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16/11/2010 | FRANCE | N°09/14825

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 16 novembre 2010, 09/14825


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 1



ARRET DU 16 NOVEMBRE 2010



(n° 394, 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 09/14825



Décision déférée à la Cour : Jugement du 1er avril 2009 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 07/04172



APPELANT



Monsieur [U] [B]

Le [Adresse 11]

[Localité 7]

représenté par la SCP KIEFFER-JO

LY - BELLICHACH, avoués à la Cour

assisté de Me Omar YAHIA, avocat au barreau de PARIS, toque : L 0175

SELARL Rémi Pierre DRAI ASSOCIÉS, avocats au barreau de PARIS





INTIMES



Maître [Z] ...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRET DU 16 NOVEMBRE 2010

(n° 394, 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/14825

Décision déférée à la Cour : Jugement du 1er avril 2009 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 07/04172

APPELANT

Monsieur [U] [B]

Le [Adresse 11]

[Localité 7]

représenté par la SCP KIEFFER-JOLY - BELLICHACH, avoués à la Cour

assisté de Me Omar YAHIA, avocat au barreau de PARIS, toque : L 0175

SELARL Rémi Pierre DRAI ASSOCIÉS, avocats au barreau de PARIS

INTIMES

Maître [Z] [S] ès-qualités de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de Monsieur [H] [A]

[Adresse 6]

[Localité 10]

représenté par la SCP MONIN - D'AURIAC DE BRONS, avoués à la Cour

assisté de Me Katherine SALES, avocat au barreau de PARIS, toque : K 0101

et de Me Yvon MARTINET, avocat au barreau de PARIS, toque : K 0101

SELARL SAVIN MARTINET Associés, avocats au barreau de PARIS

Monsieur [H] [A]

[Adresse 2]

[Localité 8]

représenté par la SCP MONIN - D'AURIAC DE BRONS, avoués à la Cour

assisté de Me Katherine SALES, avocat au barreau de PARIS, toque : K 0101

et de Me Yvon MARTINET, avocat au barreau de PARIS, toque : K 0101

SELARL SAVIN MARTINET Associés, avocats au barreau de PARIS

S.C.P. [J] [L] & [I]

[Adresse 5]

[Localité 1]

représentée par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avoués à la Cour

assistée de Me Christophe VALERY, avocat au barreau de CAEN

Société COVEA RISKS

[Adresse 4]

[Localité 9]

représentée par la SCP BOMMART-FORSTER - FROMANTIN, avoués à la Cour

assistée de la Me Jean-Pierre CORDELIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P 399

CRJDA CORDELIER-RICHARD-JOURDAN, avocats au barreau de PARIS

INTERVENANTE VOLONTAIRE

Mme [F] [N] épouse [C]

demeurant [Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avoués à la Cour

assistée de Me Christophe VALERY, avocat au barreau de CAEN

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 septembre 2010, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :

Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre

Mme Brigitte HORBETTE, Conseiller

Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame Noëlle KLEIN

ARRET :

- contradictoire

- rendu publiquement par Monsieur François GRANDPIERRE, Président

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, Président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

******************

M. [U] [B], propriétaire de 133 hectares dans la Manche, fondateur et ex-dirigeant de la société Ouest Propreté dont il a ensuite cédé toutes les actions, ayant exploité depuis 1973 un dépôt d'ordures ménagères en décharge contrôlée sis dans la Manche sous la dénomination de Centre d'Enfouissement Technique ou CET, en a , par acte sous seing privé du 10 juillet 1990, concédé l'exploitation contre redevance à la société Ouest Propreté, filiale de la Compagnie Générale des Eaux, pour une durée de 99 ans reconductible, sur 80 hectares environ.

La redevance, calculée en fonction du tonnage annuel de déchets déchargés sur le site, a donné lieu dès 1992 à un contentieux portant sur l'interprétation de l'article 10 du contrat, relatif aux modalités de révision, et M. [H] [A], avocat, a été chargé par M. [B] de 1992 à Février 2006 de nombreuses procédures en référé et au fond portant sur la méthode de calcul du surplus de la redevance.

Le 12 mai 1995, M. [B] a notamment engagé une première instance et par jugement du 15 septembre 1995 du tribunal de commerce de Coutances, son droit à un complément de redevance a été reconnu, une expertise ordonnée, jugement confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Caen du 30 janvier 1997, condamnant la société Ouest Propreté à payer à M. [B] une somme, en francs à l'époque, équivalent à 386 500, 18 € outre une somme de 24 943, 10 € pour la redevance minimale garantie pour 1996, ainsi qu'à mettre en place un système d'enregistrement des tonnages de déchets déchargés, avec désignation des experts [X] et [O], arrêt sursoyant sur la demande de M. [B] en condamnation de la société Ouest Propreté à lui payer des redevances au titre de dépôt de tonnages de déchets non déclarés, et par arrêt du 19 décembre 2000, la cour de cassation a rejeté le pourvoi de la société Ouest Propreté.

Par un arrêt du 27 mars 2003, la cour d'appel de Caen a mis un terme au contentieux des redevances et a condamné la société Ouest Propreté à payer à M. [B] la somme de 932 871, 72 € au titre des redevances impayées, pour tonnages non déclarés et la somme de 135 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant des retards de paiement et de la résistance de la débitrice.

Entre-temps, en mai 2000, M. [B] avait refusé, en sa qualité de propriétaire, et contrairement aux termes du contrat conclu, de donner son accord à l'extension du site sollicitée par la société Ouest Propreté, désireuse d'étendre le périmètre des parcelles exploitées en décharge à de nouvelles parcelles, projet devant être autorisé par un arrêté préfectoral et par une première lettre du 13 juin 2000, adressée à la préfecture de la Manche, M. [B] a conditionné son accord à l'extension au règlement des contentieux en cours, précisant dans un courrier du 27 juin qu'il n'a jamais envisagé de revenir sur le principe convenu en juin 1990 de consentir aux perspectives d'extension de la décharge le moment venu, avec promesse de s'associer à toute démarche administrative le cas échéant, la société le relançant en lui envoyant l'étude d'impact.

C'est dans ce contexte que le 12 Décembre 2001, il a écrit :

'nous arrivons au terme de l'exploitation autorisée, cela signifie que vous allez devoir bientôt quitter le site ou vous mettre d'urgence en règle pour en viabiliser administrativement l'extension. Vous savez, depuis des mois, que je ne consentirai pas à cette extension tant que n'auront pas été réparés tous les dommages que vous m'avez infligés à l'occasion de la première tranche.

Vous savez également que je tiendrai pour fautive à votre charge l'inobservation en temps utile des formalités nécessaires à la plénitude de l'exploitation prévue entre nous depuis 1990.'.

La société Ouest Propreté, dont le dossier a été estimé irrecevable par le Préfet de la Manche, lui a signalé en février 2002 qu'elle avait besoin de son accord, que le préfet ne l'autorisait que jusqu'au 30 juin 2002, et à l'arrivée de l'échéance de l'autorisation préfectorale du 13 juillet 1990, alors que les maires étaient avisés par le préfet de la fermeture du CET au 30 juin 2002, il a été mis fin à l'activité de la société Ouest Propreté laquelle, le 16 juillet 2002, a fait savoir à M. [B] qu'elle se considérait comme déliée de tout engagement : dans ce nouveau contentieux, un jugement du tribunal de commerce de Coutances en date du 14 novembre 2003 a débouté M. [B] de sa demande de paiement de 20 Millions d'euros à titre de dommages et intérêts, renvoyant les parties dos à dos mais, sur appel de M. [B], un arrêt de la cour d'appel de Caen du 12 mai 2005 a non seulement confirmé ledit jugement, mais constaté la rupture du contrat de concession aux torts de M. [B] et condamné ce dernier à payer à l'exploitante la somme totale de 125 924 € à titre de dommages et intérêts, outre une indemnité de procédure au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens d'appel.

La cour d'appel a considéré que le contentieux sur la redevance, portant uniquement sur la période antérieure à 1998, n'autorisait pas M. [B] à bloquer la poursuite du contrat, de manière d'ailleurs économiquement irrationnelle car entraînant pour lui la privation future de la redevance alors que dans le contrat de 1990, il avait donné son accord, ce d'autant qu'au 30 juin 1992, les parcelles exploitées étaient arrivées à saturation, la poursuite de l'exploitation ne pouvant se faire que sur de nouvelles parcelles ; la cour a encore relevé que M. [B] avait adressé des courriers particulièrement agressifs, en particulier celui du 19 avril 2002 dans lequel il a déclaré qu'il donnerait son accord à l'extension à réception d'un acompte de 1 million d'euros par chèque à son ordre, à titre de provision à valoir sur nos comptes en cours : la cour a estimé en conséquence que le défaut d'autorisation administrative était exclusivement imputable à M. [B] et que l'arrêt de l'exploitation du site était constitutif d'une cause de résiliation.

Après avoir diligenté un pourvoi, M. [B] ne poursuivra pas la procédure devant la cour de cassation.

Tenant son avocat M. [A] et l'avoué poursuivant, la Scp [T] -[D]-[L] & [I], ci-après la Scp [T], responsables, en raison de leurs manquements à leur devoir de conseil, des conséquences dommageables de la rupture à ses torts du contrat de concession susvisé avec la société Ouest Propreté, M. [B] a recherché le 19 mars 2007 leur responsabilité devant le tribunal de grande instance de Paris et a demandé leur condamnation à réparer son préjudice, par la fixation de ses créances de dommages et intérêts à la liquidation judiciaire de M. [A], prononcée le 12 juillet 2007 pour les sommes de 14 784 394, 25 € pour la perte définitive des redevances dues au titre du contrat de concession, de 125 926 € au titre du remboursement des sommes mises à sa charge par l'arrêt définitif du 12 mai 2005 outre intérêts légaux depuis cette date, de 1 000 000 € au titre du remboursement des honoraires payés à l'avocat au titre d'une procédure inutile, de 50 000 € au titre de son préjudice moral, de 15 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens, avec condamnation de l'assureur pour les demandes de 14 784 394, 25 €, 125 926 €, 1000 000 €, condamnation in solidum de l'assureur et de l'avoué pour les sommes de 125 926 €, de 50 000 € et de 15000 €, ainsi que la condamnation de l'avoué à lui payer la somme de 13 774, 17 € à titre de dommages et intérêts au titre des dépens mis à la charge de M. [B] outre intérêts légaux depuis le 12 mai 2005, demandant en outre le débouté de M. [A] et son liquidateur de leurs demandes formées à titre reconventionnel, tendant à la condamnation de M. [B] à leur payer la somme de 200 000 € à titre de provision à valoir sur la réparation de leur préjudice financier, faisant valoir que le refus de M. [B] de s'acquitter de sa dette d'honoraires a provoqué la liquidation judiciaire de M. [A].

Par jugement en date du 1er Avril 2009, le tribunal de grande instance de Paris a débouté M. [B] de toutes ses demandes et débouté M. [S] ès-qualités de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de Me [A] de sa demande reconventionnelle, condamnant M. [B] à payer à M. [S] ès-qualités, à la société Covea Risks et à la Scp [T] chacun la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer les dépens.

CELA ETANT EXPOSE, la COUR :

Vu l'appel interjeté le 30 Juin 2009 par M. [B],

Vu les conclusions déposées le 19 août 2010 par l'appelant, qui demande :

- au visa de l'article 24 du code de procédure civile, la suppression dans les écritures en date du 17 juin 2010 des intimés MM.[S] és -qualités et [A], de passages sis en pages 29, 42, 43, 47, 48, 51,

- l'infirmation de la décision entreprise,

- la fixation de la créance de M. [B] à la liquidation judiciaire de M. [A] aux sommes de :

*14 784 394, 25 € à titre de dommages et intérêts pour la perte définitive des redevances dues, avec condamnation de la société Covea Risks,

*125 926 € au titre du remboursement des sommes mises à la charge de M. [B] par l'arrêt du 12 mai 2005 de la cour d'appel de Caen outre les intérêts légaux échus depuis cette date, avec condamnation in solidum de la société Covea Risks et de la Scp [T],

*1 000 000 € au titre du remboursement des honoraires payés à M. [A] au titre d'une procédure inutile, avec condamnation de la société Covea Risks,

* 50 000 € au titre de son préjudice moral, avec pour cette somme condamnation de la société Covea Risks et de la Scp [T],

* 15000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens, avec condamnation in solidum de la société Covea Risks et de la Scp [T],

-la condamnation de la Scp [T] à lui payer à titre de dommages et intérêts la somme de 13 774, 17 € au titre des dépens mis à la charge de M. [B], ainsi que des intérêts légaux échus depuis le 12 mai 2005, date de l'arrêt susvisé,

-la confirmation de la décision entreprise en ce qu'elle a débouté M. [A] pris en la personne de M. [S] és -qualités de ses demandes à titre reconventionnel,

Vu les conclusions déposées le 17 juin 2010 par M. [S] ès-qualités de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de M. [G] [A] et M. [A], qui demandent la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté M. [B] de toutes ses demandes, sur leur appel incident et leur demande reconventionnelle, l'infirmation du jugement et, au constat du préjudice matériel et moral résultant pour M. [A] de l'attitude fautive de M. [B] pour empêcher, sans motifs sérieux, l'exécution de sa dette d'honoraires confirmée par la décision de la cour du 15 février 2008, ayant entraîné la cessation de paiements de M. [A], l'échec du redressement judiciaire de ce dernier et retardé la clôture ' in bonis' de la liquidation judiciaire de M. [A], la condamnation de M. [B], pour avoir engagé sa responsabilité, à leur verser une provision de 200 000 € à valoir sur la réparation dudit préjudice tenant à la fermeture du cabinet de M. [A] et l'interruption sine die de sa pratique professionnelle, à leur payer à chacun la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel, à payer les entiers dépens d'appel,

Vu les conclusions déposées le 13 août 2010 par Mme [F] [C] née [N], intervenante volontaire, et la Scp [T] qui demandent, à titre principal, la confirmation du jugement en toutes ses dispositions, la condamnation de M. [B] à leur payer la somme de 6000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à payer les entiers dépens, à titre subsidiaire, si leur responsabilité était retenue, la condamnation in solidum de M. [A] représenté par M. [S] et de son assureur, la société Covea Risks à les garantir, avec condamnation de tout succombant à leur payer la somme de 6000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à payer les entiers dépens,

Vu les conclusions déposées le 6 septembre 2010 par la société Covea Risks qui demande la confirmation du jugement, le débouté de l'appel en garantie dirigé à son encontre par la Scp [T], en tout état, se voir dire fondée à opposer un refus de garantie, ou les limites de sa garantie dans les termes de la police souscrite, excluant le remboursement d'honoraires, avec condamnation de M. [B] à lui payer la somme de 15000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer les entiers dépens.

SUR CE :

Sur l'incident de communication de pièces :

Considérant que l'ordonnance de clôture étant intervenue le 7 septembre 2010, la société Covea Risks, par des conclusions de procédure déposées le 10 septembre 2010, demande le rejet des débats des pièces Nos 81 à 91 communiquées le 3 septembre 2010 par M. [B], consistant en des courriers et décomptes anciens, dont elle n'a pu prendre utilement connaissance ; qu'en réponse et par des conclusions de procédure déposées le 14 septembre 2010, M. [B] demande à voir dire irrecevable ou à tout le moins mal fondée la société Covea Risks en cette demande de rejet des pièces Nos 81 à 91, faute pour elle d'intérêt à agir dès lors qu'il s'agit de pièces versées aux débats avant clôture, nécessairement connues des parties et n'appelant pas nécessairement d'observations, dont le rejet n'est d'ailleurs pas demandé par les autres intimés, cependant que la société Covea Risks a déposé des écritures seulement le 6 septembre 2010 soit la veille de la clôture et postérieurement à la communication de pièces du 3 septembre 2010, sans demander le rejet des pièces communiquées par MM [A] et [S] és -qualités le 3 septembre 2010 également ;

Considérant que les pièces versées aux débats seulement le 3 septembre 2010, soit quatre jours avant la clôture, peu important qu'elles soient connues des parties, acceptées par certains des intimés, ou non susceptibles d'appeler nécessairement des observations, doivent être écartées des débats comme n'ayant pas été produites en temps utile au sens de l'article 15 du code de procédure civile ; qu'il convient en conséquence d'écarter des débats les pièces numérotées 81 à 91 communiquées par M. [B] selon bordereau du 3 septembre 2010 ;

Au fond :

Sur la demande de M. [B] au visa de l'article 24 du code de procédure civile :

Considérant que l'article 24 susvisé dispose que ' les parties sont tenues de garder en tout le respect dû à la justice. Le juge peut, suivant la gravité des manquements, prononcer, même d'office, des injonctions, supprimer les écrits, les déclarer calomnieux, ordonner l'impression et l'affichage de ses jugements.' ; que l'appelant soutient en l'occurrence que divers passages précis des longues écritures de 58 pages de M. [A], comportent des affirmations manifestement calomnieuses et injurieuses à l'égard de deux auxiliaires de justice, avocats au barreau de Paris, M. [V] [R] et Mme [Y] [E], au surplus non seulement mensongères mais nullement justifiées pour les besoins de sa défense ;

Considérant que les propos visés ne font toutefois que relater, en des termes qui ne sont en tout état jamais grossiers ou discourtois à l'égard des auxiliaires de justice dont s'agit, les interprétations estimées indispensables à faire connaître tous les faits de la cause qu'ont pu faire les uns et les autres des positions qu'ont pu prendre les uns et les autres, étant rappelé que les avocats sont libres de leurs propos et stratégies de défense, y compris lorsqu'ils se succèdent dans un dossier, principe qui vaut également pour M. [A] ; que les fonctions également ordinales d'un avocat, comme dans le cas de M. [V] [R], ne sauraient davantage restreindre cette liberté de ton et de parole, ni en sa défaveur, ni en sa faveur ; qu'en conséquence, cette demande sera rejetée ;

Sur la demande principale :

Considérant que l'appelant, reprenant pour l'essentiel son argumentation de première instance, soutient que le jugement déféré n'a pas exactement apprécié les faits de la cause ni pris en compte les décisions de justice intervenues desservant ses intérêts, en particulier le jugement du tribunal de grande instance de Coutances du 14 novembre 2003 et l'arrêt de la cour d'appel de Caen du 12 mai 2005 auxquelles il n'a pas fait référence ; qu'il fait valoir que le comportement de l'avocat, par ses erreurs stratégiques et son défaut de conseil, a ainsi provoqué la rupture du contrat à ses torts, qu'il lui reproche plus particulièrement d'avoir été l'auteur intellectuel des courriers que lui-même se contentait de recopier, de signer et de poster -dont en particulier ceux du 12 décembre 2001, 19 avril et 24 juillet 2002, sur lesquels la cour de Caen a fondé son arrêt du 12 mai 200, sans l'avoir jamais informé des risques courus, d'avoir ouvert un contentieux inutile, ayant abouti au jugement du 14 novembre 2003, d'avoir fait inscrire, avec le concours de l'avoué, un appel qui aurait dû être déconseillé, soulignant qu'il a agi entièrement sous la dépendance de son conseil car il est sans formation et sans instruction ;

Considérant que l'avocat intimé soutient que son client M. [B], chef d'entreprise avisé, a lui-même et en pleine connaissance de cause des conséquences possibles de son option, dont il l'avait informé, décidé de la stratégie suivie, sa principale préoccupation étant de subordonner son accord à la demande d'extension à la solution du contentieux de la redevance, position maintenue en pleine conscience des enjeux et des risques et de l'aléa inhérent à toute action en justice ; qu'il considère que ses conseils étaient conformes aux intérêts du client à l'époque à laquelle il a rédigé les projets des lettres qui lui sont maintenant reprochées, projets recopiés alors par M. [B] qui en approuvait entièrement le sens ;

Considérant que l'avoué fait essentiellement valoir qu'il n'a pas commis la faute qui lui est imputée par M. [B], ce dernier lui reprochant essentiellement de n'avoir pas donné d'avis sur le dossier ni attiré son attention à la fois sur les faibles chances de réformation du jugement et sur le risque découlant de l'appel ; qu'il rappelle que mandaté avec des instructions impératives en vue de faire appel par M. [A] le 15 décembre 2003 alors que le délai d'appel se terminait le 24 décembre, sans avoir été auparavant consulté sur les décisions prises, entièrement tributaire des conclusions de l'avocat, au demeurant parfaitement au fait du dossier de M. [B], de celles de l'adversaire, d'une longueur pour chaque partie de 80 pages, accompagnées de 93 pièces pour M. [B], l'adversaire versant 133 pièces, les conclusions ne lui parvenant que deux jours seulement avant l'expiration du délai de 4 mois, il ne pouvait de toute manière, ni se prononcer sur l'opportunité de l'appel, ni déconseiller au client l'appel que, en tout état, ce dernier entendait exercer en réclamant une indemnité de 20 000 000 € dont il avait été débouté en première instance ;

Considérant que par des motifs pertinents que la cour adopte, les premiers juges ont analysé les relations de M. [B] avec son avocat en distinguant celles durant la période antérieure à la résiliation du contrat de concession, notifiée le 16 juillet 2002 par la société Exploitante et celles durant la période postérieure ayant conduit à l'introduction de l'instance qui s'est terminée par l'arrêt de la cour d'appel de Caen du 12 mai 2005, défavorable à M. [B] et motif de tous ses actuels griefs ; qu'en particulier, ils ont ainsi pu relever que lorsque la société Ouest Propreté a sollicité pour la première fois en mai 2000 l'accord de M. [B] pour étendre l'exploitation du site sur de nouvelles parcelles, et obtenir l'autorisation préfectorale nécessaire, l'état du litige sur le montant des redevances, perdurant depuis 7 années et ayant donné lieu à de multiples décisions judiciaires, récapitulées dans les écritures de M. [A] sur plusieurs pages, établit la combativité réciproque des contractants et l'enjeu économique des contestations les opposant ; qu'en effet la détermination de l'importance des tonnages enfouis et non déclarés par la société Ouest Propreté, influant sur le montant de la redevance à hauteur de 15 % de cette dernière, le bien fondé des réclamations financières de M. [B] consacré par l'arrêt de la cour d'appel de Caen du 27 mars 2003, le souci de ce dernier de lier l'autorisation d'extension au règlement préalable du contentieux des redevances, décision prise dès juin 2000 et réitérée par la suite dans divers courriers dont le but n'a guère varié, définissent la position toujours défendue par M. [B], assisté de son conseil, lequel a dès lors tout mis en oeuvre pour parvenir à un accord global garantissant pour l'avenir une exécution satisfaisante du contrat de concession ; que cette stratégie, refusant clairement tout accord inconditionnel, a supposé des positions fermes, éventuellement agressives, ce dont les courriers des 12 décembre 2001 et 29 avril 2002, repris pour l'essentiel de leur texte in extenso dans le jugement querellé, témoignent ; que toutefois, contrairement aux dires de l'appelant, ce choix avait été l'objet de multiples discussions et réflexions entre M. [A] et son client, en conséquence entièrement informé des risques de rupture des relations contractuelles, au surplus parfaitement au fait d'une exploitation dont il avait lui-même assuré la marche pendant 16 ans, et dont il pouvait envisager de la reprendre à son compte ou avec un tiers ; que dès lors, très au fait des enjeux de la négociation, ayant fait un choix éclairé au surplus non contraire à ses intérêts, M. [B] ne saurait reprocher, d'ailleurs seulement a posteriori, à son avocat, de ne pas l'avoir mis en garde ; qu'en particulier, dans un courrier du 30 décembre 2002 accompagnant un projet d'assignation, également repris in extenso dans le jugement querellé, M. [A] lui rappelle les difficultés prévisibles de la discussion devant le tribunal et le risque que la société Ouest Propreté ne se porte reconventionnellement demanderesse pour être indemnisée des conséquences de la fermeture, dès lors que chaque partie pouvait se prévaloir de l'exception d'inexécution ; que des centaines de courriers ayant été échangés entre M. [B] et son avocat, tous parvenus au client, c'est par une motivation qui ne peut qu'être approuvée que les premiers juges ont observé que pour ce seul courrier, que la cour estime particulièrement instructif, M. [B] a prétendu ne pas l'avoir reçu ; que pour autant, à supposer même que cette affirmation de l'appelant soit retenue comme un fait constant, l'ensemble des péripéties judiciaires et des autres correspondances versées aux débats suffisent à démontrer que M. [B] était conscient des aléas de sa position ; qu'enfin et surtout, comme retenu exactement par le jugement entrepris, la décision de la cour d'appel de Caen, laquelle a porté une appréciation souveraine des circonstances de fait qui lui étaient soumises, aurait pu être différente ; qu'un avocat, qui n'en a pas la maîtrise, ne saurait être tenu pour responsable du contenu des décisions judiciaires ; qu'en particulier, comme le souligne l'intimé et comme l'indique le jugement, la position du conseil de M. [B] était solide dès lors qu'il faisait valoir que le site n'était pas saturé au 30 juin 2002 et offrait une capacité correspondant à plus d'une année d'exploitation, précisant que la décision de fermeture n'avait pas été provoquée par le refus momentané de M. [B] de donner son accord à l'extension mais par un défaut de mise en conformité avec les nouvelles normes applicables par l'exploitant, la société Ouest Propreté ayant la possibilité de contraindre le propriétaire à signer sans condition et encore de renouveler sa demande auprès de l'administration ; que par ailleurs, M. [B] a accepté l'arrêt du 12 mai 2005 qu'il a laissé devenir définitif après avoir diligenté un pourvoi qu'il n'a pas maintenu ; qu'ainsi, ni l'avocat, dont les divers conseils incluant celui de faire appel, n'étaient pas voués à entraîner son client vers un échec, ni l'avoué, certes également tenu à un devoir de conseil à l'égard du client mais en l'espèce dans l'incapacité de se prononcer intellectuellement sur l'opportunité réelle d'un appel déjà décidé, au demeurant s'agissant d'un appel susceptible d'un résultat favorable et qu'il n'aurait donc pu en aucun cas déconseiller, n'ont manqué à leurs obligations ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [B] de toutes ses demandes tant à l'encontre de M. [A] que de la Scp [T] et de l'assureur ;

Sur la demande reconventionnelle de M. [A] :

Considérant que la demande de provision présentée par l'intimé pour réparer son préjudice se fonde sur la responsabilité selon lui engagée par M. [B] par son comportement fautif, dès lors qu'ayant reconnu sa dette bien avant 2005, puis donné son accord dans une correspondance du 6 février 2006, il a ensuite refusé de régler le solde important d'honoraires dus de longue date, ayant conscience des difficultés économiques ainsi occasionnées à M. [A] pour être informé depuis longtemps que le montant de sa dette devait couvrir l'endettement de M. [A], ce dernier étant son conseil depuis 1989 pour de multiples dossiers et dans une relation de confiance, dès lors encore qu'il a tenté, pour échapper à toute action en recouvrement, de mettre en cause la compétence professionnelle de son conseil, provoquant son placement en redressement judiciaire, dès lors enfin que pour échapper au paiement des honoraires, il a procédé à une déclaration téméraire d'une créance de 18 220 457, 25 € auprès du liquidateur judiciaire, avec ouverture d'un contentieux dilatoire en responsabilité, afin d'empêcher le redressement professionnel de M. [A] et d'imposer sa liquidation judiciaire, sans clôture ' in bonis' ; que l'intimé souligne dans ses écritures de multiples circonstances et éléments au fil des années lui permettant d'invoquer la déloyauté dont M. [B] a fait preuve à son encontre ; qu'il fait état d'une consolidation de la dette d'honoraires et d'un apurement convenu dès Février 2001 ;

Considérant que s'il est constant que M. [B] a échoué dans la contestation de sa dette d'honoraires, étant rappelé que le conflit d'honoraires a donné lieu à une décision de M. Le Bâtonnier en date du 9 novembre 2006 fixant à la somme de 265 000 € HT le montant dû par M. [B] à M. [A] et que sur appel, le délégataire du premier président l'a, par ordonnance en date du 15 février 2008, fixé à la somme de 530 000 € HT, majorée des intérêts courant depuis le 15 décembre 2005, ces circonstances ne sont pas de nature à caractériser une faute susceptible d'engager la responsabilité de son auteur sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du code civil, dès lors que la contestation des honoraires ne constitue que l'exercice d'un droit ; qu'au surplus, si certes l'intimé allègue que le rapport de M. [S] en date du 20 juin 2007 fait bien ressortir, au plan comptable, que l'état de cessation de paiement de M. [A] ainsi que l'ouverture du redressement judiciaire et ses suites résultent directement de la remise en cause fautive par M. [B] de ses engagements de paiement, en revanche il fait valoir inexactement que cette situation résulterait entièrement de l'attitude de M. [B], caractérisée par ses multiples revirements, car le fait de consentir à un très important client des délais importants pour le règlement de ses honoraires et de mobiliser son cabinet autour de ce seul client sans élargir sa clientèle est un choix de l'avocat dont le client n'est pas comptable, sans qu'il n'y ait lieu à analyser davantage l'attitude de ce dernier, la signification de ses revirements ou la malignité de ses intentions ; que dans ces conditions le jugement déféré a justement souligné, qu'aucun lien direct de causalité ne pouvait être retenu entre une éventuelle faute de M. [B], caractérisée par ses multiples revirements et la situation de liquidation judiciaire de M. [A] ; que le jugement sera également confirmé en ce qu'il a débouté M. [S] és -qualités et M. [A] de leur demande reconventionnelle ;

Considérant que M. [B] succombant en toutes ses prétentions, l'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit des intimés à hauteur chacun de la somme de 6000 € ; que l'appelant sera débouté de sa demande à ce titre et qu'il supportera les dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS :

Ecarte des débats les pièces No 81 à 91 communiquées par M. [U] [B],

Déboute M. [U] [B] de toutes ses demandes au titre de l'article 24 du code de procédure civile,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne M. [U] [B] à payer à M. [S] ès-qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de M. [A], à M. [A], à la Scp [T] -[D]-[L] & [I] et à la société Covea Risks chacun la somme de 6000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [U] [B] à payer les dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 09/14825
Date de la décision : 16/11/2010

Références :

Cour d'appel de Paris C1, arrêt n°09/14825 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-11-16;09.14825 ?
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