Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 4
ARRET DU 17 NOVEMBRE 2010
(n° 235 , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/21210
Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Septembre 2008
Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2006056774
APPELANTE
S.A.R.L. ANDREAS STIHL
agissant poursuites et diligences de son représentant légal
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par la SCP MONIN - D'AURIAC DE BRONS, avoués à la Cour
assistée de Me KUPFERBERG Christian et de Me WOLFER Michel, avocats au barreau de PARIS - toque R188
plaidant pour la SCP HWBH avocats
INTIMEE
S.A. IBM FRANCE
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par la SCP DUBOSCQ - PELLERIN, avoués à la Cour
assistée de Me GLASER Philippe, avocat au barreau de PARIS - toque J010
plaidant pour la SCP TAYLOR WESSING, avocats
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 12 octobre 2010 en audience publique, après qu'il ait été fait rapport par M.ROCHE, président de chambre, conformément aux dispositions de l'article 785 du Code de procédure civile, devant la Cour composée de :
- M.LE FEVRE, président de chambre, président
- M.ROCHE, président de chambre
- M.VERT, conseiller
Greffier lors des débats Mme CHOLLET
ARRET
- contradictoire
- prononcé publiquement par M. LE FEVRE, président
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. LE FEVRE, président et Mme CHOLLET, greffier.
LA COUR,
Vu le jugement du 30 septembre 2008 par lequel le Tribunal de commerce de PARIS a dit la société ANDREAS STIHL irrecevable en son action à l'encontre de la société compagnie IBM FRANCE et l'a condamnée aux dépens ;
Vu l'appel interjeté par la société ANDREAS STIHL et ses conclusions du 5 octobre 2010 tendant à faire :
- dire recevable son action,
- entériner les conclusions de l'expert [B],
- condamner la société compagnie IBM FRANCE à lui payer la somme de 1.533.864 € à titre de dommages-intérêts avec les intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 27 juillet 2006, outre la capitalisation de ceux-ci, ainsi que celle de 100.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions de la société IBM FRANCE du 5 octobre 2010 et tendant, à titre principal, à la confirmation du jugement, subsidiairement, à la condamnation de la société ANDREAS STIHL à lui payer la somme de 66.018,42 € au titre des sommes restant dues, très subsidiairement, à ce que la somme mise à sa charge n'excède pas 769.887, 81 € , et, en tout état de cause, à l'octroi d'une somme de 100.000 € au titre de frais hors dépens ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction les faits suivants :
Par un 'contrat de prestations de services professionnels étendus' signé le 11 janvier 2000 et complété le 30 juin suivant par un 'descriptif de prestations' la société ANDREAS STIHL (ci-après désignée STIHL) a chargé la société COMPAGNIE IBM FRANCE (ci-après désignée IBM) du développement d'une application extranet destinée au réseau des revendeurs de matériel STIHL.
Le calendrier prévu convenait d'un début de réalisation au 3 juillet 2000 pour le site 1 et au 1er octobre 2000 pour le site 2 et de livraisons envisagées respectivement au 21 août 2000 et au 5 mars 2001 ;
Toutefois le site 1 n'a été livré qu'en 2001, soit avec un retard de plus d'un an dont les parties se rejettent mutuellement la responsabilité.
La suite du projet a été abandonnée après un échange de courriers entre les parties au cours du 4ème trimestre 2002 révélant une situation de blocage.
Entre temps la société STIHL obtenait unilatéralement le 16 décembre 2002 de M. [K], expert en informatique agréé près la Cour de Cassation, une étude intitulée 'Note technique détaillant les insuffisances de la société IBM FRANCE dans le cadre du projet PRONET et évaluant le préjudice subi par la société STIHL FRANCE' et concluant à un préjudice compris entre 2.340.000 € et 2.600.000 €.
Par la suite et par acte du 6 janvier 2003 la société STIHL a assigné la société IBM en référé-expertise sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile devant le Président du Tribunal de commerce de PARIS, lequel a, par ordonnance du 22 janvier 2003, désigné M. [B] avec une mission générale, étendue par une ordonnance ultérieure du 1er octobre 2003 au 'préjudice éventuel subi et évalué' par la société STIHL.
Après dépôt du rapport intervenu le 8 novembre 2005 la société STIHL a, par acte du 27 juillet 2006, assigné au fond la société IBM devant le Tribunal de commerce de PARIS aux fins de la voir déclarer responsable de l'échec du projet ainsi qu'en paiement de la somme de 1.533.864€ à titre de dommages-intérêts.
C'est dans ces conditions de fait et de droit qu'est intervenu le jugement susvisé présentement déféré.
Considérant qu'aux termes de l'article 18-4 du contrat signé entre les parties le 11 janvier 2000:
'Aucune action, quels qu'en soient la nature, le fondement ou les modalités, née du présent contrat, ne peut être intentée par les parties plus de deux ans après la survenance de son fait générateur ' ;
Considérant qu'il convient, tout d'abord, de relever que le 'fait générateur', point de départ du délai de deux ans, et de nature à fonder une demande en dommages-intérêts doit s'entendre de la réunion des conditions nécessaires à l'action en responsabilité, laquelle implique la connaissance du dommage subi, de l'existence de fautes imputables à son auteur ainsi que du lien de causalité entre celles-ci et le dommage considéré ;
Considérant que la société STIHL soutient que seul le rapport expertal de M. [B] lui a donné les éléments nécessaires à l'introduction de l'action au fonds en responsabilité et que la note établie à sa demande par M. [K] datée du 16 décembre 2008 mais dont elle n'a eu connaissance qu'en mars 2003 n'est qu'un 'dire' résumant sa position et ses observations et transmis à M. [B] le 18 mars 2003 ;
Considérant, toutefois, que l'étude effectuée par M. [K] comprend 69 pages ainsi que 27 annexes, détaille les insuffisances et lacunes des prestations réalisées par la société IBM et procède à l'évaluation du préjudice de cette dernière ; qu'il ne s'agit ainsi pas d'un prétendu 'dire' se rapportant à une expertise judiciaire, au surplus postérieure, mais d'un véritable rapport d'expertise, certes non contradictoire, mais conférant à son destinataire l'ensemble des données susceptibles de permettre l'engagement d'une action contentieuse ; que M. [K] indique, au demeurant, avoir 'réalisé une synthèse du périmètre technique et financier initial du projet (chapitre 3) ' , puis avoir 'procédé au descriptif et à la motivation des griefs que la société STIHL émet à l'encontre des prestations effectuées par la société IBM (chapitre 4 ) avant de finalement chiffrer le préjudice que provoque l'échec du projet PRONET pour la société STIHL (chapitre 5)' ; qu'ainsi cette étude, nettement plus détaillée et étayée que ne devait l'être le rapport de M. [B], conférait déjà à la société STIHL la connaissance suffisante de tous les éléments propres à la renseigner utilement sur l'opportunité d'une action en justice et lui permettant d'élaborer une assignation dans des conditions raisonnables ; que, par suite, à supposer même que la société STIHL n'ait pas eu connaissance de la 'note' de M. [K] à sa date indiquée d'établissement
le délai de deux ans prévu par l'article précité du contrat liant les parties a nécessairement commencé à courir le 18 mars 2003, date de transmission de ce document à l'expert judiciaire ;
Considérant que si ledit délai de deux ans devait s'analyser en un délai de forclusion dès lors qu'il ne s'agirait pas d'un droit substantiel mais de celui de saisir une juridiction pour en obtenir la reconnaissance qui serait éteint par l'écoulement du délai convenu, un tel délai ne pouvait être ni interrompu ni suspendu par l'une des causes énoncées à l'article 2244 du Code civil et l'action engagée par la société STIHL était nécessairement forclose depuis le 18 mars 2005 ;
Considérant que s'il s'agit d'un délai de prescription et si, à ce titre, il a été valablement interrompu par l'assignation en référé - expertise susmentionnée du 6 janvier 2003, il a cependant, recommencé à courir, pour une nouvelle durée de deux ans, le jour du prononcé de la seconde ordonnance de référé du 1 er octobre 2003 complétant la mission d'ores et déjà conférée à l'expert judiciaire et était donc, expiré depuis le 1er octobre 2005 ;
Considérant, enfin, que l'assignation en référé-expertise du 6 janvier 2003 ne saurait être retenue pour pouvoir satisfaire le respect du délai conventionnel de deux ans dès lors précisément qu'elle a été délivrée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile 'avant tout procès' et ne saurait, en conséquence, être considérée comme ayant introduit l'instance distincte et autonome ayant donné lieu au jugement présentement déféré ;
Considérant qu'il s'ensuit que quelle que soit la qualification donnée au délai considéré l'action introduite le 27 juillet 2006 par la société STIHL doit être déclarée irrecevable comme tardive au regard de l'article 18-4 précité ; qu'il y a, en conséquence, lieu de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de débouter l'appelante de l'ensemble de ses prétentions ;
Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile
Considérant que l'équité commande, sur le fondement dudit article , de condamner la société STIHL à payer à la société IBM la somme de 5 000 € au titre des frais hors dépens ;
PAR CES MOTIFS
- Confirme le jugement en toutes ses dispositions.
- Déboute la société STIHL de l'ensemble de ses prétentions.
- La condamne aux dépens d'appel avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
- La condamne également à verser à la société IBM la somme de 5 000 € au titre des frais hors dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT