RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 10
ARRÊT DU 14 Décembre 2010
(n° 6 , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/11751
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Septembre 2008 par le conseil de prud'hommes de PARIS section encadrement RG n° 07/02480
APPELANTE
Mademoiselle [O] [S]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
comparante en personne
INTIMÉE
RATP (RÉGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS)
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté par Me Fabrice ANDRE, avocat au barreau de PARIS, toque : R222
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 16 Novembre 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Brigitte BOITAUD, présidente
Monsieur Philippe LABREGERE, conseiller
Madame Marie-Aleth TRAPET, conseiller
Greffier : Mademoiselle Christel DUPIN, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par Madame Brigitte BOITAUD, Présidente
- signé par Madame Brigitte BOITAUD, président et par Monsieur Polycarpe GARCIA, greffier présent lors du prononcé.
Madame [O] [S] a été engagée à compter du 1er avril 1980 par la Régie Autonome des transports parisiens ( RATP) en qualité d'attachée technique, devenue cadre par concours le 2 février 1987.
Estimant être victime d'une discrimination en matière de salaire, Mme [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 5 novembre 2003 de demandes tendant en dernier lieu au paiement d'un rappel de salaires pour la période du 1er janvier 1992 au 24 juin 2005, des congés payés afférents, de dommages et intérêts pour discrimination salariale, d'une allocation de procédure et de la remise de bulletins de salaire.
Par jugement du 24 juin 2005, le conseil de prud'hommes a débouté Mme [S] de ses demandes.
La cour d'appel de Paris a confirmé le jugement par arrêt du 23 janvier 2007.
Le 5 mars 2007, Mme [S] a de nouveau saisi le conseil de prud'hommes de Paris d'une demande de rappel de salaires, congés payés afférents et de dommages et intérêts.
Par jugement du 17 septembre 2008 le conseil de prud'hommes a déclaré irrecevables les demandes de Mme [S] au visa du principe de l'unicité de l'instance.
Mme [S] a relevé appel de cette décision et déposé des conclusions dédiées à une question prioritaire de constitutionalité relative au principe de l'unicité de l'instance.
Le ministère public a formulé son avis sur la question prioritaire de constitutionalité par un écrit déposé au dossier de la cour et communiqué aux parties.
A l'audience du 16 novembre 2010, Mme [S] a déclaré renoncer à la question prioritaire de constitutionalité qu'elle avait formulée .
Pour les prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux conclusions visées et reprises oralement le 16 novembre 2010 lors de l'audience de plaidoiries.
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Mme [S] maintient que ses demandes formées à l'encontre de la RATP sont recevables. Elle se fonde sur la disposition de l'article R1452-6 du code du travail aux termes de laquelle la règle de l'unicité de l'instance n'est pas opposable aux parties à un contrat de travail lorsque le fondement des prétentions est né ou révélé postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes. Pour faire la démonstration du fondement nouveau de ses prétentions, Mme [S] explique que le fondement de sa demande initiale était la discrimination salariale; que la cour d'appel dans son arrêt du 23 janvier 2007, a , sans débat sur ce point et donc en violation de l'article16 du code de procédure civile, substitué à ce fondement, celui de l'inégalité de traitement; que ce nouveau fondement lui a donc bien été révélé postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes et de la cour d'appel. Mme [S] fait en outre valoir qu' elle a été déboutée de ses demandes en raison de son silence sur le travail effectué par les collègues auxquels elle se comparait; que cependant aucune question ne lui a été posée à ce sujet; que la cour d'appel n'a donc pas eu à statuer sur les critères de comparaison nécessaires à la solution du litige sur le fondement de l'inégalité de traitement sur lequel elle fonde ses demandes aujourd'hui; que dans la présente procédure, elle décrit les tâches des personnes auxquelles elle se compare; qu'à cette inégalité de traitement est associée une discrimination indirecte dont les motifs sont énoncés par l'article L1132-1 du code du travail;
De son côté la RATP maintient que les demandes de Mme [S] sont irrecevables en application des principes de l'unicité de l'instance et de l'autorité de la chose jugée. Elle demande la confirmation du jugement et sollicite la condamnation de Mme [S] à lui payer des dommages et intérêts pour procédure abusive ainsi qu'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Considérant qu'aux termes de ses dernières écritures, Mme [S] demande la condamnation de la RATP à lui payer un rappel de salaire et des dommages et intérêts sur les fondements de l'inégalité de traitement et de la discrimination; qu'elle demande en outre, sur ces mêmes fondements, la condamnation de la RATP à l'affecter au niveau cadre SUP 90, évaluation 2007; qu'à l'appui de ces prétentions, Mme [S] qui ne conteste pas que sa 'carrière a évolué en application des normes internes à la RATP', fait valoir que l'évolution de sa carrière n'est pas 'comparable' à celle d'autres salariés qui 'ont vu leur niveau hiérarchique progresser beaucoup plus vite et sans que cette progression puisse être justifiée par des critères objectifs';
Or considérant que Mme [S] a saisi le conseil de prud'hommes puis la cour d'appel de Paris des mêmes demandes de rappel de salaire, de dommages et intérêts et d'affectation à un niveau cadre; que dans son arrêt du 23 janvier 2007 la cour d'appel de Paris a précisément fait application du principe 'à travail égal, salaire égal' énoncée par les articles L133-5.4° et L136-2.8° du code du travail devenus les articles L2261-22 et L2271-1; qu'il est exact, ainsi que le fait observer Mme [S], que cette juridiction l'a déboutée de ses demandes au motif que les documents que celle-ci produisait ne permettaient 'ni de connaître la situation de chacun, ni par conséquent de vérifier qu'ils ont accompli ou accomplissent un même travail que Mme [S] ou un travail de valeur égale...ni plus généralement qu'ils se trouvent dans une situation identique' et que par conséquent Mme [S] n'établissait pas l'existence d'éléments laissant supposer une inégalité de traitement à son détriment; que déboutée sur ce fondement pour défaut de preuve, Mme [S] n'a pas formé de pourvoi en cassation à l'encontre de cette décision de la cour d'appel qui aurait, selon elle, substitué un moyen à un autre sans l'entendre, en violation des dispositions de l'article 16 du code de procédure civile; qu'il a donc été statué définitivement sur les demandes de Mme [S] par un arrêt qui a acquis l'autorité de la chose jugée; que Mme [S] n'est en conséquence plus recevable à formuler les mêmes prétentions;
Considérant que Mme [S] soutient que ses demandes sont également recevables car elles ont pour fondement les dispositions de la loi N°2008-496 du 27 mai 2008 transposant le droit communautaire en droit français; qu'elle explique que la cour d'appel n'a pas eu à statuer sur ce fondement juridique tiré d'une loi postérieure au jugement; que ses demandes sont en conséquence recevables;
Mais considérant que Mme [S] fait une mauvaise interprétation du principe de l'unicité de l'instance; que ce principe s'oppose en effet au renouvellement de prétentions dont le fondement est né ou s'est révélé avant la saisine du conseil de prud'hommes; qu'en l'espèce Mme [S] n'argue d' aucun fait nouveau qui aurait fait naître ou révélerait à son profit un droit à formuler des prétentions qu'elle n'aurait pu former au cours d'une première instance; que les droits qu'elle prétend encore se voir reconnaître, fussent en application d'un texte de loi intervenue postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes, sont les mêmes que ceux qu'elle prétendait se voir reconnaître au cours de l'instance précédente; qu'il étaient nés dès avant la saisine du conseil de prud'hommes;
Que le jugement déclarant les demandes de Mme [S] irrecevables est confirmé;
Considérant que ni les circonstances du litige ni les éléments de la procédure ne permettent de caractériser à l' encontre de Mme [S] une faute de nature à faire dégénérer en abus son droit d'agir en justice; qu'il n'est pas fait droit à la demande de dommages et intérêts présentée par la RATP;
PAR CES MOTIFS
CONSTATE que Mme [S] a renoncé à sa question prioritaire de constitutionnalité ,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ,
Y AJOUTANT,
DEBOUTE la RATP de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
CONDAMNE Mme [S] à payer à la RATP une somme de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
MET les dépens à la charge de Mme [S].
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE