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14/12/2010 | FRANCE | N°09/23886

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 14 décembre 2010, 09/23886


Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1



ARRET DU 14 DECEMBRE 2010



(n° 450, 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 09/23886



Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Octobre 2009 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 08/00375





APPELANT



Monsieur [Y] [J]

[O] [F] 200+0 Via Roma n.112

MILAN ITALIE

représenté par la SC

P FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avoués à la Cour

assisté de M. Gian Antonio CONTE, avocat plaidant





INTIMES



Maître [W] [R], ès-qualités de mandataire ad hoc de la Société ITALIA IMPORT

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Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRET DU 14 DECEMBRE 2010

(n° 450, 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/23886

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Octobre 2009 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 08/00375

APPELANT

Monsieur [Y] [J]

[O] [F] 200+0 Via Roma n.112

MILAN ITALIE

représenté par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avoués à la Cour

assisté de M. Gian Antonio CONTE, avocat plaidant

INTIMES

Maître [W] [R], ès-qualités de mandataire ad hoc de la Société ITALIA IMPORT

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par la SCP PETIT LESENECHAL, avoués à la Cour

assisté de Maître Aurélien GAZEL plaidant pour VATIER & ASSOCIES, Association d'Avocats à Responsabilité Professionnelle Individuelle, avocats au barreau de PARIS, toque : P 82

Monsieur L'AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR représentant L'ETAT FRANÇAIS

[Adresse 4]

[Localité 2]

représenté par Me Frédéric BURET, avoué à la Cour

assisté de Me Carole PASCAREL, plaidant pour la SCP UGGC, avocats au barreau de PARIS, toque : P 261

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 2 novembre 2010, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre en entendu en son rapport et Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

- M. François GRANDPIERRE , président de chambre

- Mme Brigitte HORBETTE , conseiller

- Mme Dominique GUEGUEN , conseiller

Greffier, lors des débats : Melle Sabine DAYAN

MINISTERE PUBLIC :

Madame ARRIGHI de CASANOVA, avocat général, a fait connaître ses conclusions écrites

ARRET :

- contradictoire

- rendu publiquement par Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

*************************

La Cour,

Considérant que, par jugement du 22 février 1990, le tribunal de commerce de Créteil a prononcé le redressement de la société Italia Import, dont M. [Y] [J] était le gérant, et que, par jugement du 17 mai 1990, le même tribunal prononçait sa liquidation et désignait M. [W] [R] en qualité de liquidateur ; que, par un jugement du 25 juillet 1991, il fixait la date de cessation des payements au 1er juin 1988 ;

Que, par jugement du 23 janvier 1992, la même juridiction prononçait la faillite personnelle de M. [J] pour une durée de vingt ans et le condamnait à supporter les dettes de la société Italia Import à hauteur de 152.449,01 euros ; que, par arrêt du 8 avril 1994, la Cour confirmait le jugement tout en portant à 309.898,03 euros la condamnation mise à la charge de M. [J] ; que, par arrêt du 9 décembre 1997, la Cour de cassation a rejeté le pourvoir formé contre cet arrêt ;

Que, le 25 juin 1998, le Tribunal de commerce de Créteil prononçait la clôture de la liquidation pour insuffisance d'actif et, le 9 juillet 1998, la liquidation de M. [J] ; qu'en son arrêt du 15 décembre 1998, la Cour a confirmé le jugement prononçant la liquidation de M. [J] ;

Considérant que, se plaignant de procédures et décisions disproportionnées et réclamant une indemnisation, M. [J] a fait assigner l'Etat et M. [R], ès qualités de liquidateur de la société Italia Import, sur le fondement des articles L. 141-1 du Code de l'organisation judiciaire, 1er du protocole additionnel de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme, 6 et 50 de ladite convention, 190 de la loi du 26 juillet 2005, 43 du Traité instituant la Communauté européenne, 1382, 1384-1 et 1992 du Code civil et L. 814-3 du Code de commerce, ainsi que sur le fondement de la loi du 14 juin 1791, dite loi Le Chapelier ;

Que, par jugement du 21 octobre 2009, le Tribunal de grande instance de Paris a déclaré irrecevables les demandes formées par M. [J], comme étant prescrites à l'égard de l'Agent judiciaire du Trésor et dirigées contre une personne n'ayant plus qualité à l'égard de M. [R], déclaré irrecevable la demande présentée par M. [R] sur le fondement de l'article 32-1 du Code de procédure civile, débouté M. [J] et l'Agent judiciaire du Trésor de leur demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du même code et condamné M. [J] aux dépens ;

Considérant qu'appelant de ce jugement, M. [J] demande que l'Etat et M. [R], ès qualités de liquidateur de la société Italia Import et « en sa responsabilité personnelle », soient condamnés « solidairement » à lui payer la somme de 160.000.000 euros, tout en demandant que chacun d'eux soit condamné à lui verser une somme de 80.000.000 euros ; qu'il demande également que l'Etat et M. [R] soient condamnés à lui payer la somme de 100.000 euros en réparation des préjudices tant matériels que moraux résultant du caractère disproportionné de l'interdiction de gérer jusqu'en 2012 ; qu'à titre subsidiaire, il sollicite une mesure d'expertise comptable ;

Qu'à l'appui de ses prétentions, invoquant les textes internationaux et internes qu'il avait invoqués en première instance et rappelant que l'expansion commerciale de la société Italia Import était « très certaine et très évidente », qu'elle s'est arrêtée brutalement à la suite d'un contrôle fiscal qui a bouleversé son administration et que les procédure judiciaires n'ont pas pris en considération la sauvegarde de l'entreprise, M. [J] soutient d'abord qu'à l'égard de M. [R], pris en sa double qualité de liquidateur de la société Italia Import et de personnellement responsable, l'action engagée le 17 décembre 2007 n'est pas prescrite dès lors que le délai décennal a commencé à courir le 1er janvier 1999 et qu'à l'égard de l'Etat, la prescription quadriennale n'est pas applicable, s'agissant de « créances subjectives », la prescription décennale ne pouvant pas plus arriver à expiration puisqu'il réclame la réparation d'une « lésion subjective inhibitoire à l'activité commerciale et d'entreprise continue » ;

Qu'au fond, M. [J], qui se prévaut de sa qualité d'ancien gérant et d'ancien propriétaire des parts de la société Italia Import pour revendiquer sa qualité à agir, soutient que l'Etat est, en vertu des normes européennes, responsable même en cas de faute simple et qu'en l'espèce, l'Etat a fait fi du principe européen du libre marché et de la Concurrence de sorte que les défaillances et les approximations entachant les arrêts rendus contre lui, M. [J], de même que le défaut d'examen de la totalité des dégrèvements fiscaux entraînent la responsabilité de l'Etat et que toutes ces fautes l'emportent sur toutes les exceptions soulevées par l'Agent judiciaire du Trésor ; qu'il ajoute que la combinaison de l'action de l'administration fiscale, de la justice et de M. [R], auxiliaire de justice ont compromis définitivement la protection de ses biens et ce, en violation du principe de proportionnalité affirmé par les règles de droit européen ;

Qu'à ces faits, M. [J] ajoute que constituent des fautes imputables à M. [R], dont « la responsabilité propre et divisée de façon concurrente et autonome avec celle de l'Etat », les faits suivants : avoir liquidé l'actif de la société Italia Import en abattant le produit des marchandises, l'avoir éloigné de la gestion de l'entreprise, avoir fait provoqué la ruine de la société Italia Import ou de ne pas avoir tenu compte de dégrèvements fiscaux, relevant à cet égard que les juges qui avaient le devoir de surveiller l'action de M. [R] ont failli à leur mission ; qu'il en déduit que la sanction prise contre lui, qui porte atteinte au droit d'entreprendre, est disproportionnée ;

Que M. [J] arrête le montant de l'indemnité qu'il réclame à partir d'un revenu net de 68.372,06 euros perçu en 1984, actualisé à 162.440,31 euros, soit un revenu net après vingt ans, de 11.271.560,77 euros ou, en monnaie actuelle, 55.708.042,60 euros constituant le seul préjudice économique, auquel il convient d'ajouter la production « d'un fonds commercial », calculé sur la base de 11.271.560,77 euros multiplié par 9 %, taux d'intérêt pour entreprise à faible risque, de 125.239.564,09 euros, soit un total de 180.947.606,69 euros, arrondi à deux fois 80.000.000 euros ;

Qu'enfin, M. [J] demande « la constatation évidente des faux » commis par M. [R] sur sa personne afin d'introduire une « procédure de réhabilitation personnelle et sociale » ;

Considérant que l'Agent judiciaire du Trésor conclut à la confirmation du jugement au motif que, compte tenu de la date des dernières décisions rendues à l'égard de la société Italia Import et de M. [J], l'action engagée par M. [J] contre l'Etat est prescrite en vertu des dispositions de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 ;

Qu'à titre subsidiaire et au fond, l'Agent judiciaire du Trésor fait valoir que les conséquences du comportement de M. [R], ès qualités de liquidateur de la société Italia Import, sont exclues du champ d'application de l'article L. 141-1 du Code de l'organisation judiciaire et que, de son côté, l'Etat n'a commis aucune faute lourde de nature à engager sa responsabilité dès lors que la procédure collective était justifiée et alors surtout que M. [J] ne démontre aucunement le lien de causalité qui existerait entre les fautes reprochées au service de la justice et le préjudice qu'il allègue ;

Considérant que M. [R], mandataire ad hoc de la société Italia Import, conclut également à la confirmation du jugement ;

Qu'à cette fin, il soutient qu'il n'a pas été assigné à titre personnel et qu'il a perdu la qualité de mandataire liquidateur de sorte que les demandes présentées par M. [J] sont dirigées contre une personne morale dépourvue du droit d'agir ;

Que, subsidiairement et au fond, M. [R] fait valoir que n'est démontrée aucune faute imputable aux organes de la liquidation judiciaire de la société Italia Import ;

Considérant que M. le procureur général, à qui le dossier a été communiqué, conclut à la confirmation du jugement aux motifs qu'à l'égard de l'Etat, la prescription quadriennale est acquise et que l'action dirigée contre M. [R] est irrecevable dès lors qu'il a perdu sa qualité de liquidateur de la société Italia Import ; qu'il ajoute qu'il n'existe, en la cause, aucune faute lourde qui pourrait être retenue contre le service de la justice ;

Sur la recevabilité de l'action engagée contre M. [R] :

Considérant que M. [J], qui a fait assigner M. [R], ès qualités de liquidateur de la société Italia Import et que, tant en première instance qu'en cause d'appel, il a dirigé ses demandes contre lui, pris en cette qualité alors qu'il lui reproche des fautes et manquements commis à l'occasion de l'accomplissement de sa mission de liquidateur et, comme tels, de nature professionnelle ;

Qu'en réalité et comme il est dit en tête du présent arrêt, le Tribunal de commerce de Créteil a, par jugement du 25 juin 1998, prononcé la clôture de la liquidation de la société Italia Import pour insuffisance d'actif ; que la société a donc perdu la personnalité morale et que la mission de M. [R] a pris fin ;

Qu'il importe peu qu'à l'occasion de la procédure engagée par M. [J], M. [R] ait sollicité et obtenu sa désignation en qualité de mandataire ad hoc pour apporter des explications à la juridiction saisie, cette circonstance ne faisant pas renaître la personnalité juridique de la société Italia Import ;

Qu'il s'ensuit que M. [J] a fait assigner et maintenu des prétentions contre une personne dépourvue du droit d'agir de sorte que, par application des dispositions de l'article 32 du Code de procédure civile, son action est irrecevable ;

Que, sur ce point, le jugement sera confirmé ;

Sur la prescription invoquée par l'Agent judiciaire du Trésor :

Considérant qu'en vertu de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968, les actions indemnitaires dirigées contre l'Etat se prescrivent par quatre ans à partir du premier jour de l'année qui suit celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ; que le point de départ du cours de la prescription se situe donc au du premier jour de l'année qui suit celle au cours de laquelle le fait générateur du dommage s'est produit ;

Qu'aucun des textes invoqués par M. [J] et, notamment, les articles 1er du protocole additionnel de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme, 6 et 50 de ladite convention et 43 du Traité instituant la Communauté européenne, ne s'opposent à l'application des dispositions de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 susvisé, étant encore observé que la loi des 14 et 27 juin 1791, dite Loi Le Chapelier, également invoquée par l'appelant, a été abrogée par la loi du 21 mars 1884, dite Loi Waldeck-Rousseau, qui autorise les syndicats ;

Qu'en outre, soutenir, comme le fait M. [J], que le point de départ du délai de prescription serait reporté tant que dure le préjudice allégué, qui est de nature financière, reviendrait à rendre l'action imprescriptible et ce, en violation, non seulement des règles de la prescription quadriennale, mais également des règles de la prescription décennale invoquée à tort par M. [J] ;

Qu'il convient enfin de relever que, contrairement à ce que soutient M. [J], les fautes reprochées à l'Etat, quelle que soit leur gravité alléguée, ne peuvent, en aucune manière, l'emporter « sur toutes les exceptions soulevées par l'Agent judiciaire du Trésor » ;

Considérant qu'en l'occurrence, le fait générateur de la créance alléguée par M. [J] est constitué par la faillite personnelle de M. [J] et par la procédure collective qui, suivie à l'égard de la société Italia Import, s'est achevée le 25 juin 1998 ; que, partant, le délai de prescription a commencé à courir le 1er janvier 1999 de sorte que l'action engagée le 7 décembre 2007 par M. [J] est irrecevable comme étant prescrite ;

Qu'en conséquence, il convient de confirmer le jugement également sur cette question ;

Sur l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile :

Considérant que chacune des parties sollicite une indemnité en invoquant les dispositions susvisées ; que, succombant en ses prétentions et supportant les dépens, M. [J] sera débouté de sa réclamation ; qu'en revanche, il sera condamné à verser à M. [R] et à l'Agent judiciaire du Trésor les frais qui, non compris dans les dépens d'appel, seront arrêtés à la somme de 5.000 euros ;

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 21 octobre 2009 par le Tribunal de grande instance de Paris au profit de M. [W] [R], mandataire ad hoc de la société Italia Import, et de l'Agent judiciaire du Trésor ;

Déboute M. [Y] [J] de sa demande d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et le condamne par application de ce texte, à payer à M. [R] et à l'Agent judiciaire du Trésor, chacun la somme de 5.000 euros ;

Condamne M. [J] aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés par les avoués des intimés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

***************

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 09/23886
Date de la décision : 14/12/2010

Références :

Cour d'appel de Paris C1, arrêt n°09/23886 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-12-14;09.23886 ?
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