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29/11/2010 | FRANCE | N°08/01154

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 3, 29 novembre 2010, 08/01154


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 3



ARRÊT DU 29 NOVEMBRE 2010



(n° 10/279, 1 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : 08/01154





Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Novembre 2007 -Tribunal de Grande Instance de PARIS, 5ème Chambre, 2ème section - RG n° 06/07441







APPELANTE



SOCIÉTÉ NATIONALE DES CHEMINS DE FER

FRANÇAIS (SNCF) agissant poursuites et diligences de son Président Directeur Général

dont le siège social est [Adresse 4]



représentée par la SCP RIBAUT, avoués à la Cour

assistée de Me Philippe C...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 3

ARRÊT DU 29 NOVEMBRE 2010

(n° 10/279, 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 08/01154

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Novembre 2007 -Tribunal de Grande Instance de PARIS, 5ème Chambre, 2ème section - RG n° 06/07441

APPELANTE

SOCIÉTÉ NATIONALE DES CHEMINS DE FER FRANÇAIS (SNCF) agissant poursuites et diligences de son Président Directeur Général

dont le siège social est [Adresse 4]

représentée par la SCP RIBAUT, avoués à la Cour

assistée de Me Philippe CHAULET, avocat au barreau de PARIS, toque : D 866

INTIMÉES

Madame [L] [E] [W] divorcée [U]

[Adresse 5]

représentée par la SCP MIRA - BETTAN, avoués à la Cour

assistée de Me Mathilde CHAUVIN DE LA ROCHE, plaidant pour la SELARL PYTKIEWICZ-CHAUVIN DE LA ROCHE-ROUFANI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0089

CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE VIEILLESSE DES TRAVAILLEURS SALARIÉS (CNAVTS) prise en la personne de ses représentants légaux

dont le siège social est [Adresse 1]

CAISSE RÉGIONALE D'ASSURANCE MALADIE D'ILE DE FRANCE (CRAMIF) prise en la personne de ses représentants légaux

dont le siège social est [Adresse 2]

représentées par Me François TEYTAUD, avoué à la Cour

assistées de Me Dominique ROUX, plaidant pour Me Olivier JESSEL, avocat au Barreau de Paris, Toque B 811

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE SEINE SAINT DENIS

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 3]

défaillante

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 25 Octobre 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Nathalie NEHER-SCHRAUB, Présidente

Madame Blandine FROMENT, Présidente

Madame Régine BERTRAND-ROYER, Conseillère, entendue en son rapport

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Nadine ARRIGONI

ARRÊT : RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Nathalie NEHER-SCHRAUB, présidente et par Madame Nadine ARRIGONI, greffière présente lors du prononcé.

° ° °

Le 15 mars 1993, Madame [L] [E] [W] a été victime d'un accident alors qu'elle descendait d'un train de la SNCF.

Par arrêt du 29 janvier 1999, la cour d'appel de Paris a dit la SNCF responsable des conséquences dommageables de l'accident à concurrence d'un tiers, et ordonné une expertise médicale de la victime confiée au professeur [M]

Par arrêt du 28 juin 2001 rectifié le 14 février 2002, la cour d'appel a fixé les préjudices de Madame [L] [E] [W], constaté que l'intégralité du préjudice soumis à recours était absorbé par la créance des organismes sociaux et condamné la SNCF à indemniser la victime de son préjudice personnel.

Madame [L] [E] [W] faisant état d'une aggravation de son état, a obtenu par ordonnance de référé, la désignation du professeur [M] pour l'examiner à nouveau et cet expert a déposé son rapport le 31 décembre 2004.

La CRAMIF et la CNAVTS ont saisi le tribunal de grande instance de Paris de demandes en remboursement des prestations qu'elles ont versées à la victime au seul titre de la tierce personne.

Par jugement du 29 novembre 2007, la 5e chambre du TGI de Paris a :

- condamné la SNCF à payer à Madame [L] [E] [W] au titre de l'aide d'une tierce personne résultant de l'aggravation de son état, la somme de 233.350,34 € outre une somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du CPC,

- débouté les parties de toute autre demande,

- condamné la SNCF aux dépens.

La SNCF a relevé appel du jugement.

Elle conteste dans ses dernières conclusions signifiées le 17 août 2010, la durée de l'aide d'une tierce personne retenue par le tribunal et offre, sur la base des conclusions du rapport d'expertise, la réparation de 27 heures et demie par semaine, au taux horaire de 10 € sur 57 semaines par an, soit la somme de 225.173,32 € ramenée à 85.057,77 € compte tenu de la limitation du droit à indemnisation, et sollicite la condamnation de Madame [L] [E] [W] à lui payer la somme de 1.200 € au titre de l'article 700 du CPC.

Par dernières conclusions du 2 avril 2010, Madame [L] [E] [W] demande la confirmation du jugement en ce qu'il a fixé ses besoins supplémentaires en tierce personne en raison de l'aggravation, à 5h30 par jour sur 410 jours par an, mais critique le taux horaire retenu par le tribunal et demande 15 €/heure. Elle fixe ce poste à 778.890,12 € et sollicite le tiers de ce montant soit 259.630,04 € en indiquant que cette somme doit lui être attribuée en application du droit de préférence institué par l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006, outre la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC.

Par dernières conclusions du 26 août 2010 la CRAMIF et la CNAVTS contestent l'application de l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006 faite par le tribunal, soutiennent que la notion de prise en charge partielle par les organismes sociaux concerne l'indemnisation dont la victime est créancière, soit en l'occurrence le tiers du préjudice, et non l'entier préjudice subi, et que le droit de préférence de la victime ne s'exerce que dans la limite non de son préjudice intégral, mais de ses droits à indemnisation. Elles indiquent donc que Madame [L] [E] [W] créancière selon le TGI de 233.350,34 € (le tiers de 700.051,24 €), a été intégralement indemnisée par elles par leurs prestations d'un montant de 379.194,55 €, et qu'elles sont donc bien fondées à exercer leur recours subrogatoire dans la limite de la part d'indemnité mise à la charge de la SNCF. A titre subsidiaire, les Caisses demandent à la cour d'appliquer le partage de responsabilité à leurs créances, en fixant dans ce cas, leurs droits au tiers de la somme de 379.194,55 €, et à titre plus subsidiaire, de chiffrer, comme le propose la SNCF, le poste tierce personne dû à l'aggravation à la somme de 225.173,32 €, de constater alors que ce poste a été entièrement indemnisé par elles et de leur allouer cette somme qu'elles se partageront au marc le franc. Elles sollicitent en outre la condamnation de la SNCF au paiement pour chacune des Caisses de l'indemnité forfaitaire de 966 € prévue par l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale ainsi que de la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du CPC.

La CPAM de la Seine-Saint-Denis avait fait savoir en première instance qu'elle n'avait pas de créance au titre de la tierce personne.

CELA ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR :

- Sur la tierce personne :

A la suite de l'accident, Madame [L] [E] [W] a dû être amputée du gros et du 2e orteils du pied droit ainsi que de sa jambe gauche, au tiers. Le professeur [M] après avoir noté dans son rapport initial du 29 avril 1999 que l'état de la blessée justifiait selon le docteur [C] de l'ADAPT l'assistance d'une aide ménagère durant dix heures par semaine, et qu'elle bénéficiait effectivement des services quotidiens d'une aide ménagère grâce au centre communal d'action sociale de Rosny-sous-bois, pour l'entretien de son appartement et ses courses, avait conclu à la nécessité d'une aide ménagère non spécialisée durant deux heures par jour.

En raison de l'aggravation des phénomènes douloureux mais surtout de l'impossibilité de porter sa prothèse, Madame [L] [E] [W] a subi une aggravation de son handicap. Elle a été examinée par le docteur [J] mandaté par son propre assureur, lequel dans un rapport daté du 2 juin 2004, a conclu qu'il n'y avait pas lieu de modifier les conclusions du professeur [M] en ce qui concerne l'évaluation de son préjudice corporel à l'exception de celle relative à la tierce personne, et a proposé d'ajouter aux deux heures quotidiennes retenues initialement, 1h30 par jour pour les gestes usuels de la vie courante et une aide ponctuelle pour les sorties de 2 à 3 heures par semaine.

Désigné par ordonnance de référé pour se prononcer sur l'aggravation de l'état de la blessée, le professeur [M] a dans son rapport du 31 décembre 2004, confirmé que les conclusions prises dans son rapport du 29 avril 1999 ne devaient pas être modifiées, sauf en ce qui concerne la tierce personne, et a conclu que Madame [L] [E] [W] devait bénéficier en plus de l'aide ménagère de deux heures par jour précédemment fixée, d'une aide infirmière pour les soins, la toilette, l'habillage et le déshabillage durant une heure trente par jour, d'une aide ménagère non spécialisée durant deux heures par jour et d'une aide non spécialisée pour la sortie de l'appartement durant trois heures par semaine, soit un total au titre de l'aggravation, de 27h30 par semaine.

Madame [L] [E] [W] soutient que la durée de trois heures par semaine prévue par l'expert pour ses sorties est très insuffisante et demande que ses besoins en tierce personne résultant de l'aggravation de son état soient fixés à 5h30 par jour, soit 38h30 par semaine.

Cependant, il résulte des rapports médicaux et de l'ensemble des éléments versés aux débats, que Madame [L] [E] [W] qui a des difficultés à se mouvoir mais n'a pas subi d'atteinte à ses fonctions supérieures limitant ses capacités à s'organiser, peut en bénéficiant de l'aide d'une personne non spécialisée durant quatre heures par jour, compte non tenu de l'aide d'une infirmière durant 1h30 par jour pour la toilette ainsi que l'habillage et le déshabillage que la SNCF ne conteste pas devoir prendre en charge en sus, assurer non seulement l'entretien de son appartement et ses courses mais aussi organiser ses sorties courantes, et réserver pour les sorties plus longues, les trois heures par semaine supplémentaires prévues à cet effet par l'expert.

La SNCF soutient donc justement que l'indemnité due à la victime doit être déterminée en fonction du nombre d'heures supplémentaires retenu par l'expert judiciaire, au demeurant plus important que le nombre retenu par le propre médecin-conseil de l'assureur de la victime. En revanche, le taux horaire sera fixé à 14€ et l'indemnité sera calculée sur 59 semaines pour tenir compte des congés payés.

La dépense annuelle est donc de 22.715 € (27,5 h x 14 € x 59 s).

Le professeur [M] ne fait pas savoir la date à laquelle l'aggravation qu'il a constatée s'est manifestée. Madame [L] [E] [W] demande que l'aggravation de son état soit retenue à compter de son classement en 3e catégorie par la CRAMIF, soit le 1er juin 2001, la SNCF la situe sans s'en expliquer, lorsque Madame [L] [E] [W] était âgée de 44 ans (soit en 2006), et les Caisses demandent la confirmation de la somme fixée par le tribunal par une capitalisation au 1er juin 2001.

La cour d'appel qui doit déterminer le préjudice de la victime à la date à laquelle elle statue, a indemnisé le préjudice initial de Madame [L] [E] [W] par arrêt définitif du 28 juin 2001, l'aggravation ne peut donc être antérieure à cet arrêt. A défaut de meilleur élément et notamment de certificat médical sur ce point, la date de l'aggravation sera fixée au 5 mai 2004, date de l'examen réalisé par le docteur [J] qui l'a constatée; en effet, cet examen pratiqué en vue d'une indemnisation de cette aggravation a dû suivre de peu la demande de la victime d'une assistance de son assureur.

Ce poste s'établit donc ainsi :

* du 5 mai 2004 au 5 novembre 2010 : 147.647,50 € (22.715 € x 6,5 ans),

* à compter du 6 novembre 2010, une dépense annuelle de 22.715 € dont le capital représentatif s'élève à la somme de 488.486,08 € (22.715 € x 21,505 (€ de rente viagère pour une femme âgée comme Madame [L] [E] [W] à ce jour, de 48 ans),

soit une somme totale de 636.133,58 € (147.647,50 € + 488.486,08 €).

La dette de la SNCF, compte tenu du partage de responsabilité, est de 212.044,53 € (636.133,58 €/3).

Sur le recours des Caisses :

L'article 31 de la loi du 5 juillet 1985 dans sa rédaction issue de l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006, dispose notamment, que les recours subrogatoires des tiers payeurs s'exercent, poste par poste sur les seules indemnités qui réparent les préjudices qu'ils ont pris en charge, et que conformément à l'article 1252 du code civil, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été prise en charge que partiellement par les prestations sociales; qu'en ce cas, l'assuré social peut exercer ses droits contre le responsable, par préférence à la caisse subrogée. Il en résulte que, dans le cas d'une limitation du droit à indemnisation de la victime, le droit de préférence de celle-ci sur la dette du tiers responsable a pour conséquence que son préjudice corporel, évalué poste par poste, doit être intégralement réparé pour chacun de ces postes dans la mesure de l'indemnité laissée à la charge du tiers responsable, et que le tiers payeur ne peut exercer son recours , le cas échéant, que sur le reliquat .

En l'espèce, le préjudice de Madame [L] [E] [W] s'élève à la somme de 636.133,58 € et les prestations versées par la CRAMIF et la CNAVTS qui ont contribué à le réparer, sont d'un montant total de 379.194,55 €, le préjudice de la victime n'a donc été que partiellement pris en charge par les Caisses. En vertu de son droit de préférence, Madame [L] [E] [W] est par conséquent en droit de percevoir, dans la limite de la dette de la SNCF, la somme de 256.939,03 € (636.133,58 € -379.194,55 €). Cette somme excédant le montant de la dette, l'indemnité due à Madame [L] [E] [W] sera ramenée à la somme de 212.044,53 €, et il ne subsiste aucun reliquat au profit des Caisses.

Sur l'indemnisation de Madame [L] [E] [W] :

Madame [L] [E] [W] recevra en capital et en deniers ou quittances, la somme de 147.647,50 €, et le reliquat de ce qui lui est dû au titre de l'aide future d'une tierce personne, soit une indemnité de 64.397,03 € (212.044,53 € - 147.647,50 €) lui sera alloué afin de préserver son avenir, sous la forme d'une rente viagère d'un montant annuel de 2.994,51 € [64.397,03 € /21,505 (€ de rente viagère pour une femme de 48 ans)], payable selon les modalités qui seront précisées au dispositif.

Le jugement déféré sera donc réformé en ce sens.

Sur l'article 700 du CPC et l'indemnité forfaitaire :

Il sera alloué à ce titre la somme de 1.200 € à Madame [L] [E] [W].

Il n'y a pas lieu en revanche de faire application de cet article au profit de la SNCF ni des Caisses et ces dernières seront également déboutées de leurs demandes fondées sur l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement à l'exception de ses dispositions relatives à la CRAMIF et à la CNAVTS ainsi qu'à l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens ;

Et statuant à nouveau, dans cette limite :

Condamne la SNCF à verser à Madame [L] [E] [W] :

- au titre de l'aide d'une tierce personne due à l'aggravation de son état :

* la somme de 147.647,50 € en capital, en deniers ou quittances et avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;

* une rente viagère d'un montant annuel de 2.994,51 €, payable trimestriellement à compter du 6 novembre 2010, indexée selon les dispositions de la loi du 5 juillet 1985 et qui sera suspendue en cas de prise en charge de la victime en milieu médicalisé, à partir du 46e jour de cette prise en charge ;

- la somme complémentaire de 1.200 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne la SNCF aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 08/01154
Date de la décision : 29/11/2010

Références :

Cour d'appel de Paris C3, arrêt n°08/01154 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-11-29;08.01154 ?
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