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23/11/2010 | FRANCE | N°09/09533

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 23 novembre 2010, 09/09533


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRÊT DU 23 novembre 2010



(n° 9 , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/09533



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 31 août 2007 par le conseil de prud'hommes de Paris section encadrement RG n° 05/05014





APPELANTE



Mme [K] [I]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Alain MILA, avocat au barreau

de TOULOUSE, substitué par

Me Clémence AGUIE, avocate au barreau de PARIS, toque : P 505







INTIMÉE



SA DIAMIS

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Céline VERDIER (cabinet J. BARTH...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRÊT DU 23 novembre 2010

(n° 9 , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/09533

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 31 août 2007 par le conseil de prud'hommes de Paris section encadrement RG n° 05/05014

APPELANTE

Mme [K] [I]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Alain MILA, avocat au barreau de TOULOUSE, substitué par

Me Clémence AGUIE, avocate au barreau de PARIS, toque : P 505

INTIMÉE

SA DIAMIS

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Céline VERDIER (cabinet J. BARTHÉLÉMY ET ASSOCIES), avocate au barreau de PARIS, toque : L 0097

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 11 mai 2010, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Elisabeth PANTHOU-RENARD, présidente

Madame Michèle MARTINEZ, conseillère

Madame Marthe-Elisabeth OPPELT-REVENEAU, conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Monsieur Eddy VITALIS, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Elisabeth PANTHOU-RENARD, présidente, et par M. Eddy VITALIS, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure

Mme [K] [I] a été embauchée à compter du 16 octobre 2000 en qualité d'ingénieur d'études, statut cadre, position 1.2, coefficient 95, moyennant un salaire mensuel brut de 2 345,43 euros, par la société Diamis ayant une activité de conseil, de formation et d'assistance fonctionnelle et technique dans le domaine de la banque et des institutions bancaires.

En mai 2001, Mme [I] a été promue au poste d'ingénieur études et développement, position 2.1, coefficient 115 avec un salaire mensuel brut de 2 637,37 euros.

Début 2002, Mme [I] a suivi une formation dans le domaine de la qualité auprès de l'école IMQ. A l'issue de cette formation, elle a été nommée 'consultante méthode et qualité'.

A partir de juillet 2002, Mme [I] a été titulaire de mandats de représentant du personnel et de mandats syndicaux CGT.

En dernier lieu son salaire mensuel brut s'élève à 2 757,77 euros.

L'entreprise occupe à titre habituel au moins onze salariés et la convention collective des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs-conseil et sociétés de conseil régit les relations de travail.

Le 26 avril 2005, Mme [I], contestant sa classification et soutenant qu'elle était victime de discrimination en raison de son appartenance syndicale et de harcèlement moral, a saisi le conseil de prud'hommes de Paris.

Mme [I] a été en arrêt de travail continu pour maladie à partir du 19 janvier 2007.

Les demandes de Mme [I] tendaient en dernier lieu à sa reclassification, au paiement d'un rappel de salaire, de primes et de retraite, de dommages et intérêts pour le préjudice subi en raison d'un délit de marchandage, de dommages et intérêts pour discrimination syndicale, délit d'entrave et harcèlement moral, de dommages et intérêts pour non-respect de la loi 91-32 du 10 janvier 1991 et du décret 92-478 du 29 mai 1992 et violation de l'obligation de résultat, d'heures supplémentaires pour les années 2001, 2004 et 2005, de primes de vacances, d'un complément de salaire intégral 2006/2007, de frais et intérêts de retard, au crédit de 21 jours de congés, au remboursement de frais bancaires et de titres de transport pour 2006 et 2007, à la prise en compte de son statut de travailleur handicapé, à la remise sous astreinte d'un contrat de travail et de bulletins de salaire, au paiement d'une allocation de procédure et à la publication du jugement.

Par jugement du 31 août 2007, le conseil de prud'hommes statuant en formation de départage a :

- condamné la société Diamis à payer à Mme [I] la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination en raison de l'exercice d'un mandat électif mais uniquement en ce qui concerne les mentions portées sur l'évaluation du 10 novembre 2005,

- débouté Mme [I] du surplus de ses demandes.

Mme [I] a fait appel. Modifiant partiellement ses demandes de première instance, elle demande à la cour d'infirmer le jugement et de condamner la société Diamis a :

- la repositionner à la classification 3.2, coefficient 210, catégorie QM7 à compter de juillet 2003,

- lui remettre sous astreinte des bulletins de paie conformes mentionnant la qualification d'ingénieur consultant à la place d'ingénieur études et développement,

- lui payer 411 565 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice causé par la discrimination,

- la reconstitution de l'épargne salariale, intéressement et participation dus,

- lui payer 60 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- la prise en compte de son statut de travailleur handicapé,

- lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Diamis conclut à l'infirmation partielle du jugement, à l'entier débouté de Mme [I] et sollicite 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier le 25 mai 2010, reprises et complétées lors de l'audience.

Motifs de la décision

Sur la clôture des débats

Il résulte de l'article 445 du Code de procédure civile, qu'après la clôture des débats, les parties ne peuvent faire parvenir à la juridiction aucune note en délibéré si ce n'est à la demande du président.

En l'espèce, il n'a pas été demandé aux parties de note en délibéré lors de l'audience des débats.

Dès lors, les courriers reçus de Mme [I] en cours de délibéré ne peuvent être pris en considération.

Sur la discrimination et la classification

Mme [I] soutient qu'elle a été victime d'une stagnation dans l'évolution de sa carrière en raison de ses responsabilités syndicales et que sa classification ne correspond donc pas à ce qu'elle devrait être. Elle demande en conséquence le rétablissement de sa carrière et de sa classification et des dommages et intérêts pour les pertes et préjudices occasionnés par cette situation.

L'article L.2141-5 du Code du travail interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.

Aux termes de l'article L.1132-1 du même code, aucun salarié ne peut faire l'objet d'une discrimination directe ou indirecte en raison de ses activités syndicales.

Selon l'article L.1134-1 du Code du travail, en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, au vu de desquels, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

A l'appui de ses affirmations, Mme [I] invoque :

- son maintien dans la même classification avec pratiquement le même salaire depuis sa seule promotion en mai 2001, soit depuis neuf ans, alors qu'en raison de sa formation, de ses diplômes et de l'expérience acquise, elle devrait être classée depuis juillet 2003 au moins en position 3.2, coefficient 210 de la grille de classification conventionnelle et catégorie QM7 management qualité de la grille interne de classification de la société (1),

- son retrait de la mission au ministère des finances, dans le cadre du projet Copernic, lorsque la société Diamis a porté à la connaissance des chefs de projet qu'elle était syndicaliste CGT (2),

- son cantonnement à partir de 2003 et jusqu'en septembre 2004 à des tâches ponctuelles en interne hors de tout projet et sans qu'il lui soit proposé des missions externes en relation avec ses compétences (3),

- le fait qu'alors qu'elle était 'vendue' au client à un prix de journée supérieur à ceux des autres intervenants (jusqu'à 1 220euros par jour), elle percevait un salaire moindre (4),

- le fait que des salariés ayant des postes similaires au sien mais avec des niveaux d'études et une expérience moindres soient mieux rémunérés qu'elle (5).

(1) Il appartient au salarié qui se prévaut d'une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu'il assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu'il revendique.

En l'absence de nouveaux moyens et de nouvelles pièces, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte, que le premier juge, se référant aux définitions conventionnelles et internes et les comparant avec les tâches que la salariée démontrait accomplir à titre habituel, a rejeté la demande de Mme [I] tendant à se voir reclassifiée en position 3.2, coefficient 210 de la grille de classification conventionnelle et catégorie QM7 management qualité de la grille interne de classification de la société, étant précisé que ces motifs demeurent d'actualité qu'on se place au mois d'avril 2001, comme la salariée le faisait devant le conseil de prud'hommes, ou en juillet 2003, comme elle le fait devant la cour.

(2) En l'absence de nouveaux moyens et de nouvelles pièces, c'est par de justes motifs , que la cour adopte, que le premier juge, au vu des pièces produites, a dit qu'il n'était établi ni que l'éviction de la salariée du projet Copernic était due à la révélation de son statut d'élue du personnel, ni que l'employeur avait agi de façon intentionnelle à ce sujet.

(4) Mme [I] ne fournissant aucun élément probant à cet égard, n'établit matériellement ni que ses prestations étaient facturées aux clients au prix qu'elle indique, ni que ce prix était supérieur à celui facturé pour les autres intervenants aux projets.

(5) Le premier juge, dans ses motifs relatifs à l'égalité de traitement, a procédé à un examen comparatif de la situation de Mme [I] avec celles des salariés auxquels elle se réfère et a constaté, d'une part que Mme [I] était rémunérée à un niveau supérieur ou égal à la majorité des salariés ingénieurs d'études et développement, et d'autre part, que pour les salariés cités ayant une rémunération supérieure, celle-ci était justifiée notamment par des fonctions différentes ([X]) ou par des compétences et une expérience plus adaptées aux besoins de l'entreprise, spécialement en informatique ([C], [T], [S]). En l'absence de nouveaux moyens et de nouvelles pièces, les motifs du jugement à cet égard sont appropriés et seront adoptés par la cour.

(3) La société Diamis indique elle-même qu'en 2003 et jusqu'en octobre 2004, la salariée a été affectée à des missions en interne. Toutefois, cette seule circonstance, que l'employeur explique par le fait qu'il y avait moins de missions faisant appel à du contrôle qualité et, alors que, postérieurement, des missions externes ont été confiées à Mme [I], ne suffit pas pour laisser supposer l'existence d'une discrimination à son encontre.

La société Diamis ne remet pas en cause la condamnation prononcée contre elle par le conseil de prud'hommes au titre d'une mention discriminante sur le compte-rendu annuel d'évaluation de novembre 2005.

Le jugement sera par conséquent confirmé dans ses dispositions relatives à la classification, à la discrimination en raison de l'appartenance syndicale et aux demandes subséquentes et les prétentions de ces chefs seront rejetées en ce qu'elles sont nouvelles en cause d'appel

Sur le harcèlement moral

Aux termes des articles L.1152-1 et L.1152-2 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L.1154-1 du même code, en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Mme [I] invoque :

- le refus de l'employeur d'adapter son poste de travail à ses besoins compte tenu de sa santé,

- le refus de l'employeur de prendre en compte son statut de travailleur handicapé, en refusant la laisser effectuer les périodes d'inter-contrats à son domicile et en l'affectant à des missions géographiquement éloignées,

- des atteintes à sa dignité :

- comportements humiliants et vexatoires de sa hiérarchie à son encontre,

- contrôle tatillon et quotidien de son activité professionnelle,

- négation constante de sa valeur professionnelle,

- versement de salaires amputés,

- des entraves multiples à l'exercice de ses mandats,

- un retentissement considérable sur sa santé, sur ses conditions de travail et son avenir professionnel.

Le premier juge a fait de l'ensemble de ces points un examen particulièrement sérieux et pertinent et c'est par des moyens appropriés, que la cour adopte, qu'il a dit que les griefs invoqués par la salariée, soit n'étaient pas établis, soit n'étaient pas de nature à laisser supposer un harcèlement à son égard, de sorte qu'il a rejeté les demandes à ce titre, étant ajouté que, les attestations produites ne font pas état de faits précis directement constatés par leur signataires et que les documents médicaux fournis, s'ils démontrent la réalité des problèmes de santé allégués, sont en revanche insuffisants pour établir ou même laisser supposer l'origine de ces difficultés, le médecin n'étant pas témoin direct des conditions de travail de son patient et ne pouvant à cet égard que rapporter les propos et doléances de celui-ci.

Le jugement sera dès lors confirmé en ce qu'il a débouté Mme [I] de ses demandes relatives au harcèlement moral.

Sur les frais irrépétibles

Les conditions d'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile étaient réunies en première instance ; le jugement sera confirmé à cet égard. Elles ne le sont pas en cause d'appel ; les demandes formées à ce titre devant la cour seront rejetées.

Par ces motifs

La cour

Ecarte des débats les courriers et pièces reçus de Mme [I] en cours de délibéré ;

Confirme le jugement déféré ;

Ajoutant,

Déboute Mme [I] de ses demandes nouvelles en cause d'appel ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ;

Laisse à la charge de chacune des parties les dépens par elle exposés en cause d'appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 09/09533
Date de la décision : 23/11/2010

Références :

Cour d'appel de Paris K3, arrêt n°09/09533 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-11-23;09.09533 ?
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