Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 3
ARRET DU 14 DECEMBRE 2010
(n° 675 , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/28948
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 09 Décembre 2009 -Tribunal de Commerce d'EVRY - RG n° 2009R00372
APPELANTS
SOCIETE BAYARD MONTAIGNE agissant poursuites et diligences en la personne de son associé-gérant
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Monsieur [S] [F]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentés par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avoués à la Cour
assistés de Me Frédéric MENGES, avocat au barreau de PARIS, toque D 284
INTIMEES
SOCIETE GENERAL MEDITERRANEAN HOLDING ci après dénommée GMH Prise en la personne de ses administrateurs
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Frédéric BURET, avoué à la Cour
assistée de Me Sandra DOS SANTOS, plaidant pour la SELARL HUET & ASS, avocat au barreau de PARIS, toque : L 211
POUR DENONCIATION
BANQUE MARTIN MAUREL
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
défaillante
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 15 Novembre 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Joëlle BOURQUARD, Président de chambre
Madame Martine TAILLANDIER-THOMAS, Conseillère
Madame Sylvie MAUNAND, Conseillère
qui en ont délibéré
sur le rapport de Madame Martine TAILLANDIER-THOMAS
Greffier, lors des débats : Mlle Véronique COUVET
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Joëlle BOURQUARD, président et par Mlle Véronique COUVET, greffier.
Aux termes d'un pacte d'actionnaires en date du 9 janvier 1996, la société COMPAGNIE EUROPEENNE D'HOTELLERIE ci-après désignée société CEH était détenue :
- à 45 % par M. [S] [F], soit directement, soit indirectement au travers de la société civile BAYARD MONTAIGNE et la société ARCADE INVESTISSEMENT CONSEIL,
- à 55 % par la société CONTINENTAL CARGO, filiale du groupe GENERAL MEDITERRANEAN HOLDING, dénommée depuis SA CONTINENTAL INVESTMENTS & MANAGEMENT ci-après dénommée CIM.
Le 26 décembre 1996, la société GENERAL MEDITERRANEAN HOLDING ci-après nommée société GMH a accordé à M. [S] [F] un prêt de 1 000 000 francs, soit 152 449,02 euros pour une durée d'un an renouvelable à la discrétion du prêteur et destiné à financer l'augmentation de sa participation directe ou indirecte dans la société CEH dont il était membre du conseil d'administration et directeur général.
Le 22 mars 2007, M. [S] [F] a été révoqué de ses fonctions de président du conseil d'administration de la société CEH et le 20 juin 2007 de ses fonctions de directeur général.
En exécution de la clause prévue au pacte d'actionnaires, il a demandé à la société CIM de lui racheter l'ensemble de ses parts détenues directement ou indirectement et qui ont été évaluées par l'expert désigné en référé à 4 522 500 euros.
La société CIM s'est opposée au rachat des actions en invoquant la faute grave de M. [S] [F] à l'origine de sa révocation.
Le 22 juillet 2008, M. [S] [F] a assigné la société CIM en référé et par ordonnance du 10 août 2008, le président du tribunal de commerce a condamné celle-ci à lui racheter ses actions au prix fixé par l'expert, sous déduction de la somme de 209 804,91 euros restant due à la société GMH au titre du prêt susvisé.
Par arrêt du 20 mars 2009, la cour d'appel de Paris a infirmé cette décision en toutes ses dispositions.
Le 4 février 2009, le juge de l'exécution a autorisé sur requête la société GMH à faire pratiquer une saisie conservatoire notamment entre les mains de la société BAYARD MONTAIGNE de toutes sommes dues à M. [S] [F] et de toutes parts sociales détenues par celui-ci pour avoir paiement de sa créance de 209 804,91 euros.
Le 20 mars 2009, la société GMH a assigné en paiement de cette somme M. [S] [F] en référé devant le président du tribunal de grande instance d'Evry, lequel par ordonnance du 16 juin 2009 a reçu l'intervention volontaire de la société BAYARD MONTAIGNE et s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce d'EVRY au motif que le prêt en cause est un acte de commerce.
Par ordonnance du 9 décembre 2009, le président du tribunal de commerce ainsi saisi a :
- renvoyé les parties à se pourvoir au principal mais cependant, dès à présent
pris acte de l'intervention volontaire de la société BAYARD MONTAIGNE,
- débouté celle-ci de ses demandes pour défaut d'intérêt à agir à l'encontre de la société GMH,
- débouté M. [S] [F] de sa demande de fin de non recevoir pour prescription de sa créance,
- l'a condamné par provision à payer à la société GMH la somme de 209 804,91 euros en principal avec intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2009 jusqu'à parfait paiement,
- ordonné la main levée de la saisie-arrêt effectuée par la société GMH entre les mains de la banque MARTIN MAUREL et de la société BAYARD MONTAIGNE des avoirs de M. [S] [F] dès constatation du parfait paiement,
- condamné M. [S] [F] à payer à la société GMH la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs autres demandes,
- condamné M. [S] [F] aux dépens.
Appelants de cette décision, la société BAYARD MONTAIGNE et M. [S] [F], aux termes de leurs écritures déposées le 19 octobre 2010, demandent à la cour de dire la société BAYARD MONTAIGNE recevable en son intervention volontaire, d'infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions sauf en ce qu'elle a ordonné mainlevée des saisies conservatoires et dit prescrits les intérêts réclamés par la société GMH, subsidiairement de surseoir à statuer ou mettre l'affaire en délibéré à une date permettant à la cour de tirer les conséquences de son propre arrêt à intervenir sur le quantum du prix dont l'ordonnance seulement partiellement infirmée du 16 septembre 2008 a retranché la créance de la société GMH et qui est dû depuis le 20 juin 2007 et de condamner la société GMH à leur verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Aux termes des ses écritures déposées le 9 novembre 2010, la société GMH s'oppose au sursis à statuer et sollicite la confirmation de l'ordonnance entreprise, en conséquence, elle demande à la cour de dire le tribunal de commerce d'Evry statuant en référé compétent, déclarer irrecevable l'intervention volontaire de la société BAYARD MONTAIGNE pour défaut d'intérêt à agir, dire les contestations soulevées par M. [S] [F] inopérantes et infondées et qu'elle dispose d'une créance qui n'est ni prescrite, ni éteinte, ni compensée et qui n'est pas sérieusement contestable, condamner M. [S] [F] par provision à lui payer la somme de 152 449,02 euros en principal et 82 639,32 euros en intérêts, selon décompte établi le 31 octobre 2010, soit la somme totale de 235 088,04 euros, sous réserve des intérêts restant à courir jusqu'à parfait paiement, déclarer bonnes et valables les saisies conservatoires opérées le 20 février 2009 entre les mains de la banque MARTIN MAUREL et de la société BAYARD MONTAIGNE, condamner les appelants au paiement de la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
SUR CE, LA COUR
Sur l'intervention volontaire de la société BAYARD MONTAIGNE
Considérant que la société BAYARD MONTAIGNE est intervenue volontairement à l'instance devant la premier juge, lequel a considéré qu'elle n'avait pas d'intérêt à agir ; que devant la cour, les appelants contestent ce chef de décision en faisant valoir qu'elle a a vu ses parts sociales saisies à titre conservatoire et son capital rendu de ce fait indisponible ou en tout cas, la négociabilité de ses propres titres largement entravée ;
Mais considérant que les parts sociales saisies par l'effet du procès-verbal de saisie conservatoire du 20 février 2009 sont celles de M. [S] [F] ; que la société BAYARD MONTAIGNE n'est qu'un tiers-saisi à qui la mesure d'exécution ne porte pas en soi préjudice ; qu'elle ne justifie d'aucun dommage subi personnellement ; que la décision sera, en conséquence, confirmée de ce chef ;
Sur le sursis à statuer et le report de délibéré :
Considérant que les appelants soutiennent qu'il serait opportun d'attendre la décision de la cour saisie au fond sur l'exercice du droit de retrait et la fixation du prix des parts de M. [S] [F], cette affaire étant d'ores et déjà fixée pour plaidoiries au 9 novembre 2010 ;
Mais considérant qu'une bonne administration de la justice ne justifie pas qu'il soit sursis à statuer sur la présente instance en référé, tendant à la condamnation provisionnelle de M. [S] [F] sur le fondement du prêt qui lui a été accordé par la société GMH, dans l'attente de l'arrêt de la cour de céans statuant sur appel du jugement du tribunal de commerce de Paris du 14 avril 2010, auquel cette dernière n'était pas partie et qui a dit que M. [S] [F] était fondé à exercer son droit de retrait à la date du 20 juin 2007 mais qui n'a pas retenu le rapport de l'expert, Mme [J], pour servir de base à l'évaluation des actions dans le cadre de l'exercice de ce droit et qui l'a débouté ainsi que les sociétés BAYARD MONTAIGNE et ARCADE INVESTISSEMENTS CONSEILS de leur demande tendant à voir dire que la vente des titres était définitivement formée ;
Considérant que la demande tendant à mettre la présente affaire en délibéré à une date permettant à la cour de tirer les conséquences de cet arrêt à intervenir est, enfin, sans objet puisque tant l'instruction que les débats du présent litige sont d'ores et déjà clos ;
Sur le principal :
Considérant que les appelants font valoir que la cassation par arrêt du 21 janvier 2010 de l'arrêt infirmatif de la cour d'appel de Paris du 20 janvier 2009 a rétabli l'ordonnance du 16 septembre 2008 dans tous ses effets, y compris dans la compensation qui y était constatée entre la créance d'emprunt de la société GMH et la dette de prix de la société CIM, que l'ordonnance entreprise est devenue dès lors caduque en application de l'article 625 alinéa 2 du code de procédure civile comme se rattachant à un arrêt cassé, que cette ordonnance rétablie est opposable à la société GMH quant bien même elle n'était pas partie à la procédure, que la cour de renvoi dans son arrêt du 12 octobre 2010 n'est pas revenue sur cette compensation et que si la cour ne devait pas constater d'ores et déjà l'extinction de la créance du fait de la compensation ainsi constatée, il existe en tout état de cause une contestation sérieuse compte tenu des liens mère/fille et des intérêts existant entre les sociétés GMH et CIM ;
Mais considérant que l'ordonnance entreprise rendue entre la société GMH et M. [S] [F] n'est pas la suite, l'application ou l'exécution de l'arrêt du 20 mars 2009 rendu entre des parties différentes et ne s'y rattache pas par un lien de dépendance nécessaire au sens de l'article 625 du code de procédure civile ; que l'arrêt de cassation du 21 janvier 2010 n'a pu entraîner sa cassation par voie de conséquence ; qu'en outre, la cour d'appel de Paris, saisie sur renvoi, par arrêt du 12 octobre 2010, a de nouveau infirmé l'ordonnance du 16 septembre 2008 en ce qu'elle a fixé le prix total des actions de la société CEH détenues par M. [S] [F], les sociétés BAYARD MONTAIGNE et ARCADE INVESTISSEMENTS CONSEILS au prix total de 4 312 695,09 euros payable à raison de 4 304 841,75 euros à la société BAYARD MONTAIGNE, 3 833,34 euros à M. [S] [F] et 4 020 euros à la société ARCADE INVESTISSEMENTS CONSEILS, statuant à nouveau a constaté l'existence d'une contestation sérieuse et dit n'y avoir lieu à référé et confirmé pour la surplus l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a ordonné la cession à la société CONTINENTAL INVESTMENTS AND MANAGEMENT SA des actions de la société CEH détenues par M. [S] [F], les sociétés BAYARD MONTAIGNE et ARCADE INVESTISSEMENTS CONSEILS ; que ce faisant la cour a nécessairement remis en cause la compensation opérée par l'ordonnance infirmée entre le prix de cession fixé par l'expert à 4 522 500 euros et la créance de la société GMH à l'encontre de M. [S] [F] de 209 804,91 euros ; que le moyen tenant à l'extinction de la créance du fait de la compensation d'ores et déjà constatée judiciairement est, en conséquence, inopérant ; que cette compensation ne saurait, en outre, être constatée par la cour dans la cadre de la présente instance puisque les conditions n'en sont pas réunies, notamment quant à la réciprocité ; qu'en effet, la créance de prix alléguée par M. [S] [F] l'est à l'encontre de la société CIM et non de la société GMH ; que les liens et les intérêts existant entre ces deux sociétés sont, à cet égard, indifférents s'agissant de deux personnes morales distinctes ;
Considérant que les appelants font encore valoir que la prescription décennale de l'article 110-4 du code de commerce était acquise lors de l'assignation du 20 mars 2009 et que les actes qui sont opposés à M. [S] [F] sont de simples reconnaissances de dettes irrégulières en la forme pour ne pas répondre aux exigences de l'article 1326 du code civil et impropres à interrompre la prescription ;
Mais considérant que le contrat sous seing privé du 26 décembre 1996 a expressément prévu que le prêt serait remboursable au plus tard le 31 décembre 1997 ou à une date ultérieure fixée par le prêteur ; que le 29 janvier 1997, M. [S] [F] s'est engagé par écrit à le rembourser le 31 janvier 1998 ; qu'il a ensuite été prolongé jusqu'au 31 décembre 1998 ; que par écrits en date des 25 février 2010, 26 juin 2001, 6 décembre 2005, 24 mai 2006 et 9 mars 2007 qu'il a signés, M. [S] [F] a reconnu devoir le principal et les intérêts du prêt ; que par lettre recommandée avec accusé de réception du 31 janvier 2008, la société GMH l'a mis en demeure de lui rembourser la somme de 209 804,91 euros se décomposant en 152 449,02 euros de principal et 57 355,89 euros d'intérêts ; que par lettre du 9 juin 2008, ainsi qu'il l'a dit lui-même dans sa propre assignation en référé du 22 juillet 2008 devant la tribunal de commerce de Paris, M. [S] [F] a mis en demeure la société CIM de payer les sommes fixées par l'expert sous déduction de la dette de 209 804,91 euros qu'il reconnaissait devoir à la société GMH ; que dans son assignation de la société CIM devant le même magistrat, en date du 10 octobre 2008, il a reconnu expressément devoir la somme de 209 804 euros à la société GMH ; qu'il a renouvelé cette reconnaissance de dette dans ses conclusions devant la cour d'appel de Paris du 11 décembre 2008 ; que ces nombreuses reconnaissance de dette, non soumises au formalisme de l'article 1326 du code civil, ont eu pour effet d'interrompre la prescription ;
Considérant qu'aux termes de l'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce, statuant en référé, peut dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier ; que la hauteur de la provision susceptible d'être ainsi allouée n'a d'autre limite que celui du montant de la dette alléguée ;
Considérant, en l'espèce, que la créance de la société GMH n'est pas sérieusement contestable ; que l'ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu'elle a fixé la provision à hauteur de la somme de 209 804,91 euros reconnue par le débiteur ainsi qu'en toutes ses autres dispositions ;
Considérant que les appelants, qui succombent, seront condamnés aux entiers dépens ; qu'ils verseront, en outre, à la société GMH la somme complémentaire précisée au dispositif du présent arrêt au titre des frais irrépétibles d'appel ;
PAR CES MOTIFS
Dit n'y avoir lieu à sursis à statuer ;
Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
Condamne M. [S] [F] et la société BAYARD MONTAIGNE à verser à la société GMH la somme complémentaire de 2 000 (deux mille) euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en appel ;
Rejette toutes autres demandes ;
Condamne M. [S] [F] et la société BAYARD MONTAIGNE aux dépens d'appel dont distraction au profit de l'avoué concerné en application de l'article 699 du code de procédure civile ;
LE GREFFIERLE PRESIDENT