de la rupture de son contrat de travail en l'imputant à son employeur.

Le 27 décembre 2007, après avoir effectué son préavis, M. [V] a quitté la société Oséo Financement.

La cour statue sur l'appel interjeté le 11 mars 2009 par M. [V] du jugement rendu par le Conseil des prud'hommes de Créteil le 3 mars 2009 qui, après avoir analysé la prise d'acte de rupture en une démission, l'a débouté de l'ensemble de ses demandes.

Vu les conclusions du 18 novembre 2010 au soutien de ses observations orales par lesquelles M. [V] demande à la cour de

- réformer, en toutes ses dispositions, le jugement dont appel,

- dire que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail ne saurait valoir démission,

- dire que cette prise d'acte de la rupture du contrat de travail doit être qualifié en rupture du contrat de travail aux torts et griefs de la société Oséo Financement comme s'il s'agissait d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- de condamner la société Oséo Financement à lui régler

. 63 598,50 € à titre de rappel de salaire,

. 33 230 € à titre d'indemnité couvrant le préjudice du non respect d'un délai de prévenance contractuel,

. 59 6394 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement et subsidiairement à 399 600 €,

. 198 798,30 € à titre de l'indemnité prévue par l'article L 1235-3 alinéa 2 du code du travail,

. 33 230 € à titre de l'article 1382 du code civil en raison du préjudice moral né des conditions humiliantes et vexatoires de sa réintégration,

. 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les conclusions du 18 novembre 2010 au soutien de ses observations orales par lesquelles la société Oséo Financement demande à la cour de

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

- débouter M. [V] de l'intégralité de ses demandes formées à son encontre,

- condamner M. [V] à lui verser la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux entiers dépens.

SUR CE,

Sur la prise d'acte de la rupture

Considérant que pour infirmation de la décision déférée, M. [V] soutient qu'il avait un double statut de mandataire social dans une filiale, restant tout à la fois préposé de sa société d'origine ; qu'il invoque le non respect des obligations contractuelles de l'employeur qui visaient à le faire bénéficier des acquis de son évolution de carrière dans la filiale à l'occasion de la fin de son détachement et son retour à son emploi d'origine ; que c'est en qualité de salarié et préposé du groupe CEPME devenu Oséo qu'il a pris les fonctions de mandataire social au sein d'une filiale contrôlée par la société tête de réseau du groupe ; que l'employeur a fait preuve de déloyauté dans le respect de ses obligations contractuelles tant sur le plan de la rémunération acquise que dans son affectation à un poste opérationnel tenant compte de ses compétences et de sa carrière ; que la diminution de sa rémunération contractuelle lors de sa réintégration et la modification de son contrat de travail par un isolement et une éviction de toute fonction opérationnelle sans aucun support ni fonction hiérarchique justifient la prise d'acte de la rupture aux torts de l'employeur ;

Que la société Oséo Financement réplique qu'à compter du 1er janvier 1991, l'exécution du contrat de travail de M. [V] avec CEPME aux droits de laquelle elle est venue, a été suspendue ; que le cumul d'un contrat de travail avec un mandat social n'est possible que dans la mesure où les fonctions techniques, distinctes de celles de mandataire social, donnent lieu à rémunération et sont accomplies dans un lien de subordination c'est-à-dire sous l'autorité et le contrôle de la société ; que M. [V] n'a jamais exercé de fonctions distinctes de celles découlant de son mandat social ; que M. [V] ne rapporte pas la preuve d'une relation de subordination avec les dirigeants de la société mère, cette relation de subordination étant distincte du contrôle de l'activité de mandataire par les actionnaires de la société concernée ;que lors de la réintégration de M. [V], elle a fait une exacte application des dispositions de l'avenant du 30 novembre 1990 en lui confiant une fonction correspondant au grade, classification et rémunération dont il bénéficiait au 31 décembre 1990, date de la suspension de son contrat de travail ;

Considérant que si, comme cela ressort du certificat de travail établi le 27 décembre 2007 par la société Oséo Financement, pendant la période du18 novembre 1987, date de sa nomination au poste de directeur général de la société Avenir Entreprises, au 30 novembre 1990, date de son détachement auprès de cette société, M. [V] a cumulé les fonctions de DG de la filiale avec celles de salarié du CEPME, il a été mis fin à cette situation d'un commun accord des parties à compter du 1er janvier 1991 ;

Qu'en effet, selon lettre du 30 novembre 1990, portant avenant au contrat de travail, M. [V] a accepté d'être détaché auprès de la société Avenir Entreprises ; qu'il ressort de cet avenant que, pendant la durée du détachement, le contrat de travail avec le CEPME subsistait dès lors que le salarié conservait les garanties liées à ce contrat (ancienneté) et un certain nombre d'avantages sociaux (affiliation au caisse de retraite, régime des prêts immobilier...) mais était suspendu du fait du détachement, dès lors qu'il était prévu que ce contrat 'retrouvera son plein effet à compter du jour de décision de cessation de détachement' ; que s'agissant de la rémunération, il était convenu que l'évolution de la rémunération, pendant la durée du détachement ressortait de la seule responsabilité de la société filiale d'accueil ;

Qu'à compter de 1991, M. [V] a été rémunéré en qualité de directeur général par la filiale auprès de laquelle il était détaché (bulletins de paie versés aux débats) ; qu'il ne justifie pas ni même n'allègue avoir rempli des fonctions techniques au sein du CEPME pendant ce détachement ; que M. [V] invoque vainement la convention individuelle de forfait annuel en jours qui, comme mentionné dans l'acte, a été conclue 'entre la société Avenir Entreprises Gestion' et lui et non pas le CEPME qui n'était pas partie à la convention, même si la filiale était représentée par le DRH du CEPME, la gestion du personnel des différentes sociétés d'un groupe pouvant être confiée à une même direction des ressources humaines ; que la nomination de M. [V] comme DG par le conseil d'administration de la société Avenir Entreprises gestion ne constitue pas une promotion prise sur décision de la direction générale du CEPME ;

Qu'en conséquence, M. [V] est mal fondé à prétendre que faute d'avoir été réintégré avec la même rémunération que celle qu'il percevait en sa qualité de DG de la filiale, la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail est imputable à son employeur ;

Considérant que néanmoins, M. [V] fait pertinemment valoir que, lors de sa réintégration, il a été évincé de toute fonction opérationnelle sans aucun support ni fonction hiérarchique pour imputer aux torts de l'employeur, la prise d'acte de la rupture ;

Qu'en effet, si la société Oséo Financement a réintégré M. [V] dans un poste de chargé de mission au grade de directeur, grade supérieur à celui de sous directeur qu'il avait lors de son détachement (bulletin de salaire du 31 décembre 1990), il ressort notamment de la confrontation de la décision du Directoire du Crédit d'équipement des PME du 25 avril 1984 selon laquelle M. [V] avait dirigé des services (services de gestion du Financement des commandes publiques) et exercé des responsabilités nécessitant une grande autonomie (responsabilité des opérations de transmissions d'entreprises), avec la note du 15 mai 2007 et le courrier du 5 juillet 2007, que ce poste de chargé de mission était vidé de toute réalité hiérarchique et fonctionnelle, M. [V] étant informé au cas par cas par note ou courrier recommandé des missions dont il était chargé ;  

Qu'en conséquence, par infirmation de la décision déférée, la prise d'acte de la rupture étant imputable à l'employeur, elle doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Sur les conséquences de la prise d'acte de la rupture

Considérant que par application de la lettre de détachement du 30 novembre 1990, il convient d'intégrer la durée du détachement pour apprécier l'ancienneté de M. [V] au sein de la société Oséo Financement ;

Que les indemnités seront liquidées sur la base du salaire annuel brut de 115000 €, M. [V] étant mal fondé à prétendre au maintien de la rémunération perçue en sa qualité de DG de Avenir Entreprises gestion ;

Considérant que l'indemnité de licenciement prévue à l'article 6 de l'accord du 18 mars 1999, plafonnée à 24 mois, est due soit la somme de 230000 € ;

Considérant que compte tenu de l'effectif du personnel de l'entreprise, de l'ancienneté (36 ans) et de l'âge du salarié (né le [Date naissance 2] 1946) ainsi que des conséquences matérielles et morales du licenciement à son égard, telles qu'elles résultent des pièces produites et des débats, il lui sera alloué une somme de 115000 € à titre de dommages-intérêts ;

Considérant que compte tenu de la 'placardisation' de M. [V] au moment de sa réintégration , il lui sera alloué 10000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

Sur les autres demandes

Considérant que M. [V] étant mal fondé à prétendre, lors de sa réintégration, au maintien de la rémunération perçue en sa qualité de DG, il convient de le débouter de sa demande de rappel de salaire ;

Considérant que la société Avenir Entreprises Gestion a mis au détachement de M. [V] le 19 avril 2007 et la société Oséo Financement a réintégré M. [V] par lettre remise en main propre le 26 avril 2007 ; que selon la lettre de détachement du 30 novembre 1990, qui fait la loi des parties, il était 'convenu entre les parties qu'il pourra être mis fin au détachement, à tout moment, sur décision concertée du CEPME et d'avenir Entreprises, à la demande expresse du CEPME et d'Avenir Entreprises, à la demande expresse du CEPME ou d'Avenir Entreprises ou (de M. [V]) avec un préavis de trois mois' ; que contrairement aux affirmations de la société Oséo Financement, aucune disposition de la lettre de détachement portant avenant au contrat de travail de M. [V], comme cela est précisé, ne permet d'exclure M. [V] de son bénéfice ; qu'en avril 2007, M. [V] a été rémunéré par la filiale ; qu'en le réintégrant immédiatement, la société Oséo Financement l'a privé du bénéfice du préavis ; qu'en conséquence, il sera fait droit à cette demande ;

Considérant que l'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif ;

PAR CES MOTIFS,

INFIRME le jugement entrepris,

Et statuant à nouveau

DIT que la prise d'acte par M. [V] de la rupture de son contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société Oséo Financement à payer à M. [V], avec intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, 230000 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

CONDAMNE la société Oséo Financement à payer à M. [V], avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

. 33 320 € à titre de dommages et intérêts pour non respect du délai de prévenance,

. 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

. 115 000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture du contrat de travail,

CONDAMNE la société Oséo Financement à payer à M. [V] 5000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE les parties de toutes demandes, fins ou prétentions plus amples ou contraires, infondées,

CONDAMNE la société Oséo Financement aux entiers dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 09/02859
Date de la décision : 06/01/2011

Références :

Cour d'appel de Paris K7, arrêt n°09/02859 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-01-06;09.02859 ?
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