Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 11
ARRET DU 05 NOVEMBRE 2010
(n°356, 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/12055
Décision déférée à la Cour : jugement du 4 juin 2008 - Tribunal de commerce de PARIS - 13ème chambre - RG n°2005087571
APPELANTE AU PRINCIPAL et INTIMEE INCIDENTE
S.A. KENZO PARFUMS, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par la SCP BERNABE - CHARDIN - CHEVILLER, avoué à la Cour
assistée de Me Antoine FOURMENT plaidant pour la SCP CARBONNIER - LAMAZE - RASLE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque P 298
INTIMEES AU PRINCIPAL et APPELANTES INCIDENTES
Société BEAUTY INTERNATIONAL LTD, société de droit anglais, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 3]
[Localité 5]
Société LES PETITS PARFUMS LTD, société de droit anglais, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 6]
GRANDE-BRETAGNE
représentées par la SCP FANET - SERRA, avoué à la Cour
assistées de Me Anne-Laure VINCENT plaidant pour le Cabinet JONES DAY PARTNERSHIP, avocat au barreau de PARIS, toque J 001
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 25 mars 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Fabrice JACOMET, Président
M. Jean-Louis LAURENT-ATTHALIN, Conseiller
M. Bernard SCHNEIDER, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Mlle Carole TREJAUT
M. Fabrice JACOMET a préalablement été entendu en son rapport
ARRET :
Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
Signé par M. Fabrice JACOMET, Président et par Mlle Carole TREJAUT, Greffier, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
La cour est saisie de l'appel, déclaré le 18 06 2008, d'un jugement rendu le 04 06 2008 par le tribunal de commerce de Paris.
Les faits sont les suivants :
- la société LES PETITS PARFUMS LTD, de droit anglais, a fait l'objet en Angleterre d'une procédure collective courant 2003 ayant donné lieu à un plan de conciliation validé par les organes des procédures collectives dans le cadre duquel la société BEAUTY INTERNATINAL LTD, qui avait été immatriculée le 10 10 1999, a repris le nom commercial de cette société à partir du 02 01 2003, puis partie et totalité de ses stocks ; cette procédure collective a été clôturée le 07 01 2006 après désintéressement de la totalité des créanciers,
- il n'est pas utilement contredit que dans le cadre de ce plan de conciliation, la société LES PETITS PARFUMS LTD négociait les contrats avec les maisons de parfums et les sociétés d'édition notamment les contrats d'offres promotionnelles aux termes desquelles par l'intermédiaire de revues étaient proposées aux collectionneurs et amateurs des miniatures de parfums tandis que la SA BEAUTY INTERNATIONAL LTD signait ces contrats et versait mensuellement à [E] [O] représentant légal de la société LES PETITS PARFUMS LTD une rémumération mensuelle dépendante des profits retirés des contrats signés,
- courant novembre 2004, [E] [O], au nom de la société LES PETITS PARFUMS LTD, et Monsieur [J], directeur des exportations régionales pour l'Europe du Sud, l'Afrique et l'Océan Indien de la SA KENZO PARFUMS, sont entrés en relations tandis que, peu après, [E] [O] se rapprochait de [R] [W] directeur de zone pour l'Europe du Sud et de l'Afrique,
- à partir de 17 janvier 2005, [E] [O] a été amenée à préciser à ce dernier la nature de l'opération publi-promotionnelle dont il ressort que les publications sont vendues dans les librairies et dépositaires de journaux, dans divers pays, pour un nombre de l'ordre de 2 000 000 de numéros mais qui varie suivant le succès de la collection, que les maisons de parfums souhaitent être présentes dans les premiers numéros ce qui leur assure un maximum de publicité tandis qu'elle lui justifiait le 04 02 2005 de nombre de références de maisons de parfums prestigieuses et qu'elle avait insisté, dès le 26 01 2005, auprès de ce dernier, sur l'intérêt de la SA KENZO PARFUMS de se placer rapidement en tête de collection en lui faisant connaître, le 08 02 2005, que la nouvelle collection utiliserait un grand nombre d'autres marques,
- le 16 02 2005, [E] [O] confirmait que l'opération pourrait concerner les miniatures du parfum flower by kenzo pour un prix unitaire de 1,40 € moyennant un délai de production de six mois,
- le 22 02 2005, cette dernière, après avoir transmis des copies de publications d'opérations promotionnelles précédentes, indiquait à [R] [W] que le classement des premiers numéros n'était pas encore arrêté mais s'effectuerait entre une quinzaine de marques dont Christian dior et givenchy en lui indiquant que le prix moyen était de 0,80 € et qu'elle ferait ses meilleurs efforts pour la SA KENZO PARFUMS, et pour obtenir un classement pour cette dernière en haut de collection entre les numéros 1 et 3 et qu'il y avait une grande chance d'y parvenir pour la Grèce et l'Espagne,
- début mars 2005, [E] [O] relançait la SA KENZO PARFUMS sur le prix des miniatures tandis que cette dernière réclamait des informations sur la qualité des publications, les campagnes publicitaires audiovisuelles, le rang qui lui serait attribué, en évoquant un accord sur un placement entre les numéros 5 et 8, les conditions de retour des invendus, d'amendements de la maquette qui lui serait soumise, la garantie de la COFACE,
- dans les jours qui suivaient, [E] [O] précisait que la publicité télévisuelle ne bénéficiait qu'aux trois premiers numéros de la collection et que le prix de la miniature retenu par la SA KENZO PARFUMS de 1,40 € était excessif et qu'un nombre de 750 000 miniatures devait être envisagé tandis que [R] [W] acceptait de ramener le prix de la miniature à 1,19 € en soulignant l'important effort accompli justifiant un placement en tête de collection, et donc en numéro 1,
- les discussions s'étant poursuivies, le 29 03 2005, [R] [W] s'inquiétait de l'avenir de la collection et de son rang dans la collection et la possibilité de l'inclure en numéro 1 ce qui conduisait [E] [O] à indiquer, le 30 03 2005, qu'elle 'pousserait pour mettre KENZO en numéro 1" lors d'une prochaine réunion, puis, le 04 04 2005, qu'à l'issue de la réunion, il était envisagé de placer KENZO dans les trois premiers numéros,
- le 19 04 2005, sur un bon d'achat, émanant de la société BEAUTY INTERNATIONAL LTD avec référence à la société LES PETITS PARFUMS LTD portant sur 700000 miniatures pour un prix de 833 000 €, [R] [W] portait la mention 'ok' suivie de la date et de sa seule signature, dont [E] [O] accusera, le jour même, réception en évoquant la finalisation de leurs accords, sur la question des numéros et des dates de livraison,
- des discussions se poursuivront, [R] [W] s'inquiétant de la garantie de la COFACE, des modalités et contraintes de publication, de son rang dans la collection ce qui conduisait [E] [O] à préciser, le 05 05 2005, que les trois premiers pays concernés sont la Grèce, la Pologne, l'Espagne et qu'elle serait en mesure de préciser à la fin de la semaine prochaine notamment le numéro retenu pour KENZO pour le premier pays et qu'elle serait alors en mesure de donner une réponse finale sur l'importante question du classement du numéro,
- le 24 05 2005, [E] [O] annonçait une réponse sur ce dernier point pour la semaine suivante en indiquant qu'elle tentait d'obtenir pour la SA KENZO PARFUMS la première place avant de préciser à [R] [W], sur une nouvelle interrogation de sa part, que toutes informations lui seront données le 08 06 2005,
- les 07, 08, et 09 06 2005, [E] [O] formulait de nouvelles exigences : livraison de 200 000 miniatures pour le 20 08 2005, exclusivité des ventes de miniatures Flower by kenzo, engagement de fournir les miniatures nécessaires chaque année pour chaque pays où la publication serait lancée en laissant entendre à [R] [W] que la SA KENZO PARFUMS pourrait obtenir le premier rang pour les premières publications ce qui ne signifiait pas nécessairement qu'il conserverait ce classement pour les publications dans les autres pays mais qu''assurément Flower sera dans les cinq premiers numéros pour les prochains lancements',
- [R] [W] s'étonnait alors de cette insistance et s'inquiétait à nouveau de la garantie de la COFACE tandis qu'[E] [O] réclamera 100 bouteilles de parfums grand format et quelques coffrets cadeau destinés aux personnes de la publication pour aider au classement en numéro un pour les lancements dans d'autres pays, ce que refusera ce dernier,
- le 27 06 2005, [E] [O] réclamera le dossier de presse et les visuels et [R] [W] manifestera à nouveau son inquiétude tandis que le 29 06 2005, [E] [O] annonçait que la première publication était différée au mois de décembre et qu'elle en préciserait ultérieurement la date en évoquant que le lancement suivant serait pour la Grèce vers juin /juillet 2006,
- par télécopie du 06 07 2005, le directeur export de la SA KENZO PARFUMS, se plaignant de l'imprécision du projet, sur les détails de publication, les dates estimées de lancement, la garantie prévue pour le paiement, évoquant les problèmes de production auxquels la SA KENZO PARFUMS serait confrontée, confirmait sa décision déjà notifiée téléphoniquement de mettre un terme au développement du projet et annulait la livraison du premier lot prévu pour début septembre, décision que contestera vivement la société LES PETITS PARFUMS LTD le 08 07 2005,
- le 28 07 2005, la société LES PETITS PARFUMS LTD mettait en demeure la SA KENZO PARFUMS de lui payer sous huit jours dans le cadre d'un accord amiable une somme de 500 000 £ à défaut de laquelle l'affaire sera portée sur le plan judiciaire,
- par acte du 02 12 2005, les sociétés LES PETITS PARFUMS LTD et BEAUTY INTERNATIONAL LTD ont délivré l'assignation à l'origine du jugement déféré.
Le tribunal a dit les sociétés BEAUTY INTERNATIONAL LTD et LES PETITS PARFUMS LTD recevables, condamné la SA KENZO PARFUMS à leur payer une somme forfaitaire de 350 000 € au titre de leur préjudice à charge pour elles de se répartir cette somme, celle de 12 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à régler les dépens, débouté les parties du surplus de leurs demandes, l'exécution provisoire n'étant pas ordonnée.
Par dernières conclusions du 27 01 2010, la SA KENZO PARFUMS, appelante au principal, intimée incidemment, demande à la cour de dire les sociétés BEAUTY INTERNATIONAL LTD et LES PETITS PARFUMS LTD irrecevables à agir, dire qu'aucun contrat n'a été conclu entre les parties, à tout le moins sans objet et nul à raison du comportement dolosif et des manoeuvres des sociétés intimées, d'infirmer le jugement, de condamner la société LES PETITS PARFUMS à lui payer la somme de 20 000 € de dommages et intérêts à raison de son comportement de mauvaise foi et de ses manoeuvres dolosives, de condamner les sociétés LES PETITS PARFUMS et BEAUTY INTERNATIONAL LTD à lui payer la somme de 15 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à régler les entiers dépens.
Par dernières conclusions du 25 02 2009, les sociétés LES PETITS PARFUMS LTD et BEAUTY INTERNATIONAL LTD, sociétés de droit anglais, intimées au principal, appelantes incidemment, demandent à la cour de dire leur action recevable, la vente du 19 04 2005 parfaite, de dire qu'en refusant délibérément de l'exécuter, la SA KENZO PARFUMS leur a causé un préjudice considérable, de confirmer, en conséquence, le jugement sauf sur le montant du préjudice qui sera porté à la somme de 3 861 035, 93 € avec intérêts au taux légal à compter du 29 07 2005 à charge pour elles de se répartir cette somme entre elles, en tout état de cause, de condamner cette dernière, qui sera déboutée de toutes ses demandes, à leur payer la somme de 25 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à régler les entiers dépens de première instance et d'appel.
SUR CE
Considérant que pour critiquer le jugement sur les condamnations prononcées contre elles, les sociétés intimées :
* excipent d'abord de l'irrecevabilité des demandes en faisant valoir que :
- la société LES PETITS PARFUMS LTD, seule bénéficiaire du bon de commande, a prétendu en cours de procédure n'être que l'agent commercial de la société BEAUTY INTERNATIONAL LTD alors qu'elle n'a pas agi comme représentant de cette dernière en sorte qu'elle n'a ni qualité ni intérêt légitime,
- les sociétés intimées n'ont pas d'intérêt légitime dès lors que la société LES PETITS PARFUMS LTD utilise des manoeuvres pour se parer abusivement du succès d'opérations passées (simples maquettes et non publications, rapports de confiance avec la société GIVENCHY avec laquelle elle était en réalité en litige), a dissimulé sa véritable situation juridique et financière (procédure collective qui a conduit la société BEAUTY INTERNATIONAL LTD à s'interposer en utilisant son nom commercial), ces sociétés intimées ont agi procéduralement de mauvaise foi en inversant leur rôles respectifs, manquant ainsi au principe de cohérence,
- la société BEAUTY INTERNATIONAL LTD est, en réalité, une société fictive qui avait repris les actifs de la sociétés LES PETITS PARFUMS LTD pour les faire échapper à la procédure collective dont elle faisait l'objet et que cette dernière contrôlait toute l'activité de la première qui était donc privé de toute autonomie laquelle avait pour gérant la société CHEAM DIRECTORS COMPANY dont l'activité est de gérer un grand nombre de sociétés, ce montage ayant pour but d'obtenir la garantie de la COFACE que ne pouvait plus obtenir la société LES PETITS PARFUMS LTD en sorte que la société BEAUTY INTERNATIONAL LTD n'était qu'une société de façade ce que confirme le projet de ces sociétés de se répartir l'indemnité qui leur sera éventuellement allouée par la cour, révélant ainsi leur confusion de patrimoine,
- les demandes formées, ainsi indivises, sont irrecevables comme non formées personnellement et révélatrices de l'absence d'un préjudice personnellement subi et fondées sur un contrat de représentation, en réalité inexistant,
- les demandes sont encore irrecevables au regard des dispositions des articles 1134 et 1147 du code civil, les relations des parties étant restées au stade de simples pourparlers,
* prétend ensuite qu'aucun contrat n'a été conclu en faisant valoir que :
- le bon de commande ne porte pas son cachet,
- [R] [W] n'avait pas qualité pour l'engager, tant eu égard à ses fonctions limitées, qu'à raison de l'importance de la vente impliquant une fabrication de plusieurs centaines de milliers d'exemplaires, les sociétés intimées se prévalant abusivement de l'apparence d'un mandat,
- les sociétés intimées se sont livrées à de nombreuses manoeuvres dolosives telles que précédemment rappelées,
- le contrat est nul pour défaut d'objet puisque celui-ci devait permettre le classement de flower par kenzo en tête de collection et qu'aucun accord n'a été régularisé en ce sens ce qu'attestent tant l'absence de production d'un tel accord que les derniers échanges de mails entre Madame [L] et l'éditeur, et spécialement le mail de ce dernier du 06 07 2005,
- ce contrat est encore nul à raison des manoeuvres dolosives (procédure collective de la société PETIT PARFUMS LTD et moratoire en cours avec tous ses créanciers générant la reprise de ses actifs par la société BEAUTY INTERNATINAL LTD, pour obtenir la garantie de la COFACE, utilisation du nom commercial de la société LES PETITS PARFUMS LTD par la société BEAUTY INTERNATIONAL LTD),
* se prévaut encore du caractère légitime de la rupture des pourparlers en faisant valoir que :
- le projet publi-promotionnel s'était transformé peu à peu en une opération dans le seul intérêt de la société LES PETITS PARFUMS LTD aux retombées publicitaires aléatoires, liées à l'incertitude du classement de son produit en tête de collection, et à l'absence de garantie du comtrôle de la qualité finale de la rédaction tant dans sa forme que dans son contenu,
- l'incapacité de Mme [L], malgré des relances, à justifier des originaux des publications pour des opérations similaires antérieures (DIOR, CHANEL) ou de la garantie de la COFACE ;
Considérant que les sociétés intimées répliquent que :
- elles n'ont pas manqué au principe de cohérence de la procédure, seule les prétentions développées à l'audience devant le juge commercial en première instance le saisissant utilement à raison de l'oralité des débats,
- la société BEAUTY INTERNATIONAL LTD, qui n'est pas une société fictive avait capacité, qualité et intérêt à agir, en faisant valoir que :
- elle est immatriculée depuis le 01 10 1999 et dispose d'un siège social, d'un gérant, d'un compte bancaire,
- elle collabore étroitement avec la société LES PETITS PARFUMS LTD dont elle a racheté le stock en 2003/2004 laquelle négocie en son nom avec les maisons de parfums les contrats qu'elle seule signe, la rémunération mensuelle versée par la société BEAUTY INTERNATIONAL LTD à la dirigeante de cette dernière dépendant des bénéfices effectués sur les contrats signés avec les maisons de parfums et les éditeurs tandis que le nom commercial les petits parfums figure au registre des nons commerciaux comme lui appartenant, ces divers éléments et circonstances démontrant qu'elle n'est pas une société fictive,
- la SA KENZO PARFUMS connaissait son existence avant la vente du 19 04 2005 ce qui ressort d'un mail du 19 04 2005 de [E] [L] à Messieurs [W] et [J] et du bon de commande du même jour, n'a fait aucune réserve en recevant ce bon de commande et n'a pas contesté la portée de son engagement dans les courriers de résiliation des 06 et 21 07 2005,
- elle a subi un préjudice propre comme bénéficiaire des profits tirés des contrats signés avec les maisons de parfums et les éditeurs,
- la société LES PETITS PARFUMS LTD a qualité à agir en faisant valoir que :
- elle est le représentant en Angleterre de la société BEAUTY INTERNATIONAL LTD ce que confirme la lettre de mise en demeure du 29 07 2005,
- elle justifie d'un préjudice, tout manquement contractuel s'analysant en une faute délictuelle à l'égard d'un tiers alors qu'elle est rétribuée par la société BEAUTY INTERNATONAL LTD sur la base des contrats qu'elle a négociés, qu'elle a réalisé des investissements, que son image a été ternie pour n'avoir pu livrer les miniatures dont s'agit, que faute d'augmentation de sa rémunération, elle a été contrainte de réduire ses effectifs,
- la vente est parfaite par l'accord des parties sur la chose et le prix et l'absence de toute réserve faite par la SA KENZO PARFUMS,
- la SA KENZO PARFUMS a délibérément refusé d'exécuter ses obligations en faisant valoir que :
- cette dernière connaissait les modalités de l'opération, ce qu'attestent les mails échangés, et eu égard à leurs relations antérieures comme celles du groupe LVMH auquel elle appartient,
- en refusant d'exécuter ses obligations, la SA KENZO PARFUMS a commis une faute intentionnelle et dolosive,
- l'argumentation tirée d'une rupture des pourparlers n'est pas sérieuse, la vente n'étant soumise à aucune condition d'acceptation,
- les arguments de la SA KENZO pour tenter de justifier cette inexécution sont fallacieux en faisant valoir que :
- la société LES PETITS PARFUMS LTD n'a pas tenté de faire échapper son patrimoine à ses créanciers mais à cédé ses stocks pour se conformer à un plan de conciliation validé par les juridictions compétentes étant observé que le premier achat de stocks est intervenu six mois avant l'ouverture de la procédure collective, que le nom commercial les petits parfums appartient à la société BEAUTY INTERNATIONAL LTD depuis le 02 01 2003, que le plan de conciliation a été clôturé le 07 01 2006 après désintéressement de tous les créanciers,
- la société LES PETITS PARFUMS LTD n'a pas intentionnellement dissimulé ses problèmes financiers alors que non partie à la vente, elle n'avait souscrit aucun engagement financier, et que la SA KENZO avait tout le loisir de procéder aux vérifications nécessaires auprès des organes de la procédure collective,
- l'argumentation tirée de manoeuvres frauduleuses est peu sérieuse, puisque la SA KENZO PARFUMS était libre de ne pas s'engager et de mesurer les implications juridiques de son engagement en exigeant notamment la signature d'un contrat autre qu'un simple bon d'achat tandis que si elle a commis une erreur, elle se doit de l'assumer,
- [R] [W] a dûment représenté et engagé la SA KENZO PARFUMS, sans pouvoir donner une importance démesurée au contrat, qui ne relevait pas d'une décision stratégique, les fonctions de ce dernier l'habilitant à signer un contrat pour sa zone géographique, le bon d'achat ayant été également transmis à Monsieur [J], directeur des exportations régionales pour l'Europe du sud, l'Afrique et l'Océan Indien, [R] [W] n'ayant jamais indiqué que le contrat devait être signé par un autre que lui, et les auteurs de la résiliation, savoir Monsieur [J] et le président de la SA KENZO PARFUMS n'ayant jamais remis en cause l'engagement pris mais ayant décidé de mettre fin au projet et de ne pas produire et livrer les miniatures dont s'agit, et ratifiant de ce fait cet engagement en sorte que la SA KENZO est valablement engagée,
- le contrat n'est pas dépourvu d'objet, aucune de ces clauses ne stipulant le classement du parfum Flower by kenzo en numéro 1 et cette décision, en tout état de cause, ayant été prise ce que confirme le mail de l'éditeur du 06 07 2005 à la société LES PETITS PARFUMS LTD lorsque cette dernière l'informera de la décision de la SA KENZO PARFUMS de ne pas honorer ses engagements,
- le contrat n'est pas nul compte tenu de l'absence de dissimulation par la société LES PETITS PARFUMS LTD de sa situation financière et aucun manquement au regard des dispositions de l'article 1116 du code civil n'ayant été caractérisé à son encontre ;
Considérant que, vainement, la SA KENZO PARFUMS discute la recevabilité et l'intérêt à agir des deux sociétés intimées, d'une part, car aucune partie ne prétend que dans le cadre de la procédure collective diligentée en Angleterre et du plan de conciliation dont elle avait fait l'objet et validé par les instances de la procédure collective au regard de la loi anglaise, la société LES PETITS PARFUMS LTD avait perdu toute capacité à agir et à contracter par l'intermédiaire de son représentant légal, notamment avec la SA BEAUTY INTERNATIONAL LTD qui avait repris son nom commercial, puis partie et totalité de son stock, et à intervenir comme représentante rémunérée de la SA BEAUTY INTERNATIONAL LTD, d'autre part, car au regard des décisions des organes de la procédure collective, le caractère fictif de la SA BEAUTY INTERNATIONAL LTD n'est nullement démontré en sorte que celle-ci était fondée à conclure des contrats et notamment celui allégué avec la SA KENZO PARFUMS, le 19 04 2005, date à laquelle elle avait repris dans le cadre du plan de conciliation alors toujours en cours tant le nom commercial de les petits parfums que la totalité du stock de cette société éponyme, de troisième part, car c'est avec cette dernière société que le contrat a été en définitive conclu, de quatrième part, car aucune disposition légale n'imposait à la SA BEAUTY INTERNATIONAL LTD, dont il est avéré qu'elle était in bonis, de révéler qu'elle avait repris les stocks et le nom commercial de la société LES PETITS PARFUMS LTD et les liens contractuels qui l'unissaient à cette dernière, et enfin, qu'à raison de l'oralité de la procédure devant le tribunal de commerce, seule importe la qualité prises par ces sociétés devant le juge rapporteur lors de l'audience du 18 03 2008 qui sont les mêmes que celles dont elles se prévalent aujourd'hui devant la cour, et enfin qu'au regard de la recevabilité des demandes et actions de ces sociétés, est dénuée de portée l'argumentation tirée de contrats qu'auraient conclu antérieurement l'une ou l'autre de ces deus sociétés avec des sociétés tierces ;
Considérant que la circonstance que les demandes d'indemnisation soient formées indivisément par ces deux sociétés est sans incidence sur la recevabilité à agir de ces deux sociétés, sauf la cour à ne tenir compte pour chacune de ces sociétés des préjudices personnels réellement subis, ce que permettent les dernières écritures prises par ces dernières qui détaillent les différents préjudices subis et à écarter, le cas échéant, tout ou partie du préjudice qui ne pourrait être imputé de façon suffisamment précise à l'une ou à l'autre de ces deux sociétés ;
Considérant, enfin, que la circonstance que, selon la SA KENZO PARFUMS, les relations seraient restées au stade de simples pourparlers en sorte que les demandes d'indemnisation ne pourraient prospérer sur un fondement contractuel, intéresse non la recevabilité mais le fond du droit en sorte qu'au regard de la recevabilité des demandes, l'argumentation est dénuée de portée ;
Considérant que, vainement, la SA KENZO PARFUMS, relativement à la signature par [R] [W] du bon de commande du 19 04 2005, excipe de ce que ce dernier n'avait pas les pouvoirs pour engager la SA KENZO dès lors, d'une part, que cette dernière n'a jamais remis en cause avant la présente procédure que cette signature l'engageait, qu'au contraire, lorsqu'elle a voulu se délier de l'engagement ainsi pris, elle s'est prévalue de l'imprécision des informations qui lui avaient été fournies et de difficultés qu'elle rencontreraient au niveau de l'exécution de cet engagement, qu'elle a donc, en tout état de cause, ratifié, d'autre part, que tant au regard des fonctions qui étaient les siennes, de son intervention constante dans la négociation du contrat, les sociétés intimées étaient légitimement fondées, en tout état de cause, à croire qu'[R] [W] engageait la SA KENZO PARFUMS ;
Considérant qu'en ce qui concerne la portée de l'engagement du 19 04 2005, il importe d'observer que les relations entre les parties depuis six mois mettent en évidence que la SA KENZO PARFUMS ne voulait s'engager que si elle figurait sinon à la première place, du moins que si elle était retenue pour tous les premiers numéros, que [C] [L] n'avait cessé d'insister sur cette proposition avant comme après la signature du bon de commande, tandis que [R] [W] n'avait cessé de tenter d'obtenir des garanties à cet égard avant comme après la signature à cette date, que si du bon de commande comme des mentions manuscrites qui y sont apportées, n'apparaît aucune stipulation d'une telle condition, il ne peut être fait abstraction de la position constante des parties encore manifestée dans les jours précédents cette signature, que d'ailleurs, [C] [Y] évoquera la nécessité de finaliser l'accord à raison de l'importance de la place de la société KENZO PARFUMS dans l'ordre des numéros, le jour même et dans les semaines suivantes, qu'il apparaît d'ailleurs que pour justifier cet ordre prioritaire auprès de services de publications, elle a tenté d'obtenir le respect d'exigences supplémentaires, qu'il s'ensuit que la simple signature du bon de commande, en l'espèce, était nécessairement un engagement précontractuel ferme pris par la SA KENZO PARFUMS pour permettre à [C] [Y] de justifier que puisse être attribué à cette société un ordre prioritaire et non un engagement contractuel, indépendant d'un quelconque ordre prioritaitre, auquel cette société aurait expressément renoncé, et qui ne pouvait manifestement pas être pris sans garanties précises, à tout le moins sur cet ordre de priorité, au regard des exigences de productions d'un nombre très importantde flacons pour un prix élevé ;
Considérant que, par voie de conséquence, il peut, tout au plus, être reproché à la SA KENZO PARFUMS d'avoir rompu brutalement des pourparlers contractuels, que cependant, eu égard au exigences supplémentaires formulées par les sociétés intimées tout au long des mois de mai et juin 2005, de l'absence de réponse précise et des atermoiements de [C] [Y], de l'absence de tout engagement pris par cette dernière comme par les sociétés intimées quant à l'ordre qui serait attribué à la SA KENZO PARFUMS dont il a été indiqué que cette condition était déterminante de son engagement, près de sept mois après le début des négociations et près de trois mois après l'engagement pré-contractuel pris le 19 04 2005, la SA KENZO PARFUMS était fondée à rompre les pourparlers sans qu'il puisse lui être reproché utilement une rupture abusive et brutale des relations contractuelles étant, en tout état de cause, observé que les sociétés intimées, qui prétendent que l'argumentation tirée d'une rupture de pourparlers est peu sérieuse, n'entendent, à l'évidence, pas articuler leurs demandes sur un tel fondement et n'invoquent, au soutien de leurs prétentions, que la seule inexécution d'un engagement contractuel ;
Considérant qu'en conclusion de ce qui précède, les sociétés intimées ne peuvent qu'être déboutées de toutes leurs demandes, le surplus de l'argumentation des parties étant dénuée de portée ;
Considérant que la SA KENZO PARFUMS ne peut qu'être déboutée de sa demande de dommages et intérêts dès lors, d'une part, que les demandes des sociétés intimées étaient recevables, d'autre part, que celles ci ont pu se méprendre de bonne foi sur leurs droits ;
Considérant que l'équité commande de condamner les sociétés intimées, prises ensemble, à payer à la SA KENZO PARFUMS une somme de 7000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et d'appel, le jugement étant réformé sur l'application de cet article ;
Considérant que les sociétés intimées sont condamnées aux entiers dépens de première instance et d'appel, le jugement étant réformé en ses dispositions relatives aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Dans la limite de l'appel,
Confirme le jugement sur la recevabilité des demandes des sociétés BEAUTY INTERNATIONAL LTD et LES PETITS PARFUMS LTD en ce qu'il a débouté la SA KENZO PARFUMS de sa demande de dommages et intérêts ;
L'infirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Déboute la SA KENZO PARFUMS de sa demande d'indemnisation ;
Condamne les sociétés de droit anglais BEAUTY INTERNATIONAL LTD et LES PETITS PARFUMS LTD à payer à la SA KENZO PARFUMS une somme de 7 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne les sociétés de droit anglais BEAUTY INTERNATIONAL LTD et LES PETITS PARFUMS LTD aux dépens d'appel ;
Admet la SCP BERNABE - CHARDIN - CHEVILLER au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier Le Président