Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 1
ARRET 9 NOVEMBRE 2010
(n° 303, 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/19667
Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Septembre 2008 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 06/02844
APPELANTES
SARL SODILAP poursuites et diligences de ses représentants légaux
[Adresse 7]
[Localité 1]
représentée par la SCP LAGOURGUE - OLIVIER, avoués à la Cour
assistée de Me Patricia BONZANINI-BECKER, avocat au barreau de GRASSE
SARL SANISER représentée par son gérant
[Adresse 7]
[Localité 1]
représentée par la SCP LAGOURGUE - OLIVIER, avoués à la Cour
assistée de Me Patricia BONZANINI-BECKER, avocat au barreau de GRASSE
INTIMEES
Madame [H] [U] ès-qualités de mère de [N] [R], née le [Date naissance 2] 2004 de son union avec Monsieur [K] [R] décédé le [Date décès 4] 2004
[Adresse 5]
[Localité 6]
représentée par la SCP HARDOUIN, avoués à la Cour
assistée de Me Bruno CHAIN LACGER, avocat au barreau de PARIS, toque : P 462
Association
SOCIETE COVEA RISKS, prise en la personne de ses représentants légau
[Adresse 3]
[Localité 8]
représentée par la SCP HARDOUIN, avoués à la Cour
assistée de Me Bruno CHAIN LACGER, avocat au barreau de PARIS, toque : P 462
Association
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 25 mai 2010, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :
Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre
Madame Brigitte HORBETTE, Conseiller
Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Madame Noëlle KLEIN
ARRET :
- contradictoire
- rendu publiquement par Madame Brigitte HORBETTE conseiller ayant délibéré en l'empêchement du Président,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé, en l'empêchement du Président, par Madame Brigitte HORBETTE conseiller ayant délibéré et par Mme Noëlle KLEIN greffier à qui la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
******************
Les SARL SODILAP et SANISER, toutes deux dirigées par M. [T], étaient unies depuis le 21 décembre 1992 par un contrat d'agent commercial aux sociétés LAPEYRE et GME et exploitaient un dépôt.
Ayant appris que s'ouvrait dans un local mitoyen une entreprise concurrente pour les professionnels, sous l'enseigne 'La plate-forme du bâtiment', détenue par le groupe SAINT GOBAIN, distribuant les deux mêmes marques qui appartiennent à ce groupe, M. [T] s'en est inquiété auprès de ses mandants et, n'obtenant aucune réponse, a fait jouer la clause d'arbitrage prévue au contrat.
Les SARL SODILAP et SANISER reprochent à [K] [R], leur avocat aujourd'hui décédé, d'avoir manqué à son devoir de conseil en ne les informant pas des risques de cette procédure, puisqu'elles ont perdu leur contrat d'agent commercial ce qui, par voie de conséquence, leur a causé un préjudice économique très important car elle n'ont pas obtenu l'indemnité résultant de l'application de la loi du 25 juin 1991.
Par jugement du 24 septembre 2008, le tribunal de grande instance de Paris a déclaré irrecevables les demandes de M. [T] à titre personnel et recevables les demandes formées par les deux sociétés contre Mme [U] ès-qualités de mère de l'enfant mineure de [K] [R], les a déboutées de leurs demandes dirigées contre Mme [U], ès-qualités, et les a condamnées à payer à la jeune [N], représentée par sa mère, et à la société COVEA RISKS la somme de 2 000 € chacune en application de l'article 700 du code de procédure civile.
CECI ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR,
Vu l'appel de ce jugement par les SARL SODILAP et SANISER en date du 16 octobre 2008,
Vu leurs dernières conclusions déposées le 17 mai 2010 selon lesquelles, poursuivant la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté l'exception d'irrecevabilité des intimées mais son infirmation pour le surplus, elles demandent, sous de nombreux constats, de condamner 'conjointement et solidairement' Mme [U], ès-qualités, et la société COVEA RISKS à leur payer la somme de 13 832 000 € de dommages et intérêts augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation et capitalisation et, sous les mêmes conditions, celle de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu les dernières conclusions déposées le 6 mai 2010 par lesquelles la société COVEA RISKS et Mme [U], ès-qualités de mère de [N], enfant mineure de [K] [R], demandent de déclarer irrecevable la demande formée à l'encontre de Mme [U], ès-qualités de mère de [N], enfant mineure de [K] [R], à défaut d'être portée contre l'enfant, Melle [N] [R], représentée par sa mère, au fond de confirmer le jugement et de condamner in solidum les sociétés SODILAP et SANISER à payer à Melle [N] [R], représentée par sa mère, la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
SUR CE,
Sur la recevabilité de l'action dirigée contre Mme [U], ès-qualités de mère de [N] [R] :
Considérant que la société COVEA RISKS et Mme [U] font tout d'abord valoir que la demande dirigée contre cette dernière est irrecevable puisqu'elle n'a hérité d'aucun droit de [K] [R], seule sa fille étant son héritière, de sorte que l'action doit être dirigée contre l'enfant, dont elle est la représentante légale, aucune condamnation telle que demandée ne pouvant être prononcée contre la mère ;
Que pour s'y opposer les sociétés SODILAP et SANISER soutiennent que cette exception aurait dû être proposée in limine litis et est donc irrecevable et que, introduite conformément à l'article 464 du code civil, leur action est recevable, le tuteur pouvant seul défendre à l'action introduite contre le mineur ;
Considérant que l'assignation délivrée le 16 février 2006 par les sociétés SODILAP et SANISER l'a été contre 'Madame [H] [U]... en sa qualité de mère de l'enfant... [N] [R]...' ; que celle-ci et la société COVEA RISKS ont, dès les échanges d'écritures devant le tribunal, soulevé l'irrecevabilité des demandes dirigées contre la mère qui 'n'est en aucune manière héritière de M. [K] [R]' ; que l'exception est donc recevable ;
Considérant que si la formulation utilisée par les SARL SODILAP et SANISER pour demander la condamnation de l'ayant droit de [K] [R] est malencontreuse et s'il n'est pas douteux que Mme [U] ne peut être condamnée, personnellement, à rien n'ayant été ni en relation contractuelle avec les SARL SODILAP et SANISER ni héritière de [K] [R] dont la responsabilité est recherchée, il n'en n'est pas moins constant qu'elle exerce la représentation légale de sa fille mineure et peut donc, seule, défendre à une action qui, en réalité, est dirigée contre Melle [N] [R], représentée par sa mère ;
Que le jugement, qui a déclaré l'action recevable, sera confirmé sur ce point ;
Au fond :
Considérant qu'au soutien de leur appel les SARL SODILAP et SANISER font valoir que [K] [R] aurait dû, devant le risque de leur voir perdre leur contrat d'agent commercial, qui constituait l'actif indispensable, envisager d'autres fondements juridiques à leur action que la résiliation du contrat, tel que la responsabilité contractuelle pour manquement à l'obligation de loyauté, alors que M. [T] souhaitait poursuivre le contrat ; qu'il devait les informer de sa stratégie et des risques résultant de ses choix ; que l'intervention d'un membre de la famille du client, en l'occurrence la fille de M. [T], elle même avocate, n'a pas pour effet de décharger l'avocat de sa responsabilité ;
Considérant cependant que la société COVEA RISKS et Mme [U] rappellent à propos que, tout au contraire, c'est M. [T] qui, dès le début, voulait voir résilier son mandat, estimant qu'il n'y avait pas d'autre issue ; que ce principe avait été acquis dès avant l'intervention de [K] [R] puisqu'avait été négocié entre le précédent conseil et celui des sociétés LAPEYRE et GME une indemnité de départ de 8 millions de francs ; que cette position de M. [T], intangible, ressort de correspondances des 9 janvier, 4 août et 6 octobre 1998, alors que [K] [R] n'est intervenu dans le dossier qu'en janvier 1999 ;
Qu'il apparaît en effet également d'une lettre du 23 novembre 1998, reprise le 8 décembre, que les SARL SODILAP et SANISER demandent à leurs co-contractants 'le nom de votre conseil...' pour discuter des suites à donner et '[parvenir] à un accord' ; que la rencontre qui a eu lieu entre M. [T] et M. [C], représentant les sociétés LAPEYRE et GME, le 16 décembre 1998, retranscrite par Melle [T], fait apparaître à plusieurs reprises la volonté de M. [T] que les négociations passent par les avocats des deux parties ;
Considérant qu'il ressort de plus des lettres des 27 janvier et 2 mars 1999 que le mandat qui a été donné à [K] [R] était clair à cet égard, qu'il résulte de la convention d'honoraires du 5 février 1999 et consistait à 'voir constater amiablement et à défaut judiciairement la résiliation du contrat du 21 décembre 1992" et à obtenir une indemnité de résiliation supérieure à celle de 8 millions de francs négociée auparavant, la convention précisant qu'un honoraire de résultat ne serait dû que dans cette hypothèse ;
Considérant dans ces conditions que les SARL SODILAP et SANISER ne peuvent reprocher à [K] [R], leur second conseil, une démarche qu'elles avaient elles mêmes initiées avant son intervention et, partant, les suites de celle-ci ;
Considérant que si, en effet, il appartient à l'avocat de prodiguer ses conseils à ses clients nonobstant la connaissance particulière qu'ils peuvent avoir, ou leurs proches, il convient de relever que [K] [R] a soumis à M. [T] les écritures très argumentées qu'il a prises dans le cours de la procédure arbitrale, procédure expressément prévue par l'article 13 du contrat de mandat, écritures commentées par celui-ci, de sorte qu'il ne saurait être soutenu qu'il a manqué à son devoir ; qu'il en est particulièrement ainsi de la lettre de mission donnée aux arbitres qui (page 13) donne la liste des questions à résoudre et des demandes formulées dont 'prononcer la résiliation du contrat aux torts et griefs des sociétés Lapeyre et GME' (point 3) et 'dire que les sociétés Lapeyre et GME ont engagé leur responsabilité contractuelle à l'égard des SARL SODILAP et SANISER...' (point 4) fondement précisément revendiqué aujourd'hui comme étant le plus pertinent ; qu'il n'est d'ailleurs pas contesté que [K] [R] a fondé les demandes indemnitaires sur la loi du 25 juin 1991 dont il lui est fait reproche, désormais, de ne pas l'avoir appliquée ;
Considérant dans ces conditions que, pour ces motifs et ceux non contraires des premiers juges, approuvés ici, la décision querellée sera confirmée en ce qu'elle a débouté les SARL SODILAP et SANISER de leurs demandes indemnitaires formées contre la jeune [N] [R] représentée par sa mère et contre la société COVEA RISKS ;
Considérant que les circonstances légitiment l'octroi, à Melle [N] [R], représentée par sa mère, Mme [U] et à la société COVEA RISKS, d'indemnités procédurales dans la mesure précisée au dispositif ;
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Condamne les SARL SODILAP et SANISER à payer à Melle [N] [R], représentée par sa mère, Mme [U] et à la société COVEA RISKS la somme de 5 000 € (cinq mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER / LE PRÉSIDENT