Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 4
ARRET DU 17 DECEMBRE 2010
(n° ,5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/05633
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 08 Décembre 2008 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - RG n° 08/1552
APPELANTE
S.C.I. PARIS CHENNEVIERES
prise en la personne de son gérant
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par la SCP GOIRAND, avoués près la Cour
assistée de Me André GUILLEMAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0102 et de Me Eric MORAIN de la SCP CARBONNIER LAMAZE RASLE ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, toque : P0298
INTIMEE
S.A. FRANPRIX HOLDING
prise en la personne de son gérant
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par la SCP GUIZARD, avoués près la Cour
assistée de Me Emilie CAPRON plaidant pour la AARPI GIDE LOYRETTE NOUEL AARPI, avocats au barreau de PARIS, toque : T03
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 25 Novembre 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Jacques LAYLAVOIX, Président de chambre
Monsieur David PEYRON, Conseiller
Madame Catherine BOUSCANT, Conseillère
qui en ont délibéré sur le rapport de Monsieur Jacques LAYLAVOIX.
Greffier, lors des débats : Mlle Véronique COUVET
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jacques LAYLAVOIX, président et par Mlle Fatia HENNI, greffier.
Vu l'ordonnance de référé prononcée le 8 décembre 2008 par le juge des référés du tribunal de grande instance de Créteil, qui, saisi sur assignation délivrée le 10 novembre 2008 à la requête de la SCI Paris Chennevières aux fins d'obtenir, au visa de l'article 1134 du code civil, la désignation de trois experts immobiliers inscrits sur la liste de la cour de cassation pour qu'ils déterminent la valeur marchande du terrain de 9 hectares, 26 ares et 84 centiares, sis commune de Chennevières, donné à bail à construction à la société Franprix Holding, et la fixation de la provision due aux experts, a :
- commis en qualité d'experts M.[N] [F], M.[V] [E] et M.[O] [P] avec mission de remettre à la SCI Paris Chennevières et à la SA Franprix Holding un rapport écrit exprimant leur décision commune sur le prix de vente des parcelles composant ce terrain,
- dit que les experts exécuteraient leur mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile,
- fixé à 3000 euros le montant de la provision à valoir sur la rémunération des experts,
- dit que la SCI Paris Chennevières et la SA Franprix Holding devraient consigner cette somme au greffe dans le délai de 15 jours,
- dit que les experts devraient déposer leur rapport au greffe dans le délai de 90 jours à compter de leur saisine,
- dit qu'en cas d'empêchement l'expert serait remplacé par ordonnance rendue sur requête,
- désigné le magistrat chargé du contrôle des expertises à l'effet de suivre l'exécution de la mesure,
- laissé provisoirement les dépens à la charge des parties qui les ont engagés ;
Vu l'appel interjeté de cette ordonnance le 15 mars 2010 par la SCI Paris Chennevières (ci-après la SCI), qui, aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 17 novembre 2010, soutient en substance que le premier juge avait uniquement le pouvoir de désigner les mandataires communs, mais pas de leur imposer le cadre d'une expertise judiciaire défini par les articles 263 et suivants du CPC, que le juge chargé du contrôle des expertises ne pouvait ainsi être désigné et que le premier juge a statué ultra petita et ajouté à la loi des parties en méconnaissant les règles régissant leurs rapports, indique qu'elle a saisi le juge du fond pour voir juger notamment que les tiers mandataires devaient être désignés par le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés et non par le juge chargé du contrôle des expertises, ajoute que les mandataires communs ont saisi le juge chargé du contrôle pour qu'il se prononce sur la poursuite de leur mission et demande à la cour de :
- déclarer recevable et bien fonde l'appel,
- infirmer l'ordonnance déférée en ce qu'il a été jugé que les experts mandataires communs devaient accomplir leur mission en respectant les dispositions des articles 263 et suivants du code civil d'une part et en désignant le juge du contrôle pour suivre l'exécution de la mesure d'autre part,
- dire que la désignation des experts au visa de l'article 263 du CPC a méconnu la loi des parties et que le premier juge a statué ultra petita et a méconnu l'objet du litige,
- dire les experts tenus de respecter les termes du mandat,
- débouter la société Franprix Holding de toutes ses demandes,
en toute hypothèse,
- juger que les propos contenus dans les passages 1 (page 3, paragraphe 2 des conclusions du 29 juillet 2010), 2 (page 4 paragraphe 1 de ces conclusions) et 3 (paragraphe 3 page 11 des conclusions du 10 novembre 2010) sont diffamatoires et portent atteinte à l'honneur et à la considération de la SCI et de ses membres,
- ordonner la suppression de ces passages,
- condamner la SA Franprix Holding, outre aux dépens, au versement de la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts et de celle de 7500 euros en application de l'article 700 du CPC ;
Vu les conclusions signifiées le 17 novembre 2010 par la société Franprix Holding, intimée, qui soulève l'irrecevabilité de l'appel pour défaut d'intérêt de la SCI, la décision entreprise étant conforme aux demandes de la SCI, prétend que l'appel s'inscrit dans la stratégie de désorganisation du processus de fixation du prix menée par la SCI en vue de dissuader les experts de mener leur mission et prie la cour de déclarer irrecevable la SCI Paris Chennevières en son appel, à titre subsidiaire de lui donner acte de ce qu'elle ne s'oppose pas que soient supprimés dans l'ordonnance déférée la référence aux dispositions de l'article 263 du CPC et au traitement des difficultés par le juge chargé du contrôle de l'expertise, de la condamner à lui payer la somme de 30 000 euros compensant les frais internes de gestion induits par la procédure et les frais non indemnisés au titre de l'article 700 du CPC, de débouter la SCI de ses demandes de suppression des propos critiqués, de constater l'absence de préjudice, de débouter la SCI de ses demandes de ce chef, de la condamner aux dépens de l'incident et de la condamner, outre aux dépens de l'instance, à lui payer la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du CPC.
Considérant que le premier juge a fait droit aux demandes contenues dans l'assignation introductive d'instance, qui lui étaient soumises par la SCI Paris Chennevières, en désignant trois experts immobiliers inscrits sur la liste de la cour de cassation, en fixant la provision due aux experts et en disant que chaque partie devrait consigner la moitié de la provision ;
Que, dés lors, la SCI, qui a obtenu satisfaction en première instance sur ces chefs de demande et qui n'avait pas présenté d'autre demande, ne justifie pas d'un intérêt à faire appel de la décision du premier juge ;
Qu'un tel intérêt ne peut être justifié par l'absence dans la motivation ou le dispositif de la décision critiquée de toute référence à l'article 1134 du code civil, ni davantage par les précisions données dans le dispositif de l'ordonnance, suivant lesquelles les experts devraient exécuter leur mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du CPC et déposer leur rapport au greffe, l'exécution de la mesure devant être suivie par le magistrat chargé du contrôle des expertises ;
Qu'il était loisible à la SCI Paris Chennevières, dés lors que de telles précisions lui apparaissaient excéder ses demandes et induire le risque d'une application de l'ordonnance non conforme à la volonté des parties, de saisir à nouveau le premier juge par voie de requête sur le fondement des articles 461 ou 464 du CPC pour que sa décision soit corrigée ou interprétée, ce dont elle s'est abstenue en préférant en contester la portée quinze mois après son prononcé, postérieurement au remplacement de certains des experts et à la saisine du juge chargé du contrôle des expertises ;
Qu'en conséquence, l'appel doit être déclaré irrecevable ;
Considérant que l'appelante incrimine trois passages des conclusions de l'intimée, dont elle dénonce le caractère diffamatoire ;
Que le premier passage, ( page 3, paragraphe 2 des conclusions du 29 juillet 2010) est ainsi rédigé :
'Il est vrai qu'un conflit généralisé opposait (et oppose encore) les consorts [D] au Groupe casino, lequel a pris depuis 1997 le contrôle de Franprix et avait commencé à constater à partir de 2004 les conditions frauduleuses dans lesquelles les consorts [D] géraient Franprix' ;
Que ce passage ne renferme pas l'imputation d'un fait précis diffamatoire visant la SCI Paris Chennevières, personne morale distincte des consorts [D], de telle sorte que l'appelante n'est pas en droit d'exciper de propos diffamatoires à son égard ;
Que l'emploi du terme 'terrorisme', utilisé de façon purement métaphorique dans le passage n°2 à propos d' un comportement procédural jugé critiquable, ne contient pas l'imputation d'un fait d'acte de terrorisme, dont la preuve puisse être rapportée, condition nécessaire pour que ce terme puisse supporter la qualification de diffamation ;
Que le passage n°3 est ainsi rédigé :
' On rappellera d'abord les faits, à savoir :
(...)
- enfin, les soupçons forts de facturation aux sociétés Franprix et Leader Price par leurs prestataires, dont il est d'ailleurs avéré qu'ils travaillaient parallèlement pour les consorts [D] ou qu'ils accordaient de généreux cadeaux à certains d'entre eux (ainsi MM. [Y] et [X] [D]). Ces soupçons de surfacturation font actuellement l'objet de plusieurs informations au cabinet de Monsieurs Tournaire, juge d'instruction à Paris, le montant global se chiffrant en dizaine de millions d'euros' ;
Que ce passage ne contient pas davantage que les précédents l'imputation d'un fait diffamatoire visant la SCI Paris Chennevières, personne distincte des consorts [D] ou de certains d'entre eux, laquelle n'est pas chargée de les représenter en justice pour défendre leurs intérêts ;
Qu'en conséquence les demandes de suppression des propos constitués par ces trois passages des écritures de l'intimée et de dommages et intérêts pour atteinte à l'honneur et à la considération de l'appelante ne sont pas fondées et seront rejetées ;
Considérant que le caractère abusif du comportement procédural de la SCI Paris Chennevières, dénoncé par la société Franprix Holding, étant insuffisamment démontré, alors que cette SCI a pu se méprendre sur la portée de ses droits, l'intimée sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts ;
Considérant qu'eu égard au sens du présent arrêt, l'appelante, qui est déboutée des fins de son recours, supportera les dépens d'appel, sera déboutée de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du CPC et condamnée sur le même fondement à payer à la société Franprix Holding la somme de 10 000 euros ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Déclare l'appel irrecevable,
Déboute la société Franprix Holding de sa demande de dommages et intérêts,
Déboute la SCI Paris Chennevières de ses demandes de suppression de passages diffamatoires des conclusions de l'intimée, de dommages et intérêts et d'indemnité de procédure,
Condamne la SCI Paris Chennevières aux dépens de l'instance d'appel et à payer à la société Franprix Holding la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du CPC,
Admet la SCP Guizard au bénéfice de l'article 700 du CPC.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT