RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 6
ARRET DU 24 Novembre 2010
(n° 17 , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/01945-PMDF
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 Novembre 2008 par le conseil de prud'hommes de PARIS section Activités diverses RG n° 08/04972
APPELANTE
SOCIETE NOUVELLE DU THEATRE MARIGNY
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par Me Jean-philippe HUGOT, avocat au barreau de PARIS, toque : C2501
INTIMÉE
Madame [L] [W]
[Adresse 2]
[Localité 3]
comparant en personne, assistée de Me Charles AMSON, avocat au barreau de PARIS, toque : E0011
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Octobre 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Patrice MORTUREUX DE FAUDOAS, Président, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Patrice MORTUREUX DE FAUDOAS, Président
Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Conseillère
Madame Claudine ROYER, Conseillère
Greffier : Mme Evelyne MUDRY, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Patrice MORTUREUX DE FAUDOAS, Président et par Evelyne MUDRY, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES
Par jugement du 24 novembre 2008 auquel la cour se réfère pour l'exposé des faits, de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Paris a requalifié la demande de Madame [W] en demande de dommages et intérêts au titre des dispositions de l'article 1134 du code civil, et a condamné la société du Théâtre Marigny à payer à Madame [W] la somme de 20.000 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement.
Le Théâtre Marigny a relevé appel de ce jugement par déclaration reçue au greffe de la cour le .16 février 2009.
Vu les conclusions régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 18 octobre 2010 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens et arguments, et par lesquelles le Théâtre Marigny demande à la cour d'infirmer à titre principal la décision entreprise, à titre subsidiaire de débouter madame [W] de ses demandes, à titre infiniment subsidiaire de dire que madame [W] n'a subi aucun préjudice, qu'elle ne rapporte pas la preuve d'un manque à gagner, et en conséquence il sollicite sa condamnation au paiement d'une somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Vu les conclusions régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 18 octobre 2010 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens et arguments et par lesquelles Madame [W] demande à la Cour de confirmer le jugement du conseil des prud'homes de Paris, lui allouer en conséquence la somme de ,19.000 euros au titre de la rémunération pour les 38 représentations de la tournée, 1.900 euros au titre des congés spectacles , 6.990 au titre des sommes qu'elle aurait perçues par les ASSEDIC, 72.000 euros au titre du préjudice professionnel, 5.000 euros au titre du préjudice moral, et 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Pour l'exposé complet des moyens des parties il est expressément référé aux conclusions des parties dans les conditions de l'article L 455 du code de procédure civile.
Le 12 juin 2007, Madame [W] a signé un contrat de travail à durée déterminée avec le théâtre Marigny pour interpréter le rôle d'Elvire dans la pièce Don Juan de Molière mise en scène par [R] [U].
Ce contrat de travail prévoyait qu'elle avait priorité de droit pour une éventuelle tourrnée, et les conditions générales et financières devaient faire l'objet d'un contrat ultérieur avec le ou les producteurs de la tournée.
Le 31 décembre 2007, les représentations au théâtre Marigny étant terminées, le théâtre Marigny décidait de ne pas produire la tournée, et la clause insérée dans le contrat pour les représentation futures n'a pas été exécutée, bien que la tournée ait été organisée au mois de septembre 2008.
Le 29 avril 2008, Madame [W] saisissait le conseil des prud'hommes de Paris sur le fondement des dispositions de l'article 9 de son contrat de travail, et sollicitait l'indemnisation de son préjudice ci dessus rappelé.
A l'audience du 18 octobre 2010 devant la cour d'Appel de Paris, les parties indiquaient qu'elles n'entendaient plaider que sur le fondement des dispositions de l'article 1134 du code civile, à l'exclusion de tout autre fondement juridique, et qu'elles acceptaient en conséquence la requalification opérée par le conseil des prud'hommes.
SUR CE:
Sur l'application des dispositions de l'article 1134 du code civil :
Le contrat de travail initial prévoyait la réalisation de 30 représentations jusqu'au 31 décembre 2007, et garantissait l'engagement de Madame [W] pour une éventuelle tournée, les conditions financières devant être négociées avec le ou les producteurs de la tournée.
Le théâtre Marigny soutient qu'il s'agi de conditions suspensives cumulatives, qui n'ont pas été réalisées, la tournée n'a pas été organisée par le théâtre Marigny, elle n'en est pas le producteur, et dés lors il ne peut être tenu à indemnisation de madame [W] sur le fondement des dispositions de l'article 9 du contrat.
En réponse Madame [W] soutient que la première condition a été réalisée, la tournée a été réalisée.
La deuxième condition est également réalisée, la tournée n'a pas été organisée par le théâtre Marigny mais bien par un autre producteur. Elle conclu que cette circonstance est indifférente, car elle avait été contractuellement prévue. Elle avait priorité de droit, pour le rôle quelque soit le producteur.
Force est de constater que le droit de priorité contractuellement fixé, ne l'a été qu'à la condition que la tournée ait lieu, ce qui est le cas.
Peu importe qu'elle ait été réalisée par le Théâtre Marigny ou par un autre producteur, le droit de priorité devait s'appliquer ' Avec le ou les producteurs de la tournée' et dés lors la condition prétendument suspensives est réalisée.
Il est établi et non contesté que c'est le metteur en scène, Monsieur [U], qui s'est opposé à l'engagement de Madame [W], cette circonstance n'ayant pas été contractuellement prévue et par conséquent totalement étrangère au présent litige.
Il était mentionné en outre que les conditions de l'engagement de l'artiste pour la tournée devait être négociées d'un commun accord et de bonne foi.
Or l'opposition éventuelle du metteur en scène aurait du être contractuellement prévue si cette condition était déterminante, et en l'absence de cette stipulation l'engagement de Madame [W] aurait du être effectif.
Des solutions ont été recherchées afin d'engager madame [W] dans d'autres spectacles afin de compenser son manque à gagner et c'est fort légitimement qu'elle a pu apprécier que ces rôles qui lui étaient proposés ne lui convenaient pas, et il convient de s'en tenir aux seules obligations contractuellement fixées pour apprécier le préjudice subi.
Sur le préjudice :
L'inexécution d'une obligation contractuellement prévue se résout en dommages et intérêts dans les conditions prévues aux dispositions de l'article 1147 du code civil.
La bonne foi doit également être appréciée, et les dommages et intérêts dûs au créancier sont en général ,de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé, et ce sur le fondement des dispositions de l'article 1149 du code civil.
C'est au regard de ces principes, des pièces et des arguments des parties, qu'il convient de fixer le préjudice de madame [W];
Il est établi que l'actrice qui a remplacé Madame [W] au cours de la tournée a perçu pour chaque représentation la somme de 500 euros brut par représentation, augmentée d'un cachet de représentation de 67,50 euros brut, des indemnité de déplacement de 80 euros pour les représentation en France, et 110 euros pour celles réalisées à l'étranger.
Il ne peut être pris en compte pour l'appréciation du préjudice que les cachets par représentation, à l'exception de toutes autres rémunérations et par conséquent il sera alloué à madame [W] la somme de 19.000 euros.
Il convient d'apprécier la situation au regard du statut particulier des intermittents du spectacle, qui doivent effectuer un certain nombre d'heures annuellement afin de pouvoir bénéficier des prestations des ASSEDIC.
En l'état des pièces versées et des calculs opérés par la requérante, il ne peut être utilement statué, faute par elle d'établir les éléments permettant d'évaluer son préjudice .
Ce qui est établi c'est que madame [W] est restée au chômage pendant 247 jours au cours de l'année 2008 comme en atteste le pôle emploi.
Il existe un préjudice professionnel caractérisé par le fait que son nom a été maintenu sur les publicités de la tournée, et c'est fort justement que la requérante soutient que sa participation à la tournée avait été dés l'origine prévue, et que les publicités pour la tournée avaient été déjà commercialisées.
Les critiques ont pu légitimement porter un regard négatif sur les prestations de sa remplaçante alors qu'ils n'avaient pas été informés de cette substitution, au regard du dossier de presse qui leur a été remis.
Ce défaut d'information de la substitution opérée a occasionné un préjudice supplémentaire à madame [W], et plusieurs articles de presse produits aux débats relatifs aux prestations de sa remplaçante établissent la réalisé de son préjudice.
L'ensemble de ces postes de préjudices ont été évalués par madame [W] en sus du manque à gagner à la somme de 72.000 euros.
Si le manque à gagner reste un préjudice réel et chiffrable, l'utilisation du nom ne peut faire l'objet que d'une réparation au titre du préjudice moral, et ne peut constituer à lui seul un chef de préjudice distinct susceptible d'une évaluation.
Le préjudice moral causé à Madame [W] est réel. Il est établi par le fait qu'elle a du attendre plus de six mois avant d'être fixée sur son éventuelle participation aux 38 représentations de la tournée. Il est évident qu'elle n'ai pu accepter d'autres engagements qui lui auraient interdit de réalise la tournée. Il est également établi qu'elle a reçu des propositions de contrats qu'elle a refusées.
Son nom a été utilisé sans son consentement, des critiques ont été émises sur le rôle alors qu'elle ne l'assumait pas, ce qui a pu entacher sa réputation.
Cette situation n'a été possible qu'en raison de la rédaction du contrat, du fait que le metteur en scène a refusé le rôle d'Elvire pour les 38 représentations, et il convient de lui allouer en sus du manque à gagner la somme de 5.000 euros.
Sur les autres demandes :
Aucune autres demandes liées au contrat de travail ne sont recevables les parties ayant accepté la décision du conseil des prud'hommes. Les demandes afférentes aux congés spectacles, seront en conséquence rejetées.
Sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile :
Il serait inéquitable de laisser à la charge de madame [W] la totalité des sommes qu'elle a du engager afin de faire assurer sa défense et sa représentation en justice et il convient de lui allouer à ce titre la somme de 3.000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Après en avoir délibéré et statuant publiquement et contradictoirement
Confirme la décision entreprise en ce qu'elle a requalifié la demande des Madame [W] en une demande de dommages et intérêts sur le fondement de dispositions de l'article 1134 du code civil, et l'infirme pour le surplus:
Condamne le Théâtre Marigny à payer à madame [W] la somme de 24.000 euros.
Dit que cette somme sera productive d'intérêts de droit à compter du présent arrêt.
Condamne le théâtre le Marigny à payer à Madame [W] la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Condamne le théâtre Marigny aux entiers dépens.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,