Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2- Chambre 1
ARRET DU 9 NOVEMBRE 2010
(no 384, 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/ 10663
Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Février 2009- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 08/ 05720
APPELANTS
S. A. S. LB PARTNERS agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux 19, rue du Quatre Septembre 75002 PARIS représentée par la SCP GRAPPOTTE BENETREAU JUMEL, avoués à la Cour assistée de Me Gwenaëlle MADEC, avocat au barreau de PARIS, toque : J100 SCP LARANGOT HENRIOT-BELLARGENT LE DOUARIN et ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS
Madame Sarah X... épouse Y...... 92200 NEUILLY SUR SEINE représentée par la SCP GRAPPOTTE BENETREAU JUMEL, avoués à la Cour assistée de Me Gwenaëlle MADEC, avocat au barreau de PARIS, toque : J100 SCP LARANGOT HENRIOT-BELLARGENT LE DOUARIN et ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS
Monsieur Laurent Y...... 92200 NEUILLY SUR SEINE représenté par la SCP GRAPPOTTE BENETREAU JUMEL, avoués à la Cour assisté de Me Gwenaëlle MADEC, avocat au barreau de PARIS, toque : J100 SCP LARANGOT HENRIOT-BELLARGENT LE DOUARIN et ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS
INTIME
Monsieur Michaël Z...... 75017 PARIS représenté par la SCP GAULTIER-KISTNER, avoués à la Cour assisté de Me Jean Pierre DUFFOUR, avocat au barreau de PARIS, toque : P 470
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 6 septembre 2010, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de : Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre Madame Brigitte HORBETTE, Conseiller Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Madame Noëlle KLEIN
ARRET :
- contradictoire-rendu publiquement par Madame Brigitte HORBETTE conseiller ayant délibéré en l'empêchement du Président,- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.- signé, en l'empêchement du Président, par Madame Brigitte HORBETTE conseiller ayant délibéré et par Mme Noëlle KLEIN greffier à qui la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
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La société LB Partners, dont Mme X... et M. Y..., son époux, sont respectivement présidente et associé unique, et ceux-ci, ayant acquis les parts d'une société ELONEX dont la situation financière la conduira au redressement le 5 décembre 2007 puis à la liquidation le 17 janvier 2008, recherchent la responsabilité de M. Z..., avocat, pour avoir manqué à son devoir de conseil lors de la rédaction de l'acte de cession du 20 mars 2007 en ne les alertant pas sur le risque pris par eux du fait de l'absence de garantie de passif et pour avoir méconnu les règles du conflit d'intérêts résultant du fait qu'il a conseillé les vendeurs, Mme A... et M. B..., à leurs dépens.
Par jugement du 11 février 2009, le tribunal de grande instance de Paris les a déboutés de leurs demandes indemnitaires et condamnés à 20 000 € de dommages et intérêts ainsi qu'à des indemnités de procédure, au motif d'une part qu'il n'est pas démontré que M. Z... ait été le rédacteur de l'acte litigieux et que, partant, il ne peut y avoir conflit d'intérêts s'il a prodigué ses conseils aux cédants postérieurement à l'acte et d'autre part qu'ils ont mis en cause avec légèreté, devant l'ordre des avocats, la réputation de l'un de ses membres.
CECI ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR,
Vu l'appel de ce jugement par la société LB Partners (la société), Mme X... épouse Y... et M. Y... (les époux Y...) en date du 7 mai 2009,
Vu leurs dernières conclusions déposées le 26 août 2010 selon lesquelles, poursuivant la réformation du jugement, ils demandent, sous de nombreux constats, de condamner M. Z... à payer à la société LB PARTNERS la somme de 800 000 € de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier, de le condamner à " réparer le préjudice moral subi par les appelants " à hauteur de 8 000 € chacun, à titre subsidiaire, à réparer les " préjudices matériel ou financier et moral subis " dans des proportions appréciées " souverainement au vu des pièces versées... et de... la jurisprudence ", à titre infiniment subsidiaire, réformer le jugement en ce qu'il les a condamnés à des dommages et intérêts, en tout état de cause de condamner M. Z... à leur verser 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu les dernières conclusions déposées le 31 août 2010 par lesquelles M. Z... demande le " débouté " des appelants et, par appel incident, leur condamnation " conjointe et solidaire " à lui payer la somme de 70 000 € en réparation de son préjudice moral et de l'atteinte à sa réputation ainsi que celle de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
SUR CE,
Considérant que les époux Y... et leur société estiment rapporter la preuve de la participation de M. Z... aux négociations, à la rédaction des actes et à leurs formalités, par l'aveu judiciaire ressortant du fait qu'il admet dans ses écritures avoir rédigé l'acte préalable de cession des parts de la même société aux consorts A...- B..., leurs cédants, le 16 mars 2007, acte qui aurait servi de modèle à l'autre, avoir prodigué ses conseils en mai 2007 sur le transfert d'actions et avoir enregistré les actes de cession en juillet 2007 ; qu'ils rappellent qu'il était en grande proximité avec les parties, étant ancien mari de Mme A... et ami de longue date de Mme X... dont il était l'avocat pour une autre société qu'elle dirigeait ; qu'il a donc nécessairement participé à l'acte litigieux ; que, compte tenu de ces données et du fait qu'il était le conseil de la société ELONEX cédée, il aurait dû refuser son assistance à des actes qui manifestent un déséquilibre patent, ayant dû abonder les comptes de la société sans aucune garantie de passif ; qu'ils exposent le détail de leur préjudice ;
Que M. Z... s'y oppose en précisant qu'il est l'avocat de la société ELONEX que les consorts A...- B... ont acquise de leur associé majoritaire détenant 96 % des dites parts, au prix de 1 € l'action en contrepartie de leur renoncement à la garantie du passif ; qu'il a rédigé le protocole d'accord de cette cession mais a été étranger aux accords ultérieurs entre les consorts A...- B... et les appelants qui ne l'ont jamais consulté ; qu'il s'est limité ensuite, à la demande de Mme A..., son ex-épouse, à transmettre les ordres de mouvements au service de l'ordre des avocats qui a effectué les formalités mais qu'il n'a jamais procédé à aucun enregistrement des actes de cession et n'a jamais, d'ailleurs, perçu d'honoraires ; qu'il s'appuie sur un courriel de M. Y... en date du 11 mars 2007 qui démontrerait que les cessionnaires étaient parfaitement au courant de la situation économique et comptable de la société ELONEX, qu'ils se sont entourés de conseils, notamment d'avocats, autres que les siens et que M. Y... a été le rédacteur de la cession ; qu'il conteste tant les fautes que le préjudice et met en avant le tort que lui cause cette action qui, soumise au visa de l'ordre des avocats, s'apparente à une dénonciation calomnieuse ;
Considérant que, malgré leurs affirmations, les appelants ne rapportent pas plus devant la cour que devant le tribunal la preuve, qui leur incombe, de la participation effective de M. Z... à la rédaction de l'acte de cession du 20 mars 2007 qui serait à l'origine de leur préjudice, le fait, non contesté, qu'il leur ait fourni un avis au mois de mai suivant ou qu'il soit intervenu au mois de juillet pour permettre l'enregistrement de l'acte, lui aussi non contesté, ne démontrant pas qu'il serait l'auteur de l'acte litigieux ;
Que s'il est acquis qu'il a rédigé l'acte de cession antérieur de la majorité des actions de la société ELONEX, dont il était le conseil, en date du 16 mars 2007, entre l'actionnaire alors majoritaire cédant et les consorts A...- B..., cessionnaires, acte qui prévoyait qu'en échange du prix symbolique des actions aucune garantie de passif ne serait stipulée, aucun élément concret ne vient appuyer l'affirmation des époux Y... et de la société selon laquelle il serait également le rédacteur de la cession de la totalité des mêmes actions à leur profit le 20 mars suivant, la similitude des deux textes ne suffisant pas dès lors qu'il était loisible aux parties de se limiter à recopier sans modification le texte antérieur ; qu'il est d'ailleurs constant qu'il en a été ainsi selon les propres écritures des appelants qui, rappelées par M. Z..., indiquent que (page 7) " le protocole d'accord était... rédigé in fine par monsieur Y... " ;
Que, défaillants à démontrer la participation effective de M. Z... dans la négociation et la rédaction du protocole de cession des parts sociales litigieuses, le surplus de l'argumentation de la société et des époux Y... devient sans portée, ni le constat que M. Z... était le conseil de la société Quantifica dont Mme X... est la gérante, ni les avis qu'il a pu formuler ou les conseils qu'il a pu donner aux appelants postérieurement à la signature de ce protocole n'étant de nature à infléchir cette analyse ;
Que tout au contraire il ressort d'échanges de courriels entre les co-contractants préalablement à cette date, et particulièrement de l'un d'eux envoyé par M. Y... à Mme A... le 11 mars 2007 que, non seulement il était parfaitement au courant des raisons, conditions et termes de la cession antérieure, mais qu'il menait les négociations et recherchait un avocat pour les finaliser et " regarder les aspects juridiques ", manifestant par là même qu'il ne recourait pas aux conseils de M. Z... ; que ceci est encore conforté par l'envoi, par M. Y..., à la même Mme A..., le 19 mars 2007 d'un projet de protocole dont l'entête mentionne qu'il est " créé par Sara X......- Rédaction LB-SC- V11. doc " les initiales des rédacteurs de cette version apparaissant bien comme étant les époux Laurent Y... et Sara X... ;
Considérant dès lors que le jugement, qui a débouté la société et les époux Y... de leurs demandes indemnitaires dirigées contre M. Z..., ne peut qu'être confirmé de ce point de vue ;
Considérant que les premiers juges ont considéré qu'en dénonçant la procédure menée contre M. Z... à l'ordre des avocats au Barreau de Paris, les époux Y... ont mis en cause la réputation de cet avocat et agi avec légèreté ;
Que toutefois, quand bien même l'un d'eux serait un professeur d'économie et toute partie pouvant se méprendre sur l'étendue de ses droits, il n'est pas autrement démontré que leur action ait été emprunte de malignité particulière susceptible de caractériser de leur part un abus du droit d'ester en justice ; qu'au demeurant, la dénonciation de l'assignation au bâtonnier du barreau de Paris étant prescrite par les textes déontologiques dès lors qu'il s'agit de mettre en cause la responsabilité professionnelle d'un avocat, ce simple constat est exclusif de la faute des appelants ; que le jugement qui en a décidé autrement, sera infirmé sur ce point ;
Considérant que les circonstances légitiment l'octroi, à M. Z..., d'indemnités procédurales dans la mesure précisée au dispositif ;
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement en ce qu'il a débouté la société LB Partners et les époux Y... de leurs demandes dirigées contre M. Z... et en ce qu'il a prononcé sur les indemnités de procédure,
L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau du chef de la demande reconventionnelle de M. Z...,
Déboute M. Z... de sa demande de dommages et intérêts formée contre la société LB Partners et les époux Y...,
Condamne la société LB Partners et les époux Y... à payer à M. Z... la somme de 5 000 € (cinq mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.