La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/11/2010 | FRANCE | N°09/18018

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 1, 09 novembre 2010, 09/18018


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 1



ARRET DU 09 NOVEMBRE 2010



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 09/18018



Décision déférée à la Cour : Recours en annulation d'une sentence arbitrale rendue le 30 juillet 2009 par le Tribunal arbitral de PARIS, composé de Maître Geneviève AUGENDRE, présidente, de Monsieur Michel ROUGER et de Maître Jean-Louis DELVOLVE, arbit

res



DEMANDERESSE



SA APAX PARTNERS

prise en la personne de ses représentants légaux



[Adresse 4]

[Localité 5]



représentée par la SCP DUBOSCQ ...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 1

ARRET DU 09 NOVEMBRE 2010

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/18018

Décision déférée à la Cour : Recours en annulation d'une sentence arbitrale rendue le 30 juillet 2009 par le Tribunal arbitral de PARIS, composé de Maître Geneviève AUGENDRE, présidente, de Monsieur Michel ROUGER et de Maître Jean-Louis DELVOLVE, arbitres

DEMANDERESSE

SA APAX PARTNERS

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 4]

[Localité 5]

représentée par la SCP DUBOSCQ - PELLERIN, avoués à la Cour

assistée de Me Emmanuel GAILLARD, avocat au barreau de PARIS, plaidant pour le cabinet SHEARMAN & STERLING, toque : J 006

DEFENDERESSES

S.A.R.L. MARSA FASHION COMPANY

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 1]

(TUNISIE)

représentée par la SCP BOLLING - DURAND - LALLEMENT, avoués à la Cour

assistée de Me Karim MISSAOUI, avocat au barreau de TUNIS,

S.A. FINO

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 3]

(TUNISIE)

représentée par la SCP BOLLING - DURAND - LALLEMENT, avoués à la Cour

assistée de Me Karim MISSAOUI, avocat au barreau de TUNIS,

S.A.R.L. PARTNER TEXTILE

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 2]

(TUNISIE)

représentée par la SCP BOLLING - DURAND - LALLEMENT, avoués à la Cour

assistée de Me Karim MISSAOUI, avocat au barreau de TUNIS,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 octobre 2010, en audience publique, le rapport entendu, devant la Cour composée de :

Monsieur MATET, Président

Madame GUIHAL, Conseillère

Madame DALLERY, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame PATE

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur MATET, président et par Madame PATE, greffier présent lors du prononcé.

Les sociétés de droit tunisien MARSA FASHION COMPANY (MFC), FINO et PARTNER TEXTILE (les sociétés tunisiennes) exercent leurs activités dans le secteur du textile et de la confection. Elles entretenaient de manière régulière depuis 1998 des relations commerciales avec la société MORGAN SA (MORGAN), spécialisée dans la création et la vente de vêtements de prêt-à-porter.

La société APAX PARTNERS SA (APAX) est un fonds d'investissement qui gère deux fonds communs de placement détenteurs de 79,49 % des droits de vote au sein de la société MORGAN INTERNATIONAL PARTICIPATIONS (MIP), elle-même détentrice de 100 % du capital de MORGAN.

A la suite d'une brusque chute de commandes en 2007, les sociétés tunisiennes ont assigné MORGAN le 27 juillet 2007 devant les juridictions tunisiennes en paiement de dommages-intérêts pour rupture abusive des relations commerciales établies. Des négociations, dans lesquelles est intervenu M. [R], président d'APAX, ont conduit à la signature le 25 janvier 2008 d'un protocole transactionnel entre MORGAN et les sociétés tunisiennes aux termes duquel ces dernières ont renoncé à leur action en justice en contrepartie de l'engagement de MORGAN d'assurer un certain volume de commandes pendant trois ans.

Alléguant l'inexécution par MORGAN de ses engagements, les sociétés tunisiennes ont engagé, le 30 juillet 2008, une procédure d'arbitrage conformément à la clause compromissoire stipulée par le protocole (premier arbitrage, dont le siège était fixé à Genève).

La solvabilité douteuse de MORGAN, confirmée par son admission, le 24 décembre 2008 au bénéfice du redressement judiciaire, a conduit les sociétés tunisiennes à rechercher l'extension de la procédure d'arbitrage à APAX et à son président. En définitive, une nouvelle convention d'arbitrage a été conclue le 16 janvier 2009 entre APAX et les sociétés tunisiennes (second arbitrage). Elle fixait à [Localité 7] le siège de l'arbitrage et faisait élection des règles de procédure du code de procédure civile français et de la loi de fond française.

Le tribunal constitué, en exécution de cette convention, de Mme [G], présidente, et de MM Delvolvé et Rouger, arbitres, a rendu le 30 juillet 2009 une sentence assortie de l'exécution provisoire qui :

- condamne APAX à payer à MFC 7.000.000 d'euros au titre de la perte de chance et 500.000 euros en réparation du préjudice moral et à FINO, 2.000.000 d'euros au titre de la perte de chance et 500.000 euros en réparation du préjudice moral;

- constate que PARTNER TEXTILE ne formule aucune demande à ces deux titres;

- déboute APAX de sa demande reconventionnelle.

APAX a formé le 7 août 2009 un recours contre cette sentence.

Par conclusions du 6 septembre 2010, elle en poursuit l'annulation et demande à la Cour de rejeter l'exception d'irrecevabilité présentée par les sociétés tunisiennes et de condamner celles-ci à lui payer la somme de 80.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle invoque, en substance, la méconnaissance du principe de la contradiction (article 1502 4° du code de procédure civile) et la méconnaissance de ce même principe, conjointement avec violation de l'ordre public procédural (article 1502 5° du code de procédure civile).

Par conclusions du 29 septembre 2010, les sociétés tunisiennes demandent à la Cour de juger que les moyens soulevés par APAX tendent à la révision de la sentence et que la prétendue méconnaissance des droits de la défense n'est pas établie, que le recours doit donc être déclaré irrecevable et mal fondé, et APAX condamné au paiement de la somme de 65.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur quoi :

Sur le premier moyen d'annulation pris de la méconnaissance du principe de la contradiction (article 1502 4° du code de procédure civile) :

Sur le moyen pris en sa première branche :

APAX soutient que les arbitres ont fondé leur décision sur un fait non débattu par les parties, à savoir la circonstance que M. [R] aurait dissimulé une demande de recapitalisation de MORGAN, formulée par les banquiers de cette dernière à titre de condition de rééchelonnement de sa dette.

Considérant que les sociétés tunisiennes ont soutenu devant le tribunal arbitral que M. [R], intervenant ès qualités de président d'APAX, dans les négociations ayant abouti à la conclusion du protocole transactionnel, avait dissimulé la situation financière obérée de MORGAN ainsi que la volonté d'APAX de céder rapidement ses participations dans cette société, que ce manquement au devoir de loyauté les avait amenées à se désister de leur action devant les juridictions tunisiennes en contrepartie d'engagements illusoires de MORGAN et les avait ainsi privées d'une chance d'obtenir dans l'instance judiciaire la réparation du préjudice causé par la rupture des relations commerciales établies;

Considérant qu'APAX a répliqué sur ces différents points;

Considérant que, pour accueillir les prétentions des sociétés tunisiennes et caractériser la déloyauté d'APAX, la sentence (§ 37) énonce que, 'tandis que M. [R], es-qualité faisait tous ses efforts pour amener M. [X] et les 'sociétés tunisiennes' à transiger, c'est-à-dire à renoncer à leur action judiciaire en Tunisie moyennant la promesse de l'effort 'exceptionnel' de MORGAN décrit dans le mémorandum précité du 30 octobre 2007, lui-même dissimulait à son interlocuteur deux informations essentielles.

Tout d'abord un rapport du conseil d'administration de MIP du 19 décembre 2007 indiquait que les banquiers de MORGAN, sollicités en vue d'un rééchelonnement de sa dette, avaient demandé la recapitalisation de celle-ci par ses actionnaires. Membre de ce conseil d'administration, M. [R] aurait dû loyalement communiquer cette information à M. [X], alors que la négociation transactionnelle était en cours, et que les efforts 'exceptionnels' demandés à MORGAN auraient probablement du mal à être soutenus.

Enfin et surtout, il s'est avéré que, loin de se préparer à soutenir MORGAN, M. [R] s'efforçait de s'en désinvestir, au moyen d'une cession aussi rapide que possible par les fonds Apax de leurs actions MORGAN à un tiers, ce à quoi l'existence et la persistance des procédures judiciaires pendantes en Tunisie, dont l'impact financier paraissait redoutable, faisaient obstacle.'

Considérant que le principe de la contradiction n'implique pas que les parties soient invitées à débattre de la motivation de la sentence préalablement à son prononcé;

Considérant que, dès lors qu'ils étaient saisis de l'allégation, contradictoirement débattue, de dissimulation par M. [R] de deux circonstances susceptibles d'affecter les négociations - la situation financière compromise de MORGAN et la volonté d'APAX de se désengager du capital de cette société - les arbitres n'ont pas méconnu les exigences de la contradiction en retenant notamment, sans provoquer d'explications particulières des parties sur ce point, un rapport du conseil d'administration de MIP relatif aux difficultés de restructuration de la dette de MORGAN, dont il est constant qu'il avait été régulièrement versé aux débats;

Sur le moyen pris en sa seconde branche :

APAX prétend que les arbitres ont violé le principe de la contradiction en fondant leur décision sur une attestation des commissaires aux comptes des sociétés tunisiennes relative au montant des réparations dont elle n'a pas eu connaissance.

Considérant qu'APAX vise le paragraphe 46 de la sentence arbitrale qui énonce que 'le montant des réparations était assorti de justifications comptables et a été entre autres attesté par les commissaires aux comptes des sociétés tunisiennes et par la société d'audit Horwath, que le tribunal arbitral tient pour plausibles et n'appelant pas le concours de l'expertise sollicitée à titre subsidiaire par l'une et l'autre parties';

Considérant qu'il résulte du contexte de cette citation, ainsi que de son rapprochement avec les pièces produites à l'instance arbitrale, que le tribunal a ainsi entendu viser, d'une part, les rapports techniques d'évaluation des pertes subies par MFC et FINO, établis par Horwath (pièces produites par les sociétés tunisiennes à l'instance arbitrale sous les numéros 28 et 29), d'autre part, les états financiers de MFC pour les exercices 2003 à 2006 et les états financiers de FINO pour les exercices 2005 à 2007 accompagnés des rapports des commissaires aux comptes (pièces 19 et 27); qu'il s'en déduit que, contrairement aux allégations d'APAX les arbitres ne se sont pas fondés sur des pièces qui n'auraient pas été versées aux débats;

Que le premier moyen en ses deux branches ne peut donc être accueilli;

Sur le second moyen d'annulation pris de la violation de l'ordre public international de procédure (article 1502 5° du code de procédure civile) et du principe de la contradiction (article 1502 4° du code de procédure civile):

APAX expose que le litige porte sur son éventuelle responsabilité dans des manquements contractuels allégués à l'encontre de MORGAN; que les informations financières et commerciales nécessaires à l'appréciation tant des fautes que du préjudice sont détenues par les sociétés tunisiennes et par MORGAN; qu'elle-même n'a pas accès aux archives de MORGAN, avec laquelle au surplus elle se trouve en conflit d'intérêts depuis que cette dernière a été mise en redressement judiciaire; que le tribunal arbitral, en se fondant sur les seules pièces produites par les sociétés tunisiennes, sans faire droit à sa demande d'expertise, a méconnu le principe, inhérent à l'ordre public international, d'égalité des armes, ainsi que le principe de la contradiction.

Considérant que les arbitres ont retenu la responsabilité d'APAX à raison de manquements à la loyauté de son président qui ont induit les sociétés tunisiennes à se désister sans contrepartie réelle de leur action contre MORGAN et à perdre ainsi une chance d'être indemnisée du préjudice résultant de la rupture abusive de relations commerciales établies;

Considérant que la seule circonstance qu'APAX n'ait pas été partie au contrat principal ne pouvait, au nom du principe d'égalité des armes, avoir pour effet de priver les sociétés tunisiennes de leur droit d'accéder à un juge pour faire sanctionner des manquements personnels d'APAX; qu'ainsi que le relève la sentence, il appartenait à APAX, le cas échéant, de demander l'audition de représentants de MORGAN, ce qu'elle s'est abstenue de faire; que si les arbitres, s'estimant suffisamment éclairés sur le préjudice des sociétés tunisiennes par les pièces comptables versées aux débats, ont refusé de faire

droit à la demande d'expertise présentée à titre subsidiaire par l'ensemble des parties, il n'en résulte aucune atteinte aux principes directeurs du procès; qu'au demeurant, APAX a expressément reconnu par un procès-verbal dressé à l'issue de l'audience de plaidoiries le 19 juin 2009 que la procédure arbitrale s'était déroulée dans le respect des principes du débat contradictoire;

Que le deuxième moyen ne peut donc qu'être écarté;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le recours d'APAX doit être rejeté;

Considérant qu'il convient de condamner APAX, qui succombe, à payer aux sociétés tunisiennes la somme globale de 65.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le recours en annulation.

CONDAMNE la société APAX PARTNERS SA à payer aux sociétés MARSA FASHION COMPANY, FINO et PARTNER TEXTILE la somme globale de 65.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

REJETTE la demande formée par la société APAX PARTNERS SA sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE la société APAX PARTNER SA aux dépens et admet la SCP BOLLING DURAND LALLEMENT, avoués, au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 09/18018
Date de la décision : 09/11/2010

Références :

Cour d'appel de Paris A1, arrêt n°09/18018 : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-11-09;09.18018 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award