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02/12/2010 | FRANCE | N°09/15742

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 1, 02 décembre 2010, 09/15742


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 1



ARRET DU 02 DECEMBRE 2010



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 09/15742



Décision déférée à la Cour : Demande en annulation d'une sentence arbitrale rendue à Paris le 05 juin 2009 par la Cour Internationale d'Arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale composée de M. [D] [J] [M], président, Dr [K] [F] et Sir [C] [B], a

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DEMANDERESSE AU RECOURS :



BOTAS PETROLEUM PIPELINE CORPORATION

prise en la personne de ses représentants légaux

société de droit turc...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 1

ARRET DU 02 DECEMBRE 2010

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/15742

Décision déférée à la Cour : Demande en annulation d'une sentence arbitrale rendue à Paris le 05 juin 2009 par la Cour Internationale d'Arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale composée de M. [D] [J] [M], président, Dr [K] [F] et Sir [C] [B], arbitres

DEMANDERESSE AU RECOURS :

BOTAS PETROLEUM PIPELINE CORPORATION

prise en la personne de ses représentants légaux

société de droit turc

Genel Müdürlügü Bakü-Tiflis-

Ceyhan Ham Petrol Boru Hatti

Proje Direktörlügü Doküman Kontrol Merzeki (DCC)

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 1]

(TURQUIE)

représentée par la SCP DUBOSCQ - PELLERIN, avoués à la Cour

assistée de Me Philippe LEBOULANGER, avocat au barreau de PARIS, toque : E 1157

DÉFENDERESSE AU RECOURS :

SOCIETE TEPE INSAAT SANAYII A.S

prise en la personne de ses représentants légaux

Société de droit turc

[Adresse 2]

[Localité 3]

(TURQUIE)

représentée par la SCP HARDOUIN, avoués à la Cour

assistée de Me Jean-Christophe HONLET, et Anne-Sophie DUFETRE, avocats au barreau de PARIS plaidant pour la SCP SALANS & Associés, toque : P 372

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 2 novembre 2010, en audience publique, le rapport entendu, devant la Cour composée de :

Monsieur PERIE, Président

Madame GUIHAL, Conseillère

Madame DALLERY, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame PATE

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur PERIE, président et par Madame PATE, greffier présent lors du prononcé.

La construction de l'oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan est assurée par un consortium de sociétés dénommé 'Participants au Principal Pipeline d'exportation' (PPE) dirigé par British Petroleum. La réalisation de la section de l'ouvrage située sur le territoire turc a été confiée par PPE à une société d'économie mixte de droit turc BOTAS PETROLEUM PIPELINE CORPORATION (BOTAS) en vertu d'un 'contrat clé en main' forfaitaire du 19 octobre 2000 dont l'exécution était garantie par l'Etat turc.

BOTAS, maître de l'ouvrage, a conclu le 20 septembre 2002 avec la société de droit turc TEPE INSAAT SANAYII A.S. (TEPE) un contrat d'ingéniérie, d'approvisionnement et de construction de quatre stations de pompage et d'une station intermédiaire de raclage.

Des différends sont survenus entre BOTAS et TEPE relativement à l'étendue des prestations respectives des parties, au financement des travaux et au respect des délais. A la suite d'une demande de financement supplémentaire adressée le 22 mars 2005 par TEPE à BOTAS, cette dernière, par lettre du 29 mars 2005 a résilié le contrat avec effet immédiat.

Le 21 mai 2007, TEPE a mis en oeuvre la clause compromissoire qui stipulait la soumission des litiges à un arbitrage sous l'égide de la Chambre de commerce international, avec application du droit substantiel anglais. Elle demandait l'indemnisation du préjudice qu'elle disait avoir subi du fait, d'une part, des manquements de sa cocontractante à son obligation de fournir en temps utile des plans détaillés, d'autre part, de la résiliation irrégulière du contrat.

Par une sentence intermédiaire rendue à Paris le 5 juin 2009, le tribunal composé de M. [M], Président, et de MM [F] et [B], arbitres, a :

- déclaré mal fondées les demandes de TEPE fondées sur des violations d'obligations de bonne foi, sur des déclarations inexactes, sur la violation d'obligations contractuelles tacites, et sur des déclarations erronées et négligentes;

- reconnu le droit de TEPE à obtenir une rémunération supplémentaire au titre des modifications des quantités de travaux;

- dit que TEPE n'avait pas droit à une prorogation de délai ou à des coûts de prorogation;

- dit que BOTAS n'avait pas droit au paiement par TEPE de dommages-intérêts forfaitaires pour retard;

- dit que la résiliation par BOTAS était irrégulière au regard de la clause 15.2.2 du contrat ou de la common law et non motivée au regard de la clause 15.2.1;

- dit que BOTAS n'était pas en droit d'appeler la garantie de bonne exécution de TEPE;

- dit que TEPE était en droit de récupérer ses garanties de rétention et d'étape, ainsi que les frais engagés pour conserver ces garanties;

- réservé le surplus des demandes ainsi que les frais.

BOTAS a formé un recours contre cette sentence le 10 juillet 2009.

Par conclusions du 29 septembre 2010, elle en sollicite l'annulation ainsi que la condamnation de la partie adverse à lui payer la somme de 50.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Elle invoque la violation du principe d'ordre public international d'exécution de bonne foi des conventions (art. 1502 5° du code de procédure civile), la violation de la règle de l'estoppel (article 1502 5° du code de procédure civile) et enfin, la méconnaissance des principes de la contradiction et de l'égalité procédurale (article 1502 4° et 5° du code de procédure civile).

Par conclusions du 21 octobre 2010, TEPE sollicite principalement le rejet du recours et la confirmation de la sentence, subsidiairement la confirmation des quatre premiers points du dispositif de la sentence. Elle évalue à 150.000 euros ses frais irrépétibles de procédure.

SUR QUOI :

Sur le premier moyen d'annulation pris de la violation du principe d'ordre public international d'exécution de bonne foi des conventions (article 1502 5° du code de procédure civile) :

BOTAS expose que, par son courrier du 22 mars 2005, TEPE alléguait l'impossibilité de mener le chantier à son terme à moins que sa cocontractante ne lui consente une aide immédiate de 35 millions de dollars, ou n'accepte de remplacer le prix forfaitaire convenu par un remboursement des dépenses effectivement engagées; que TEPE en brandissant la menace d'abandon du chantier deux mois avant l'expiration du délai contractuel de livraison des ouvrages, alors que le groupe Bilkent auquel elle appartient aurait pu mobiliser les capitaux nécessaires à l'achèvement des travaux, n'a pas exécuté ses obligations de bonne foi; qu'en décidant que la résiliation prononcée par le maître de l'ouvrage à la suite de ce courrier comminatoire était irrégulière, et en entérinant ainsi le comportement déloyal de TEPE, la sentence viole de façon flagrante, effective et concrète le principe d'ordre public international d'exécution de bonne foi des conventions.

Considérant que pour divers motifs, sur l'imputabilité desquels les parties sont contraires, les travaux confiés à TEPE ont pris du retard et l'entrepreneur s'est trouvé confronté à des difficultés de trésorerie; qu'au terme de plusieurs amendements au contrat - conclus entre les parties de mai à décembre 2004 - BOTAS a consenti à TEPE un soutien financier, notamment sous forme de prêts sans intérêts;

Considérant que le 22 mars 2005, TEPE a adressé à BOTAS une lettre intitulée : 'Demande de financement supplémentaire' aux termes de laquelle, elle indiquait qu'en raison de la carence du maître de l'ouvrage à fournir des plans détaillés en temps utile, elle subissait un surcoût qu'elle estimait à 86 millions USD; que TEPE ajoutait qu'elle n'était pas en mesure de financer la poursuite des travaux sans un financement supplémentaire immédiat du maître de l'ouvrage, mais qu'elle était prête à achever le projet dans le respect de la date prévisionnelle de livraison, fixée au 30 juin 2005, en échange du paiement d'une somme complémentaire de 35 millions USD, et qu'à défaut les parties pouvaient convenir d'une résiliation et de la signature immédiate d'un nouveau contrat sur la base d'un remboursement des prestations effectivement fournies; que TEPE concluait que si les parties ne parvenaient pas à une solution mutuellement acceptable permettant de poursuivre les travaux en temps utile, elle serait contrainte de résilier le contrat sur le fondement de la violation par le maître de l'ouvrage de ses obligations;

Considérant que, par lettre du 29 mars 2005, BOTAS a répondu que la menace de résiliation de TEPE constituait une violation grave des droits et obligations du contrat dès lors, en premier lieu, que TEPE tendait ainsi à faire valoir ses droits à des fonds supplémentaires pour retard de fourniture des plans dans des conditions qui n'étaient pas celles prévues par la convention et ses avenants, en deuxième lieu, que la lettre de TEPE ne respectait pas le délai de 'rectification' stipulé par la clause 16.2.1 (ii), en troisième lieu, que TEPE violait l'accord transactionnel du 10 décembre 2003, et enfin, que l'entrepreneur confirmait sans ambiguïté qu'il n'achèverait pas les travaux pour le prix contractuel; que BOTAS en déduisait qu'elle était fondée, en application de l'article 15.2.2 (xi), à prononcer la résiliation du contrat avec effet immédiat pour violation grave des dispositions du contrat autres que celles énumérées aux différents paragraphes de cet article;

Considérant que, pour décider que la résiliation du contrat par BOTAS n'était pas régulièrement motivée au regard des stipulations conventionnelles, les arbitres ont exposé, en premier lieu, que la clause 15.2.2 (xi) sur laquelle s'était fondé le maître de l'ouvrage pour résilier le contrat sans préavis comportait une erreur matérielle manifeste résultant de la transposition défectueuse dans le contrat liant BOTAS à TEPE des stipulations correspondantes du contrat conclu entre les participants au PPE et BOTAS; que cette clause devait en réalité s'entendre comme prévoyant un délai de 30 jours entre la notification des griefs et la résiliation, préavis dont TEPE, en l'espèce, avait été privé; que le tribunal a ensuite énoncé que les manquements allégués par BOTAS ne pouvaient être regardés comme des violations graves au sens du contrat; qu'en effet, ne relevait pas d'une telle qualification la circonstance que TEPE ait présenté sa situation financière comme définitivement compromise, dès lors, d'une part, qu'il était constant qu'à la date de la résiliation TEPE n'avait pas interrompu les travaux, et que, d'autre part, la faculté ne lui avait pas été ouverte de rechercher d'autres financements dans le délai conventionnel de 'rectification'; que ne constituait pas davantage une violation grave des obligations contractuelles le fait que la demande de paiement supplémentaire de TEPE n'ait pas emprunté les formes prévues par la convention, ni la circonstance que TEPE ait brandi la menace de résilier le contrat, BOTAS ayant entière liberté de refuser de se soumettre aux exigences de TEPE et de tirer les conséquences de l'attitude de l'entrepreneur au terme du délai de préavis;

Qu'il apparaît ainsi que le moyen tiré de ce que la sentence méconnaîtrait le principe d'exécution de bonne foi des conventions manque en fait et que, sous couvert de la violation de l'ordre public international, il tende à une révision au fond de la sentence qui n'est pas permise au juge du recours;

Considérant que le premier moyen ne peut donc être accueilli;

Sur le deuxième moyen d'annulation pris de la violation de la règle de l'estoppel (article 1502 5° du code de procédure civile) :

BOTAS expose qu'après avoir reçu le courrier de TEPE du 22 mars 2005, elle a résilié le contrat sur le fondement de l'alinéa (xi) de la clause 15.2.2 qui autorise une telle résiliation sans préavis et sans délai de 'rectification' 'lorsque l'Entrepreneur commet toute autre violation grave de l'une quelconque des dispositions du présent contrat'; que TEPE après avoir adhéré à l'interprétation selon laquelle aucun délai de préavis n'était requis dans cette hypothèse, a ultérieurement modifié sa position en soutenant que la clause comportait une erreur matérielle et devait en réalité s'entendre comme prévoyant un délai; que le tribunal arbitral, en écartant le moyen tiré de l'estoppel et en faisant sienne cette nouvelle interprétation a permis à TEPE de se contredire au détriment de son adversaire 'en violation de la règle de l'estoppel, principe général de l'arbitrage international et règle d'ordre public international français, qui garantit la loyauté procédurale, la bonne foi et l'égalité entre les parties'.

Considérant que la méconnaissance de la règle de l'estoppel par les arbitres, à la supposer démontrée, ne constitue pas l'un des cas d'annulation ouverts dans le cadre de l'article 1502 du code de procédure civile, sauf fraude procédurale, non alléguée en l'espèce; que le deuxième moyen doit, par conséquent, être écarté;

Sur le troisième moyen d'annulation pris de la violation du principe de la contradiction et du principe d'égalité procédurale (article 1502 4° et 5° du code de procédure civile) :

BOTAS soutient que le tribunal arbitral l'a sanctionnée, d'une part, pour n'avoir pas attendu que TEPE lui fournisse la preuve de son incapacité financière à achever le chantier, d'autre part, pour n'avoir pas apporté elle-même la preuve que TEPE était hors d'état d'achever le chantier sans le concours financier du maître de l'ouvrage. BOTAS prétend qu'en inversant ainsi la charge de la preuve le tribunal a rompu l'équilibre procédural entre les parties en violation du principe de la contradiction et du principe d'égalité entre les parties.

Considérant que, contrairement à ce que prétend BOTAS, les arbitres n'ont pas exigé d'elle qu'elle prouve l'insolvabilité de TEPE mais lui ont fait grief d'avoir tenu cette insolvabilité pour avérée au seul vu de la lettre de TEPE du 22 mars 2005 et sans laisser à sa cocontractante le bénéfice du délai de préavis qui lui aurait permis de rechercher d'autres financements; que le moyen, qui se borne à critiquer le raisonnement suivi par le tribunal - en le dénaturant - tend, sous couvert de l'allégation de violation du principe de la contradiction et du principe d'égalité des parties, à une révision au fond de la sentence qui est interdite au juge du recours;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté; que BOTAS, qui succombe, sera condamnée à payer à TEPE la somme de 150.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile;

PAR CES MOTIFS :

Rejette le recours.

Condamne la société BOTAS PETROLEUM PIPELINE CORPORATION à payer à la société TEPE INSAAT SANAYII A.S. la somme de 150.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute la société BOTAS PETROLEUM PIPIELINE CORPORATION de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société BOTAS PETROLEUM PIPELINE CORPORATION aux dépens et admet la SCP Hardouin, avoués, au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 09/15742
Date de la décision : 02/12/2010

Références :

Cour d'appel de Paris A1, arrêt n°09/15742 : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-12-02;09.15742 ?
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