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14/12/2010 | FRANCE | N°10/01332

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 14 décembre 2010, 10/01332


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 1



ARRET DU 14 DÉCEMBRE 2010



(n° 457, 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 10/01332



Décision déférée à la Cour :

sentence arbitrale en date du 29 décembre 2009 rendue par M. [U] [R] agissant en qualité d'arbitre unique désigné par le Bâtonnier du Barreau de Paris Autres de PARIS - n° 740/183537





DEMA

NDEURS AU RECOURS



Madame [T] [Z] [F] épouse [E]

[Adresse 4]

[Localité 6]

représentée par la SCP DUBOSCQ - PELLERIN, avoués à la Cour

assistée de Me Catherine PALEY-VINCENT, a...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRET DU 14 DÉCEMBRE 2010

(n° 457, 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/01332

Décision déférée à la Cour :

sentence arbitrale en date du 29 décembre 2009 rendue par M. [U] [R] agissant en qualité d'arbitre unique désigné par le Bâtonnier du Barreau de Paris Autres de PARIS - n° 740/183537

DEMANDEURS AU RECOURS

Madame [T] [Z] [F] épouse [E]

[Adresse 4]

[Localité 6]

représentée par la SCP DUBOSCQ - PELLERIN, avoués à la Cour

assistée de Me Catherine PALEY-VINCENT, avocat au barreau de PARIS

AARPI GINESTIE PALEY-VINCENT & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS

et de Me Jean-Pierre CHIFFAUT MOLIARD, avocat au barreau de PARIS, toque : C1600

Maître [G] [A] [H] [E]

[Adresse 4]

[Localité 6]

représenté par la SCP DUBOSCQ - PELLERIN, avoués à la Cour

assisté de Me Catherine PALEY-VINCENT, avocat au barreau de PARIS

AARPI GINESTIE PALEY-VINCENT & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS

et de Me Jean-Pierre CHIFFAUT MOLIARD, avocat au barreau de PARIS, toque : C1600

DÉFENDEURS AU RECOURS

Maître [I] [M]

[Adresse 2]

domicilié [Adresse 5]

représenté par Me Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour

assisté de Monsieur le Bâtonnier Jean-René FARTHOUAT, avocat au barreau de PARIS, toque : R130 - Association FARTHOUAT ASSELINEAU & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 septembre 2010, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :

Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre

Mme Brigitte HORBETTE, Conseiller

Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame Noëlle KLEIN

ARRET :

- contradictoire

- rendu publiquement par Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, Président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

******************

Le 29 janvier 1985, Mme [T] [F] et M. [G] [E], avocats, se sont associés, créant l'association professionnelle d'avocats dénommée [E] [F], puis M. [M], ayant exercé au barreau de Lille de 1987 à 1991, est devenu collaborateur de l'association [E] -[F] à compter du 11 février 1991, puis associé à compter du 1er Janvier 1996, l'association prenant alors la dénomination de [E] [F] [M], la participation de M. [M] dans l'association, initialement fixée à 20%, étant portée à 30 % à compter du 1er Janvier 2006, de sorte que les résultats étaient répartis à compter de cette date à raison de 40 % pour M. [E] et de 30 % chacun pour Mme [F] et M. [M].

Au cours de l'année 2007, des difficultés importantes ont opposé les associés, qui ont perduré en 2008, malgré une audition en octobre 2008 par la commission de règlement des difficultés d'exercice en groupe et une médiation confiée à M. [P] et elles ont conduit M. [E] et Mme [F] à notifier à M. [M] le 23 janvier 2009 leur décision de se retirer de l'association, le contrat d'association, prévu pour 5 ans et renouvelable par tacite reconduction, expirant normalement le 31 décembre 2010 : le 17 avril 2009, M. [M] a ouvert son nouveau cabinet et il a quitté les lieux le 11 juin 2009.

C'est dans ce contexte que M. [M] a saisi le Bâtonnier du litige et les parties ont signé le 28 juillet 2009 un procès-verbal d'arbitrage pour voir statuer sur les conséquences de la dissolution de l'association et fixer la date de ladite dissolution.

Par sentence arbitrale en date du 29 décembre 2009 rendue par M. [U] [R] agissant en qualité d'arbitre unique désigné par le Bâtonnier du Barreau de Paris, a :

-constaté que la dissolution de l'association [E]-[F]- [M] a été effective le 31 mars 2009 à minuit,

-constaté qu'il n'y a lieu, en l'état, à désignation d'un liquidateur,

-dit que M. [M] est redevable d'une indemnité de 7165, 60 € HT au

titre de l'occupation des lieux pour la période ayant couru du 1er Avril 2009 jusqu'à son départ et dit que sur présentation d'une facture comprenant la TVA, M. [M] devra acquitter ladite somme TVA en sus,

-constaté que les conditions du retrait de M. [E] et de Mme [F] ont imposé la réinstallation de M. [M] et condamné solidairement M. [E] et Mme [F] à payer à M. [M] une indemnité de 10 000 € au titre du préjudice matériel lié à ladite réinstallation,

-constaté l'absence de concertation et le refus opposé par M. [E] et Mme [F] de reconnaître M. [M] comme pleinement associé, assumant avec ses co-associés la cogérance dans les circonstances difficiles ayant conduit à la dissolution de l'association,

-condamné solidairement M. [E] et Mme [F] à payer à M. [M] une indemnité de 50 000 € au titre du préjudice moral subi par ce dernier,

-condamné solidairement M. [E] et Mme [F] à payer les frais d'arbitrage,

-débouté les parties de toutes autres demandes.

CELA ETANT EXPOSE, la COUR :

Vu l'appel interjeté le 22 janvier 2010 par M. [E] et Mme [F],

Vu les conclusions déposées le 14 Septembre 2010 par les appelants qui demandent :

*la nomination d'un mandataire judiciaire en qualité de liquidateur ayant mission de procéder à la liquidation de l'association et à l'apurement des comptes entre associés aux frais exclusifs de M. [M],

*la confirmation de la sentence déboutant M. [M] de sa réclamation pour perte de clientèle,

* son infirmation en ce qu'elle a retenu à leur encontre une rupture brutale et fautive de l'association alors qu'ils ont exercé régulièrement, en respectant le préavis contractuel, leur droit de retrait de l'association, conformément aux statuts, avec accord des parties sur la dissolution de fait anticipée de ladite association au 31 mars 2009 et les a en conséquence condamnés à payer à M. [M] des dommages et intérêts pour préjudice moral ainsi qu' une indemnité de réinstallation,

par demande reconventionnelle,

*la condamnation de M. [M] à leur payer :

-la somme de 135 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à la perte de clientèle,

-les sommes de 5520 € au titre des frais de fonctionnement de l'association à la date du 30 juin, de 27 891, 60 € au titre des loyers charges et frais de fonctionnement du cabinet groupé jusqu'au 30 juin 2009 et des loyers charges et impôts fonciers jusqu'au 31 octobre 2009, date d'expiration du congé donné par M. [M] et à partir de laquelle ses colocataires ont pris l'engagement de le substituer vis-à-vis du bailleur,

-la somme de 3672, 74 € au titre de l'article 700 et des frais d'huissier, de régularisation des charges locatives 2006/2007, de frais de départ à la retraite de l'homme de ménage correspondant à sa quote-part relative à ses frais concernant la période antérieure à la rupture,

-la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

et demandent de dire que M. [M] sera tenu de régler sa quote-part de loyers et charges, frais de procédure du [Adresse 4] relatifs aux locaux qu'il occupait lorsque leur montant sera établi ainsi que tenu de payer tous les dépens, tant de première instance en ce compris les frais d'arbitrage de 13600 € HT et de médiation de 2500 € HT que d'appel,

Vu les conclusions déposées le 21 septembre 2010 par M. [M] qui, formant appel incident, demande la réformation partielle de la sentence, le débouté de M. [E] et de Mme [F] de toutes leurs demandes, au surplus non chiffrées, avec confirmation de la sentence en ce qu'elle a :

-constaté une dissolution effective de l'association le 31 mars 2009 à minuit, considéré que les conditions de retrait de M. [E] et Mme [F], au constat de l'absence de concertation et du refus par eux opposé de reconnaître M. [M] comme pleinement associé, assumant avec ses coassociés la cogérance, ont conduit à la dissolution de l'association et lui ont imposé une réinstallation, circonstances entraînant pour lui un préjudice matériel et un préjudice moral, mais infirmation de ladite sentence sur les quantum alloués, en portant les condamnations prononcées solidairement à la somme de 30 000 € au titre du préjudice matériel, de 100 000 € au titre du préjudice moral et professionnel,

avec encore infirmation de la sentence pour, statuant de nouveau, condamner M. [E] et Mme [F] à lui payer la somme de 270 000 € au titre de la perte de clientèle, ainsi que la somme de 15 000 € au titre du préjudice financier lié à la fragilité de la situation ' mono-client',

avec rectification de l'omission de statuer et condamnation solidaire de M. [E] et Mme [F] à lui payer la somme de 26 480 € à titre de remboursement de l'indu sur la prise en charge d'une partie du compte courant existant au 1er Janvier 1996 ( pièces Nos 3 et 8 ), avec intérêts au taux légal à compter du 1er Janvier 1996 et capitalisation,

avec infirmation de la décision en ce qu'elle l'a condamné à payer une indemnité de 7165, 60 € HT ( 5643, 45 €+ 1522, 15 €) au titre de l'occupation des lieux pour la période ayant couru du 1er Avril 2009 jusqu'à son départ, en précisant que :

*l'indemnité d'occupation du 1er Avril au 11 juin 2009 ne peut excéder 3499, 78 €

*le montant de frais d'exercice normal postérieur au 31 mars 2009 à la charge de M. [M] a été chiffré par M. [E] et Mme [F] à 1522, 15 € ( pièce adverse No 43 en première instance )

*la somme prélevée par les époux [E] sur les fonds revenant à M. [M] pour payer les loyers postérieurs au 31 mars 2009 s'élèvent à 17 432 €, en conséquence avec condamnation solidaire de M. [E] et Mme [F] à lui payer, à titre provisionnel, la somme de 12 320, 07 € HT soit 14 734, 80 € TTC ( soit 17432 - 3499, 78 - 1522, 15 ),

avec infirmation de la décision et statuant de nouveau, la désignation d'un liquidateur, qui pourra être un expert comptable indépendant, chargé notamment de vérifier l'encaissement des honoraires facturés par l'association avant le 1er Avril 2009, de vérifier le paiement des dettes de l'association jusqu'au 31 mars 2009, d'établir les déclarations fiscales et de s'adjoindre au besoin tout sapiteur,

avec condamnation solidaire de M. [E] et de Mme [F] à lui payer la somme de 10 000 € au titre de ses frais irrépétibles et à payer les frais d'arbitrage, les frais du liquidateur, et les 'éventuels frais d'appel' .

SUR CE :

Sur l'incident relatif à la date des dernières conclusions et à la communication de pièces :

Considérant que la clôture ayant été prononcée le 21 septembre 2010, par des conclusions datées du 24 septembre 2010, M. [E] et Mme [F] demandent, au visa notamment des articles 15, 16, 779 et 783 du code de procédure civile, que soient écartées des débats les conclusions et nouvelles pièces déposées et communiquées par M. [M] le 21 septembre 2010 alors que leurs propres premières écritures sont datées du 25 mai 2010 ; que par des écritures en réponse du 27 septembre 2010, M. [M] conclut à titre principal au rejet de cette demande, soutenant la recevabilité des conclusions et pièces litigieuses par lui versées aux débats, même le jour de la clôture, pour ne comporter aucun élément nouveau, à défaut à voir écarter les pièces et conclusions récapitulatives adverses des 14 et 21 septembre 2010 ; qu'il rappelle que la clôture était initialement prévue au 31 août 2010, qu'en raison d'un incident de communication de pièces, il a été contraint de conclure seulement le 31 août 2010 et que la clôture a été reportée au 14 septembre 2010 ; que M. [E] et Mme [F] ont alors conclu en réponse le 14 septembre 2010 en visant de nouvelles pièces, non versées par eux aux débats, prenant des écritures justifiant une réplique de sa part, qu'ainsi la clôture a été reportée au 21 septembre 2010, date à laquelle, en raison du court délai d'une semaine, il a conclu, délivrant sommation de communiquer aux appelants pour qu'ils versent aux débats les pièces 90 à 103 et 105, visées mais non communiquées ; que seulement le 21 septembre 2010, M. [E] et Mme [F] versaient les pièces aux débats ; qu'il ajoute que ses écritures du 21 septembre 2010 ne contiennent aucune argumentation nouvelle et se bornent à répondre aux moyens des appelants développés dans leurs écritures du 14 septembre 2010, tandis que les pièces complémentaires qu'il verse sont essentiellement des échanges de courriers entre les parties qui ne modifient pas les demandes faites par lui au titre de l'appel incident ;

Considérant qu'il y a lieu de constater que si les écritures prises par M. [E] et Mme [F] le 14 septembre 2010 sont sensiblement différentes de leurs précédentes écritures du 1er juin 2010, non seulement quant à l'argumentation mais quant aux demandes chiffrées, en revanche celles de M. [M] en date du 21 septembre 2010 reprennent des demandes et une argumentation déjà développées dans les écritures du 31 août 2010, à l'exception d'un poste de demande ci-après examiné ; que selon un bordereau de communication en date du 15 septembre 2010, M. [E] et Mme [F] ont communiqué les pièces No 90 à 106 ; qu'à nouveau, selon deux bordereaux en date du 21 septembre 2010, l'un intitulé bordereau, l'autre intitulé ' bordereau récapitulatif ', les appelants ont communiqué les pièces Nos 90 à 106 ; que d'autre part, M. [M], selon bordereau récapitulatif et complémentaire de communication de pièces en date du 1 er septembre 2010, a communiqué ses pièces, numérotées de 1 à 174, puis selon un bordereau au même intitulé du 21 septembre 2010 a encore communiqué ses pièces, numérotées de 1 à 174, puis a délivré le 21 septembre 2010 à la partie adverse une sommation de lui communiquer ses pièces 90 à 103 et 105 ;

Considérant sur les pièces communiquées, au vu des dates figurant sur les bordereaux qui font foi, que chaque partie a eu utilement connaissance des pièces versées par son adversaire avant la clôture puisque les appelants principaux les ont versées au plus tard le 15 septembre 2010 et que M. [M] les a versées le 1er Septembre 2010 ;

Considérant qu'il en résulte qu'aucune des parties, bien que le calendrier des échanges ait été pour le moins confus, avec en particulier des bordereaux de communication parfaitement redondants, n'est fondée à soutenir que son adversaire n'aurait pas agi loyalement ou n'aurait pas respecté le principe du contradictoire ; qu'en effet, les conclusions signifiées le 21 septembre 2010 par M. [M] ne contiennent pas de moyens nouveaux ni de demandes nouvelles par rapport à ses conclusions antérieures en date du 10 mai 2010, à l'exception seulement du quantum chiffré de la demande en rectification d'omission de statuer qui s'élève in fine à la somme de 26 480 € alors qu'elle n'était que de 16 049 € dans les précédentes écritures ; qu'il s'agit toutefois de la demande relative à un remboursement de l'indu sur la prise en charge du compte courant ; que les parties ayant formé l'une et l'autre une demande de désignation d'un liquidateur chargé de faire les comptes entre elles, ni le bien fondé de ce chef de demande ni son quantum éventuel ne seront tranchés par la cour, qu'en conséquence M. [E] et Mme [F] seront déboutés de leur incident ;

Au fond :

Sur les circonstances de la rupture et ses conséquences sur les demandes indemnitaires :

Considérant que la cour renverra, sur le détail du déroulement factuel, à la sentence querellée, laquelle expose, de manière complète et précise, en des termes qui ne sont pas contestés ni critiqués par les parties, les griefs respectifs de M. [M] d'une part et de M. [E] et Mme [F] d'autre part; que M. [M], qui a exposé longuement de la page 2 à la page 26 de ses écritures l'historique de ses relations avec ses associés pour rappeler les circonstances l'ayant amené à saisir le Bâtonnier par un courrier du 18 août 2008 afin qu'une solution soit trouvée au litige existant entre eux, a lui même indiqué en page 3 de ses écritures l'avoir fait compte tenu :

-du défaut d'information dont il a été victime relatif à la dette du cabinet à l'égard du bailleur des locaux professionnels,

-du retard dans le remboursement de ses notes de frais,

-de l'absence de dialogue avec ses associés et du constat inquiétant de la baisse du chiffre d'affaires du cabinet,

-de son exclusion de la gestion du cabinet bien avant que M. [E] et Mme [F] ne se soient retirés de l'association, malgré la nécessité de gérer ensemble le cabinet et d'envisager l'avenir; que de leur côté, M. [E] et Mme [F], rappelant les conditions de formation de leur association, alors qu'ils constituaient déjà un cabinet structuré tandis que M. [M] n'avait pas de clientèle personnelle, n'avait fourni aucun apport financier et n'apportait pas de compétence complémentaire, amené à traiter, comme il l'avait fait auparavant comme collaborateur, des matières traditionnelles du cabinet, développé notamment par [G] [E] en droit bancaire, crédit-bail immobilier, procédures collectives et droit social, font valoir qu'effectivement, alors que pendant de nombreuses années la gestion commune, assurée par eux, soit par les deux associés d'origine, n'avait pas soulevé de difficultés, M. [M] s'intéressant alors très peu aux réunions de reddition de comptes chez l'expert comptable, à partir de la fin de l'année 2007, le climat s'est dégradé à la suite de divers ' incidents', dont certains relatifs au paiement des loyers ou d'autres plus mineurs, ayant amené chacun des associés à s'interroger sur leur avenir commun ; que d'ailleurs, dès le mois d'août 2008, M. [M] a lui-même envisagé la rupture de l'association, puis eux l'ont fait également dans leur courrier du 6 novembre 2008 ; que la médiation préconisée, à laquelle ils ont accepté de participer, compte tenu des positions systématiquement critiques prises par M. [M], a fait apparaître une absence d'affection societatis, ne leur laissant pour solution que de notifier leur retrait, étant souligné que la rupture était consommée dans les faits lors de cette notification ;qu'ils ne forment plus devant la cour, comme ils l'avaient fait en première instance, de demande de dommages et intérêts au titre de leur préjudice du fait du comportement de M. [M] à leur égard, que les fautes qu'ils lui reprochaient, détaillées dans la sentence querellée, ne seront donc pas réexaminées en tant que telles dans le présent arrêt ;

Considérant qu'il est nécessaire de rappeler les motifs essentiels de la ladite sentence qui retient, s'agissant de la dissolution de l'association, dont M. [M] demande que la date en soit fixée au 31 mars 2009, 'qu'il ressort des échanges intervenus dans l'automne 2008 que l'affectio societatis avait disparu à cette époque et que la décision de retrait du 23 janvier 2009 des deux associés s'analyse comme une décision de retrait forcé du troisième qui, devenant seul associé d'une structure dont l'objet même est d'exercer en commun la profession d'avocat, n'a pu que constater qu'il était amené désormais à exercer individuellement sa profession' ; qu'elle poursuit ' la question se pose de savoir si le préavis de six mois s'impose dans de telles circonstances . La situation conflictuelle à laquelle se trouvaient confrontés les associés à cette époque a privé de toute possibilité d'exercice en commun de la profession : la confiance avait disparu et les deux parties ont tiré les conséquences de cette situation en anticipant les nouvelles conditions de leur exercice. Il ne peut donc être fait grief à M. [M] d'avoir organisé son nouveau cabinet à compter du 17 avril 2009 et procédé à son déménagement le 11 juin 2009 .Au demeurant, aucune des parties ne demande l'établissement de comptes jusqu'à la date théorique du 23 juillet 2009, date d'expiration du préavis, il est seulement demandé le remboursement de charges et de perte de clientèle qui constituent des demandes indemnitaires qui font l'objet d'un examen ci-après. De fait, la dissolution de l'association [E] -[F]-[M] a pris effet le 31 mars 2009 à minuit.' ; que la sentence examinant plus loin les demandes indemnitaires formées, notamment au titre du préjudice matériel et du préjudice moral de M. [M], retient encore ' que M. [M] considère avoir subi un préjudice matériel lié à sa réinstallation. Le retrait des deux associés ayant l'effet d'une éviction du troisième, M. [M] s'est trouvé de ce fait dans la nécessité de se réinstaller en abandonnant sa contribution aux immobilisations de l'association. Il lui sera alloué une indemnité de 10 000 € à ce titre', puis s'agissant du préjudice moral ' M. [M] fait valoir s'être investi pendant 18 ans au sein de l'association et que les circonstances de la rupture ont été douloureuses et il sollicite réparation de son préjudice moral pour 50 000 €. Comme il a été jugé que l'absence de concertation et le refus de le reconnaître comme pleinement associé assumant avec ses coassociés la cogérance de l'association a contribué à la dissolution de l'association, il lui sera alloué au titre du préjudice moral, une indemnité de 50 000 €' ;

Considérant que M. [E] et Mme [F], se référant aux statuts de l'association et plus précisément à ses articles 5 et 15, qui leur permettaient, représentant les 2/3 des associés, de prendre une décision commune d'y mettre fin, soutiennent qu'ils ont notifié leur retrait de ladite association en conformité avec les règles légales et conventionnelles, qu'il n'y a donc pas eu de leur part ni un abus de droit, ni une rupture brutale et fautive, les parties étant d'accord sur la dissolution anticipée de fait au 31 mars 2009 ; qu'ainsi ils considèrent que M. [M] ne peut prétendre avoir subi un préjudice matériel ou moral, ce dernier supposant une atteinte à la réputation ou à l'honneur qui n'est en rien établi ni même allégué en l'espèce et que s'agissant des frais de réinstallation de M. [M], ils observent que la fin de l'association n'impliquait pas pour ce dernier d'obligation de déménager, ce qui exclut qu'ils aient à y contribuer ;

Considérant que si M. [M] soutient que c'est en raison de la mauvaise volonté manifestée par ses co-associés, malgré les tentatives de médiation, qu'aucun accord n'a pu intervenir et que M. [E] et Mme [F] lui ont notifié brutalement leur intention de se retirer de l'association, lui causant un préjudice tant financier que moral et professionnel, toutefois, comme le font valoir à juste titre M. [E] et Mme [F], leur retrait commun de l'association, si il a eu le même effet qu'une décision prise par eux à la majorité requise par l'article 15 des statuts de dissoudre l'association par anticipation, ne saurait présenter pour autant de caractère abusif dès lors qu'ils n'ont fait ainsi qu'exercer un droit, conformément aux statuts, en particulier à l'article 5 qui prévoit en son dernier

alinéa 'il pourra être mis fin par anticipation à la présente convention, aux conditions prévues ci-après.' ; que par ailleurs, l'article 15 prévoit que 'toutes les décisions, sauf disposition expresse contraire, seront prises à la majorité des 2/3 des membres de l'association représentant plus de la moitié de la répartition des bénéfices.' ; que cet exercice ne pourrait revêtir un caractère fautif que s'il avait dégénéré en abus ; que tel n'a pas été le cas, que la décision, prise en Janvier 2009, n'a pas été brutale mais était au contraire prévisible, en raison de la persistance des difficultés, nées depuis plusieurs mois entre les associés, laquelle n'est pas en l'espèce contestable ni d'ailleurs contestée ; que le bien fondé des diverses revendications présentées par M. [M], invoquant par exemple un manque de considération et d'égards, une insuffisance de participation aux bénéfices ou à l'administration de l'association alors qu'il n'y prenait pas auparavant et pendant des années une part active, n'est pas démontré par les divers exemples qu'il donne, (conditions de la décision de recruter une secrétaire, opportunité de faire appel d'un jugement où il est partie aux côtés de ses associés, note de service sur les frais qui lui est imposée, découvert bancaire imposé au regard de difficultés matérielles du fait du départ d'une collaboratrice et autres incidents sur des faits du quotidien en principe mineurs ), dès lors qu'il entre dans ses dires une part de subjectivité du fait d'un manque de confiance entre associés ; qu'il en est d'ailleurs de même des événements cités par M. [E] et Mme [F] qui lui reprochent un non respect des engagements pris à l'égard d'une collaboratrice, relatifs à l'augmentation de sa rétrocession d'honoraires par imputation sur ses résultats dont il aurait ensuite prétendu qu'il ne s'agissait que d'une avance, fait non démontré, de n'avoir pas tenu parole sur la conduite à tenir à réception du commandement de payer du 29 juillet 2008 en offrant au bailleur de régler puis en s'abstenant de régler sa part de loyer, d'avoir refusé de renouveler le découvert bancaire, à une période à laquelle l'association n'avait de toute manière plus de vision commune, à propos desquels, l'arbitre, à juste raison, et par des motifs que la cour approuve, a considéré qu'ils ne caractérisaient pas davantage l'attitude fautive de M. [M] ; que ce contexte ne pouvait en tout état restreindre le droit de ses co-associés de constater la disparition de 'l'affectio societatis' et de mettre fin à l'exercice en commun ; qu'il n'est donc pas démontré, contrairement à ce que retient la sentence, que M. [M] aurait subi les conséquences d'une rupture brutale ; qu'il y a lieu de relever que le courrier du 23 janvier 2009 prévoit un préavis, dont M. [M] aurait pu bénéficier, ce qu'il n'a pas entendu faire puisqu'il admet que l'association a pris fin le 30 mars 2009, qu'il a ensuite lui-même décidé de partir le 11 Juin 2009, date jusqu'à laquelle il a continué à utiliser les services du cabinet ; qu'il n'avait pas l'obligation de déménager, les associés restant liés par un bail signé dont ils étaient co-titulaires ; que la sentence querellée a inexactement conclu à une notion ' d'éviction', notion impliquant nécessairement l'idée d'une faute, dont elle s'est attachée à indemniser certaines conséquences et qu'elle sera donc infirmée en ce qu'elle a condamné M. [E] et Mme [F] à payer à M. [M] des dommages et intérêts pour ses frais de réinstallation et au titre de son préjudice moral, ainsi qu'à supporter seuls les frais d'arbitrage ;

Sur la perte de clientèle :

Considérant que chaque partie présente une demande d'indemnisation à ce titre, réitérant l'argumentation déjà développée en première instance ; qu'ainsi, outre une demande chiffrée à 270 000 € relative à une perte de clientèle, M. [M] forme une demande distincte chiffrée à 150. 00 € ( sic) liée au fait qu'il serait désormais tributaire d'une situation de mono-clientèle, ne conservant que la banque Delubac, tandis que M. [E] et Mme [F] à ce propos demandent une indemnisation, chiffrée à 135 000 €, au motif de leur perte de clientèle du fait précisément que M. [M] continue d'être le conseil de ladite banque, cliente traditionnelle de M. [E] ; que pourtant, ainsi que retenu par la sentence par des motifs pertinents, ces prétentions ne sont pas justifiées ; qu'en effet dans une association d'avocats, structure d'exercice dépourvue de la personnalité morale, les associés exercent personnellement au sein de l'association ; qu'ils peuvent prétendre disposer personnellement de la clientèle, mais qu'à l'issue de l'association, c'est le choix fait par cette dernière de poursuivre ses relations avec tel ou tel associé, qui éventuellement n'était pas son conseil à l'origine, qui prévaut et qui réalise de fait le partage ; que ce principe est d'ailleurs rappelé dans les écritures de M. [E] et Mme [F] qui soutiennent néanmoins que ce principe est à charge pour l'associé, ainsi désigné par le client, d'indemniser ses co-associés s'il s'agit d'une clientèle pré-existante à son entrée, comme prévu par l'article 6 du Règlement Intérieur de l'association ; que toutefois, par des motifs pertinents que la cour fait siens, l'arbitre a retenu que le choix fait par la clientèle, à l'issue de l'association, de continuer à travailller avec un associé qui n'était pas toujours son conseil à l'origine, ne donne pas lieu à indemnisation lorsqu'il est établi que la plus value apporté par l'associé pendant la durée de l'association rend naturel le choix du client ; qu'en l'espèce la valeur ajoutée par chacun des associés a contribué à rendre indivise la clientèle et le partage peut équitablement résulter du choix opéré par les clients ; que certes M. [M] peut se plaindre de ce que les dossiers Natexis Ball et BNP Bail qu'il avait en charge lui aient été retirés dans des conditions critiquables mais les clients qui lui avaient été présentés par M. [E], sont restés avec ce dernier ; que la décision de l'arbitre sera en conséquence confirmée en ce qu'il a considéré, compte tenu des conditions de la reprise de la clientèle, qu'il n'y avait pas lieu à indemnisation des uns ou des autres pour perte de clientèle ;

Sur les comptes entre les parties :

Considérant que les parties s'accordent sur la nécessité de désigner un liquidateur extérieur et qu'il y sera procédé dans les termes du dispositif ci-après aux frais avancés par moitié par chacune des parties ; qu'elles s'accordent encore sur la date d'effet de la dissolution de l'association, soit le 31 mars 2009 à minuit, date qui doit être retenue comme point de départ pour faire les comptes entres les parties, avec mission pour le liquidateur de procéder à la liquidation de l'association et à l'apurement des comptes entre eux, notamment en vérifiant l'encaissement des honoraires facturés par l'association jusqu'au 31 mars 2009, ainsi que le paiement des dettes de l'association jusqu'au 31 mars 2009, avec établissement des déclarations fiscales ;

Considérant que le liquidateur aura également pour mission de procéder au calcul du montant éventuellement dû par M. [E] et Mme [F] à titre de remboursement de l'indû sur la prise en charge d'une partie du compte courant existant au 1er Janvier 1996, le montant ainsi déterminé n'étant susceptible de produire en faveur de M. [M] des intérêts au taux légal qu'à compter d'une mise en demeure qui serait par lui régulièrement délivrée à ses anciens associés ;

Considérant que s'agissant du litige relatif aux frais de fonctionnement, loyers et charges du cabinet, si l'arbitre a considéré à juste titre que M. [E] et Mme [F], restés dans les lieux de l'association dans le cadre d'un cabinet groupé avec M. [X], ne peuvent demander à M. [M] le paiement des loyers et des charges qu'au titre de l'occupation du second trimestre 2009, soit jusqu'au départ de M. [M], mais non jusqu'au 1er Novembre 2009, dès lors qu'ils étaient informés avec un préavis raisonnable du départ de leur ancien associé, en revanche, s'agissant du montant éventuellement restant dû par M. [M], la complexité mathématique des diverses demandes rappelées ci-dessus et formées à ce titre par les parties, dont certaines ne sont même pas en l'état chiffrées et donc indéterminées, cependant que chacune d'elle invoque des multiples erreurs de calcul en sa faveur ou défaveur, ne permet pas à la cour de statuer et justifie que le liquidateur ait également pour mission de faire à ce propos les comptes entre elles ; que la sentence sera donc infirmée de ce chef uniquement en ce qu'elle a retenu le quantum de 7165, 60 € à la charge de M. [M] à ce titre ;

Considérant que compte tenu des circonstances sus-évoquées et des motifs du présent arrêt, l'équité ne commande pas de faire application en l'espèce des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une quelconque des parties ; que les entiers dépens, de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'arbitrage seront supportés par moitié par chacune des parties ;

PAR CES MOTIFS :

Infirme la sentence déférée uniquement en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à désignation d'un liquidateur, retenu des conditions fautives dans l'exercice du retrait par M. [E] et Mme [F], prononcé à l'encontre de M.[E] et Mme [F] des condamnations solidaires en faveur de M. [M] à hauteur de 10 000 € et de 50 000 € de dommages et intérêts, fixé à la somme de 7165 € le montant dû par M. [M] au titre de l'occupation des lieux, ainsi qu'une condamnation solidaire à l'encontre de M. [E] et Mme [F] à supporter seuls les frais d'arbitrage,

Statuant à nouveau de ces chefs,

Constate que M. [E] et Mme [F] ont exercé régulièrement le 23 janvier 2009 vis à vis de M. [M] leur droit de retrait de l'association en conformité avec les règles légales et statutaires et en respectant le préavis contractuel,

Désigne M.[C] [W], expert comptable, [Adresse 3], tél [XXXXXXXX01] en qualité de liquidateur de l'association [E]- [F] -[M], avec la mission ci-dessus définie,

Dit que M. [E] et Mme [F] d'une part et M. [M] d'autre part devront consigner la somme de 5000 € chacun à titre d'avance sur les honoraires de l'expert,

Dit que cette somme sera consignée au greffe de la cour avant le 28 Février 2011,

Dit que l'expert déposera le rapport de ses opérations avant le 30 juin 2011,

Dit que toute difficulté liée à l'expertise sera soumise à M. [H] Grandpierre, président,

Dit que les frais d'arbitrage et de médiation seront supportés par moitié par chacune des parties,

Confirme la sentence déférée pour le surplus de ses dispositions,

Déboute les parties de toutes autres demandes,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Fait masse des dépens d'appel qui seront supportés par moitié par chacune des parties et recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 10/01332
Date de la décision : 14/12/2010

Références :

Cour d'appel de Paris C1, arrêt n°10/01332 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-12-14;10.01332 ?
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