Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 4
ARRET DU 05 NOVEMBRE 2010
(n° 550 ,4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/01117
Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Janvier 2010 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 09/60539
APPELANTES
SA ELF AQUITAINE, anciennement dénommée Société Nationale Elf Aquitaine SNEA
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 5]
SA TOTAL
représentée par son représentant légal
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentées par la SCP GUIZARD, avoués près la Cour, présent à l'audience
assistée de Maître Emmanuel ROSENFELD, et Maître Christophe BOUCHEZ, avocats au barreau de PARIS, plaidant pour la société d'avocat VEIL JOURDE, toque : T6.
INTIMES
Monsieur [H] [S]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Monsieur [P] [M]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Monsieur [B] [T], présent à l'audience
[B] [T] & Partners, [Adresse 6]
AUTRICHE
représentés par la SCP DUBOSCQ - PELLERIN, avoués près la Cour,
assistés de Maître PELLERIN, avoué prés la Cour
EN PRESENCE DU MINISTERE PUBLIC : Madame Martine TRAPERO
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 08 Octobre 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Jacques LAYLAVOIX, Président de chambre
Madame Dominique GUIHAL, Conseillère
Madame Catherine BOUSCANT, Conseillère
qui en ont délibéré sur le rapport de Monsieur Jacques LAYLAVOIX.
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Fatia HENNI
MINISTERE PUBLIC :
L'affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par Mme TRAPERO, substitut général, qui a fait connaître son avis.
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jacques LAYLAVOIX, président et par Mademoiselle Fatia HENNI, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise.
Vu le jugement en état de référé prononcé le 6 janvier 2010 par le tribunal de grande instance de Paris, qui, saisi sur assignation délivrée à la requête de la société Elf Aquitaine et de la société Total aux fins de voir faire interdiction à M.[H] [S], M.[P] [M] et M.[B] [T] de poursuivre leur mission et leur voir ordonner de leur transmettre un acte confirmant la suspension de la poursuite de leur mission, a dit n'y avoir lieu à référé, renvoyé les sociétés Elf Aquitaine et Total à mieux se pourvoir et les a condamnées aux dépens ;
Vu l'appel interjeté de ce jugement le 20 janvier 2010 par la société Elf Aquitaine et par la société Total, qui, aux termes de leurs dernières conclusions signifiées le 22 septembre 2010 et resignifiées le 7 octobre 2010, demandent à la cour de :
- annuler le jugement déféré,
- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- constater qu'elles sont tiers à la procédure arbitrale et à l'accord compromissoire,
- dire que la poursuite par MM. [T], [S] et [M] du processus qualifié de procédure arbitrale leur causerait un dommage imminent et serait constitutive d'un trouble manifestement illicite,
- faire interdiction à MM. [T], [S] et [M] de poursuivre leur mission, dans l'attente de la décision définitive sur le fond qu'elles poursuivent parallèlement devant le tribunal de grande instance de Paris,
- ordonner à MM. [T], [S] et [M] de leur transmettre, sous astreinte de 100 000 euros par personne et par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, un acte par lequel ils confirment avoir suspendu la poursuite de leur mission,
- condamner in solidum MM. [T], [S] et [M] à verser à Elf Aquitaine et Total une somme de 30 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais hors dépens de première instance et de 30 000 euros au titre des frais hors dépens d'appel,
- les condamner aux dépens.
Vu les conclusions signifiées le 30 septembre 2010 par Messieurs [B] [T], [P] [M] et [H] [S], intimés, qui prient la cour de confirmer le jugement entrepris, dire que la cour est incompétente pour statuer sur le recours d'Elf Aquitaine et Total, dire que le tribunal arbitral a compétence, à l'exclusion des juridictions étatiques, pour statuer sur la question de la régularité de sa propre constitution, dire le recours d'Elf et Total irrecevable ou, à tout le moins, mal fondé, et de condamner les sociétés Elf Aquitaine et Total, outre aux dépens d'appel, au paiement de la somme de 18 000 euros pour leurs frais de procédure non compris dans les dépens ;
Considérant que le ministère public a présenté des observation orales à l'audience ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu d'annuler le jugement déféré, qui est suffisamment motivé, alors que le défaut de réponse à leurs conclusions, allégué mais non démontré par les sociétés demanderesses, ne constitue pas une cause de nullité de cette décision ;
Considérant que :
- le 6 février 1992, l'entreprise russe Interneft et la société Elf Neftegaz, S.A., filiale de la société Elf Aquitaine, ont conclu un contrat de partage de production et de coopération pour l'exploration et l'exploitation des gisements d'hydrocarbures dans les régions de Volgograd et Saratvo (Fédération de Russie), ce contrat, contresigné par le ministre des combustibles et de l'énergie de la Fédération de Russie et par les représentants de la région de Saratov et de Volgograd, comprenant une clause d'arbitrage en son article 27,
- postérieurement à la dissolution de la société Elf Neftegaz, dont l'actionnaire unique était la société Elf Aquitaine, et sa mise en liquidation amiable, l'assemblée générale a constaté le 22 août 2005 la clôture des opérations de liquidation,
-Monsieur [D] a été désigné par ordonnance du président du tribunal de commerce de Nanterre du 28 juillet 2009 en qualité de mandataire ad hoc de la société Elf Neftegaz avec mission de la représenter dans le cadre de la procédure d'arbitrage initiée par les régions de Saratov et de Volgograd et la société Interneft et a désigné comme arbitre M.[S],
- M.[S] et M.[M], celui-ci désigné comme arbitre par la partie russe, ont nommé le 4 septembre 2009 M. [T] président du tribunal arbitral,
- Par ordonnance du 18 septembre 2009, le Président du tribunal de commerce de Nanterre a rétracté l'ordonnance du 28 juillet 2009 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 27 du contrat conclu entre la société Elf Neftegaz, d'une part, et la société Interneft, la région de Volgograd, la région de Saratov et le ministère des combustibles et de l'énergie de la Fédération de Russie, d'autre part, le litige se rapportant au contrat, à sa résolution ou à sa nullité sera tranchée par voie d'arbitrage ad hoc conformément au Réglement d'arbitrage de la Commission des Nations Unies pour le Droit Commercial International ( CNUDCI) ; que cet article précise aussi que l'autorité de nomination sera l'Institut d'Arbitrage de la chambre de commerce de Stockholm, que le nombre des arbitres est fixé à 3, que le lieu de l'arbitrage est Stockholm et que la langue à utiliser pour la procédure d'arbitrage sera l'anglais ;
Considérant que, comme le font justement valoir les intimés, il n'entre pas dans les pouvoirs du juge étatique français d'intervenir à propos d'une instance arbitrale pour faire obstacle à son déroulement, dés lors que le tribunal arbitral, devant lequel se déroule cette instance, siège à Stockholm selon les règles de procédure définies par la CNUDCI ;
Qu'il s'ensuit que l'action des sociétés Elf Aquitaine et Total tendant à voir interdire aux arbitres composant le tribunal arbitral de poursuivre leur mission et à voir ordonner aux arbitres la transmission d'un acte confirmant la suspension de leur mission est irrecevable ;
Considérant qu'eu égard au sens du présent arrêt, les sociétés appelantes supporteront les dépens d'appel, seront déboutées de leur demande formée sur fondement de l'article 700 du CPC et condamnées à payer sur le même fondement aux intimés la somme de 18 000 euros pour les frais de procédure hors dépens exposés par ceux-ci en première instance et en appel ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Rejette la demande d'annulation du jugement,
Réformant le jugement déféré, sauf sur les dépens,
Déclare irrecevable l'action des sociétés Elf Aquitaine et Total,
Les déboute de leurs demandes d'indemnité de procédure,
Les condamne aux dépens d'appel et à payer à M.[H][S], M.[P] [M] et M.[B] [T] la somme de 18000 euros en application de l'article 700 du CPC,
Admet la SCP Duboscq-Pellerin au bénéfice de l'article 699 du CPC.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT