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09/11/2010 | FRANCE | N°09/02519

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 09 novembre 2010, 09/02519


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRÊT DU 09 novembre 2010



(n° 12 , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/02519



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 09 janvier 2009 par le conseil de prud'hommes de Paris section encadrement RG n° 08/00751





APPELANTE



Mme [P] [W]

[Adresse 1]

[Adresse 5]

[Localité 4]

représentée par Me Laurent RIQUELM

E, avocat au barreau de PARIS, toque : D0295 substitué par Me Emilie BOUQUET, avocate au barreau de PARIS, toque : D.0295







INTIMÉE



SA DERICHEBOURG INTERIM

[Adresse 2]

[Localité 3]

représ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRÊT DU 09 novembre 2010

(n° 12 , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/02519

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 09 janvier 2009 par le conseil de prud'hommes de Paris section encadrement RG n° 08/00751

APPELANTE

Mme [P] [W]

[Adresse 1]

[Adresse 5]

[Localité 4]

représentée par Me Laurent RIQUELME, avocat au barreau de PARIS, toque : D0295 substitué par Me Emilie BOUQUET, avocate au barreau de PARIS, toque : D.0295

INTIMÉE

SA DERICHEBOURG INTERIM

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Tiffany ARSON, avocate au barreau de PARIS, toque : B750

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 juin 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Elisabeth PANTHOU-RENARD, présidente, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Elisabeth PANTHOU-RENARD, présidente

Madame Michèle MARTINEZ, conseillère

Madame Marthe-Elisabeth OPPELT-REVENEAU, conseillère

Greffier : Monsieur Eddy VITALIS, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Elisabeth PANTHOU-RENARD, présidente, et par M. Eddy VITALIS, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA COUR

Statuant sur l'appel régulièrement formé par Mme [W] à l'encontre du jugement rendu le 09 janvier 2009 par le conseil de prud'hommes de Paris - section encadrement - qui l'a déboutée de ses demandes contre la société Derichebourg Intérim,

Vu les conclusions du 23 juin 2010 au soutien de ses observations orales à l'audience de Mme [W] qui demande à la cour, par réformation du jugement déféré, d'annuler l'avertissement dont elle a fait l'objet le 21 septembre 2007, de condamner la société Derichebourg Intérim à lui payer la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse portant intérêts légaux à compter de la notification du licenciement, ainsi que la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu les conclusions du 23 juin 2010 au soutien de ses observations orales à l'audience de la société Derichebourg Intérim aux fins de confirmation du jugement déféré et de condamnation de Mme [W] au paiement de la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Les faits

Mme [W] a été engagée par la société Service Main d'Oeuvre Temporaire (STM Intérim) le 1er janvier 1987 aux fins de suivi administratif de dossiers, secrétariat, dactylographie pré-informatique suivant contrat d'initiation à la vie professionnelle d'une durée de trois mois.

Elle devait percevoir une indemnité égale à 27% du SMIC.

Suivant contrat à durée indéterminée du 02 novembre au 31 décembre 1987, ayant pour motif un surcroît d'activité de l'entreprise, elle était à nouveau embauchée par la SMT Intérim en qualité de secrétaire d'agence en sein de l'agence de [Localité 6], moyennant une rémunération de 4.706,96 francs.

Son contrat de travail se poursuivait après son terme.

Par avenant du 19 janvier 2001 Mme [W] était transférée à la société Rapid Travail Temporaire et promue directrice d'agence, coefficient 200, niveau IV de la convention collective nationale des sociétés de travail temporaire - Personnel permanent - puis à la société Derichebourg Intérim.

Elle percevait en dernier lieu un salaire mensuel brut de 2 408 euros pour 151,67 heures.

°

° °

Le 15 octobre 2004 Mme [W] était élue déléguée du personnel titulaire.

°

° °

Par lettre recommandée avec avis de réception du 21 septembre 2007 la société Derichebourg Intérim notifiait à Mme [W] un avertissement au motif que le 02 septembre précédent notamment le directeur régional Nord-Est Ile de France de la société avait constaté lors d'une visite au sein de l'agence de [Localité 6] qu'elle ne respectait pas les consignes visant l'application des dispositions légales concernant l'emploi des travailleurs étrangers, faisant ainsi courir des risques de sanctions pénales à la société.

Par courrier recommandé avec avis de réception du 31 octobre 2007 la société Derichebourg Intérim convoquait pour le 13 novembre Mme [W] à un entretien préalable à son licenciement.

Mme [W] était licenciée avec dispense d'exécuter son préavis et libération de son obligation de non concurrence, par lettre du 19 novembre 2007 comprenant les motifs suivants :

'Suite à des courriers de la Préfecture en date des 19 et 26 octobre 2007 nous informant que des intérimaires de votre agence présentaient de faux papiers, nous avons pu constater que vous aviez procédé à des vérifications de titres tardives, allant ainsi à l'encontre des dispositions du Décret du 11 mai 2007.

En effet, vous avez déclaré seulement en octobre 2007 les titres de deux intérimaires étrangers qui travaillent pourtant pour votre agence depuis janvier et juin 2007 et qui ont repris des missions depuis le 02 juillet 2007 pour l'un et depuis le 23 juillet 2007 pour l'autre donc après l'entrée en vigueur du Décret du 11 mai 2007, en application depuis le 1er juillet 2007.

Or, vous n'étiez pas sans ignorer les dispositions de ce Décret puisqu'une information vous avez été envoyée par mail le 27 juin 2007 et avait ensuite été complétée par une note explicative complète le 04 juillet 2007 afin de rappeler les dispositions du Décret.

Ce défaut d'application des textes légaux vous a donc conduit à déléguer chez nos clients des intérimaires avec des faux papiers et ce pendant plus de trois mois. En agissant ainsi, vous avez commis une faute dans l'exécution de votre contrat de travail et avez par là même engagé la responsabilité pénale du dirigeant de la société.

Ces faits fautifs qui ne sont pas isolés constituent aujourd'hui une récidive. En effet, le 21 septembre 2007, nous vous avions déjà sanctionnée (avertissement) pour des faits similaires concernant un autre salarié intérimaire de votre agence.

... Nous vous informons que nous avons pris la décision de requalifier [ces faits constitutifs d'une] faute grave en faute simple, et ce afin que vous ne soyez pas privée, étant donné votre ancienneté au sein de notre société, des indemnités conventionnelles de licenciement'.

Mme [W] saisissait le 19 janvier 2008 la juridiction prud'homale,

SUR QUOI

Sur l'avertissement

Attendu que la lettre d'avertissement du 21 septembre 2007 se contente d'alléguer que Mme [W] ne respecte pas les consignes sur l'emploi des travailleurs étrangers, que la société avait reçu un courrier de la poste l'informant qu'un intérimaire n'avait pu retirer une lettre chèque car s'étant présenté avec une pièce d'identité non valide, qu'en 2005 déjà cet intérimaire avait présenté à la salariée de faux papiers, que néanmoins en août 2007 elle avait pris l'initiative de faire travailler cet intérimaire sans vérifier au préalable son titre de séjour, comme imposé par la loi ;

Que la société Derichebourg Intérim pour établir les faits produit un courrier de la poste en date du 14 septembre 2007 désignant un certain [J] [C] qui n'a pu recevoir une lettre chèque faute de pièce d'identité conforme et était parti pendant les vérifications sans recevoir ce courrier ;

Que cette information donnée par la poste cependant n'établit nullement que Mme [W] ait procédé ou même est eu à procéder à l'embauche de cette personne en qualité d'intérimaire ;

Que l'attestation produite par la société Derichebourg Intérim ne vient pas établir non plus un tel fait dès lors que son auteur se contente d'alléguer des propos de la salariée sur le fait que M. [C] lui aurait déjà présenté des faux papiers avant qu'elle ne l'embauche (attestation [I] [T]) ;

Que les faits n'étant pas prouvés ni caractérisés l'avertissement litigieux est injustifié et doit être annulé conformément à l'article L.1333-2 du code du travail ;

Sur le licenciement

Attendu que contrairement à ce que soutient Mme [W] la lettre de licenciement est motivée dès lors qu'elle énonce des faits matériellement vérifiables, à savoir la vérification tardive de titres de séjour pour deux intérimaires constatées suite à des courriers de la Préfecture en date du 27 juin 2007 sur le décret du 11 mai 2007 mis en application en juillet ; déclaration seulement en octobre 2007 de deux intérimaires étrangers embauchés depuis les 02 et 07 juillet 2007 ; délégation en clientèle d'intérimaires avec de faux papiers pendant plus de trois mois du fait du défaut d'application des textes légaux ; que le moyen d'appel n'est pas fondé ;

Attendu que les faits avancés pour fonder la rupture la société Derichebourg Intérim rappelle l'entrée en vigueur le 1er juillet 2007 de la loi du 24 juillet 2006 édictant notamment l'obligation de l'employeur de vérifier en préfecture si l'étranger, non ressortissant de l'Union Européenne, de l'Espace Economique Européen ou de la Suisse, possède une autorisation de travail correspondant à la catégorie professionnelle, la profession ou la zone géographique de l'emploi offert, et si le titre produit est valable sauf si l'étranger est inscrit à l'Agence Nationale Pour l'Emploi ; qu'elle rappelle que l'employeur doit effectuer cette vérification en adressant à l'autorité compétente au moins 2 jours ouvrables avant la date d'effet de l'embauche ; qu'elle rappelle également les sanctions encourues à défaut par l'employeur ;

Qu'elle fait valoir que Mme [W] était directrice de l'agence de [Localité 6] et en charge en conséquence du respect de la législation sur les titres de séjour et de travail des travailleurs étrangers, qu'elle a procédé tardivement, plus de trois mois après leur mise à disposition d'une entreprise utilisatrice, à la vérificaion des titres de séjour de

MM. [B] et [O], lesquels documents se sont révélés faux, qu'elle était pourtant en possession des éléments utiles ;

Qu'elle explique que M. [B] s'est porté candidat à un poste d'intérimaire le

11 décembre 2006 et a fourni un titre de séjour avant d'être mis à disposition d'une entreprise suivant 116 contrats de mission successifs jusqu'au 30 juin 2007 puis du 02 juillet au 20 octobre 2007 suivant 45 contrats, que le décret imposant à l'employeur de vérifier les titres de séjour était entré en vigueur le 1er juillet 2007, que pour autant Mme [W] ne s'est adressé par télécopie à la Préfecture de Police pour vérifier le titre de séjour de ce salarié étranger que le 20 septembre 2007, que ladite copie n'a jamais été réceptionnée de surcroît, Mme [W] attendant alors jusqu'au 19 octobre 2007 pour réitérer sa demande de vérification, qu'elle n'y a procédé qu'à la suite de dénonciations téléphoniques ;

Qu'elle fait valoir que les faits concernant M. [B] sont identiques : candidature le 17 novembre 2005 ; fourniture par celui-ci d'un titre de séjour ; mise à disposition en juin 2007 et à nouveau le 23 juillet 2007 après l'entrée en vigueur de la loi du 26 juillet 2006, puis suivant 30 contrats successifs, que Mme [W] n'a procédé aux vérifications requises que le 19 septembre 2007, soit plus de deux mois après l'entrée en vigueur de la loi, auprès d'une Préfecture incompétente de surcroît, qu'elle n'a fait une demande utile que le 16 octobre 2007 ;

Attendu qu'il est constant cependant que les deux salariés concernés étaient déjà salariés de la société Derichebourg Intérim, employeur de droit, lorsqu'est entrée en vigueur la loi du 24 juillet 2006, que lorsque ces deux salariés ont présenté leur titre de séjour, l'employeur n'était pas tenu de faire procéder à leur vérification ;

Qu'il s'évince de surcroît des explications des parties et des pièces versées aux débats démontrent que les embauches et mises à dispositions étaient pour la plupart centralisées, que l'agence de [Localité 6] a signalé, notamment le 04 septembre 2007, que les contrats de travail étaient transmis trop tard pour respecter l'obligation de déclarer le travailleur étranger au moins 2 jours ouvrables avant l'embauche, que l'agence était informée des mises à disposition après leur prise d'effet ;

Que dans ces conditions, le délai mis par Mme [W] pour demander la vérification du titre de travail des deux salariés concernés, du fait de nouvelles dispositions, ne peut au regard du mode d'organisation des ressources humaines de l'entreprise sérieusement fonder le licenciement d'une salariée ayant une aussi importante ancienneté ; que le licenciement de Mme [W] est survenu aussitôt après la fin de sa protection en tant que déléguée du personnel ;

Qu'au regard de l'ensemble des éléments qui précèdent la cour a la conviction que le licenciement litigieux ne procède pas d'une cause réelle et sérieuse ;

Attendu que le préjudice, que le licenciement de Mme [W] a occasionné à celle-ci un préjudice de carrière ; que sans emploi jusqu'au 1er novembre 2008 elle a rencontré de graves difficultés financières dont elle justifie ; qu'elle n'a retrouvé en outre qu'un emploi à temps partiel de 75,83 heures par mois ;

Que la mise en cause de ses compétences professionnelles lui a occasionné en outre un important préjudice moral ;

Que la somme de 30 000 euros doit lui être versée en réparation ;

Que les intérêts légaux sur cette somme courent à compter du présent arrêt conformément à l'article 1153 du code civil ;

Attendu qu'en vertu de l'article L.1235-4 du code du travail le remboursement des allocations chômage par l'employeur fautif est de droit ; qu'il doit être ordonné dans la limite légale en l'espèce ;

PAR CES MOTIFS

Infirmant le jugement déféré,

Condamne la société Derichebourg Intérim à payer à Mme [W] la somme de 30 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, cette somme portant intérêts légaux à compter du présent arrêt,

Ordonne à la société Derichebourg Intérim de rembourser au Pôle Emploi les allocations chômage versées à Mme [W] après son licenciement dans la limite de six mensualités ;

Ajoutant au jugement,

Annule l'avertissement notifié à Mme [W] le 21 septembre 2007,

Condamne la société Derichebourg Intérim aux dépens,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme [W] la somme de 3 000 euros à ce titre.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 09/02519
Date de la décision : 09/11/2010

Références :

Cour d'appel de Paris K3, arrêt n°09/02519 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-11-09;09.02519 ?
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