Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 1
ARRET DU 7 DÉCEMBRE 2010
(n° 442, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/10570
Décision déférée à la Cour :
Jugement rendu le 6 mai 2008 par le Tribunal de grande instance de Senlis
Arrêt rendu le 9 avril 2009 par la Cour d'Appel d'AMIENS - RG n° 08/02383
SUR RENVOI
APPELANTE
SELARL SEDEX
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par la SCP FANET - SERRA, avoués à la Cour
assistée de Me Romain MAMPOUMA, avocat au barreau de COMPIEGNE
substituant Me Elisabeth LE PIVERT-LEONARD, avocat au barreau de COMPIEGNE,
SELARL S.E.D.E.X., avocats au barreau de COMPIEGNE
INTIMES
SA COVEA RISK
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avoués à la Cour
assistée de Me Anne-Sophie ROUSSEL, avocat au barreau de PARIS, toque : R 225 Association DEVAUX ADDA, avocats au barreau de PARIS
SCP [N] [V], prise en sa qualité de mandataire judiciaire à la liquidation de la société EUROPEENNE DE TRANSPORTS DELAMEZIERE-SETD, venant aux droits de M. [D]
[Adresse 3]
[Localité 6]
représentée par la SCP PETIT LESENECHAL, avoués à la Cour
assistée de Me Serge LEQUILLERIER, avocat au barreau de SENLIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 5 octobre 2010, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :
Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre
Mme Brigitte HORBETTE, Conseiller
Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Madame Noëlle KLEIN
ARRET :
- contradictoire
- rendu publiquement par Monsieur François GRANDPIERRE, Président
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, Président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
******************
La Cour,
Considérant qu'à l'occasion de l'exécution d'une convention la liant au Sernam, la société Carré, entreprise de transports, a conclu, avec la société européenne de transports Delamézière, dite S.E.T.D., un contrat d'une durée de trois années en vertu duquel elle lui confiait des missions de transport ;
Que le redressement judiciaire de la S.E.T.D., prononcé par un jugement du 4 juillet 1996, a été converti en liquidation par un jugement du 5 novembre 1998 ; que la S.C.P. [V] & [D], liquidateur, a réclamé à la société Carré le payement de trois factures émises les 26 octobre, 30 novembre et 7 décembre 1998 par la S.E.T.D. au titre de prestations accomplies pour le compte de la société Carré et ce, pour un montant de 130.368,60 francs (19.874,53 euros) ;
Que les deux lettres adressées à cette fin, l'une le 4 janvier 1999, l'autre le 3 février de la même année, n'ayant pas été suivie d'effet, la S.C.P. [V] & [D] a demandé à la selarl Sédex, avocat au barreau de Compiègne, de procéder au recouvrement de cette créance ; que, par lettres des 1er avril, 13 août, 30 septembre et 15 novembre 1999, l'avocat a fait parvenir à la société Carré des mises en demeure avant de lui faire signifier, par acte du 11 avril 2000, une assignation à comparaître devant le Tribunal de commerce de Tours ; que, motif pris du défaut de diligence des parties, cette juridiction a radié l'affaire, une première fois le 6 mars 2001 et, après réinscription au rôle, une seconde fois le 11 décembre 2001 ; que la société Carré a, alors, soulevé les moyens tirés, l'un de la péremption d'instance et, l'autre, de la prescription annale prévue par l'article L. 133-6 du Code de commerce ; que, par jugement du 4 mars 2005, le Tribunal, qui ne s'est pas prononcé sur la péremption d'instance, a jugé que la créance était prescrite ; que, par arrêt du 5 octobre 2006, la Cour d'appel d'Orléans a infirmé le jugement frappé d'appel par le liquidateur et déclaré que l'instance était périmée ;
Considérant qu'estimant que la selarl Sédex avait engagé sa responsabilité professionnelle, M. [D], membre de la S.C.P. [V] & [D], l'a fait assigner devant le Tribunal de grande instance de Senlis qui, après intervention forcée de la société Covéa Risks, assureur de la société d'avocats, les a condamnés in solidum à lui payer la somme de 22.000 euros et dit que la société Covéa Risks devrait garantir la selarl Sédex dans les limites de sa garantie, ensemble les a condamnés à payer à M. [D], qui a été débouté de sa demande indemnitaire, la somme de 2.000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Que, par arrêt du 9 avril 2009, la Cour d'appel d'Amiens, faisant application des dispositions de l'article 47 du Code de procédure civile, a renvoyé la cause et les parties devant la Cour de céans ;
Considérant qu'appelante du jugement, la selarl Sédex, qui poursuit l'infirmation, demande qu'il soit sursis à statuer dans l'issue d'une plainte pénale avec constitution de partie civile contre X du chef d'escroquerie ; poursuivant l'infirmation de ce jugement, elle demande que M. [D] soit débouté de ses réclamations ;
Qu'au soutien de son recours et après avoir exposé que l'instance engagée devant la juridiction commerciale était, non pas prescrite, mais périmée, la selarl Sédex fait valoir que la S.E.T.D. avait l'obligation de factoriser toutes les factures auprès du factor S.F.F., ce qu'elle a fait pour l'une des trois factures dont elle a été payée, et que le liquidateur a agi contre la société Carré en violation du contrat de factor ; qu'elle soutient encore qu'elle n'avait reçu aucune instruction précise de M. [D] pour agir contre la société Carré et qu'en particulier, elle n'avait reçu aucun mandat précis d'assigner la société Carré en payement ;
Que la selarl Sédex, soulignant que la prescription n'était pas encourue, fait encore valoir que la péremption d'instance retenue par la Cour d'appel d'Orléans est due, non pas à une faute qu'elle aurait commise, elle, selarl Sédex, mais à un défaut de diligence imputable à la société Carré qui n'a pas conclu en réponse à l'assignation ;
Que l'appelante ajoute que la créance invoquée par M. [D] est dépourvue de fondement en raison d'une compensation rendant la société Carré débitrice d'une somme de 4.827,76 euros qui, ayant changé de nature par l'effet de la novation, se trouve soumise à la prescription commerciale de dix ans ; qu'à cet égard, elle fait observer que M. [D] n'a pas exercé toutes les voies de recours dont il disposait avant de rechercher sa responsabilité ;
Qu'estimant la procédure abusive et déloyale, la selarl Sédex sollicite une somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Qu'à titre subsidiaire, elle demande que la société Covéa Risks soit condamnée à la garantir de toutes condamnations qui seraient prononcées contre elle ;
Considérant que la société Covéa Risks conclut à l'infirmation du jugement au motif que la selarl Sédex n'a commis aucune faute dès lors que la péremption était imputable à la société Carré qui n'a pas répondu à son argumentation et qu'en outre, la S.C.P. [V] & [D] ne démontre pas qu'elle a donné à la selarl Sédex le mandat d'assigner la société Carré avant l'expiration du délai de prescription alors surtout que l'action, qui trouve son fondement, non pas sur un contrat de transport, mais sur une reconnaissance de dette, se prescrit non pas par un an, mais par dix ans ;
Que la société Covéa Risks ajoute qu'il n'existe, en la cause, aucun préjudice né, certain et actuel dès lors qu'il n'est pas prouvé que l'action engagée aurait abouti, notamment en raison de la compensation invoquée par la société Carré et de la mauvaise foi de la S.E.T.D. qui avait caché sa situation de cessation des payements lorsqu'elle a contracté avec la société Carré ;
Qu'enfin, elle souligne qu'il n'existe aucun lien de causalité entre la faute alléguée et le prétendu préjudice subi par le liquidateur de la S.E.T.D. ;
Qu'à titre subsidiaire, la société Covéa Risks fait observer que sa garantie ne pourra être supérieure au montant des condamnations prononcées en première instance.
Considérant que la S.C.P. [V] conclut à la confirmation du jugement sauf en ce que les premiers juges l'ont déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Qu'elle fait successivement valoir que la selarl Sédex a reçu mandat d'agir en justice en vue de recouvrer les créances dont il s'agit et qu'en cas de doute, il lui appartenait de demander des précisions sur l'étendue de sa mission, qu'elle a laissé périmer l'instance en ne sollicitant pas la réinscription de l'affaire lorsqu'il était encore temps de la demander et qu'en outre, elle a laissé prescrire l'action de sorte qu'elle a commis des négligences fautives ;
Que l'intimée ajoute que la compensation invoquée par la selarl Sédex n'a pas lieu d'être puisque la créance de la S.E.T.D. était prescrite, même si elle a été reconnue par la société Carré après l'acquisition de la prescription, en sorte que, contrairement à ce que soutient la selarl Sédex, il n'existait plus aucun moyen de recouvrer la créance ;
Que, faisant observer que l'action dirigée contre le factor pour recouvrer les factures « Sernam » et « Carré » a été rejetée, la S.C.P. [V] déduit de toutes ces circonstances que la selarl Sédex lui a fait perdre la chance de recouvrer le montant de la facture « Carré » ;
Qu'enfin, elle demande que la selarl Sédex soit condamnée à lui payer la somme de 3.000 euros à titre de dommage et intérêts pour résistance abusive et la somme de 5.000 euros pour abus du droit d'ester en justice ;
SUR CE :
Considérant que, comme l'ont énoncé les premiers juges en de plus amples motifs qu'il convient d'adopter, M. [D], liquidateur de la S.E.T.D., a donné mission à la selarl Sedex, qui a accepté, de recouvrer les créances découlant de trois factures émises les 26 octobre, 30 novembre et 7 décembre 1998 par ladite S.E.T.D. au titre de prestations accomplies pour le compte de la société Carré et ce, pour un montant de 130.368,60 francs (19.874,53 euros) ; qu'il appartenait donc à l'avocat, sur qui pèse une obligation de moyens, de tout mettre en oeuvre en vue du recouvrement de ladite somme alors surtout que le montant des honoraires réclamés fait apparaître que son intervention n'était pas limitée à l'envoi de lettres comminatoires ;
Que la selarl Sedex devait également appeler l'attention de son client et, elle-même tirer toutes les conséquences de la nature des créances qui, nées à l'occasion de contrats de transport, étaient soumises à la prescription annale édictée par l'article L. 133-6 du Code de commerce ;
Qu'en s'abstenant de faire signifier, dans le délai d'un an, une assignation qui, seule, est interruptive de la prescription et en laissant périmer l'instance, la selarl Sedex a commis une faute, peut important que, par jugement du 4 mars 2005, le Tribunal de commerce de Tours, qui ne s'est pas prononcé sur la péremption d'instance, a jugé que la créance était prescrite et que, par arrêt du 5 octobre 2006, la Cour d'appel d'Orléans, saisie par le liquidateur, a infirmé le jugement et déclaré l'instance périmée, étant observé sur ce point que le moyen tiré de la péremption de l'instance, qui sanctionne l'inaction des deux parties, doit toujours être examiné avant les fins de non-recevoir et les défenses au fond ;
Que, de plus, comme l'énonce le Tribunal de grande instance de Senlis, il n'existe, en la cause, aucune reconnaissance de la dette qui, émise par la société Carré, serait de nature à interrompre la prescription dans les conditions de l'article 2248 du Code civil dès lors que la reconnaissance alléguée est intervenue à titre subsidiaire et, surtout, après l'expiration du délai de prescription et au-delà du délai de péremption de l'instance ;
Considérant encore que, comme le soutient opportunément la S.C.P. [N] [V], le moyen invoqué par la selarl Sedex et tiré d'une prétendue compensation est dépourvu de pertinence dès lors que, comme il est dit ci-avant, la créance de la S.E.T.D. était prescrite et, comme telle, éteinte de sorte qu'elle n'est plus compensable ;
Qu'il suit de là que la selarl Sedex et la société Covéa Risks ne sont pas fondées à soutenir que la créance invoquée par la S.C.P. [N] [V] serait dépourvue de fondement en raison d'une compensation qui rendait la société Carré débitrice d'une somme de 4.827,76 euros et que, eu égard au changement de nature de ladite créance par l'effet de la novation, la S.C.P. [N] [V] disposerait, selon les règles de la prescription commerciale, d'un délai de dix ans pour la recouvrer ;
Considérant que, s'agissant de la procédure que, selon la selarl Sedex, la S.C.P. [N] [V] aurait dû engager contre la société d'affacturage Eurofactor, il y a lieu de relever qu'une telle procédure a été introduite et que, par jugement du 6 avril 2007, le Tribunal de commerce de Nanterre a pris acte du désistement de la S.C.P. [V] & [D], ès qualités de liquidateur de la S.E.T.D., la société Eurofactor ayant soutenu qu'elle avait rétrocédé à la société S.E.T.D. la facture émise sur la société Carré ;
Considérant qu'il suit de tout ce qui précède que la selarl Sedex a manqué à son obligation de diligence ; qu'en outre, elle ne démontre pas que les moyens de défense au fond opposés par la société Carré avaient des chances d'être admis par le Tribunal de commerce de Tours ou par la Cour d'appel d'Orléans ;
Considérant qu'il en résulte qu'en l'absence de préemption de l'instance et de prescription, l'action engagée par la S.C.P. [N] [V], en tant qu'elle tendait au payement de la somme principale de 130.368,60 francs (19.874,53 euros), avait une chance réelle et sérieuse d'aboutir favorablement de sorte qu'il convient de lui accorder, à ce titre, une indemnité de 19.000 euros ;
Que, devant le Tribunal de grande instance de Tours, la S.C.P. [N] [V] demandait également les intérêts de cette somme, outre une indemnité de 50.000 francs (7.622,45 euros) pour résistance abusive et une indemnité de 15.000 francs (2.286,74 euros) sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; qu'à ce titre, il avait une chance réelle et sérieuse d'obtenir, au total, une somme de 3.000 euros ;
Que, par voie de conséquence, il convient d'approuver les premiers juges qui ont condamné in solidum la selarl Sedex et la société Covéa Risks, son assureur, à payer à la S.C.P. [V] & [D] la somme de 22.000 euros et dit que la société Covéa Risks devrait garantir la selarl Sédex dans les limites prévue par la police d'assurance ;
Considérant qu'il n'est pas démontré que la selarl Sedex ait abusé du droit d'agir en justice dans des circonstances préjudiciables à la S.C.P. [N] [V] qui, partant, sera débouté de sa demande de dommages et intérêts ;
Et considérant que la selarl Sedex, d'une part, et la S.C.P. [N] [V], d'autre part, sollicitent une indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; que, succombant en ses prétentions et supportant les dépens, la selarl Sedex sera déboutée de sa réclamation ; qu'en revanche, elle sera condamnée à verser à la S.C.P. [N] [V] les frais qui non compris dans les dépens d'appel, seront arrêtés, en équité, à la somme de 3.000 euros ;
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 6 mai 2008 par le Tribunal de grande instance de Senlis au profit de M. [D], ès qualités de liquidateur de la société européenne de transports Delamézière, dite S.E.T.D. ;
Déboute la S.C.P. [N] [V], venant aux droits de M. [D], ès qualités de liquidateur de la S.E.T.D. de sa demande de dommages et intérêts ;
Déboute la selarl Sedex de sa demande d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et la condamne, ainsi que la société Covéa Risks, son assureur, par application de ce texte, à payer à la S.C.P. [N] [V] la somme de 3.000 euros ;
Condamne la selarl Sedex et la société Covéa Risks aux dépens d'appel qui seront recouvrés par les avoués de la cause dans les conditions fixées par l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT