RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 3
ARRÊT DU 16 novembre 2010
(n° 3 , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/02865
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 18 février 2009 par le conseil de prud'hommes de Bobigny section encadrement RG n° 07/04633
APPELANTE
Mlle [U] [D]
[Adresse 1]
[Localité 2]
comparante en personne, assistée de Me Isabelle ROTH, avocate au barreau de PARIS,
toque : C0015
INTIMÉE
SAS SWISSPORT SERVICES CDG,
aux droits de AIRPORT SERVICES FRANCE
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Laurent MORET, avocat au barreau de PARIS, toque : PC 427
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 septembre 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Dominique LAVAU, conseillère, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Elisabeth PANTHOU-RENARD, présidente
Madame Michèle MARTINEZ, conseillère
Madame Dominique LAVAU, conseillère
Greffier : Monsieur Eddy VITALIS, lors des débats
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Elisabeth PANTHOU-RENARD, présidente, et par M. Eddy VITALIS, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS et PROCÉDURE :
Mme [U] [D] a été embauchée par la société SWISSAIR suivant contrat à durée déterminée le 25 juin 1997, puis à durée indéterminée le 1er décembre 1997. Suite au changement de situation de l'employeur, elle est devenue salariée de la société AIRPORT SERVICE FRANCE par avenant du 13 novembre 2000 et occupait depuis janvier 2006 les fonctions de Service Manager, c'est à dire superviseur d'escale.
Elle a été convoquée à un entretien préalable au licenciement le 23 novembre 2007, qui s'est tenu le 29 novembre et mise à pied à titre conservatoire le jour-même. Par courrier du 3 décembre 2007, elle a été licenciée pour faute grave en l'espèce, le fait d'avoir utilisé à son profit des bons de repas de 15€, réservés aux passagers dont les vols sont annulés, ce comportement portant atteinte à la société en termes d'image et de relations commerciales.
Saisi le 21 décembre 2007, le Conseil des Prud'hommes de BOBIGNY l'a déboutée de ses demandes par jugement du 18 février 2009 notifié le 23 février 2009. Elle a fait appel le 9 mars 2009.
Mme [D] demande à la Cour de constater que l'employeur ne lui a pas communiqué la lettre de licenciement, les sanctions disciplinaires prises à l'encontre d'autres salariés pour le même motif, la plainte qu'il aurait déposée au pénal et les notes de services concernant l'utilisation des bons et d'en tirer toutes conséquences légales.
Elle l'invite à constater le défaut de qualité de M. [N] à signer la lettre de licenciement et en conséquence à le dire nul. Elle demande les sommes suivantes :
- 1 205,53€ et 120,55€ pour les rappels de salaires et les congés payés durant la mise à pied
- 8 415,24€ et 841,52€ pour l'indemnité compensatrice de préavis
- 8 415,24€ au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement
- 33 666€ à titre de dommages et intérêts pour nullité du licenciement et 10 000€ à titre d'indemnisation de son préjudice moral, le tout avec intérêts de droit à compter de la saisine du Conseil des Prud'hommes
Subsidiairement, elle soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, que les faits invoqués sont prescrits et que la sanction est disproportionnée et sollicite les mêmes sommes, outre 2 000€ de frais irrépétibles.
La société par actions simplifiée SWISSPORT Services CDG, anciennement dénommée AIRPORT Services France, conclut à la confirmation du jugement entrepris et subsidiairement, à la réduction des demandes. A titre reconventionnel, elle sollicite 2 000€ de frais irrépétibles.
MOTIFS :
Sur l'absence de communication de pièces :
Considérant qu'à la suite de trois sommations, l'intimée a communiqué à l'appelante et versé aux débats la lettre de licenciement, dont la salariée disposait nécessairement et une note de service du 29 septembre 2007 rappelant aux salariés qu'il leur était strictement interdit d'utiliser les 'vouchers' réservés aux clients, avec menace de sanction 'si cela devait se reproduire' ;
Que ces pièces ont pu faire l'objet d'un débat contradictoire et que l'absence des autres pièces n'a pas eu pour effet de priver l'appelante d'un procès équitable, étant observé qu'aucun grief n'est évoqué ;
Qu'en l'état, la Cour dispose des éléments suffisants pour statuer ;
Sur la validité de la délégation de pouvoir :
Considérant que l'employeur est une société par actions simplifiée constituée le
24 novembre 2000, dont le Président est M. [S] [C], ainsi qu'il résulte de l'extrait K-bis qu'elle verse aux débats et que, selon les termes de l'article L. 227-6 alinéa 3 du code de commerce, les statuts peuvent prévoir les conditions dans lesquelles le Président peut déléguer les larges pouvoirs dont il dispose à une ou plusieurs personnes, à condition qu'il s'agisse du Directeur général ou du Directeur général adjoint ;
Que l'article 2 des statuts énonce :'le Président peut consentir à tout Préposé de son choix toutes délégations de pouvoir qu'il juge nécessaires, dans la limite de ceux qui lui sont confiés par la loi et par les présents statuts' ;
Qu'en l'espèce, M. [C] a délégué à M. [N], Chef d'escale, 'le pouvoir de le représenter auprès des IRP et ainsi d'engager toute procédure, signer tout document, faire valoir tout moyens, répondre à toutes questions et intervenir en matière disciplinaire', missions qu'il ne pouvait valablement déléguer qu'à un Directeur général ou un Directeur Général adjoint ;
Que le délégataire du Président n'avait donc pas qualité pour signer la lettre de licenciement, nul de plein droit et de ce fait, dépourvu de cause réelle et sérieuse, sans qu'il ait lieu d'aborder le surplus des demandes ;
Sur le montant des demandes :
Considérant que Mme [D] est fondée à bénéficier des indemnités prévues par les dispositions des articles L. 1234-9 et L. 1235-3 du code du travail et qu'elle verse le calcul des montants demandés au titre du salaire durant sa mise à pied du 23 novembre au 5 décembre 2007, de l'indemnité compensatrice de préavis fixé à trois mois et de l'indemnité conventionnelle de licenciement, détaillé dans ses conclusions conformément à la convention collective dont l'application n'est pas contestée par l'intimée ;
Qu'il y a donc lieu de condamner la SAS SWISSPORT Services CDG à payer à
Mme [U] [D] les sommes de 1 205,53€ à titre de rappel de salaire, 120,55€ au titre des congés payés incidents, 8 415,24€ à titre d'indemnité de préavis, 841,52€ au titre des congés payés incidents et 8 415,24€ à titre d'indemnité de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2007, date de la réception de la convocation au Conseil des Prud'hommes ;
Considérant que Mme [D], âgée de quarante-six ans à l'époque des faits, disposait de dix ans et six mois d'ancienneté ; qu'elle justifie de ses difficultés pour retrouver un emploi ; qu'il doit lui être allouée en réparation la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;
Considérant qu'il résulte des pièces émanant de la société que Mme [U] [D] a toujours exercé ses fonctions à la plus grande satisfaction de l'employeur ;
Qu'elle a été licenciée de façon brutale, avec mise à pied immédiate et interdiction d'accéder à l'entreprise et que son supérieur a jugé opportun d'informer ses collègues des faits reprochés par un mail du 23 novembre, antérieur à l'entretien, manifestant ainsi un comportement vexatoire ;
Que les circonstances abusives du licenciement ont engendré un préjudice moral qu'il convient de fixer à la somme de 10 000€, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, conformément à l'article 1153-1du code civil ;
Considérant que la SAS SWISSPORT Services CDG succombe et qu'elle doit supporter la charge des dépens ;
Qu'il apparaît équitable de la condamner à payer à Mme [D] la somme de
2 000€ au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS :
Infirmant le jugement du Conseil des Prud'hommes de BOBIGNY en toutes ses dispositions, dit nul le licenciement du 3 décembre 2007'
Condamne la SAS SWISSPORT Services CDG à payer à Mme [U] [D] les sommes de 1 205,53€, 120,55€ au titre des salaires durant la mise à pied, 8 415,24€, 841,52€ au titre du préavis et des congés payés incidents, 8 415,24€ au titre de d'indemnité conventionnelle de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2007 30 000 euros pour licenciement nul et 10 000€ en indemnisation de son préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt,
Condamne la SAS SWISSPORT Services CDG aux dépens et à payer à
Mme [D] la somme de 2 000€ au titre des frais irrépétibles.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE