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18/11/2010 | FRANCE | N°09/03843

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 2, 18 novembre 2010, 09/03843


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2



ARRET DU 18 Novembre 2010



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/03843



Décision déférée à la Cour : Arrêt rendu le 21 janvier 2010 par cette chambre sur appel d'un jugement rendu le 27 Octobre 2008 par le conseil de prud'hommes de BOBIGNY - RG n° 07/01647





DEMANDEUR AU CONTREDIT

Monsieur [N] [B]

[Adresse 8]

[Localité 5] (BELGI

QUE)

comparant en personne, assisté de Me Lionel PARIENTE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0372





DÉFENDEURS AU CONTREDIT

CITYJET LTD (société de droit irlandais)

[Ad...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2

ARRET DU 18 Novembre 2010

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/03843

Décision déférée à la Cour : Arrêt rendu le 21 janvier 2010 par cette chambre sur appel d'un jugement rendu le 27 Octobre 2008 par le conseil de prud'hommes de BOBIGNY - RG n° 07/01647

DEMANDEUR AU CONTREDIT

Monsieur [N] [B]

[Adresse 8]

[Localité 5] (BELGIQUE)

comparant en personne, assisté de Me Lionel PARIENTE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0372

DÉFENDEURS AU CONTREDIT

CITYJET LTD (société de droit irlandais)

[Adresse 10]

[Adresse 10][Localité 7] (EIRE)

représentée par Me Stéphane BLOCH, avocat au barreau de PARIS, toque : K110, substitué par Me Abiramy RAJKUMAR, avocat au barreau de PARIS, toque : K110

CITYJET LTD

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Stéphane BLOCH, avocat au barreau de PARIS, toque : K110, substitué par Me Abiramy RAJKUMAR, avocat au barreau de PARIS, toque : K110

SA AIR FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Aurélien BOULANGER, avocat au barreau de PARIS, toque : T03

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 octobre 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Martine CANTAT, Conseiller, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Catherine TAILLANDIER, Président

Madame Catherine BEZIO, Conseiller

Madame Martine CANTAT, Conseiller

GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par Madame Catherine TAILLANDIER, Président

- signé par Madame Catherine TAILLANDIER, Président et par Madame FOULON, Greffier présent lors du prononcé.

*********

Vu l'arrêt de cette chambre, en date du 21 janvier 2010, qui statuant sur le contredit de compétence formé par Monsieur [N] [B] à l'encontre d'un jugement du conseil de prud'hommes de Bobigny du 27 octobre 2008, par lequel celui-ci s'était déclaré incompétent pour connaître du litige l'opposant à la société de droit irlandais CITYJET LTD et à la SA AIR France, a accueilli le contredit, a dit le conseil de prud'hommes de Bobigny compétent et, évoquant le litige, a renvoyé les parties à l'une de ses audiences pour plaider sur le fond ;

Vu les dernières écritures et observations orales à la barre, en date du 6 octobre 2010, de Monsieur [N] [B] qui demande à la Cour de :

-dire que la prolongation de la période d'essai notifiée le 5 juillet 2006 ne lui étant pas opposable il a été engagé de façon définitive le 9 juillet 2006

-dire que la rupture du contrat à durée déterminée est intervenue le 12 septembre 2006 en violation des dispositions du code du travail qui limitent la durée des contrats à durée déterminée à 18 mois (articles L.1242-8 et L.1243-13)

-dire qu'il peut solliciter des dommages et intérêts en réparation de la violation des dispositions de l'article L.8231-1 du code du travail

-requalifier le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée

-condamner la société CITYJET LTD au paiement des sommes suivantes':

-un mois de salaire à titre d'indemnité de requalification (page 8 des conclusions)

-2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement

-2.000 euros nets à titre d'indemnité compensatrice de préavis

-200 euros au titre des congés payés y afférents

-70.000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive

-condamner la société CITYJET LTD et la SA AIR FRANCE au paiement des sommes suivantes':

-50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour prêt illicite de main d''uvre

-2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'instance comprenant les frais d'exécution de la décision à intervenir en France et en Irlande';

Vu les dernières écritures et observations orales à la barre, en date du 6 octobre 2010, de la société CITYJET LTD qui demande à la Cour'de :

-à titre principal,

-dire que la loi irlandaise est applicable au litige

-constater que Monsieur [N] [B] ne démontre pas que la rupture de la relation contractuelle méconnaît le droit du travail irlandais

-débouter Monsieur [N] [B] de l'ensemble de ses demandes dirigées contre la société CITYJET LTD

-débouter Monsieur [N] [B] de ses demandes dirigées contre la société CITYJET LTD et la SA AIR FRANCE au titre d'un prétendu prêt de main d''uvre illicite et/ou travail dissimulé

-condamner Monsieur [N] [B] au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

-à titre subsidiaire,

-dire que les conditions de recrutement puis d'interruption de la période d'essai ne méconnaissent pas de façon substantielle le droit du travail français

-débouter Monsieur [N] [B] de ses demandes par application du droit français

-ramener à de plus justes proportions les éventuelles réparations financières';

Vu les observations orales à la barre, en date du 6 octobre 2010, de la SA AIR FRANCE, qui demande à la Cour de':

-dire que la loi applicable est la loi irlandaise expressément prévue par les parties

-débouter Monsieur [N] [B] de ses demandes dirigées contre la SA AIR FRANCE

-condamner Monsieur [N] [B] au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens';

SUR CE, LA COUR

FAITS ET PROCÉDURE

Considérant que Monsieur [N] [B], de nationalité belge, a été engagé en qualité de personnel naviguant commercial, par contrat à durée déterminée d'une durée de quatre semaines, à compter du 9 janvier 2006, par la société de droit irlandais CITYJET LTD, qui a son siège à [Localité 7], est une filiale à 100% de la SA AIR FRANCE et assure, depuis l'aéroport de [6], des vols affrétés par AIR FRANCE'; que le contrat de travail entièrement rédigé en anglais a été soumis par les parties à la législation irlandaise';

Que la relation contractuelle s'est poursuivie en un nouveau contrat à durée déterminée, d'une durée de trois ans allant du 9 janvier 2006 au 8 janvier 2009, assorti d'une période d'essai de six mois,'renouvelable une fois dans la limite de douze mois ;

Que, le 5 juillet 2006, la société CITYJET LTD a informé Monsieur [N] [B] de la prolongation de sa période d'essai jusqu'au 8 octobre 2006, ce dernier ne signant pas le document qui lui était soumis pour accepter cette prolongation';

Que, le 12 septembre 2006, la société CITYJET LTD a mis fin au contrat à durée déterminée en raison du trop grande nombre des absences du salarié et de son insuffisance professionnelle ;

Considérant que Monsieur [N] [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny, le 23 avril 2007, afin d'obtenir diverses sommes liées à la rupture de la relation contractuelle, ainsi que des dommages et intérêts pour prêt illicite de main d''uvre';

Que la Société CITYJET LTD a soulevé, in limine litis, l'incompétence des juridictions françaises, au motif que les demandes relevaient de la compétence des juridictions irlandaises ;

Que le conseil de prud'hommes, par jugement 27 octobre 2008, s'est déclaré territorialement incompétent';

Que Monsieur [N] [B] a formé un contredit de compétence';

Que la Cour d'appel de Paris, par arrêt du 21 janvier 2010, a accueilli le contredit et, évoquant le litige, a renvoyé les parties à l'une de ses audiences pour plaider sur le fond;

Sur le contrat à durée déterminée

Sur la loi applicable

Considérant que les dispositions de l'article 3 § 1 de la Convention de Rome, du 19 juin 1980, relatives à la loi applicable aux obligations contractuelles et à la résolution des conflits de lois relatifs au contrat de travail,'permettent aux parties de choisir la loi devant régir le contrat de travail';

Qu'en l'espèce, les parties pouvaient ainsi choisir la loi irlandaise pour régir le contrat de travail, en raison de la situation du siège social de la société CITYJET LTD à [Localité 7] ;

Considérant que, nonobstant les dispositions de cet article 3 § 1, celles de l'article 6 § 1 de la Convention de Rome précisent que le choix par les parties de la loi applicable au contrat de travail ne peut avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi qui serait applicable à défaut de choix et, qu'à défaut de choix, le contrat de travail est régi par la loi du pays où le travailleur accomplit habituellement son travail, même s'il est détaché à titre temporaire dans un autre pays ;

Qu'en l'espèce, Monsieur [N] [B] a, dès l'origine, été affecté en France où il a exclusivement navigué sur des vols affrétés par AIR FRANCE'en faisant des allers retours entre l'aéroport [6] et diverses villes européennes et'en recevant de l'établissement situé dans les locaux de l'aérogare 2 de cet aéroport, les ordres et instructions pour les prestations qu'il devait effectuer'; qu'il s'est ainsi acquitté, depuis [Localité 9], de l'essentiel de ses obligations à l'égard de son employeur'; que, par ailleurs, il était administrativement rattaché à cet établissement de [Localité 9], qui avait alors, selon le K bis versé aux débats, pour activité «'l'assistance administrative aux personnels de la société passant par la France'» ; qu'il a été convoqué pour l'entretien préalable à la rupture de son contrat dans cet établissement et que son certificat de travail y a été rédigé ; qu'enfin, son salaire était versé sur un compte bancaire ouvert dans une agence située à [Localité 9]';

Qu'ainsi, pendant l'intégralité de la durée de la relation contractuelle, Monsieur [N] [B] a accompli de manière habituelle et stable son travail en France,'en étant rattaché à l'établissement de la société situé à [Localité 9];'

Qu'il résulte de ce qui précède que, si les parties n'avaient pas choisi la loi applicable au contrat de travail, celui-ci aurait été régi par la loi française'; que Monsieur [N] [B] peut, dès lors, solliciter l'application des dispositions impératives de la loi française auxquelles celle-ci ne permet pas de déroger par contrat';

Considérant que l'article L. 1221-2 du code du travail prévoit que le contrat à durée indéterminée est la forme normale et générale de la relation de travail,'mais que le contrat de travail peut être conclu pour une durée déterminée s'il satisfait aux conditions posées par les dispositions légales du titre IV de ce code ;

Que les dispositions d'ordre public de l'article L. 1242-1, du même code, précisent qu'un contrat à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de la société CITYJET LTD ';

Que les dispositions d'ordre public de l'article L. 1242-8, du même code, limitent par ailleurs à dix-huit mois la durée totale du contrat à durée déterminée, en incluant dans cette durée le renouvellement qui a pu intervenir';

Qu'en l'espèce, l'emploi de Monsieur [N] [B], engagé en qualité de personnel naviguant commercial, correspondait à l'activité normale et permanente de la société qui exerce une activité de transport aérien de passagers';

Que, par ailleurs, le contrat de travail litigieux a été conclu pour une durée de trois ans's'achevant le 8 janvier 2009, alors que sa durée ne pouvait excéder le 8 juillet 2007'en appliquant la durée maximale de dix-huit mois ;

Qu'il résulte de ce qui précède que le contrat de travail à durée déterminée conclu entre la société CITYJET LTD et Monsieur [N] [B] viole plusieurs dispositions légales françaises d'ordre public relatives au contrat à durée déterminée, tant en ce qui concerne son motif de recours, que sa durée ;

Sur la requalification

Considérant qu'en raison de la violation de dispositions légales françaises d'ordre public, il y a lieu de requalifier la relation contractuelle en un contrat à durée indéterminée, conformément à l'article L. 1245-1 du code du travail, peu important que le contrat de travail ait respecté la législation irlandaise, et d'allouer à'Monsieur [N] [B], conformément à l'article L. 1245-2,' l'indemnité de requalification qu'il sollicite à la page 8 de ses conclusions, à hauteur d'un mois de salaire, soit 2.000 euros (montant chiffré à la page 4 desdites conclusions) ;

Sur la rupture du contrat de travail et les indemnités de rupture

Considérant que la société CITYJET LTD a mis fin à la relation contractuelle le 11 septembre 2006,'en invoquant une rupture pendant la période d'essai, alors que Monsieur [N] [B] travaillait dans la société depuis le 9 janvier 2006';

Considérant qu'il n'existait aucune disposition d'ordre public en droit français interdisant, au moment de la rupture du contrat de travail de Monsieur [N] [B] intervenue en 2006, une période d'essai d'un an, les limitations actuellement mentionnées aux articles L. 1221-19 et suivants du code du travail résultant de la loi du 25 juin 2008 ;

Qu'ainsi, Monsieur [N] [B] ne peut solliciter l'application d'aucune disposition impérative de la loi française pouvant, sur ce point, se substituer à la loi irlandaise auquel son contrat de travail était soumis';

Que Monsieur [N] [B]'n'invoque, par ailleurs, aucun non-respect de la législation irlandaise en ce qui concerne, soit la durée de la période d'essai, soit la rupture de son contrat de travail, étant observé qu'il mentionne dans ses écritures que la période d'essai instaurée en vertu du droit irlandais induisait une longue précarité contractuelle ;

Qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de débouter Monsieur [N] [B]' de ses demandes relatives à la rupture de son contrat de travail, aux dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement, à l'indemnité compensatrice de préavis, aux congés payés y afférents ainsi qu'aux dommages et intérêts pour rupture abusive ;

Sur le prêt illicite de main d''uvre et le marchandage

Considérant que les dispositions de l'article L. 8231-1 du code du travail relatif au marchandage, interdisent toute opération à but lucratif de fourniture de main d''uvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié qu'elle concerne ou d'éluder l'application de dispositions légales ou conventionnelles';

Qu'en l'espèce, Monsieur [N] [B] invoque ces dispositions, mais n'apporte aux débats aucun élément à l'appui de sa demande de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour prêt illicite de main d''uvre, démontrant que la société CITYJET LTD l'aurait, à un moment quelconque, mis à la disposition de la société AIR FRANCE, alors que les deux sociétés font état du contrat commercial de franchise qui les liait';

Qu'il y a lieu, en conséquence, de débouter Monsieur [N] [B] de sa demande sur ce point';

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Considérant qu'il y a lieu de condamner la société CITYJET LTD au paiement à Monsieur [N] [B] de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

Que l'équité commande que les autres demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile soient rejetées';

Qu'il y a également lieu de condamner la société CITYJET LTD aux entiers dépens d'instance comprenant les frais d'exécution du présent arrêt en France et en Irlande';

PAR CES MOTIFS

Requalifie l'ensemble de la relation contractuelle établie entre Monsieur [N] [B] et la société CITYJET LTD en un contrat à durée indéterminée,

' '

Condamne la société CITYJET LTD au paiement à Monsieur [N] [B] des sommes suivantes':

-2.000 euros à titre d'indemnité de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,

-2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toutes les autres demandes,

Condamne la société CITYJET LTD aux dépens de première instance et d'appel comprenant les frais d'exécution du présent arrêt en France et en Irlande.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 09/03843
Date de la décision : 18/11/2010

Références :

Cour d'appel de Paris K2, arrêt n°09/03843 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-11-18;09.03843 ?
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