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15/12/2010 | FRANCE | N°09/11539

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 15 décembre 2010, 09/11539


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 15 Décembre 2010

(n° 15 , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/11539-BVR



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Janvier 2008 par le conseil de prud'hommes de PARIS section Encadrement RG n° 05/06474









APPELANT

Monsieur [J] [R]

[Adresse 2]

[Localité 4]

comparant en personne, assisté de Me S

éverine GUYOT, avocat au barreau de PARIS, toque : J150







INTIMÉE

C & A FRANCE venant aux droits de la Société MONDIAL FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Charlotte BERTRAND...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 15 Décembre 2010

(n° 15 , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/11539-BVR

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Janvier 2008 par le conseil de prud'hommes de PARIS section Encadrement RG n° 05/06474

APPELANT

Monsieur [J] [R]

[Adresse 2]

[Localité 4]

comparant en personne, assisté de Me Séverine GUYOT, avocat au barreau de PARIS, toque : J150

INTIMÉE

C & A FRANCE venant aux droits de la Société MONDIAL FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Charlotte BERTRAND, avocat au barreau de PARIS (de la SCP FROMONT BRIENSet Associés, avocats au barreau de PARIS), toque : P 107

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 Novembre 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Patrice MORTUREUX DE FAUDOAS, Président

Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Conseillère

Madame Claudine ROYER, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Evelyne MUDRY, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Patrice MORTUREUX DE FAUDOAS, Président et par Evelyne MUDRY, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

Monsieur [J] [R] a été engagé le 19 juin 1972 en qualité de responsable d'un service export par la société MONDIAL FRANCE filiale du groupe C&A, puis a poursuivi l'exécution de son contrat de travail au sein de la société C&A du 1er septembre 1975 jusqu'au 28 février 1997 et, à compter de cette date, auprès de la société MONDIAL FRANCE, son ancienneté étant reprise à chaque transfert.

Exerçant en dernier lieu à Düsseldorf des fonctions de merchandiser, planificateur répartiteur, il a été licencié le 25 septembre 1998.

Le 12 janvier 1999 , les parties ont signé un protocole fixant le paiement d'une indemnité transactionnelle de 114.336 euros en faveur du salarié et lui accordant , dans une annexe à la transaction, le bénéfice 'intuitu personae' du régime de retraite par capitalisation mis en place par l'entreprise.

En septembre 2003, monsieur [R] alors âgé de 60 ans a sollicité la liquidation de ses régimes de retraite de sécurité sociale et ARRCO-AGIRC et demandé à son employeur l'octroi de son avantage retraite.

Aux motifs que le montant de ses retraites du régime obligatoire excédait le taux de 65 % de son salaire de référence et qu'il dépassait le seuil de versement de la retraite complémentaire par capitalisation, l'employeur lui a refusé le bénéfice revendiqué.

Estimant que la société C&A avait fait une mauvaise appréciation de son salaire de référence en le limitant au salaire de base et en excluant de son assiette les bonus fixes et qu'elle avait ainsi manqué à ses promesses de lui garantir le maintien de son niveau de revenus après son licenciement comme elle s'y était engagée en 1981, monsieur [R] a saisi le conseil de prud'hommes de PARIS le 26 mai 2005 d'une demande d'annulation de la transaction et subsidiairement, de condamnation de l'employeur à lui verser la retraite par capitalisation convenue entre les parties.

Par jugement en date du 18 janvier 2008, monsieur [R] a été débouté de toutes ses demandes.

Le salarié a interjeté appel de cette décision le 28 février 2008.

L'affaire a fait l'objet d'une radiation le 10 novembre 2009 et rétablie le 13 novembre 2009.

********

Suivant conclusions régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens et arguments, monsieur [J] [R], ne remettant plus en cause la validité de la transaction, demande à la cour :

à titre principal

- dire que la société C&A ne pouvait modifier unilatéralement les modalités de la retraite par capitalisation à laquelle il avait adhéré, le dispositif mis en place ayant un caractère contractuel; qu'en tout état de cause, si l'engagement unilatéral devait être retenu, il n'a pas fait l'objet d'une dénonciation régulière,

- condamner l'employeur ,en conséquence, à lui verser:

- la rente complémentaire avec effet rétroactif au 1er septembre 2003 soit la somme de 68.208 euros jusqu'au 31 décembre 2010 avec intérêts au taux légal,

- mensuellement la somme de 784 euros en exécution de ses obligations contractuelles sous astreinte de 100 euros par mensualité de retard, l'astreinte commençant le 5 de chaque mois,

subsidiairement

- condamner la société C&A à lui verser la somme de 128.576 euros à titre de dommages et intérêts représentant 164 mensualités,

à titre infiniment subsidiaire

- condamner la société C&A à lui verser la somme de 138.163 euros correspondant aux fonds capitalisés par l'entreprise,

-lui allouer en tout état de cause , une somme de 5.000 euros au titre de l'article au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

********

Suivant conclusions régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens et arguments, la société C&A demande à la cour de:

- confirmer le jugement,

- constater que le régime de retraite par capitalisation mis en place relève d'un engagement unilatéral de l'employeur et n'a jamais eu de valeur contractuelle,

- constater que l'application stricte de l'engagement unilatéral a conduit à ne reconnaître à monsieur [R] aucun droit au versement d'une rente de retraite supplémentaire eu égard au montant de ces pensions de vieillesse de base et complémentaires

- juger que les modalités d'application de ce régime et notamment la définition du salaire de référence servant d'assiette au calcul de la rente de retraite ont été strictement respectées ,

- en conséquence rejeter toutes les demandes de Monsieur [J] [R] et le condamner au versement d'un indemnité de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

1) sur la mise en place du régime de retraite par capitalisation

Considérant que le 14 janvier 1981,la société C&A a mis en place en faveur de ses cadres âgés de plus de 35 ans et justifiant d'une ancienneté de plus de 5 ans, un régime de sur-retraite par capitalisation dans le cadre d'un contrat souscrit avec le groupe AGP VIE ;

Que l'employeur a signifié ces dispositions à monsieur [J] [R] en ces termes, dans un courrier qu'il lui a demandé de contresigner :

'Les cotisations à la charge exclusive de la société seront modulées chaque année de telle sorte que:

- si vous partez en retraite au plus tôt à la fin du trimestre civil en cours duquel vous aurez atteint votre 62ème anniversaire vous recevrez une prestation globale (versée par les régimes par répartition et par les AGP) au moins égale à celle à laquelle vous auriez pu prétendre auprès des seuls régimes par répartition si vous étiez parti à 65 ans,

-cette retraite globale représenta 65% de votre dernier salaire entre 62 et 65 ans;

Que le contrat d'assurance AGP Vie précisait qu'il s'agissait de '65% du dernier appointement annuel d'activité';

Considérant que ce dispositif a été maintenu par la société ultérieurement, celle ci rappelant à ses cadres et notamment à monsieur [J] [R] par un courrier du 13 février 1991 que:

- la retraite servie par les AGP est telle qu'ajoutée à celles versées par les autres régimes, le cadre dispose d'un montant de ressources égal à 65 % de son dernier salaire

- les droits à retraite résultant des sommes versées aux AGP et consacrés à la couverture sont acquis au salarié, il en est de même dans l'hypothèse d'un départ de la société ( sauf en cas de licenciement pour faute grave),

Qu'il s'est encore poursuivi à la suite du transfert du contrat AGP à la compagnie AXA en octobre 1993, la direction générale de la société C&A confirmant à monsieur [J] [R] dans une lettre du 9 mai 1994 :

- qu'elle entendait maintenir sa politique en matière de retraite, cet avenant parachevant cette politique ,

-que l'âge à partir duquel la retraite d'un cadre peut être liquidée était fixée à 60 ans, l'âge de 62 ans initialement prévu n'ayant été retenu qu'à titre transitoire;

- que le salaire de référence du taux de 65 % était inchangé et calculé sur le dernier traitement annuel,

-que désormais les provisions potentielles accumulées au profit du cadre seront définitivement acquises par l'intéressé seulement si ce dernier est notamment encore présent dans l'entreprise au moment de la liquidation de sa retraite ;

Mais considérant qu'à partir de 1997, à l'occasion d'un transfert du contrat Axiva à la société la Mondiale, la société C&A a modifié l'assiette de calcul de la rémunération complémentaire servie entre 60 et 65 ans , son versement devant désormais garantir au cadre un montant de ressources égal à 65 % de son dernier salaire de base brut , tout en maintenant les engagements antérieurs sur les provisions acquises au salarié;

Qu'elle a donc substitué au 'dernier appointement annuel d'activité' le 'dernier salaire de base brut' c'est à dire un salaire expurgé de sa rétribution complémentaire fixe ; que c'est dans ces conditions que la société C&A , ne retenant que le dernier 'salaire de base brut' de monsieur [J] [R], a opposé aux réclamations du salarié une fin de non recevoir ;

Mais considérant tout d'abord qu'au regard des éléments débattus, le régime de retraite par capitalisation instauré par la société en faveur de ses cadres ne revêt pas de nature contractuelle mais caractérise un engagement unilatéral de celle-ci ;

Considérant ensuite que la modification de l'assiette du salaire de référence introduite en 1997, constitue une restriction de l'avantage précédemment consenti ;

Qu'elle nécessitait de la part de l'employeur, une dénonciation de son engagement antérieur et par voie de conséquence, une information individuelle du salarié ainsi que des institutions représentatives du personnel dans le respect d'un délai de prévenance;

Et considérant en l'espèce que la société ne justifie pas avoir accompli ces diligences ;

Qu'en conséquence, les modifications apportées en 1997 ne sont pas opposables à monsieur [J] [R] ; que celui-ci doit dès lors conserver le bénéfice des dispositions antérieures lui garantissant un montant de ressources égal à 65 % de son dernier salaire;

Considérant d'ailleurs que tel est le sens de l'accord des volontés exprimé par les parties dans la transaction souscrite le 12 janvier 1999 qui en son annexe dispose que 'en complément de la transaction , il est convenu que Monsieur [J] [R] bénéficiera 'intuitu personae 'du régime de retraite par capitalisation mise en place par l'entreprise' ;

* sur les conséquences financières

Considérant qu'il est constant qu'au jour de son départ de la société, Monsieur [J] [R] bénéficiait d'une rémunération composée d'un salaire de base et d'un bonus fixe, également intitulé 'rétribution supplémentaire', payé en deux fois, en août et en février de l'année suivante;

Considérant qu'il n'est pas contesté par la société C&A que le bonus fixe est bien un élément de son salaire;

Et considérant que les pièces justificatives produites par le salarié et non contestées par l'entreprise, établissent qu'au 31 décembre 1998, monsieur [J] [R] justifiait pour l'année écoulée d'un revenu annuel de 82.170 euros ou 6.847 euros mensuels ;

Qu'au regard du chiffrage non remis en cause qu'il produit sur les montants de sa retraite du régime obligatoire (3.666 euros), du taux de 65 % appliqué à son dernier salaire (4.440 euros) le montant de sa retraite la retraite par capitalisation s'élève à 784 euros mensuel à la charge de la société ;

Considérant qu'il peut donc prétendre aux sommes échues depuis le 1er septembre 2003 au 31 décembre 2010 soit 68.208 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes, outre aux versements mensuels de 784 euros à compter à compter de janvier 2011;

Considérant que la société société C&A sera condamnée à ces versements sans qu'il y ait lieu d'assorti r ceux ci d'une astreinte, non justifiée ;

Considérant que la société C&A qui succombe versera à Monsieur [J] [R] une indemnité de 3.000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire

Infirme le jugement,

Statuant à nouveau,

Condamne la société C&A à verser à Monsieur [J] [R] :

- 68.208 euros au titre des arrérages échus de la rente de retraite complémentaire pour la période du 1er septembre 2003 au 31 décembre 2010, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes,

- 784 euros par mois au titre de sa rente de retraite complémentaire à compter de janvier 2011,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Condamne la société C&A à régler à Monsieur [J] [R] une indemnité de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 09/11539
Date de la décision : 15/12/2010

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°09/11539 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-12-15;09.11539 ?
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