COUR D'APPEL DE PARISPôle 1 - Chambre 3
ARRET DU 16 NOVEMBRE 2010
(no 594 , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/18978
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 07 Septembre 2010 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG no 2010055347
APPELANTE
SARL ÉDITIONS CRG, agissant poursuites et diligences de son gérant78 quai de la Loire75019 PARIS
représentée par la SCP BOMMART-FORSTER - FROMANTIN, avoués à la Courassistée de Me Jean-Philippe HUGOT, avocat au barreau de PARIS, toque : C2501
INTIMEE
Association DENTAIRE FRANÇAISE prise en la personne de son Président7 rue Mariotte75017 PARIS
représentée par la SCP ROBLIN - CHAIX DE LAVARENE, avoués à la Courassistée de Me Matthieu BERGUIG, substituant Me Thomas RABANT et plaidant pour la SELARL REDLINK, avocat au barreau de PARIS, toque : J 44
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Octobre 2010, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Joëlle BOURQUARD, Président rapporteur, et Madame Sylvie MAUNAND, Conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :Madame Joëlle BOURQUARD, présidentMadame Martine TAILLANDIER-THOMAS, conseillerMadame Sylvie MAUNAND, conseiller
Greffier, lors des débats : Mlle Véronique COUVET
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Joëlle BOURQUARD, président et par Mlle Véronique COUVET, greffier.
Se prévalant de ce qu'elle avait participé près de quatorze fois au congrès annuel de l'ASSOCIATION DENTAIRE FRANCAISE et de ce bien qu'ayant contractuellement accepté qu'elle y participe, cette association avait finalement refusé son admission à cette manifestation pour des motifs artificiels et insuffisants, la société EDITIONS CRG SARL, l'a, ainsi qu'elle y avait été autorisée par ordonnance présidentielle du 10 août 2010, assigné à jour fixe afin de lui voir notamment enjoindre sous astreinte de lui confirmer la réservation et l'attribution d'un stand (zone M1 du palais des congrès du 24 au 27 novembre 2010, devant le président du tribunal de commerce de Paris statuant en référé qui, par ordonnance rendue le 7 septembre 2010, a,
Constaté que l'existence d'un engagement contractuel à fournir un stand à la société EDITIONS CRG n'est pas établie avec une évidence suffisante pour permettre que soit ordonnée en référé la mesure demandée par la société EDITIONS CRG sur le fondement de l'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile,
Dit que l'éventuelle attribution de dommages et intérêts, sur le fondement de l'article L 442-6 I 5ème, en raison de la rupture d'une relation commerciale établie, relève, tant quant à l'appréciation de l'existence d'un préjudice que de son quantum, de la compétence du juge du fond,
Dit n'y avoir lieu à référé,
Condamné la société EDITIONS CRG à payer à l'ASSOCIATION DENTAIRE FRANCAISE une indemnité de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée aux dépens.
Appelante de cette décision et autorisée à assigner à jour fixe par ordonnance du 1er octobre 2010 à l'audience de ce jour, la société EDITIONS CRG en sollicité l'infirmation et demande de constater que,
- le contrat proposé par l'ADF est un contrat d'adhésion et dire qu'elle a respecté les modalités imposées par l'ADF relatives à l'adhésion au congrès 2010,
- l'ADF a encaissé le chèque émis par elle en contrepartie de la réservation du stand lors du congrès 2010 et dire que l'ADF et elle-même avaient conclu unn contrat d'adhésion le 14 janvier 2010,
- les motifs exposés par l'ADF pour justifier son manquement contractuels sont artificiels et insuffisants,
- l'ADF a refusé de lui fournir un stand et dire qu'elle n'a pas exécuté ses obligations contractuelles,
En conséquence,
Enjoindre à l'ADF, sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt, de lui confirmer la réservation et l'attribution d'un stand dans la zone 1 M08 (selon plan 2009) du palais des congrès du 24 au 27 novembre 2010, de lui fournir l'ensemble des éléments permettant l'accès au palais des congrès et l'installation du stand et de lui mettre à disposition ce stand à compter du 24 novembre jusqu'au 27 novembre ou, le cas échéant quelques jours avant pour lui permettre de s'installer dans les mêmes conditions que les autres exposants,
Dire que la cour se réservera la liquidation de l'astreinte pour vérifier l'exécution de l'arrêt,
Prendre acte de ce qu'elle paiera le restant des sommes dues à l'ADF dès confirmation par celle-ci de la réservation du stand du 24 au 27 novembre 2010 dans la zone 1 M08 (selon plan 2009) du palais des congrès,
Constater le préjudice subi par elle du fait de l'inexécution de ses obligations contractuelles par l'ADF et lui allouer une provision de 30 000 € en réparation de son préjudice,
Condamner l'ADF à payer, sous astreinte de 200 € par jour de retard, la publication de l'ordonnance dans le catalogue de l'ADF 2010 et dans deux quotidiens nationaux et un hebdomadaire dentaire national, le CDF, dans la limite de 3 000 € par publication,
A titre subsidiaire,
Constater qu'il existe un dommage imminent pour elle si elle ne participait pas au congrès de 2010 et qu'une remise en état s'impose,
Ordonner à l'ADF, sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt, de lui confirmer la réservation et l'attribution d'un stand dans la zone 1 M08 (selon plan 2009) du palais des congrès du 24 au 27 novembre 2010, de lui fournir l'ensemble des éléments permettant l'accès au palais des congrès et l'installation du stand et de lui mettre à disposition ce stand à compter du 24 novembre jusqu'au 27 novembre ou, le cas échéant quelques jours avant pour lui permettre de s'installer dans les mêmes conditions que les autres exposants,
En tout état de cause, condamner l'ADF à lui verser une indemnité de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la condamner aux entiers dépens.
L'ASSOCIATION DENTAIRE FRANCAISE, aux termes de ses écritures déposées le 8 octobre 2010, conclut à la confirmation de la décision étant dit qu'elle dispose d'un pouvoir disciplinaire lui permettant d'accepter ou de refuser à un tiers l'accès au congrès qu'elle organise, comme bon lui semble, sans avoir à justifier sa décision, que son refus d'accorder un stand à l'appelante lors du congrès 2010 est légitime, qu'il est au demeurant justifié par le comportement de la société EDITIONS CRG à l'encontre des représentants des chirurgiens dentistes, qu'elle ne peut voir sa responsabilité engagée à l'encontre de la société EDITIONS CRG au titre du refus de lui accorder un stand, sur quelque fondement que ce soit et que le fait que l'exposition du congrès qu'elle organise soit complète s'oppose aux prétentions de cette société.
Et elle demande de débouter la société EDITIONS CRG de toutes ses demandes, fins et conclusions et de la condamner à lui verser une indemnité de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner aux entiers dépens.
SUR CE, LA COUR
Considérant que l'appelante fait grief à l'ordonnance déférée de ne pas avoir retenu l'existence évidente et parfaite d' un contrat d'adhésion conclu entre elle et l'ADF et de ne pas avoir condamné l'ADF à exécuter son obligation en application de 873 alinéa 2 du code de procédure civile dont les conditions étant réunies, qu'elle a, en effet, adressé le 14 janvier 2010 le contrat d'adhésion signé et l'a exécuté en versant le premier acompte et que l'ADF l'a confirmé dès le 21 janvier 2010 à la réception du contrat et lui a attribué un numéro d'exposant, qu'elle a par la suite poursuivi l'exécution de ce contrat en réglant les acomptes demandées par l'ADF, que malgré l'exécution de ses obligations l'ADF ne lui a jamais adressé les éléments relatifs à l'emplacement de son stand et que ce n'est que par un courrier du 12 juillet 2010 qu'elle a refusé son admission en se prévalant faussement d'attaques violentes, injurieuses ou diffamatoires à son encontre ;
Qu'elle estime que la mauvaise foi de l'ADF est caractérisée dès lors qu'elle lui a opposé dans un premier temps un motif de refus inexact et que ce n'est que par la suite qu'elle lui a fallacieusement et artificiellement reproché une « délit d'opinion » ;
Que l'appelante se fonde sur les dispositions de l'article L 442-6 I. 5o du code de commerce pour estimer que dans l'hypothèse où l'ADF n'exécuterait pas ses obligations contractuelles, elle commettrait une rupture brutale d'une relation commerciale, qu'elle se réfère aux dispositions de l'article 872 du code de procédure civile et soutient que l'incertitude dans laquelle elle se trouve quant à sa participation au congrès lui cause un préjudice financier important qui doit être réparé par l'allocation d'une provision et la publication de l'ordonnance ;
Qu'à titre subsidiaire, elle estime que le refus qui lui est opposé est constitutif d'un dommage imminent qu'il convient de faire cesser par application de l'article 873 du code de procédure civile dès lors qu'elle a informé de nombreux clients depuis janvier 2010 de sa participation au congrès, engagé des frais importants de publicité, se verrait du fait du refus de son admission, privée d'une source de revenus importante et de la prospection de la rencontre de la clientèle qu'elle rencontre ;
Que l'ASSOCIATION DENTAIRE FRANCAISE fait valoir en réplique qu'elle a le pouvoir de choisir ses exposants ainsi qu'il résulte du règlement général des foires, salons et congrès de France et que le reconnaissent les usages commerciaux, qu'en tant que responsable du bon déroulement du congrès qu'elle organise, elle n'a fait qu'user de son pouvoir de police en refusant l'accès à la société EDITIONS CRG et que ce ne sont pas les opinions exprimées par cette société qui ont motivé sa position, que le règlement du congrès prévoit en son article 7-2 ce pouvoir de police qu'elle peut invoquer à titre préventif ;
Qu'elle estime que l'existence d'un contrat conclu entre elle et l'appelante est sérieusement contestable, qu'il n'existe pas de contrat d'adhésion et que le seul fait d'envoyer une demande d'admission ne saurait signifier qu'un contrat se soit formé dès lors qu'elle est libre de refuser l'admission, le chèque d'acompte ne constituant qu'une condition de recevabilité, qu'elle s'est contentée d'indiquer le numéro d'arrivée de la demande et que l'appelante ne justifie aucunement de la rencontre d'une offre et d'une acceptation, qu'elle ajoute que l'émission d'une facture d'acompte ne saurait valoir preuve de la fourniture d'une prestation alors que le congrès ne s'était pas déroulé ;
Qu'elle se prévaut de l'irrecevabilité de la demande fondée sur les dispositions de l'article 872 du code de procédure civile pour rupture brutale de relations commerciales en l'absence de tout contrat et de pertinence au regard de ce texte et ce d'autant que l'appelante a, depuis deux ans par son attitude, tout mis en œuvre pour être exclue du congrès et estime que son refus est légitime et fondé ;
Et considérant qu'aux termes de l'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce statuant en référé peut, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution d'une obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire ;
Considérant qu'en l'espèce l'appelante, pour démontrer que l'ASSOCIATION DENTAIRE FRANCAISE est débitrice à son encontre d'une obligation non sérieusement contestable, allègue de la conclusion d'un contrat résultant de l'envoi de l'acceptation, concrétisé par la remise d'un chèque d'acompte facturé et d'un numéro d'attribution au congrès 2010 ;
Mais considérant que le congrès organisé par la l'ASSOCIATION DENTAIRE FRANCAISE est soumis au règlement général « foires, salons et congrès de France » approuvé par arrêté du 7 avril 1970, dès lors que ce règlement édicte qu'il a un caractère général applicable à toutes les manifestations organisées par des membres et qu'il est complété par le règlement particulier propre à chaque manifestation ;
Que ce texte dispose, s'agissant des inscriptions, notamment (article 11-7), « l'envoi de demande d'admission ne constitue pas une offre de participation. L'organisateur reçoit les demandes et statue sur les admissions sans être tenu de motiver ses décisions. Le rejet d'une demande d'admission par l'organisateur ne donne lieu à aucune indemnité » ;
Que le règlement particulier propre au congrès de l'ASSOCIATION DENTAIRE FRANCAISE, comprend en son article 1 « admission », des précisions quant au formalisme à respecter lors du dépôt de la demande mais ne remet pas en cause ces dispositions et notamment le principe général de liberté de refuser une demande d'admission sans motivation ;
Qu'il s'ensuit que l'obligation contractuelle dont se prévaut l'appelante à l'encontre de l'ASSOCIATION DENTAIRE FRANCAISE et qui serait née de la concrétisation d'un contrat entre les parties à la suite de l'acceptation de l'offre, constituée de l'envoi d'un formulaire d'admission, est à tout le moins sérieusement contestable devant la juridiction des référés ;
Que de même l'appelante ne peut utilement se prévaloir de la rupture brutale de relations commerciales devant la présente juridiction des référés dès lors que le principe de l'existence de telles relations est sujet à contestation et relève manifestement de l'appréciation de la juridiction du fond ;
Et considérant qu'aux termes de l'article 873 alinéa 1er du code de procédure civile, la juridiction des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;
Que le dommage imminent s'entend du « dommage qui n'est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer » ;
Qu'il s'ensuit que la mesure sollicitée ne peut être qu'une mesure conservatoire, qu'elle doit être adaptée au but recherché et qu'elle n'aille pas au-delà et que pour qu'elle soit prononcée, il doit nécessairement être constaté, à la date à laquelle la cour statue et avec l'évidence qui s'impose à la juridiction des référés, l'imminence d'un dommage, d'un préjudice sur le point de se réaliser et dont la survenance et la réalité sont certaines, qu'un dommage purement éventuel ne saurait donc être retenu pour fonder l'intervention du juge des référés ; que la constatation de l'imminence du dommage suffit à caractériser l'urgence afin d'en éviter les effets ;
Considérant qu'en l'espèce, dès lors que la mesure sollicitée consiste à voir « ordonner à l'ADF, sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt, de lui confirmer la réservation et l'attribution d'un stand dans la zone 1 M08 (selon plan 2009) du palais des congrès du 24 au 27 novembre 2010, de lui fournir l'ensemble des éléments permettant l'accès au palais des congrès et l'installation du stand et de lui mettre à disposition ce stand à compter du 24 novembre jusqu'au 27 novembre ou, le cas échéant quelques jours avant pour lui permettre de s'installer dans les mêmes conditions que les autres exposants », et ne peut donc pas s'analyser en une mesure conservatoire ou de remise en l'état, en l'absence de droit acquis par la société EDITIONS CRG de participer au congrès organisé par l'ASSOCIATION DENTAIRE FRANCAISE qui dispose du droit de refuser une demande d'admission sans avoir à motiver son refus, la demande de l'appelante ne peut utilement prospérer et ce d'autant qu'elle aurait pour conséquence, en l'absence de stand désormais disponible, d'aller au-delà du but recherché en imposant à des tiers de céder ou de déplacer leur stand ;
Que dans ces conditions et sans qu'il soit nécessaire d'examiner plus avant l'argumentation développée par les parties, il convient de rejeter l'ensemble des prétentions de la société EDITIONS CRG confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
Considérant que l'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ; que l'appelante doit supporter les entiers dépens ;
PAR CES MOTIFS
Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise,
Rejette toutes autres prétentions des parties et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société EDITIONS CRG SARL aux entiers dépens et autorise l'avoué concerné à les recouvrer comme il est prescrit à l'article 699 du code de procédure civile.