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15/12/2010 | FRANCE | N°09/03444

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 15 décembre 2010, 09/03444


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 15 Décembre 2010



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/03444



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Février 2009 par le Conseil de Prud'hommes de BOBIGNY - Section Encadrement - RG n° 07/01496





APPELANTE

SOCIÉTÉ ALBAN MULLER INDUSTRIE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Patricia TALIMI, a

vocate au barreau de PARIS, U 0001 substituée par Me Gabrielle GOUDOT, avocate au barreau de PARIS, U0001





INTIMÉ

Monsieur [V] [X]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

comparant en personne, ass...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 15 Décembre 2010

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/03444

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Février 2009 par le Conseil de Prud'hommes de BOBIGNY - Section Encadrement - RG n° 07/01496

APPELANTE

SOCIÉTÉ ALBAN MULLER INDUSTRIE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Patricia TALIMI, avocate au barreau de PARIS, U 0001 substituée par Me Gabrielle GOUDOT, avocate au barreau de PARIS, U0001

INTIMÉ

Monsieur [V] [X]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me Grégory LEURENT, avocat au barreau de PARIS, K117

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Novembre 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Geneviève LAMBLING, Présidente, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Geneviève LAMBLING, Présidente

Madame Anne DESMURE, Conseillère

Monsieur Benoît HOLLEAUX, Conseiller

GREFFIÈRE : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.

- signé par Madame Geneviève LAMBLING, Présidente et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M.[X] [V] a été engagé par la société Alban Muller Industries qui emploie 19 salariés et a pour activité la recherche, la production, l' achat et la vente de matières premières et de produits dans le domaine de la santé et de la beauté, suivant contrat à durée indéterminée du 28 juillet 1997 en qualité de cadre de gestion des achats.

La convention collective applicable est celle des industries chimiques.

Par avenant du 3 avril 2000, M.[X] [V] à accéder à la fonction d'informaticien, coefficient 550 et chargé de la bonne marche du logiciel Girofle.

La société Alban Muller Industries lui a proposé le 2 août 2006 la signature d'un nouvel avenant afin qu'il intègre le poste de responsable administratif, sous réserve d'une période probatoire de cinq mois du 1er août 2006 au 31 janvier 2007.

Dans le dernier état des relations contractuelles, M.[X] [V] percevait une rémunération moyenne brute mensuelle de 4475 euros.

Par lettre du 15 janvier 2007, la société Alban Muller Industries l'a informé de sa décision de le réintégrer dans ses fonctions précédentes à compter du 1er février suivant, sa période probatoire au poste de responsable administratif n'ayant pas été jugée satisfaisante.

Le même jour, elle le convoquait à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement pour motif économique.

Au cours de cet entretien qui s'est déroulé le 29 janvier 2007,la société Alban Muller Industries a proposé à M. M.[X] [V] un reclassement sur un poste d'analyste programmeur à temps partiel, au coefficient hiérarchique de 460, dans une société du groupe la société Accalmi, proposition refusée par le salarié par courrier du 1er février 2007, motif pris de la diminution de son coefficient hiérarchique, de la durée de travail soit 40 % et, partant, de sa rémunération.

Par lettre recommandée du 16 février 2007, M.[X] [V] a été licencié pour motif économique.

Contestant son licenciement, il a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny, qui, par jugement du 26 février 2009, a condamné la société Alban Muller Industries à lui payer les sommes de 50'000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, débouté le salarié du surplus de ses demandes et l'employeur de sa demande reconventionnelle en condamnant ce dernier aux dépens.

Régulièrement appelante, la société Alban Muller Industries dans ses écritures déposées et soutenues lors de l'audience du 7 novembre 2010 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, demande à la cour d'infirmer cette décision, de débouter le salarié de toutes ses prétentions, de le condamner à lui rembourser les sommes perçues en exécution de la décision déférée et à lui payer celle de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [X] [V], dans ses écritures soutenues dans les mêmes conditions, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, conclut au débouté et forme un incident pour se voir allouer la somme de 80'000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il sollicite également une indemnité de procédure de 2 000 euros.

MOTIFS

Sur le licenciement

En application de l'article 1233-3 du code du travail, le licenciement économique est celui effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques, des mutations technologiques, la réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité et la cessation d'activité de l'entreprise.

Aux termes de l'article L 1233-4 du même code, le licenciement économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou, à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur une emploi de catégorie inférieure, ne peut être réalisé dans le cadre de l'entreprise ou le cas échéant, dans les entreprises du groupe auquel elle appartient, les offres de reclassement devant être écrites et précises.

La lettre de licenciement du 16 février 2007 qui fixe les limites du litige est ainsi rédigée :

«...

Comme vous le savez, le système d'information du groupe se décompose en trois parties :

- la gestion de la production (suivi des stocks, fabrications, etc) assuré par le logiciel GIROFLE,

- la gestion commerciale (suivi des dossiers clients, prospection, etc.) assurée par le logiciel FLOWGROUP,

- la gestion de documents et la documentation (produits, formulaire ISO, etc) assuré par l'intranet associé à un système de gestion documentaire (VDOC).

Historiquement, ce triptyque est indépendant et la compilation des données entre ces trois volets est fort complexe.

Girofle, mis en service il y a plus de 15 ans, ne peut fonctionner que sur certains matériels IBM, qui se révèle lourd et coûteux pour une structure de notre taille.

.....

Aussi, après avoir étudié plusieurs hypothèses informatiques et rencontrer plusieurs prestataires, le Groupe a décidé d'opter pour une solution standardisée de type PJI (Progiciel de Gestion Intégré) édité par la société SAGE Adonix, vendu sous le nom de X3.

....

Cette mutation technologique est essentielle à la sauvegarde de notre compétitivité, dans un contexte économique concurrentiel.

Face à la suppression de votre poste qu'elle a induite, la société a réagi en recherchant un poste reclassement tant en son sein que dans les autres structures du Groupe. Vous avez décliné la proposition qui vous avait été faite, étant précisé qu'il s'agissait d'un poste que nous avions décidé de créer spécialement pour vous. L' emploi de responsable administratif, également spécifiquement conçu afin de parer à la disparition inéluctable de votre poste, a en effet été scindé afin de vous permettre de l'occuper suite à l'échec de la période probatoire.

Malheureusement, il nous est impossible de vous proposer un autre poste et nous sommes au regret de ne pouvoir vous permettre de poursuivre l'exercice d'une activité professionnelle en notre sein.....

La durée de préavis sera de 3 mois. Il débutera à la date de la première présentation de cette lettre..... »

Au soutien de son appel, la société Alban Muller Industries expose que l'introduction d'une technologie informatique nouvelle comportant une incidence sur l'emploi constitue une cause économique de licenciement, qu'en effet, des mutations technologiques dès lors qu'elles sont avérées, sont de nature à justifier à elles seules un licenciement pour motif économique si elles entraînent des suppressions d'emplois, que la réorganisation de l'entreprise décidée pour sauvegarder sa compétitivité n'implique pas l'existence de difficultés économiques actuelles mais une anticipation des risques et des difficultés à venir pour l'entreprise, que le résultat d'exploitation du groupe n'a cessé de chuter sur trois ans soit de 2005 à 2007, le résultat de la seule société Alban Muller Industries sur l'année 2006 étant en recul de 88 % au regard de 2005.

Elle ajoute que le changement de logiciel était indispensable à son activité et à sa compétitivité, qu'elle a été amenée à se réorganiser et à supprimer le poste d'informaticien qu'occupait M. M.[X] [V] non sans l'avoir préalablement proposé un poste de reclassement en tant que responsable administratif, spécialement créé le 2 août 2006, assorti d'une augmentation de rémunération de 500 euros mensuels et auquel il n'a pas pu s'adapter.

Elle précise que le salarié était conscient de son inadaptation puisqu'il n'a pas contesté sa réintégration sur son ancien poste, qu'ainsi l'échec de la première tentative de reclassement est exclusivement imputable à l'intimé et que la seconde en tant qu'analyste programmeur à temps partiel avec une rémunération proposée de 1935,52 euros bruts, 13e mois et prime d'ancienneté ont suivi, n'a pu aboutir puisque M.[X] [V] l'a refusée.

Elle soutient qu'aucun poste vacant n'existait en son sein qu'il aurait été en mesure de pourvoir, rappelle qu'elle est une PME et que le groupe auquel elle appartient ne compte que 130 personnes, essentiellement des commerciaux et du personnel de laboratoire.

Cependant, elle n'explique pas dans la lettre de licenciement la raison pour laquelle le remplacement du logiciel Girofle jusqu'alors utilisé par un autre progiciel ou logiciel X3 plus performant, fiable et rationnel, induisait la suppression du poste d'informaticien occupé par M.[X] [V] avant qu'elle ne lui propose celui de responsable administratif, 'également conçu afin de parer à la disparition inéluctable de votre poste'.

Et si elle précise dans ses écritures (page 11), que ce poste d'informaticien 'avait évolué en raison de la mise en place d'un nouveau logiciel qui de par ses spécificités techniques permettait au service informatique de ne plus être mobilisé par la programmation', que 'le logiciel nouvellement mis en place avait pour effet de ne plus nécessiter les services d'un informaticien à plein temps', elle n'en justifie pas, l'intimé soutenant, bien au contraire, qu'il a été remplacé dès son éviction tout d'abord par un intérimaire jusqu'au mois de septembre 2007 puis par la suite par des intervenants extérieurs qui ont été engagés pour remplir les tâches d' informaticien système auquel il avait été formé et qu'il maîtrisait, enfin, à la suite d'une mutation interne, par M. [Z] qui occupe à temps complet un poste dédié exclusivement au logiciel X3.

A cette fin, M.[X] [V] produit le contrat par lequel la société Interim formation a mis à la disposition de l'appelante M.[R] [B] du 1er mars au 15 septembre 2007, le motif du recours étant 'Survenance d'un surcroît exceptionnel et temporaire d'activité lié à la consolidation du projet X3"

Bien que la société Alban Muller Industries réplique que ce n'est que le 3 mars 2008 soit plus d'un an après le licenciement de l'intimé, que M.[Z], responsable fonctionnel et non informaticien, 'est passé à temps plein sur ce poste', il est établi par sa pièce 24 qu'elle a créé ce poste de responsable fonctionnel afin de permettre à ce salarié de retravailler dans le cadre d'un temps partiel thérapeutique sur un poste de bureau, avec notamment comme responsabilité l'élaboration du cahier des charges 'pour gérer sur l'ERP X3 le contrôle qualité...',' former et accompagner les utilisateurs de l'ERP X3", 'rédiger ou aider à la rédaction des manuels d'utilisateurs de l'ERP X3 sur l'ensemble des services'.

M. [X] [V] étant reconnu par l'employeur comme ayant la maîtrise totale du poste informaticien qu'il occupait, le nouveau logiciel X3, présenté dans la lettre de licenciement comme une mutation technologique essentielle à la sauvegarde de la compétitivité de la société Alban Muller Industries dans un contexte économique concurrentiel, pouvait éventuellement nécessiter une formation complémentaire du salarié, s'agissant d'un système d'exploitation nouveau qu'il appartenait à l'employeur d'assurer afin de lui permettre de s'adapter à l'évolution de son emploi mais ne justifiait pas la suppression de ce dernier, alléguée dans la lettre de licenciement mais non établie.

Il en résulte que le licenciement pour motif économique de M. [X] [V] n'est pas fondé sur une cause réelle et sérieuse, le jugement entrepris étant confirmé de ce chef.

Sur l'appel incident formé par M.[X] [V]

M. [X] [V], qui avait au moment de son licenciement neuf ans et six mois d'ancienneté dans une entreprise employant au moins onze salariés, est en droit d'obtenir une indemnité qui, conformément aux dispositions de l'article 1235-3 du code du travail, ne peut être inférieure à six mois de salaire.

Le conseil de prud'hommes lui a alloué la somme de 50 000 euros soit presque onze mois de salaire (moyenne mensuelle brute des trois derniers mois de 4 575 euros) avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement.

L'intimé sollicite la somme de 80 000 euros, établit ne plus percevoir d'allocations chômage, et avoir accepté en octobre 2010 un contrat de travail à durée déterminée avec une rémunération mensuelle nette de 1 200 €.

La société Alban Muller Industries, observant que le salarié a perçu entre le 13 février 2007 et le 31 décembre 2008 des allocations chômage à hauteur de la somme de 62 974,30 euros demande que les dommages-intérêts alloués soient réduits à de plus justes proportions.

Prenant en considération l'ancienneté et l'âge de M.[X] [V] au moment de son licenciement, les allocations chômage qui lui ont été versées jusqu'au 31 décembre 2008, le fait qu'il vient de retrouver un emploi en contrat à durée déterminée moyennant un salaire sans commune mesure avec celui qu'il percevait, la société Alban Muller Industries sera condamnée à lui payer à ce titre la somme de 65 000 euros correspondant à 14 mois de salaire.

Sur le remboursement des indemnités de chômage aux organismes concernés

En application de l'article L 1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner le remboursement par la société Alban Muller Industries aux organismes concernés, parties au litige par l'effet de la loi, des indemnités de chômage qu'ils ont versées à M. [X] [V] à concurrence de six mois.

Sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

L'équité appelle d'allouer à M.[X] [V] la somme complémentaire de 2 500 euros au titre des frais hors dépens exposés en appel.

La société Alban Muller Industries sera déboutée de ce même chef et condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a jugé sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M.[X] [V],

L'INFIRME sur le montant de l'indemnité allouée sur le fondement de l'article 1235-3 du code du travail,

Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,

CONDAMNE la société Alban Muller Industries à payer à M.[X] [V] la somme de 65 000 euros sur le fondement de l'article 1235-3 du code du travail ainsi que celle complémentaire de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

ORDONNE le remboursement par la société Alban Muller Industries aux organismes concernés, parties au litige par l'effet de la loi, des indemnités de chômage qu'ils ont versées à M. [X] [V] à concurrence de six mois,

DÉBOUTE la société Alban Muller Industries de sa demande d'indemnité de procédure et la condamne aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 09/03444
Date de la décision : 15/12/2010

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°09/03444 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-12-15;09.03444 ?
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