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16/12/2010 | FRANCE | N°09/05570

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 16 décembre 2010, 09/05570


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 16 Décembre 2010

(n° 16 , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/05570



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Mai 2009 par le conseil de prud'hommes de VILLENEUVE SAINT GEORGES Section COMMERCE RG n° 07/00403





APPELANTE

SA AIR FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Aurélien BOULANGER, avocat au barr

eau de PARIS, toque : T03







INTIME

Monsieur [S] [T]

[Adresse 2]

[Localité 3]

comparant en personne

assisté de Me Eric MOUTET, avocat au barreau de PARIS, toque : B0569




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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 16 Décembre 2010

(n° 16 , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/05570

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Mai 2009 par le conseil de prud'hommes de VILLENEUVE SAINT GEORGES Section COMMERCE RG n° 07/00403

APPELANTE

SA AIR FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Aurélien BOULANGER, avocat au barreau de PARIS, toque : T03

INTIME

Monsieur [S] [T]

[Adresse 2]

[Localité 3]

comparant en personne

assisté de Me Eric MOUTET, avocat au barreau de PARIS, toque : B0569

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Novembre 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Françoise FROMENT, Présidente, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Françoise FROMENT, président

Mme Claudette NICOLETIS, conseiller

Mme Marie-Ange LEPRINCE, conseiller

Greffier : Mademoiselle Sandrine CAYRE, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.

- signé par Mme Françoise FROMENT, Président et par Mme Violaine GAILLOU, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Monsieur [S] [T] a été engagé par la société AIR FRANCE par contrat à durée indéterminée du 30 janvier 2002 prenant effet le 11 février 2002 en qualité « d'agent service avion 2, département pistes-servitudes, Direction Exploitation Sol France ».

Son contrat de travail stipulait que 'en dehors de la zone publique, le port apparent du laisser-passer ou badge délivré par la Police de l'Air est une obligation absolue et permanente qui conditionne l'exercice de votre activité. Le présent contrat de travail serait automatiquement résilié si les services de la Police de l'Air refusaient de vous délivrer un titre d'accès pour travailler en zone aéroportuaire ou plus tard vous le retiraient'

Par décision du 20 février 2007 du Préfet du Val-de-Marne, [S] [T] n'a plus été habilité à accéder en zone réservée des aérodromes, à compter de la date de la notification de la décision.

[S] [T] ayant exercé un recours gracieux à l'encontre de cette décision et en ayant informé son employeur, ce dernier l'a mis en congés dans l'attente de la décision définitive du Préfet du Val-de-Marne.

Le recours gracieux de Monsieur [S] [T] a été rejeté par la préfecture du Val-de-Marne.

Suite à ce rejet, la société AIR FRANCE a, par courrier recommandé AR du 19 avril 2007, résilié le contrat de travail qui la liait à Monsieur [S] [T], dans les termes suivants :

« Objet: résiliation de votre contrat de travail pour fait du prince

Monsieur,

La préfecture du Val de Marne a pris la décision de refuser le renouvellement de votre titre d'accès en zone aéroportuaire, titre indispensable à l'exercice de vos fonctions.

Vous nous avez informé que le recours gracieux que vous avez exercé avait été rejeté.

Cette décision administrative vous met par conséquent dans l'impossibilité de reprendre votre activité au sein de notre entreprise et rend impossible la poursuite de votre contrat de travail.

Celui-ci sera donc définitivement résilié à la date de la première présentation de cette lettre.

Pour nous permettre de régulariser votre certificat de travail, votre attestation ASSEDIC, nous vous invitons à vous présenter au service du personnel le 23 avril 2007. Vous voudrez bien nous remettre à cette occasion vos badges et toutes pièces en rapport avec votre activité de la Compagnie.

Nous vous prions d'agréer, Monsieur, l'expression de nos salutations distinguées. »

Contestant la résiliation automatique de son contrat de travail, Monsieur [S] [T] a saisi le 29 août 2007 le Conseil de Prud'hommes de Villeneuve Saint Georges.

Par jugement de départage en date du 15 mai 2009, le Conseil de Prud'hommes de Villeneuve Saint Georges a :

'condamné la société AIR FRANCE à payer à Monsieur [S] [T] la somme de 5.574,00 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, outre une indemnité de 500,00 euros au titre de l'article 700 du CPC,

'débouté le demandeur de toutes ses autres prétentions,

'condamné la société AIR FRANCE aux entiers dépens.

Contestant cette décision, la société AIR FRANCE, qui en a régulièrement relevé appel le 2 juin 2009, la décision lui ayant été notifiée par lettre recommandé AR reçue le 26 mai 2009, a, lors de l'audience du 4 novembre 2010, développé oralement ses conclusions, visées le jour même par le greffier, aux termes desquelles, elle sollicite l'infirmation du jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de VILLENEUVE SAINT GEORGES le 15 mai 2009, sauf en ce qu'il a jugé le licenciement causé et entend voir :

'Dire et juger que la rupture du contrat de travail de Monsieur [S] [T] est intervenue pour « fait du pince » et en application normale des clauses du contrat de travail

'En conséquence, infirmer le jugement entrepris,

'Débouter Monsieur [S] [T] de l'ensemble de ses demandes,

'Condamner ce dernier à payer à la société AIR FRANCE la somme de 500,00 euros au titre de l'article 700 du CPC,

'Laisser à sa charge les dépens,

Monsieur [S] [T] a, lors de l'audience du 4 novembre 2010, développé oralement ses conclusions, visées le jour même par le greffier, aux termes desquelles il sollicite :

' La confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société AIR FRANCE à lui payer la somme de 5.574,00 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement et l'infirmation du jugement quant au débouté pour le surplus,

' Statuant à nouveau pour le surplus, Monsieur [S] [T] demande à la Cour de :

'qu'il soit dit que, la clause prévoyant la rupture automatique du contrat de travail en cas de retrait ou de non-renouvellement du titre d'accès en zone aéroportuaire réservée, est nulle, au motif que l'employeur ne peut se constituer à l'avance un motif de licenciement exclusif de toute appréciation judiciaire,

'Dire et juger que la rupture du contrat de travail par la société AIR FRANCE pour « fait du prince » est abusive et s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

'En conséquence,

'Condamner la société AIR FRANCE à payer la somme de 45.032,76 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

'Condamner la société AIR FRANCE à payer la somme de 5.003,64 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

'Condamner la société AIR FRANCE à payer la somme de 500,36 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés sur préavis,

'Condamner la société AIR FRANCE à payer la somme de 567,58 euros au titre du droit individuel à la formation,

'Ordonner la remise de bulletins de paie rectifié et attestation POLE EMPLOI conformes,

'Dire que les condamnations porteront intérêt au taux légal à compter de la saisine du Conseil de Prud'hommes de VILLENEUVE SAINT GEORGES,

'Condamner la société AIR FRANCE à payer la somme de 2.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

MOTIFS ET DÉCISION DE LA COUR

Considérant sur la rupture du contrat de travail, que la société AIR FRANCE reproche aux premiers juges de ne pas avoir retenu que la rupture du contrat de travail procédait d'un fait du prince, suite au non-renouvellement de l'autorisation de travailler dans la zone aéroportuaire pour Monsieur [S] [T] ; qu'en conséquence aucune indemnité de rupture n'aurait due être allouée à Monsieur [S] [T] ;

Considérant que le fait du prince se définit comme tout acte de la puissance publique à caractère général ou individuel de nature à rendre impossible le maintien du contrat de travail ; que le fait du prince s'entend d'un événement irrésistible et imprévisible ;

Considérant que le retrait d'une habilitation par l'autorité publique en raison du comportement du salarié titulaire de l'habilitation, ne constitue pas en soi un cas de force majeure, ni un fait du prince exonérant l'employeur de toute obligation, ce dernier devant démontrer l'irrésistibilité de l'événement ;

Considérant qu'en l'espèce :

- non seulement le retrait de l'habilitation n'était pas imprévisible, dans la mesure où l'employeur ne pouvait pas ignorer, lors de la conclusion du contrat de travail, qui prévoyait du reste cette hypothèse, que la Préfecture du Val de Marne pouvait décider du non renouvellement de l'habilitation pour des motifs personnels ou professionnels, motifs pour lesquels la société AIR FRANCE aurait pu du reste engager une procédure de licenciement

- mais encore ce retrait n'était pas irrésistible dès lors qu'il résulte des pièces versées aux débats que la société dispose de nombreux postes de travail situés en zone non réservée et qu'au moment même de la rupture du contrat de travail elle disposait dans cette zone, de postes compatibles avec les capacités du salarié, tels que des postes de vendeur ou magasinier, la société étant, en tant que de besoin, tenue d'une obligation d'adaptation à l'emploi ;

Considérant qu'il s'ensuit que, la clause de résiliation automatique étant inopposable au salarié et ne pouvant priver le juge de son pouvoir d'appréciation, la résiliation du contrat de travail par l'employeur s'analyse en un licenciement lequel, le fait du prince n'étant pas caractérisé, est sans cause réelle et sérieuse ;

Considérant que, l'employeur refusant la réintégration sollicitée, il y a lieu d'allouer à [S] [T] l'indemnité de préavis et les congés payés afférents qu'il sollicite ainsi que l'indemnité de licenciement et, en réparation de l'entier préjudice qu'il a subi, compte-tenu notamment de son ancienneté, de la rémunération qui était la sienne et de la situation d'instabilité professionnelle dans laquelle il s'est trouvé, la somme de 30 000,00 € ;

Considérant qu'il y a lieu d'ordonner en outre, sur le fondement de l'article L1235-4 du code du travail, le remboursement aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à [S] [T], suite à son licenciement, dans la limite de six mois ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme le jugement du Conseil des Prud'hommes de VILLENEUVE SAINT GEORGES du 15 mai 2009 en ce qu'il a condamné la SA AIR FRANCE à payer à [S] [T] 5 574,00 € d'indemnité de licenciement et 500,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

L'infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne en outre la SA AIR FRANCE à payer à [S] [T] :

- 5.003,64 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 500,36 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés sur préavis,

- 567,58 euros au titre du droit individuel à la formation

- 30 000,00 € d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 1 500,00 € au titre des frais irrépétibles d'appel

Dit que l'indemnité de licenciement, l'indemnité de préavis et les congés payés afférents produiront intérêts au taux légal à compter du 30 août 2007, date de la réception par la société de la convocation en conciliation et que l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse produira intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

Ordonne le remboursement par la SA AIR FRANCE aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à [S] [T] suite à son licenciement dans la limite de 6 mois ;

Ordonne la remise de bulletins de paie correspondant à l'indemnité de préavis et aux congés payés afférents et d'une attestation POLE EMPLOI mentionnant comme cause de rupture 'licenciement' et faisant apparaître le préavis, les congés payés afférents et l'indemnité de licenciement ;

Condamne la société AIR FRANCE aux entiers dépens de l'instance.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 09/05570
Date de la décision : 16/12/2010

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°09/05570 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-12-16;09.05570 ?
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