RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRÊT DU 24 Novembre 2010
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/06948
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 Janvier 2008 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - Section Encadrement - RG n° 06/13409
APPELANTE
Madame [U], [P] [B]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Sylvie COVILLE LOCATELLI, avocate au barreau de PARIS, D 1068
INTIMÉE
Société TELEPERFORMANCE CENTRE EST venant aux droits de la Société TELEPERFORMANCE FRANCE
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Me Mickaël VALETTE, avocat au barreau de PARIS, P0584 substitué par Me Aurélie DA SILVA BARBOSA, avocate au barreau de PARIS, P0584
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Octobre 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Geneviève LAMBLING, Présidente, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Geneviève LAMBLING, Présidente
Madame Anne DESMURE, Conseillère
Monsieur Benoît HOLLEAUX, Conseiller
GREFFIÈRE : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.
- signé par Madame Geneviève LAMBLING, Présidente et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Mme [U] [B] a été engagée par la société Téléperformance France aux droits de laquelle vient la société Téléperformance Centre Est, suivant contrat à durée indéterminée du 21 février 2001, en tant que responsable Business Unit Formation.
Elle a été placée en arrêt de travail pour maladie à compter du 29 octobre 2002.
A l'issue de la première visite du 11 juillet 2006, le médecin du travail à émis l'avis suivant ' Contre-indication à son poste de travail. Reclassement professionnel demandé. À revoir dans 15 jours ».
Mme [U] [B] a été déclarée inapte à tous postes dans l'entreprise lors de la seconde visite médicale du 25 juillet 2006.
La société Téléperformance France l'a informée par courrier du 27 juillet 2006 de l'impossibilité de la reclasser au sein de l'entreprise, convoqué un entretien préalable qui devait avoir lieu le 23 août 2006 et auquel la salariée ne s'est pas présentée, et l'a licenciée par lettre recommandée du 4 septembre 2006 pour impossibilité de reclassement à la suite son inaptitude constatée par le médecin du travail.
Contestant son licenciement et l'exécution de son contrat de travail, Mme [U] [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris, par jugement du 3 janvier 2008, a :
- condamné la société Téléperformance France à lui payer les sommes de 4217 euros à titre de rappel de congés payés, avec intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté Mme [U] [B] du surplus de ses demandes.
Régulièrement appelante, Mme [U] [B] demande à la Cour, dans ses conclusions déposées et soutenues lors de l'audience du 18 octobre 2010, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, d'infirmer cette décision et, statuant à nouveau, de juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner la société Téléperformance France à lui régler les sommes de :
3146,34 euros au titre du 13e mois,
9445,02 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
944,50 euros, montant des congés payés incidents,
5394,94 euros, au titre de l'indemnité légale de licenciement,
16 060, 42 euros à titre de rappel de congés payés,
31 483,40 euros sur le fondement de l'article 1235-3 du code du travail
2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
À titre subsidiaire, elle requiert la Cour, dans l'hypothèse où elle estimerait son licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, de condamner l'intimée à lui verser la somme de 31'483, 40 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de faire connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement.
La société Téléperformance Centre Est, venant aux droits de la société Téléperformance France, dans ses écritures soutenues dans les mêmes conditions auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, conclut au débouté et à la confirmation de la décision entreprise en ce qu'elle a considéré fondé le licenciement de la salariée.
Elle forme appel incident pour voir infirmer la décision déférée quant à la condamnation prononcée au titre des rappels de congés payés et requiert la cour de débouter Mme [U] [B] de ses demandes à ce titre.
Elle sollicite une indemnité de procédure de 3 000 euros.
MOTIFS
Sur la rupture du contrat de travail
Selon l'article L 1226-2 du code du travail, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutif à une maladie ou un accident non professionnels, si le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutation ou transformation de postes de travail.
La société Téléperformance Centre Est expose qu'à la suite de la première visite de reprise du 11 juillet 2006, elle a informé le 20 juillet suivant la salariée de ce qu'elle recherchait un poste de reclassement conformément aux prescriptions du médecin du travail et avisé ce dernier le même jour que des recherches de poste de reclassement correspondant à l'état de santé de Mme [U] [B] étaient en cours.
Elle ajoute qu'elle a, dès le 21 juillet 2006, adressé un message électronique à l'ensemble de ses centres et de ses filiales pour savoir s'ils disposaient de poste de reclassement, que les filiales ont engagé le même jour des recherches à cette fin, qu'à la suite de la seconde visite de reprise le 25 juillet 2006, elle a envoyé un nouveau courriel à l'ensemble de ses filiales afin de les informer de l'avis d'inaptitude émis et de leur demander de lui 'confirmer les éventuels emplois disponibles correspondant aux prescriptions médicales'.
Par courrier du 27 juillet 2006, elle a précisé à Mme [U] [B] les recherches ainsi effectuées, le fait que certains centres n'avaient pas à cette date de postes disponibles mais qu'elle continuait ses recherches, avant de la licencier, après l'avoir convoqué à un entretien préalable, par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 septembre 2006.
Cependant, comme l'invoque Mme [U] [B], quelles que soient les démarches ayant pu être effectuées auparavant, seules les recherches de reclassement compatibles avec les conclusions du médecin du travail émises au cours de la dernière visite de reprise peuvent être prises en considération pour apprécier si l'employeur a respecté l'obligation de reclassement mise à sa charge par l'article 1226-2 du code du travail ci-dessus rappelé.
Or, la société intimée ne justifie d'aucune recherche de reclassement postérieure à sa lettre du 27 juillet 2006 l'informant d'ores et déjà des recherches négatives effectuées, étant observé que cette lettre a été écrite deux jours après l'avis d'inaptitude à tous postes dans l'entreprise émis par le médecin du travail le 25 juillet précédent.
Elle a ainsi failli à son obligation de recherche effective de reclassement, ce qui rend le licenciement de l'appelante sans cause réelle et sérieuse, le jugement entrepris étant en conséquence infirmé de ce chef.
Sur les conséquences
*sur l'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés incidents
Mme [U] [B] sollicite de ce chef les sommes de 9 445,02 euros soit trois mois de salaire et 944,50 euros.
C'est en vain que l'employeur s'y oppose en arguant du caractère non professionnel de l'inaptitude de la salariée.
En effet, le licenciement étant jugé sans cause réelle et sérieuse, l'inexécution du préavis est imputable à l'employeur qui sera condamné à lui payer de ces chefs les sommes de 9 445,02 euros et 944,50 euros.
*sur le 13 ème mois
Mme [U] [B] sera déboutée de sa demande de ce chef qui n'est étayée par aucune pièce.
* sur l'indemnité légale de licenciement
L'appelante est fondée à solliciter la somme de 5 394,14 euros soit 3/10 ème de mois de salaire par année d'ancienneté entre zéro et cinq ans et 4/10 ème par mois par année d'ancienneté ensuite.
* sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Mme [U] [B] sollicite une indemnité de 31 483,40 euros sur le fondement de l'article 1235-3 du code du travail correspondant à dix mois de salaire.
Conformément aux dispositions de l'article 1235-3 du code du travail, puisqu'elle a plus de deux ans d'ancienneté dans une entreprise employant plus de dix salariés, elle peut obtenir ter une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Elle ne donne aucun élément sur sa situation postérieure à son licenciement.
Prenant en considération son ancienneté (5 ans et 6 mois), son âge (39 ans) au moment de son licenciement, une somme de 18 890 euros à titre de dommages-intérêts correspondant à six mois de salaire lui sera allouée, somme portant intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
* sur les congés payés
Au soutien de son appel de ce chef, Mme [U] [B] expose que les congés payés acquis antérieurement aux arrêts de travail pour maladie doivent lui être réglés et qu'aux termes de la jurisprudence de la CJCE du 20 janvier 2009 et de la Cour de Cassation, l'ouverture du droit à congés payés annuels ne doit pas être subordonnée à une quelconque condition, notamment l'accomplissement d'une durée minimale de travail effectif.
Elle ajoute avoir acquis de 2002 à 2006 124,51 jours de congés payés et que l'intimée lui doit la somme de 16 060,42 euros, sur la base d'un salaire moyen mensuel de 3 148,34 euros.
La société Téléperformance Centre Est réplique que l'appelante opère une confusion entre l'ouverture du droit à congés payés et l'exercice de ce droit.
Comme elle le rappelle, l'article L 3141-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi du 20 août 2008 applicable en la cause, précisait que 'le travailleur qui, au cours de l'année de référence, justifie avoir été occupé chez le même employeur pendant un temps équivalent à un minimum d'un mois effectif a droit à un congé dont la durée est déterminée à raison de deux jours et demi ouvrables par mois de travail sans que la durée totale du travail exigible puisse excéder trente jours ouvrables'.
Ainsi, pour la période de référence allant du 1er juin 2002 au 31 mai 2003, Mme [U] [B] qui a été en arrêt maladie à compter du 29 octobre 2002, a acquis 15 jours de congés payés (6 mois x 2,5).
S'agissant des périodes de référence à compter du 1er juin 2003 et jusqu'à l'expiration du délai de préavis de trois mois suivant son licenciement, Mme [U] [B] a toujours été en arrêt maladie ininterrompu.
C'est en vain que l'intimée en déduit que la salariée n'a acquis aucun droit à congés payés.
En effet, après l'article 17.1 'Congés payés' de la convention collective nationale des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire étendue par arrêté du 23 février 2000, substituée à la convention Syntec à compter du 1er janvier 2004, qui rappelle que 'le salarié qui, au cours de l'année de référence, justifie avoir été occupé chez le même employeur pendant un temps équivalent à un minimum d'un mois de travail effectif au sens de l'article L 223-4 du code du travail a droit à un congé dont la durée est déterminée à raison de 2 jours et demi ouvrables par mois de travail effectif sans que la durée totale du congé puisse excéder 30 jours ouvrables', l'article 17.1.1, intitulée 'Période de référence' énonce que:
'Elle court du 1er juin de l'année précédente au 31 mai de l'année en cours.
Sont notamment assimilés, sous réserve des dispositions légales, à des périodes de travail effectif ouvrant droit aux congés payés....
-les périodes de maladie supérieures à 3 mois consécutifs dans la période de référence...'.
L'appelante a ainsi acquis des congés payés sur cette période à raison de 30 jours par an du 1er juin 2003 au 31 mai 2006 et de 15 jours à compter du 1er juin 2006 soit 105 jours qui s'ajoutent aux 15 jours acquis sur la période de référence allant du 1er juin 2002 au 31 mai 2003, représentant 120 jours (15 jours + 30 jours + 30 jours + 30 jours + 15 jours)
Elle est fondée à solliciter, puisqu'elle s'est trouvée dans l'impossibilité de prendre ses congés annuels acquis au cours de la totalité de cette période en raison de son absence liée à sa maladie, une indemnité compensatrice calculée, comme elle le sollicite, selon la règle du maintien de salaire plus favorable soit 15 477, 60 euros ( 128,98 euros par jour x 120 jours).
La société intimée sera, en conséquence, condamnée à lui payer de ce chef la somme de
15 477,60 euros et le jugement entrepris également infirmé sur ce point.
Sur le remboursement des indemnités de chômage aux organismes concernés
En application de l'article L 1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner le remboursement par la société intimée aux organismes concernés, parties au litige par l'effet de la loi, des indemnités de chômage qu'ils ont versées à l'appelante,à concurrence de quatre mois.
Sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
L'équité appelle d'allouer à Mme [U] [B] la somme complémentaire de 2 000 euros sollicitée et de débouter la société intimée de ce même chef.
Les dépens d'appel seront laissés à la charge de la société Téléperformance Centre Est venant aux droits de la société Téléperformance France.
PAR CES MOTIFS
CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire de Mme [U] [B] à la somme de 3 148,34 euros, débouté Mme [U] [B] de sa demande en paiement de la prime de 13 ème mois et condamné la société Téléperformance France, aux droits de laquelle vient la société Téléperformance Centre Est, à payer à Mme [U] [B] la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
L'INFIRME pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
DIT sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Mme [U] [B],
CONDAMNE la société Téléperformance Centre Est venant aux droits de la société Téléperformance France, à payer à Mme [U] [B] les sommes de :
9 445,02 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 944,50 euros, au titre des congés payés incidents,
5 394,14 euros, montant de l'indemnité légale de licenciement,
15 477, 60 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés acquis,
18 890 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1235-3 du code du travail,
2 000 euros complémentaire en application de l'article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE la société Téléperformance Centre Est venant aux droits de la société Téléperformance France de sa demande d'indemnité de procédure et la condamne aux dépens d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE