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14/12/2010 | FRANCE | N°08/17472

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 14 décembre 2010, 08/17472


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 1



ARRET DU 14 DECEMBRE 2010



(n° 446, 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 08/17472



Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Juin 2008 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 07/05182





APPELANTS



Monsieur [D] [W]

[Adresse 1]

[Localité 11]

représenté par la SCP PETIT

LESENECHAL, avoués à la Cour

assisté de Me Francis PIERREPONT, avocat au barreau de PARIS, toque : P.527

SCP PIERREPONT & ROY-MAHIEU, avocats au barreau de PARIS





Madame [K] [W] veuve [T]

[Adres...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRET DU 14 DECEMBRE 2010

(n° 446, 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 08/17472

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Juin 2008 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 07/05182

APPELANTS

Monsieur [D] [W]

[Adresse 1]

[Localité 11]

représenté par la SCP PETIT LESENECHAL, avoués à la Cour

assisté de Me Francis PIERREPONT, avocat au barreau de PARIS, toque : P.527

SCP PIERREPONT & ROY-MAHIEU, avocats au barreau de PARIS

Madame [K] [W] veuve [T]

[Adresse 6]

[Localité 4]

représentée par la SCP PETIT LESENECHAL, avoués à la Cour

assisté de Me Francis PIERREPONT, avocat au barreau de PARIS, toque : P.527

SCP PIERREPONT & ROY-MAHIEU, avocats au barreau de PARIS

Monsieur [B] [W]

[Adresse 7]

[Localité 10]

représenté par la SCP PETIT LESENECHAL, avoués à la Cour

assisté de Me Francis PIERREPONT, avocat au barreau de PARIS, toque : P.527

SCP PIERREPONT & ROY-MAHIEU, avocats au barreau de PARIS

Monsieur [G] [W]

[Adresse 2]

[Localité 10]

représenté par la SCP PETIT LESENECHAL, avoués à la Cour

assisté de Me Francis PIERREPONT, avocat au barreau de PARIS, toque : P.527

SCP PIERREPONT & ROY-MAHIEU, avocats au barreau de PARIS

Monsieur [Y] [W]

[Adresse 8]

demeurant [Adresse 3]

représenté par la SCP PETIT LESENECHAL, avoués à la Cour

assisté de Me Francis PIERREPONT, avocat au barreau de PARIS, toque : P.527

SCP PIERREPONT & ROY-MAHIEU, avocats au barreau de PARIS

INTIMEE

Société CABINET SAINT ROCH prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 5]

[Localité 9]

représentée par Me François TEYTAUD, avoué à la Cour

assistée de Me Stéphane LATASTE, avocat au barreau de PARIS, toque : R 137

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 6 octobre 2010, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :

Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre

Mme Brigitte HORBETTE, Conseiller

Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame Noëlle KLEIN

ARRET :

- contradictoire

- rendu publiquement par Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, Président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

******************

Le 19 décembre 2001, M. [A] [S], agissant tant en son nom que comme mandataire de Mmes [H] et [O], ci-après les consorts [S], appartenant au groupe B des porteurs de parts de la société Civile Domaine [P] [S], ci-après la société, ont notifié aux autres porteurs de part du même groupe, Mme [K] [W] et MM. [D], [B], [Y] et [G] [W], ci-après les consorts [W], ainsi qu'aux gérants de la société, leur intention de céder à la Société financière des grands vignobles de Bourgogne, ci-après la société FGVB, représentant à elle seule le groupe A, 365 parts au prix unitaire de 57 000 francs, payable comptant à la signature de l'acte, au plus tard le 31 mars 2002, précisant que la notification était faite en vertu de l'article 11 des statuts de la société et qu'ils disposaient d'un délai de 3 mois pour faire connaître leur décision.

Jusqu'alors, le capital social de la société, propriétaire d'une exploitation viticole prestigieuse de Bourgogne, était constitué de 2160 parts réparties en deux groupes :

-groupe A No1 à 1080 appartenant à la société FGVB,

-groupe B No 1081 à 2160, appartenant aux familles [S], [W] et [O].

Les consorts [W] ont pris conseil auprès du cabinet Saint Roch, et à la suite d'une réunion tenue le 19 février 2002, ont été destinataires d'une consultation en date du 26 février 2002, rédigée par M. [I] [X], avocat exerçant au sein du cabinet Saint Roch, leur adressant 'certains éléments propres à alimenter votre réflexion'.

Le 20 mars 2002, M. [G] [W], déclarant agir tant en son nom personnel qu'en qualité de mandataire des consorts [W], a notifié aux consorts [S] ainsi qu'aux gérants de la société leur décision d'exercer leur droit de préemption conformément aux dispositions de l'article 11 paragraphe 2 des statuts sauf accord particulier à convenir avec chaque partie quant aux modalités de paiement du prix, ajoutant que les intéressés agissaient au nom de la société en formation 'Financière des Herbeux', en cours d'agrément, qu'à défaut d'agrément de cette société, les personnes désignées ci-dessus resteraient engagées par la présente décision de préemption, étant précisé que la société civile ' Financière des Herbeux' est constituée des membres de la famille [S] et que dans cette mesure, les personnes désignées ci-dessus seraient solidaires du paiement du prix.

Par lettre du 24 mars 2002, M. [A] [S], au nom des consorts [S], a confirmé leur décision de cession, sans recours à leur droit de renonciation, rappelant que le règlement du prix de la cession devait être comptant, dans les conditions de la lettre du 19 décembre 2001 et que discuter les conditions équivalait à les refuser.

Puis, le 4 avril 2002, les consorts [S] ont régularisé par acte notarié la cession avec la société FGVB, l'acte rappelant les circonstances susrelatées et indiquant notamment :

' à ce jour, les consorts [W] n'ont pas réglé le prix d'achat notifié.

Les requérants considèrent que :

-les modalités de paiement du prix ne sont pas un élément accessoire à la cession mais sont un élément constitutif de leur consentement et par conséquent de la cession elle-même et à défaut d'accord sur ce point le contrat de cession entre les cédants et les autres associés du groupe B ne s'est pas formé ;

-les bénéficiaires du droit de préemption ne peuvent exercer leur droit et discuter les conditions notifiées. En conséquence, les requérants constatent que les associés du groupe B n'ont pas rempli les conditions notifiées par les cédants et que la préemption est sans effet.'

Les consorts [W] ayant engagé une procédure pour contester la régularité de ladite cession faite en fraude de leurs droits, un jugement

du tribunal de grande instance de Dijon en date du 2 décembre 2002 a notamment considéré que les consorts [W] avaient valablement exercé leur droit de préemption, a annulé la vente intervenue au profit de la société FGVB et a débouté les consorts [W] de leur demande tendant à voir ordonner la vente à leur profit, puis par arrêt du 9 septembre 2003, la cour d'appel de Dijon a dit que la notification de la préemption du 20 mars 2002 est irrégulière et de nul effet, retenu que la cession des parts intervenue le 4 avril 2002 avec la société FGVB est valable, le pourvoi formé à l'encontre dudit arrêt ayant été rejeté par un arrêt du 28 mars 2006 de la cour de cassation.

Dès lors que le courrier intitulé ' notification d'une préemption' avait été rédigé et envoyé par M. [I] [X], membre de la société cabinet Saint Roch, les consorts [W] ont recherché devant le tribunal de grande instance de Paris, au visa de l'article 1147 du code civil, la responsabilité civile professionnelle de cette société en raison du manquement commis par l'avocat en leur faisant régulariser une notification de préemption irrégulière et ont demandé la condamnation de la société Cabinet Saint Roch à leur payer, en raison de la perte de chance par eux subie, à titre de dommages et intérêts la somme de 9 561 783, 49 €, ainsi que la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 18 Juin 2008, le tribunal a débouté les consorts [W] de toutes leurs demandes, a dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné les consorts [W] aux dépens.

CELA ETANT EXPOSE, la COUR :

Vu l'appel interjeté le 5 septembre 2008 par les consorts [W],

Vu les conclusions déposées le 20 septembre 2010 par les appelants qui demandent l'infirmation du jugement, statuant à nouveau, au constat que la société Cabinet Saint Roch a manqué à ses obligations de rédacteur d'actes et de conseil à leur préjudice, qu'elle est responsable de la nullité de la préemption par eux notifiée pour acquérir les 365 parts de la société civile Domaine [P] [S], la condamnation de ladite société à les indemniser des préjudices en découlant pour eux en leur versant, toutes causes confondues et selon le détail figurant dans les motifs de leurs écritures, la somme de

11 480 909 €, ainsi qu'en leur payant à chacun la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, soit la somme totale de 15000 € de ce chef, supportant en outre les entiers dépens,

Vu les conclusions déposées le 7 septembre 2010 par la société Cabinet Saint Roch, société d'avocats au barreau de Paris, qui demande la réformation du jugement en ce qu'il a retenu la faute commise par l'intimée engageant sa responsabilité civile professionnelle, un donné acte aux appelants de ce qu'ils renoncent à leur demande de remboursement des honoraires, pour le surplus à titre principal le débouté des appelants de toutes leurs demandes, subsidiairement à voir dire que l'évaluation du préjudice qu'auraient pu faire valoir les consorts [W] ne saurait être déterminée sur la base d'une lettre d'un expert comptable établie en novembre 2006 ou sur la base d'un rapport d'expertise auquel les parties à la présente instance n'ont pas participé, ordonner sur ce point la production des déclarations complètes au titre de l'ISF des années 2006 à 2009 des appelants assujettis à cette imposition, de la demande d'agrément de la société financière des Herbeux devenue porteuse de deux parts de la société de juin 2006 à Juin 2007, ainsi que de l'acte de cession de 7 parts par les époux [I] [W] à chacun des 5 appelants, soit au total 35 parts, en tout état, dire que le préjudice prétendument subi du fait de la dévalorisation des parts des consorts [W] au motif qu'ils seraient restés minoritaires dans la société [Adresse 12] est mal fondé, l'article 14-4 des statuts de la société donnant la ' minorité de blocage' aux porteurs des 25 % des parts, dire que le préjudice moral invoqué par les consorts [W] n'est pas démontré, les débouter de toutes leurs demandes, dont celle sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et au titre des dépens, les condamner à lui payer la somme de 10 000 € sur le fondement dudit article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à payer les entiers dépens.

SUR CE :

Sur les manquements de l'avocat :

Considérant que les premiers juges ont retenu que l'avocat a manqué à son devoir d'information et de conseil et ont caractérisé lesdits manquements au regard seulement de la notification de préemption ; que les appelants demandent en conséquence la confirmation du jugement à ce titre, mais développent également, dans le cas où la cour serait amenée à considérer que les cédants pouvaient faire des modalités de paiement du prix une condition de leur consentement, une argumentation subsidiaire, dès lors qu'ils considèrent que M. [X], en ayant été très affirmatif et confiant sur cette question dans sa lettre du 26 février 2002 a commis une nouvelle faute, s'ajoutant au fait d'avoir rédigé un acte inefficace, consistant dans le fait d'avoir fait ajouter une réserve sur les modalités de paiement du prix dans la notification de préemption ;

Considérant que l'intimée, pour contester que M. [X] ait commis des manquements, fait valoir les circonstances de l'intervention de ce dernier lorsqu'il s'est vu proposer, au début de l'année 2002, par les appelants, parmi lesquels figurent deux experts-comptables, commissaires aux comptes et un directeur juridique d'une importante société d'assurances, de préparer un acte emportant préemption de 365 parts de la société familiale Domaine [P] [S], dans laquelle les appelants étaient minoritaires pour en détenir 543 parts, soit 25 % du capital ; qu'ainsi, les appelants se trouvaient avoir préalablement constitué une société dite ' Financière des Herbeux', leur permettant de regrouper leurs participations au sein d'une seule entité, de faciliter la constitution de garantie auprès des banques susceptibles de prêter les fonds nécessaires à l'acquisition des parts préemptables et de déduire les intérêts des emprunts contractés ; que c'est soucieux de concilier tous ces impératifs, qu'il a ainsi proposé le texte d'une notification de préemption que les clients ont repris telle quelle et qui a été adressée le 20 mars 2002 ; que l'intimée soutient en conséquence n'avoir pas commis de faute du fait que l'intervention de la société Financière des Herbeux est une initiative des seuls consorts [W], cette société lui ayant été imposée par les appelants, démarche n'ayant d'ailleurs pas surpris le gérant de la société [Adresse 12] qui a lancé une convocation à une assemblée générale fixée au 2 février 2002 avec pour unique ordre du jour ' l'agrément en qualité d'associée de la société civile Financière des Herbeux, en cours de formation, à laquelle plusieurs associés du groupe B ont l'intention d'apporter tout ou partie des parts dont ils sont propriétaires', avant de l'annuler par lettre du 25 janvier 2002 ; que donc le 24 mars 2002, personne n'a contesté la préemption, le débat n'ayant porté que sur le paiement du prix ; qu'elle rappelle que les cédants n'entendaient pas vendre autrement que comptant, que leur intention, figurant dans l'offre, a été réitérée très clairement d'abord par la lettre adressée le 22 mars 2002 par Mme [J] [O] à M. [D] [W] en ces termes :'en réponse à ton coup de téléphone proposant de votre part un arrangement au sujet de la cession de nos parts, avec un paiement échelonné comprenant 80 % dans l'immédiat et 20 % dans un an, je dois te dire, en concertation avec mon frère [A], que nous ne pouvons accepter cette proposition' , condition exprimée avant même la lettre du 24 mars 2002 ; que cette position est amplement confirmée par le texte même de l'acte de cession passé le 4 avril 2002 avec la société FGVB qui confirme que ce n'est pas l'intervention de la société Financière des Herbeux qui a été la cause de la difficulté mais les modalités de paiement du prix ; qu'elle soutient que la qualité des appelants, dont les professions sont sus -rappelées, lui permettait de n'avoir qu'une obligation de conseil simple et non renforcée quant aux conséquences de leurs choix sur les actes juridiques qu'ils lui avaient demandé de préparer ; que surtout elle soutient que la lettre du 26 février 2002 de M. [X] contient toutes les réserves utiles, en particulier la ' réserve de la précision de l'agrément à obtenir dans le cadre d'une condition suspensive' ; qu'elle ajoute que le fait pour les appelants de faire intervenir la société Financière des Herbeux à l'opération montre bien que c'était dans le but de faciliter le financement de l'opération et surtout de l'optimiser au plan fiscal, précaution qui leur a été fatale mais dont l'avocat ne saurait être responsable ;

Considérant qu'il est constant que M. [X], consulté par MM. [D] et [G] [W], leur a adressé une lettre le 26 février 2002, dans laquelle, il indique ' Qui bénéficie du droit de préemption ' Le droit de préemption bénéficie à l'associé.

Puis ' Préemption au nom d'une société en formation',

Le code civil prévoit que les personnes ayant agi au nom d'une société en formation sont tenues des obligations résultant des actes accomplis.

Sur le principe donc, cette préemption au nom d'une société civile à constituer est réalisable. Cependant le droit de préemption est ouvert aux associés. Or la société civile n'est pas associée tant qu'elle n'est pas agréée. La préemption ne pourrait donc être faite que sous la condition suspensive de l'agrément de ladite société. Auquel cas si la condition suspensive ne se réalise pas, le préempteur est engagé.

A moins que le cédant accepte cette condition. Ce faisant il accepterait que si la société ne se constitue pas, le préempteur ne serait pas engagé.

Puis ' la société civile que vous projetez de constituer est-elle un tiers '' nonobstant le fait que cette société civile serait constituée par les associés actuels, elle est un tiers étranger à la société. ;

Considérant que s'agissant du paragraphe intitulé paiement des parts préemptées, il répond que l'acheteur des titres faisant l'objet du droit de préemption propose un paiement comptant lors de la signature des cessions de parts. Cette modalité de paiement ne s'impose pas à l'associé qui préempte. En effet, l'article 11 des statuts organise dans son paragraphe 2 l'exercice du droit de préemption. Quand bien même l'exercice du droit de préemption s'effectue habituellement selon les conditions de la cession soumise à agrément, il n'est pas possible de déroger aux statuts qui sont la loi des parties. Les statuts prévoient que ' sauf convention contraire entre les parties, le prix d'achat ...'.or en exerçant la préemption, le préempteur devient bien partie à la cession. Par ailleurs et plus simplement, devoir s'aligner sur les modalités de paiement envisagées, reviendrait à vider de son sens cette disposition. On imagine que cette disposition a été débattue par les intéressés justement pour leur permettre d'exercer plus facilement leur droit de préemption. ;

Considérant qu'il en résulte que quand bien même les consorts [W] seraient seuls à l'origine du projet de constitution de la société Financière des Herbeux, quels que soient leurs motifs pour y procéder et quelles que soient par ailleurs leurs activités professionnelles et leurs compétences personnelles, il incombait à l'avocat consulté dans les circonstances rappelées, non seulement d'informer ses clients mais encore de les mettre beaucoup plus clairement en garde, en des termes exempts de toute ambiguïté, sur les risques qu'ils prenaient ; que l'avocat ne pouvait ignorer, en qualité de rédacteur d'acte, qu'il ne pouvait leur faire notifier sans risque un droit de préemption directement au nom d'une société non associée et non encore agréée ; qu'en particulier il ne pouvait ignorer que la notion de droit de préemption exercé au nom d'un associé mais à titre subsidiaire recèle en elle-même un grand risque ; que l'intimé ne saurait soutenir que sa lettre du 26 février 2002 comportait toutes les réserves utiles, dès lors que dans cette consultation, il évoque certes tous les points et toutes les questions qui peuvent se poser, mais sans donner à son client un avis précis et surtout sans l'alerter sur les risques, se contentant de lui proposer in fine d'en reparler ; que de même s'agissant du paiement comptant, bien qu'ayant noté que l'acheteur des titres faisant l'objet du droit de préemption proposait un paiement comptant lors de la signature des cessions de parts, il indique ensuite que cette modalité de paiement ne s'impose pas à l'associé qui préempte, que c'est l'article 11 des statuts qui s'applique et qu'il n'est pas possible de déroger aux statuts qui font la loi des parties ; qu'il ne donne donc pas d'indications claires à son client, lui laissant entendre que les statuts prévoient ' sauf convention contraire des parties, le prix d'achat est payable dans un délai maximum de 3 ans ...' ; qu'à supposer même que les clients aient été en mesure d'interpréter ces prétendues réserves, l'avocat a été fautif d'accepter de rédiger, alors qu'il pouvait refuser de le faire, une telle notification et de laisser entendre à ses clients que les modalités de paiement du prix pourraient se déterminer en tenant compte de l'accord du préempteur ; qu'en conséquence, et par des motifs pertinents que la cour fait siens et complète ainsi que dessus, le jugement déféré a retenu qu'il appartenait à M. [X], soit de ne pas rédiger la notification au nom d'une personne morale en formation, soit d'attirer de manière plus explicite l'attention de ses clients sur les risques qu'ils prenaient, tant sur la notification que sur les modalités de paiement, attitude qui caractérise un manquement à son devoir d'information et de conseil ; que le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a retenu les manquements commis par l'avocat ;

Sur l'existence d'une perte de chance :

Considérant que les appelants, à partir de la faute retenue, considèrent que les premiers juges n'en ont pas tiré toutes les conséquences en ce qu'ils ont considéré que les parties étaient d'accord sur la chose et sur le prix mais ne l'étaient pas sur les conditions de paiement, les cédants ayant exigé le règlement du prix comptant en précisant que discuter cette condition équivalait à une renonciation à l'acquisition, que la cession n'était donc pas parfaite et que la perte de chance n'existait pas ; qu'ils soutiennent que les statuts faisaient pourtant la loi des parties, que l'article 11 imposait un paiement sur trois ans à défaut d'accord sur les modalités de paiement, qu'ainsi l'analyse des premiers juges ajoute une condition supplémentaire de paiement comptant qui n'existe pas dans les statuts, lesquels prévoient un pacte de préférence au profit des associés du même groupe que celui qui envisage de céder ses parts et en son alinéa 6, d'application autonome, les modalités de paiement du prix en cas de préemption, applicables à défaut de convention contraire ; qu'ils soutiennent que les statuts excluent donc toute possibilité pour le cédant de faire du paiement comptant une condition essentielle de son consentement ; que par ailleurs, ils disposaient des fonds pour payer comptant au 31 mars 2002 et en justifient par les attestations de banques, les relevés de portefeuilles et le rapport d'expertise de M. [N] produits aux débats ; qu'ils rappellent que l'article 11 des statuts est une disposition clé inspirée par l'ensemble des membres de la famille [S] pour préserver le caractère familial de la société [Adresse 12] sans contraindre les membres de la famille à payer comptant la totalité de la cession ; qu'ainsi, si la préemption avait été jugée valable, les juridictions auraient été contraintes de constater le caractère certain de la cession, d'autant que les cédants, avaient confirmé ne pas vouloir exercer leur droit de renonciation, ne disposaient que d'un délai de 15 jours à compter de la décision de préemption pour faire valoir leur renonciation et que dès lors, leur courrier ultérieur du 14 Décembre 2002 par lequel ils déclaraient renoncer à leur projet de cession, ce au vu du jugement du tribunal de grande instance de Dijon du 2 décembre 2002 estimant que le droit de préemption avait été valablement exercé, aurait été sans influence ;

Considérant que l'intimé soutient pour sa part que les appelants ne démontrent pas avoir subi une quelconque perte de chance ou préjudice en lien avec une éventuelle faute de sa part ; qu'il fait valoir à cet égard que si la préemption n'avait pas été déclarée nulle, elle n'aurait pas permis pour autant d'obtenir la régularisation de la vente à leur profit, dès lors que comme l'a jugé le tribunal de grande instance de Dijon, dans son jugement du 2 décembre 2002, 'si les cédants ont indiqué ne pas renoncer à leur projet de cession, c'est parce qu'ils considéraient à tort que le droit de préemption n'avait pas été valablement exercé' et ' dès lors, les consorts [W] ne peuvent se prévaloir de la lettre du 24 mars 2002, pour solliciter que la cession soit régularisée à leur profit', la décision déboutant les consorts [W] de leurs demandes visant à voir ordonner la vente des parts à leur profit ;

Considérant que pour apprécier l'existence d'une perte de chance subie par les consorts [W], il convient de rechercher si les manquements à son devoir de conseil commis par l'avocat, tels que ci-dessus analysés, sont également en lien direct de causalité avec le préjudice invoqué ; que lesdits manquements en ce qu'ils sont bien à l'origine de l'irrégularité qui a frappé la notification du droit de préemption qu'ils ont délivrée, irrégularité qui sera constatée bien ultérieurement par l'arrêt susvisé du 9 septembre 2003, relevant un exercice du droit de préemption par une société qui n'avait pas qualité pour le faire puisque non associée, n'expliquent pas à eux seuls la survenance de la cession à la société FGVB, leur causalité avec ce préjudice n'étant que partielle ; que force est de constater que les cédants n'ont pas, en son temps, invoqué l'irrégularité de la notification du droit de préemption pour expliquer qu'ils entendaient dès lors conclure le 4 avril 2002 avec la société FGVB, qu'ils ont au contraire expliqué qu'ils n'entendaient en revanche en aucune manière déroger à un paiement comptant, ce qu'ils avaient très clairement fait savoir aux consorts [W] à plusieurs reprises, dans les deux courriers susvisés des 22 mars et 24 mars 2002 ; qu'à ce stade, les consorts [W], cette fois parfaitement informés de la difficulté, à propos de laquelle ils ne précisent pas s'ils ont interrogé à nouveau leur avocat, savaient que les consorts [S] disposaient de la faculté de renoncer à la cession, précision que les cédants leur avaient eux-mêmes fournie dans leur courrier du 24 mars 2002, certes en indiquant ne pas l'exercer mais uniquement à la condition d'un règlement comptant, faculté qui leur était au demeurant ouverte pendant 15 jours à compter de la date de la notification de la décision de préemption (en application de l' article 11, 2°, alinéa 8 des statuts ); que leur courrier ultérieur du 14 décembre 2002 vient confirmer que telle était et serait leur position, même en présence d'un droit de préemption régulièrement exercé ; que dans ces conditions, c'est par de justes motifs que le jugement déféré a retenu que la cession n'était pas parfaite ; qu'il n'existe pas de lien direct de causalité entre les manquements de l'avocat et l'impossibilité d'acquérir les parts par les consorts [W], que d'ailleurs ces derniers n'établissent pas ni d'ailleurs n'allèguent qu'ils aient eu, en temps utile, l'intention de satisfaire aux exigences des cédants, leurs présentes écritures attestant même du contraire puisqu'ils soutiennent encore que les statuts leur permettaient d'imposer un paiement sur 3 ans ; que dans ces conditions, sans qu'ils soit nécessaire d'examiner leurs capacités financières de l'époque pour réaliser un paiement comptant, il y a lieu de constater l'absence d'accord des parties sur la cession et de confirmer en conséquence le jugement en toutes ses dispositions ;

Considérant que les appelants succombant comme en première instance en leurs prétentions, supporteront les dépens d'appel ; que toutefois l'existence d'un manquement de l'avocat étant à l'origine de l'introduction de la présente instance, aucune considération d'équité ne commande de faire application en appel en faveur de l'intimé des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Rejette toutes autres demandes des parties, plus amples ou contraires,

Déboute les parties de leurs demandes au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne MM. [D], [G] et [B] et [Y] [W] et Mme [K] [W] aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 08/17472
Date de la décision : 14/12/2010

Références :

Cour d'appel de Paris C1, arrêt n°08/17472 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-12-14;08.17472 ?
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