La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/11/2010 | FRANCE | N°09/11073

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 2, 24 novembre 2010, 09/11073


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 2



ARRÊT DU 24 NOVEMBRE 2010



( n° , 11 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : 09/11073



Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Mars 2009 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 07/15982





APPELANTS



Monsieur [T] [B]

[Adresse 5]

[Localité 7]

représenté par Me

Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour,

assisté par Maître Jean-Bernard POURRE, avocat au barreau de Paris, toque D1825,





Madame [UB] [F] [J] [R] épouse [B]

[Adresse 5]

[Localité 7]

représentée par Me Loui...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 2

ARRÊT DU 24 NOVEMBRE 2010

( n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/11073

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Mars 2009 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 07/15982

APPELANTS

Monsieur [T] [B]

[Adresse 5]

[Localité 7]

représenté par Me Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour,

assisté par Maître Jean-Bernard POURRE, avocat au barreau de Paris, toque D1825,

Madame [UB] [F] [J] [R] épouse [B]

[Adresse 5]

[Localité 7]

représentée par Me Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour,

assistée par Maître Jean-Bernard POURRE, avocat au barreau de Paris, toque D1825,

Madame [KZ] [G] [Z] veuve [Y]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour,

assistée par Maître Jean-Bernard POURRE, avocat au barreau de Paris, toque D1825,

Monsieur [I] [L]

[Adresse 5]

[Localité 7]

représenté par Me Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour,

assisté par Maître Jean-Bernard POURRE, avocat au barreau de Paris, toque D1825,

Madame [K] [JB] [D] épouse [L]

[Adresse 5]

[Localité 7]

représentée par Me Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour,

assistée par Maître Jean-Bernard POURRE, avocat au barreau de Paris, toque D1825,

Monsieur [S] [A] [P]

[Adresse 5]

[Localité 7]

représenté par Me Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour,

assisté par Maître Jean-Bernard POURRE, avocat au barreau de Paris, toque D1825,

Madame [U] [X] [O]

[Adresse 5]

[Localité 7]

représentée par Me Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour,

assistée par Maître Jean-Bernard POURRE, avocat au barreau de Paris, toque D1825,

INTIMÉES

S.A. [I] [W] prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 7]

représentée par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avoués à la Cour,

assistée de Maître Philippe BOCQUILLON, avocat au barreau de Paris, Toque : E1085,

Société MUTUELLE DU MANS ASSURANCES IARD prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 4]

[Localité 7]

représentée par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avoués à la Cour,

assistée de Maître Philippe BOCQUILLON, avocat au barreau de Paris, toque : E1085.

COMPOSITION DE LA COUR :

Après un rapport oral, l'affaire a été débattue le 29 septembre 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Jean DUSSARD, Président

Madame Marie-Paule RAVANEL, Conseiller

Madame Anne BOULANGER, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame Chaadia GUICHARD

ARRET :

- Contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Jean DUSSARD, président et par Monsieur Dominique FENOGLI , greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Par déclaration du 14 mai 2009, les sept copropriétaires dont l'identité est précisée en tête du présent arrêt ont appelé d'un jugement contradictoire rendu le 11 mars 2009 par le tribunal de grande instance de Paris, 8ème chambre - 3ème section, qui :

- les déboute de l'intégralité de leurs demandes,

- rejette les demandes en paiement d'une indemnité de procédure,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- condamne in solidum les sept copropriétaires aux dépens recouvrables conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Les intimés ont constitué avoué.

Pour un plus ample exposé des faits de la cause, des procédures, des prétentions, moyens et arguments, la Cour fait référence expresse à la décision déférée et aux conclusions d'appel dont les dernières ont été signifiées dans l'intérêt :

- des sept copropriétaires, titulaires des lots dépendant de l'immeuble en copropriété du [Adresse 6], le 10 juin 2010,

- de la société [I] [W], syndic du syndicat des copropriétaires de l'immeuble précité dont la responsabilité personnelle pour faute professionnelle est recherchée, et de la compagnie MMA IARD, son assureur, le 8 décembre 2009.

Il sera seulement rappelé que les premiers juges ont retenu les fautes du Cabinet [W] mais ont estimé que le préjudice allégué par les sept copropriétaires est éventuel et partant, non indemnisable.

CELA ETANT EXPOSE, LA COUR :

I. SUR LA RESPONSABILITÉ :

1°) L'immeuble du [Adresse 6] vendu en l'état futur d'achèvement a fait l'objet d'une réception en juin 1991 de sorte que la garantie décennale légale, à défaut d'interruption, expirait en juin 2001.

Le syndicat des copropriétaires de cet immeuble et plusieurs copropriétaires se sont plaints des désordres et en particulier de la persistance, après travaux, des difficulté d'accès aux parkings.

Les copropriétaires qui s'étaient joints à l'action en responsabilité et en dommages et intérêts intentée par le syndicat des copropriétaires contre le vendeur d'immeuble à construire, l'assureur DO et CNR (assureur Dommage-Ouvrage et Responsabilité du Constructeur Non Réalisateur), divers constructeurs et leurs assureurs respectifs, ont quant à eux obtenu - sauf l'un d'entre eux qui n'est pas partie dans la procédure ayant abouti au jugement entrepris du 11 mars 2009 - du tribunal de grande instance de Paris, par jugement du 7 juillet 2000, réparation de leurs préjudices à caractère personnel dont 20 000 francs à chacun au titre des difficultés d'utilisation des parkings.

Ils ne feront donc pas appel et ne seront donc pas parties aux procédures qui s'en suivront et qui aboutiront :

* à l'arrêt partiellement cassé de la cour d'appel de Paris, 23ème Chambre - Section A rendu le 22 mai 2002, sur appel du jugement du 7 juillet 2009,

* à l'arrêt de la cour de cassation, troisième chambre civile, en date du 16 novembre 2004,

* à l'arrêt rendu le 11 mai 2007 par la cour d'appel d'Orléans, saisie sur renvoi de cassation.

Le dernier arrêt - définitif - qui clôt le procès en réparation de désordres de construction initié par le syndicat des copropriétaires a, entre autres dispositions :

- confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevable, faute d'autorisation régulière du syndic à agir en justice, la demande du syndicat des copropriétaires,

- condamné le syndicat des copropriétaires du [Adresse 6] aux dépens de première instance et d'appel exposés tant devant la cour d'appel de Paris que devant la cour de renvoi.

Le syndicat des copropriétaires a ainsi finalement perdu son procès et supporté les frais et dépens de celui-ci, sans examen de l'affaire au fond - si ce n'est par l'arrêt cassé - donc inutilement.

2°) Ainsi qu'il le sera démontré ci-après, cet échec tient essentiellement à la rédaction défectueuse des décisions des assemblées générales qui ont autorisé le syndic ès qualités à agir en justice au nom du syndicat des copropriétaires en réparation de désordres et ratifié ses initiatives et/ou diligences procédurales.

La Cour de Cassation avait au visa de l'article 55 du décret du 17 mars 1967 cassé l'arrêt de la Cour de [Localité 7], ayant par réformation partielle dit recevable l'action du syndicat des copropriétaires - exception faite de la demande de remboursement des réparations de l'étanchéité du bâtiment B indifférente à la solution du présent litige - aux motifs :

' (...)

Qu'en statuant ainsi, sans constater que les procès-verbaux d'assemblée générale des copropriétaires invoqués mentionnaient les désordres, objets de la procédure, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

(...) '

La Cour d'Appel d'Orléans, qui a suivi la position de la Cour de Cassation, a retenu entre autres motifs qu'il est ici inutile de reproduire littéralement :

- que les termes de la troisième résolution de l'assemblée générale du 16 décembre 1996 quant à l'action à engager ou aux parties à mettre en cause étaient particulièrement vagues et s'apparentaient quasiment à un blanc-seing,

- que surtout, au-delà des imprécisions dénoncées, l'autorisation donnée ne précisait nullement les désordres pour la réparation desquels l'action du syndic doit être engagée,

- que la simple référence à un rapport d'expertise qui n'est pas annexé à l'ordre du jour ou au procès-verbal de l'assemblée est insuffisante.

Cette décision passée en force de chose jugée a été rendue au vu de l'ensemble des décisions d'assemblées générales concernant la procédure en indemnisation des désordres affectant les parties communes de l'immeuble en copropriété - décisions énumérées en page 10 de l'arrêt du 11 mai 2007 - qu'elles soient antérieures à l'introduction de la demande devant le tribunal de grande instance de Paris par actes de mai et juin 1998 du syndicat des copropriétaires ou qu'elles soient intervenues postérieurement à celle-ci.

Certes, le défaut de production en cause de première instance du procès-verbal de l'assemblée générale du 16 décembre 1996 donnant au syndic le 'mandat d'ester', qui n'est pas imputable à faute au syndic n'ayant pas la charge de faire les actes de procédure, est la cause du jugement d'irrecevabilité du 7 juillet 2000, ainsi qu'il appert des motifs de cette décision. Mais cette omission procédurale est sans incidence sur la décision de confirmation rendue par la Cour d'Appel d'Orléans au vu notamment dudit procès-verbal d'assemblée.

L'arrêt de cassation et l'arrêt de confirmation qui s'ensuivit ne procèdent nullement d'un revirement de jurisprudence qui exonérerait le syndic de toute responsabilité.

En effet, ce procès-verbal de l'assemblée générale du 16 décembre 1996 n'était pas conforme, à sa date, à la jurisprudence rigoureuse de l'époque tirée de l'article 55 du décret du 17 mars 1967 qui exigeait que l'autorisation donnée par l'assemblée générale au syndic ès qualités pour agir en indemnisation des désordres de construction donne la liste des désordres et indique les parties d'immeuble affectées par ceux-ci.

L'assouplissement jurisprudentiel favorable au syndicat des copropriétaires qui s'est manifesté à partir du début des années 2000 reste mesuré puisqu'il se limite à ce qui suit :

Il est admis que les désordres à réparer peuvent être désignés par voie de référence à un document technique tel qu'un rapport d'expertise, sans être précisément énumérés dans la décision d'autorisation, pourvu que ce document soit analysé et annexé aux convocations ou du moins qu'il ait été communiqué aux copropriétaires, étant précisé que de simples explications données par le conseil syndical sur les défectuosités et les procédures en cours ne sont pas suffisantes.

Ni le procès-verbal de l'assemblée du 16 décembre 1996, ni les décisions des assemblées postérieures visant à ratifier les diligences procédurales du syndic ès qualités ne remplissent les conditions exigées par la jurisprudence dite 'assouplie' ainsi que cela ressort de l'analyse juridique qui a conduit la cour de renvoi à confirmer le jugement entrepris.

3°) Le caractère défectueux de la rédaction des résolutions d' assemblée générale habilitant le syndic à agir en justice puis visant à ratifier la procédure qu'il a introduite est imputable à faute au Cabinet [W], professionnel de l'immobilier en charge de la rédaction des projets de résolution qu'il soumet à l'approbation de l'assemblée. A ce titre, il lui appartient de mettre à jour sa documentation personnelle et ses connaissances pour être à même, d'élaborer des projets de décisions d'assemblée conformes à la jurisprudence.

En l'espèce, la rédaction des projets de résolution méconnaissait la jurisprudence de la Cour de Cassation sur l'article 55 du décret du 17 mars 1967 et le syndic n'a pas soumis au vote de l'assemblée générale avant expiration du délai décennal un projet de résolution ratifiant valablement sa procédure, comme le permettait l'article 121 du code de procédure civile en indiquant cette fois-ci et de façon suffisamment précise les désordres litigieux et leur siège alors qu'il n'était pas en droit d'ignorer les moyens de défense opposés à la demande du syndicat des copropriétaires. C'est encore une faute.

Mandataire professionnel agissant en justice pour le compte du syndicat des copropriétaires demandeur et percevant à ce titre des honoraires de suivi de procédure, le Cabinet [W] devait suivre l'évolution du procès en cours en liaison avec l'avocat de la copropriété.

4°) Les moyens de défense qu'opposent le syndic et son assureur de responsabilité pour contester les fautes précitées sont inopérants.

a) Dans les rapports entre les copropriétaires agissant à titre individuel sur le fondement de la responsabilité (quasi) délictuelle d'une part et le syndic recherché à titre personnel pour faute professionnelle d'autre part, les fautes invoquées à l'encontre de l'avocat de la copropriété ne constituent pas une cause d'exonération de la responsabilité dudit syndic.

b) Le défaut de communication par les copropriétaires appelants des éléments de procédure ayant abouti au jugement du 7 juillet 2000, à l'arrêt partiellement cassé et à l'arrêt définitif de la Cour d'Appel d'Orléans est sans incidence sur l'appréciation de la faute du syndic.

Ce grief ne peut être présenté que relativement au jugement sus-visé puisque les copropriétaires dont s'agit, qui n'ont pas fait appel et qui n'ont pas été intimés, n'étaient pas parties à l'arrêt de la Cour d'Appel de Paris du 22 mai 2002 et à l'arrêt du 11 mai 2007 de la Cour d'Orléans, alors que dans ces procédures d'appel, le syndicat des copropriétaires agissait par son syndic le Cabinet [W] qui, dans le cadre de la mise en état, a eu communication des pièces et des conclusions des parties adverses, c'est-à-dire les assureurs et les constructeurs.

Dans la procédure de première instance ayant abouti au jugement confirmé du 7 juillet 2000, le syndicat des copropriétaires agissant par son syndic le Cabinet [W] et 37 copropriétaires - dont les présents appelants - étaient co-demandeurs représentés par le même avocat, destinataire des conclusions des autres parties dont, de surcroît, les demandes ont été minutieusement récapitulées sous forme de dispositif dans la partie du jugement intitulée 'FAITS, PROCÉDURES ET MOYENS DES PARTIES'.

Le cadre procédural du jugement et des deux arrêts de la Cour dAppel apparaît clairement. Le débat est loyal et les deux intimés ont pu prendre position en pleine connaissance de cause, même si dans ces procédures, le syndic agissant ès qualités n'était pas recherché à titre personnel.

L'arrêt de la Cour d'Appel de Paris n'est d'aucun secours aux parties pour se prononcer sur la faute du syndic puisqu'il a été cassé.

Le jugement du 7 juillet 2000 et l'arrêt du 11 mai 2007 permettent de statuer sur la faute.

5°) La Cour retiendra l'existence d'un lien de causalité entre les fautes retenues à l'encontre du syndic et le dommage des copropriétaires appelants.

a) C'est à tort que les intimés soutiennent que la non-satisfaction des demandes des copropriétaires précités à l'encontre des responsables des préjudices subis 'tient non pas à une erreur ou une faute du syndic mais à une erreur de procédure ou à une abstention délibérée de leur part de donner effet à l'action qu'ils ont pourtant engagée à l'encontre de ces responsables ' (page 10 de leurs conclusions d'appel).

En effet, les copropriétaires agissant à titre individuel qui se sont joints en tant que co-demandeurs à l'action du syndicat ne peuvent agir que dans le cadre de l'article 15 de la loi du 10 juillet 1965 qui exclut la possibilité de substitution des copropriétaires au syndicat des copropriétaires lorsque celui-ci est partie perdante.

Le copropriétaire ne peut agir seul que pour la propriété ou la jouissance de son lot.

Seul, le syndicat des copropriétaires peut agir en réparation des désordres affectant les parties communes de l'immeuble.

Le copropriétaire qui subit les conséquences desdits désordres ne peut agir qu'en réparation du préjudice à caractère personnel causé par ceux-ci : dégradation de ses parties privatives et/ou préjudice immatériel.

En l'espèce, les copropriétaires concernés ont obtenu par jugement du 7 juillet 2000 non frappé d'appel de ce chef, la réparation de leurs préjudices à caractère personnel sous forme d'allocation de dommages et intérêts.

Ils auraient été radicalement irrecevables à solliciter l'indemnisation des désordres affectant les parties communes.

b) Les supputations du syndic sur le sort qu'aurait pu réserver la Cour de Cassation aux moyens de cassation autres que la violation de l'article 55 du décret du 17 mars 1967 sont sans incidence sur le lien de causalité entre la faute et le préjudice et n'aurait finalement pu aboutir, en cas de cassation, qu'à un nouvel examen de l'affaire au fond par la cour de renvoi :

- sur des demandes d'indemnisation formées par des copropriétaires bénéficiaires de certaines indemnités compensatoires de préjudices personnels,

- sur une demande d'indemnisation du syndicat des copropriétaires de 951, 28 euros HT au titre de la peinture du sol du local poubelles,

ainsi qu'il appert de l'examen des moyens de cassation annexés à l'arrêt de cassation partielle.

L'irrecevabilité définitive de l'action en indemnisation de désordres des parties communes cause aux copropriétaires appelants qui en subissent les conséquences au prorata de leurs tantièmes de copropriété un préjudice direct et certain consistant en la perte d'une chance qui s'entend de la disparition actuelle et acquise d'une éventualité favorable.

c) Le jugement est infirmé en ses dispositions contraires.

III. SUR LE PRÉJUDICE.

La chance perdue par le syndicat des copropriétaires, et partant pour les copropriétaires demandeurs et appelants au prorata pour chacun de ses tantièmes de copropriété, est celle d'obtenir la prise en charge par les responsables du dommage :

* du coût des travaux de réfection des désordres de construction affectant les parties communes de l'immeuble,

* des frais ou d'une partie des frais du procès clos par l'arrêt de la Cour d'Appel d'Orléans.

Dans l'évaluation de la chance perdue, il est indifférent que les travaux de réfection des désordres devenus non indemnisables par la faute du syndic aient été ou non mis en oeuvre.

Le caractère réel et sérieux de la chance perdue doit s'apprécier au regard de la probabilité du succès de l'action.

Le rapport d'expertise [M], régulièrement produit aux débats est un document technique admissible en preuve sans qu'il importe que le cabinet [W] n'ait pas été partie à titre personnel à cette expertise. Il y participait pour le compte de son mandant, le syndicat des copropriétaires et c'est sur la base des constatations, de l'avis et des estimations chiffrées de cet expert judiciaire que le syndic ès qualités avait saisi le Tribunal de Grande Instance de Paris puis la Cour d'Appel de l'action en responsabilité et en dommages et intérêts formée par ledit syndicat.

Le moyen tiré de l'inopposabilité du rapport d'expertise est rejeté comme inopérant.

Les copropriétaires demandeurs justifient tous être propriétaires d'emplacements de parking dans les locaux auxquels on accède par les rampes de parking litigieuses ainsi qu'il appert des actes de vente et avis d'impositions à la taxe foncière régulièrement produits aux débats.

Il s'évince des opérations expertales :

- que les rampes de parking du bâtiment sur rue sont impraticables pour un conducteur moyen, sauf à endommager son véhicule qui vient frotter les murs, les traces de peinture le long de ceux-ci étant éloquentes à cet égard,

- qu'au cours des rendez-vous d'expertise, les informations recueillies par Monsieur [H] permettent de dire qu'aucun conducteur n'a échappé à ce que l'ont peut appeler un 'piège',

- que l'expert a la conviction que les garages ne sont pas accessibles dans des conditions normales de conduite et qu'il convient d'apporter des corrections aux accès pour remédier à cette situation inacceptable,

- que la modification de la courbure du mur réalisée au cours de l'expertise [N] a apporté une amélioration sensible mais très localisée,

- que les travaux de réfection, objet de différents projets, restant à réaliser sont d'un coût élevé.

En reprenant les devis visés dans le rapport [M] et en les combinant, la dépense à engager est de l'ordre de 200 000 euros HT (valeur 2002) plus TVA et honoraires de maîtrise d'oeuvre et divers coûts tels que la police DO.

Le caractère décennal d'un tel désordre qui n'est pas apparent à la réception et qui rend l'ouvrage impropre à sa destination est indéniable.

Les autres 'désordres' de parties communes ne nécessitent que l'engagement de travaux de faible importance et de faible coût et certains ne rendent pas l'immeuble impropre à sa destination, s'agissant plus de non-finitions que de désordres proprement dits.

Quant au frais du procès perdu, ils s'élèvent, selon tableaux du Cabinet [W] arrêtés en 2000 à plus de 244 000 francs (37 197, 56 euros) auxquels s'ajoutent les frais exposés jusqu'à l'arrêt de 2006 et les indemnités de l'article 700 alloués aux parties gagnantes.

La réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut pas être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée.

Sur la base de ce qui précède la Cour estime que la chance perdue d'obtenir l'indemnisation du désordre décennal dont s'agit aux frais du ou des responsables et de faire supporter à celui-ci une partie importante des dépenses et frais divers engagés dans le cadre du procès initié par la copropriété était extrêmement sérieuse.

C'est la faute personnelle du syndic qui a ruiné cette chance qu'il convient d'évaluer à 230 000 euros pour la copropriété, ce qui donne aux copropriétaires appelants les sommes suivantes :

* époux [L] (612/9999è) : 14 077, 40 euros,

* époux [B] (530/9999è) : 12 191, 21 euros,

* Monsieur [P] (916/9999è) : 21 070, 10 euros,

* Madame [Y] (252/9999è) : 5 796, 57 euros,

* Madame [O] (473/9999è) : 10 880, 08 euros, sans ajout de solde de frais.

S'agissant d'une créance indemnitaire, les sommes sus-allouées, pesant sur le responsable et son assureur de responsabilité, ne produiront pas intérêts à compter de la demande en justice.

Pour tenir compte de l'ancienneté des dommages, la Cour fixera le point de départ des intérêts à la date du jugement entrepris qui aurait dû indemniser les copropriétaires.

Les intérêts se capitaliseront dans les conditions de l'article 1154 du code civil.

III. SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES.

Les dépens de première instance - par infirmation - et d'appel pèsent in solidum sur le responsable et son assureur qui régleront en outre aux parties gagnantes cinq indemnités de 2 000 euros chacune selon la ventilation opérée dans le dispositif de l'arrêt.

PAR CES MOTIFS, LA COUR,

INFIRME je jugement entrepris,

Statuant à nouveau :

DECLARE la société [I] [W], sous la garantie de la compagnie MMA IARD Assurances Mutuelles, responsable du dommage,

DIT que le dommage causé constitue une perte de chance,

CONDAMNE in solidum la société [I] [W] et la compagnie MMA IARD Assurances Mutuelles à payer aux parties ci-après désignées, les indemnités suivantes :

* 14 077, 40 euros à Monsieur [I] [L] et Madame [JB] [D] épouse [L] ,

* 12 191, 21 euros à Monsieur [C] [B] et Madame [UB] [R] épouse [B],

* 21 070, 10 euros à Monsieur [P],

* 5 796, 57 euros à Madame [KZ] [Z], veuve [Y],

* 10 880, 08 euros à Madame [E] [V] [O],

DIT que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter du 11 mars 2009,

ORDONNE la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil,

CONDAMNE in solidum la société [I] [W] et la compagnie MMA IARD Assurances Mutuelles à payer aux parties ci-après désignées, les sommes suivantes sur le fondement de l'article 700 Code de procédure civile :

* 2 000 euros aux époux [L],

* 2 000 euros aux époux [B],

* 2 000 euros à Monsieur [P],

* 2 000 euros à Madame [Y],

* 2 000 euros à Madame [O],

REJETTE les demandes autres plus amples ou contraires,

CONDAMNE in solidum la société [I] [W] et la compagnie MMA IARD Assurances Mutuelles aux dépens de première instance et d'appel,

DIT que les dépens pourront être recouvrés conformément à l'article 699 Code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,

Dominique FENOGLI Jean DUSSARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 09/11073
Date de la décision : 24/11/2010

Références :

Cour d'appel de Paris G2, arrêt n°09/11073 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-11-24;09.11073 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award