Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRÊT DU 24 NOVEMBRE 2010
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/08083
Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Mars 2009 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 06/15659
APPELANT
Monsieur [C] [H]
[Adresse 3]
[Localité 2]
représenté par la SCP KIEFFER-JOLY - BELLICHACH, avoués à la Cour
assisté de Maître EL.KOLLI Azzedine avocat plaidant
selarl COLLARD et associés, barreau de Marseille
INTIMÉE
Société NATEXIS LEASE
venant aux droits de la SOCIÉTÉ DOMI EQUIPEMENT
Service Juridique
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par la SCP BASKAL - CHALUT-NATAL, avoués à la Cour
assistée de Maître DUBEST Fabrice avocat plaidant et associés, toque L15
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Octobre 2010, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Marie Pascale GIROUD présidente chargée d'instruire l'affaire et Madame Dominique SAINT SCHROEDER conseillère
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Pascale GIROUD, Présidente
Madame Agnès MOUILLARD, Conseillère
Mme Dominique SAINT-SCHROEDER, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffière, lors des débats : Mme Marie-Claude GOUGE
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Pascale GIROUD, présidente et par Mme Marie-Claude GOUGE, greffière.
***
Vu le jugement rendu le 17 mars 2009 par le tribunal de grande instance de Paris qui a :
- déclaré irrecevables les demandes de M. [H] et les a rejetées en totalité,
- condamné M.[H] aux dépens et à payer la somme de 3.000 € à la société Natixis lease par application de l'article 700 du code de procédure civile;
Vu l'appel relevé par M. [H] et ses dernières conclusions du 27 septembre 2010 par lesquelles il demande à la cour d'infirmer le jugement et de :
- débouter la société Natix lease de toutes ses demandes,
- dire que la société Domi équipement a perçu la somme de 600.000 francs,
- si la cour estime que la société Domi équipement est propriétaire du catamaran, dire qu'elle n'a pas délivré la chose vendue et que M. [H] n'a pu entrer en possession du bateau achevé,
- si la cour estime que la société Domi équipements n'était plus propriétaire du catamaran juridiquement, dire qu'elle a perçu indûment la somme de 600.000 francs de M. [H] ,
- condamner la société Natexis , venant aux droits de la société Domi équipement à restituer la somme de 91.469,41 € avec intérêts de droit à compter du 10 novembre 1999,
- ordonner la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du code civil,
- condamner la société Natexis à payer la somme de 50.000 €, à titre de dommages-intérêts, et celle de 2.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux dépens de première instance et d'appel;
Vu les dernières conclusions signifiées 13 septembre 2010 par la société Natix lease , venant aux droits de la société Domi équipement qui demande à la cour de :
- à titre principal , au visa de l'article 1351 du code civil et des décisions des juridictions pénales, confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- à titre subsidiaire, au visa des articles 2044 et 2052 du code civil et du protocole d'accord conclu entre les parties, déclarer M. [H] irrecevable en ses demandes, la transaction ayant autorité de la chose jugée entre les parties,
- en tout état de cause, débouter M. [H] de l'ensemble de ses demandes et le condamner à lui payer la somme de 8.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- le condamner aux dépens;
SUR CE LA COUR
Considérant que par acte du 6 juillet 1992, la société Domi équipement a conclu un contrat de crédit-bail avec la Société de développement du tourisme européen, représentée par M. [H], portant sur un catamaran à vision sous-marine, dénommé 'Odyssée III'; que M. [H] s'est porté caution des engagements de la locataire; que la société bailleresse
ayant autorisé la sous-location du catamaran, l'exploitation de celui-ci a été confiée à la société de droit espagnol Vision submarine, administrée par la fille de M. [H];
Considérant que les loyers n'ont plus été payés; que le 11 décembre 1996, M. [I], initialement mandataire de la société Domi équipement pour reprendre le catamaran et le vendre, s'est porté acquéreur de 90 % des parts constituant le capital social de la société Vision submarine; que le 20 janvier 1998, le catamaran a été enregistré en Espagne au nom de la société Vision submarine;
Considérant que 20 mai 1999, un protocole d'accord a été signé entre M [H] et la société Domi équipement qui mentionne que le contrat de crédit-bail a été résilié, que M. [H] a cédé sa participation dans la société Vision submarine à un tiers qui exploite désormais le catamaran sans autorisation de Domi équipement et que M. [H] a fait part de son intérêt pour acquérir le catamaran, ce qui est accepté par Domi équipement dans les conditions suivantes :
'Domi-équipement et M. [H] s'accordent pour fixer la valeur du catamaran à FRF 1.000.000, toutefois, en raison des difficultés que pourrait rencontrer M. [H] pour prendre possession du catamaran, actuellement exploité sans titre par la société Vision submarina, Domi-équipement consent à faire une remise de FRF 400.000 sur le prix de vente.
En conséquence, Domi-équipement consent à vendre, par acte séparé, le catamaran à M. [H] pour un prix de FRF 600.000.............
M. [H] déclare :
- faire son affaire personnelle de la prise de possession du catamaran après l'avoir acquis,
- connaître parfaitement la situation juridique et administrative du catamaran, tant en France qu'aux Canaries, pour avoir fait effectué sous sa responsabilité par sa fille [R] [H] toute formalité pour exploiter le catamaran aux Canaries lorsqu'elle dirigeait la société Vision submarina .
M. [H] s'interdit en conséquence de demander la résolution de la vente pour un quelconque motif et s'interdit d'engager toute action judiciaire vis-à-vis de Domi- équipement en cas de difficulté ou d'impossibilité d'entrer en possession du catamaran.';
Considérant que l'acte de vente du catamaran a été signé le 10 novembre 1999 et M. [H] a payé la somme de 600.000 francs à la société Domi équipement; que M. [H] lui a aussi versé la somme de 150.000 francs pour solder son engagement de caution et obtenir mainlevée de l'hypothèque prise sur sa maison; que par la suite, la société Vision submarine s'est opposée à la remise du catamaran à M. [H] en produisant une facture du 14 mars 1997 établie par la société Domi équipement et portant la mention ' solde du leasing';
Considérant que le 22 mai 2000, M. [H] a déposé plainte avec constitution de partie civile contre la société Domi équipement pour escroquerie; que la procédure pénale s'est achevée par un arrêt du 3 mars 2006, confirmant l'ordonnance de non lieu du 22 juillet 2005;
Considérant que c'est dans ces circonstances que le 20 octobre 2006, M. [H] a assigné la société Natexis lease, venant aux droits de Domi équipement, en restitution de la somme de 600.000 francs, soit 91.469, 41 €; que le tribunal de grande instance de Paris, par le jugement déféré, l'a déclaré irrecevable en sa demande en retenant l'autorité de la chose jugée de l'arrêt de non lieu;
Considérant que M. [H], appelant, fait valoir, sur l'autorité de la chose jugée, d'une part que celle-ci ne s'attache qu'au dispositif de la décision pénale et que le juge d'instruction et la chambre de l'instruction n'ont tranché le litige qu'au regard de l'infraction d'escroquerie en jugeant que l'élément intentionnel faisait défaut, d'autre part que cette autorité ne s'attache qu'aux décisions ayant statué sur le fond;
Que l'appelant fonde sa demande en restitution de la somme de 91.469,41 € sur les dispositions des articles 1235, 1376 et 1378 du code civil; qu'il expose que Domi équipement a reçu la somme provenant de la vente d'un bateau qui n'était pas sa propriété puisque sa facture du 14 mars 1997 adressée à la société Vision submarine a permis à cette dernière, non seulement de percevoir indûment la subvention européenne conditionnée au paiement eu prix, mais également l'inscription définitive du catamaran à son nom et sous pavillon espagnol; qu'il allègue avoir été trompé par la société Domi équipement dont les manoeuvres frauduleuses ont consisté en l'établissement du protocole d'accord et de la vente à son profit alors que le transfert de propriété avait été organisé précédemment, par sa facture du 14 mars 1997 et son paiement démontré par attestation de l'assesseur au Gouvernement espagnol, au profit de la société Vision submarine; qu'il demande à la cour, si elle estime que Domi équipement était toujours propriétaire du catamaran, de juger qu'elle ne lui a pas délivré la chose vendue ou, si elle estime que Domi équipement n'était plus propriétaire du catamaran, de dire qu'elle a perçu indûment le prix de vente;
Considérant que la société Natixs lease (nouvelle dénomination de Natexis lease), venant aux droits de Domi équipement , prétend que la demande de M. [H] est irrecevable comme se heurtant d'abord à l'autorité de la chose jugée attachée aux décisions pénales, puis à celle de la transaction constituée par le protocole d'accord..
Qu'elle soutient, au fond, que M. [V], représentant de Domi équipement lors de la vente intervenue en novembre 1999 n'avait pas connaissance de l'existence de la facture du 14 mars 1997 et n'a pu la dissimuler volontairement à M. [H]; qu'elle allègue que cette facture ne peut constituer un acte translatif de propriété faute de règlement effectif du prix, que l'information a révélé que le catamaran était considéré par les autorités espagnoles comme propriété de Vision submarine en vertu d'actes antérieurs, notamment par l'enregistrement des déclarations de [R] [H], quatre ans auparavant, que lors de ses auditions M. [H] a reconnu qu'il avait connaissance de cet enregistrement au nom de la Vision submarine et que ce n'est pas sur la facture du 14 mars 1997 que la cour d'appel de Santa Cruz s'est fondée pour refuser la restitution du catamaran à M. [H] par arrêt du 20 janvier 2003;
Considérant, cela exposé, que seules les décisions définitives des juridictions pénales statuant au fond sur l'action publique ou civile ont au civil l'autorité de chose jugée; que cette autorité n'appartient pas aux décisions de non lieu qui sont provisoires et révocables en cas de survenance de charges nouvelles;
Considérant qu'il apparaît des pièces versées aux débats :
- que Vision submarine, alors dirigée par la fille de M. [H], a été autorisée à ce que le navire batte provisoirement pavillon espagnol pendant une durée d'un an à compter du 31 août 1992, date de son importation, et soit immatriculé sur le registre de Santa Cruz de Ténériffe; que le 16 février 1998 l'inscription a été établie, à titre définitif, après autorisation par le registre central des navires en date du 20 janvier 1998;
- que le 2 juillet 1993, [R] [H], agissant en qualité d'administratrice de Vision submarine, avait attesté que cette société était propriétaire du catamaran pour l'avoir acquis et sollicité son inscription au registre du commerce de Santa cruz de Teneriffe;
- que lors de son audition dans le cadre de la procédure pénale, M. [H] a déclaré, le 4 novembre 2000, que M. [I] l'avait avisé, de mémoire fin 1997, que pour l'administration espagnole, le propriétaire du bateau 'Odyssée 3" était Vision submarine, mais qu'il avait acquis le bateau parce que, M. [I], dans un rapport du 7 février 1997 adressé à Domi équipement et qu'il lui avait remis peu de temps après, indiquait que Domi équipement restait propriétaire 'de l'ensemble de Vision submarine et du bateau', qu'il savait, lui, que l'administration espagnole avait commis une erreur sur la propriété du bateau et que cette erreur devait être régularisée,
- que la facture établie par Domi équipement le 14 mars 1997 à l'ordre de Vision submarine vise le catamaran, un prix de 84 300 000 pesetas et, sous la rubrique mode de paiement, l'indication : 'pour solde de leasing', sans aucune mention d'un règlement, même partiel,
- qu'au cours de l'enquête pénale, aucun trace du paiement de cette facture n'a été retrouvée
et M. [K], qui était à la date de son établissement directeur général de Domi service, a déclaré qu'il ne s'agissait pas d'une facture de vente, mais d'un document devant permettre à Vision submarine de percevoir une subvention européenne, dont le versement suppose la qualité de propriétaire du bénéficiaire et que, postérieurement, Domi équipement a continué à payer des charges dues pour le catamaran en Espagne;
Considérant, au regard de l'ensemble de ces éléments, que M. [H] ne démontre pas que Domi équipement aurait transféré la propriété du catamaran à Vision submarine et qu'il aurait été trompé par des manoeuvres dolosives de sa part lorsqu'il a procédé à son acquisition; que M. [H] savait que l'administration espagnole considérait que le catamaran était la propriété de Vision submarine; qu'en se portant acquéreur, il a déclaré connaître la situation administrative et juridique du catamaran et a expressément renoncé à toute action en justice à l'encontre de Domi équipement en cas de difficultés ou d'impossibilité d'entrer en possession du catamaran; que dès lors, c'est en vain qu'il fait état de l'arrêt rendu le 20 janvier 2003 par la cour d'appel de Santa Cruz de Teneriffe qui a rejeté son action en revendication contre Vision submarine;
Considérant, en conséquence, que c'est à juste titre que la société Natixis lease oppose l'irrecevabilité des demandes de M. [H] en raison de la transaction intervenue; que la vente du catamaran étant intervenue régulièrement au profit de M. [H], toutes les demandes de celui-ci doivent être rejetées; que le jugement sera confirmé par substitution de motifs;
Considérant, vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, qu'il y a lieu d'allouer une indemnité à la société Natixis lease et de rejeter la demande de M. [H] à ce titre;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement,
Rejette toutes les demandes de M. [H],
Condamne M. [H] à payer la somme de 3.500 € à la société Natixis lease par application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [H] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT