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03/11/2010 | FRANCE | N°09/05277

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 03 novembre 2010, 09/05277


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 03 Novembre 2010



(n° , 9 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/05277



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Février 2006 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - Section Encadrement - RG n° 03/16322





APPELANTE

Madame [D] [G]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Frédéric BROUD, avocat au b

arreau de PARIS, R087





INTIMÉE

S.A. VIVENDI UNIVERSAL

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Véronique TUFFAL NERSON, avocate au barreau de PARIS, P0505





COMPOSITION DE LA COUR :...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 03 Novembre 2010

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/05277

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Février 2006 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - Section Encadrement - RG n° 03/16322

APPELANTE

Madame [D] [G]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Frédéric BROUD, avocat au barreau de PARIS, R087

INTIMÉE

S.A. VIVENDI UNIVERSAL

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Véronique TUFFAL NERSON, avocate au barreau de PARIS, P0505

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Septembre 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Benoît HOLLEAUX, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Geneviève LAMBLING, Présidente

Madame Anne DESMURE, Conseillère

Monsieur Benoît HOLLEAUX, Conseiller

GREFFIÈRE : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.

- signé par Madame Geneviève LAMBLING, Présidente et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu le jugement du Conseil de prud'hommes de Paris du 21 février 2006 ayant condamné la SA VIVENDI UNIVERSAL à payer à Mme [D] [G] la somme de 67 172,96 euros à titre d'indemnité en application du plan de sauvegarde de l'emploi avec intérêts au taux légal partant du 19 décembre 2003, débouté Mme [D] [G] du surplus de ses demandes, et ayant condamné la SA VIVENDI UNIVERSAL aux dépens.

Vu la déclaration d'appel de Mme [D] [G] reçue au greffe de la Cour le 17 mai 2006.

Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 27 septembre 2010 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens de Mme [D] [G] qui demande à la Cour :

' au principal de constater la nullité du plan de sauvegarde de l'emploi et de la rupture de son contrat de travail, subsidiairement l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement , et très subsidiairement le non respect des critères d'ordre des licenciements.

' en conséquence, de condamner la SA VIVENDI UNIVERSAL à lui payer la somme de 114 336,96 euros à titre de dommages-intérêts.

' en tout état de cause, de confirmer le jugement précité en ce qu'il a condamné la SA VIVENDI UNIVERSAL à lui régler la somme de 67 172,96 euros et condamner l'intimée à lui verser la somme de 108 238,60 euros au titre de l'indemnité contractuelle de garantie d'emploi ainsi que celle de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 27 septembre 2010 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens de la SA VIVENDI UNIVERSAL qui demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris, débouter Mme [D] [G] de sa demande de nullité du plan de sauvegarde de l'emploi, juger que la rupture du contrat de travail entre les parties est intervenue à l'amiable, lui donner acte de ce qu'elle offre de régler à Mme [D] [G] la somme de 67 172,96 euros en application du plan de sauvegarde de l'emploi, débouter cette dernière du surplus de ses réclamations et la condamner à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA COUR 

L'Agence Nationale pour l'Emploi, en application d'une « convention de collaboration » conclue le 1er décembre 1995 avec la Compagnie Générale des Eaux (CGE) a initialement mis à la disposition de celle-ci Mme [D] [G], moyennant une contrepartie financière.

Cette « convention de collaboration » a été suivie le 6 septembre 1996 entre les mêmes parties d'une « convention de mise en disponibilité dans l'intérêt du service d'un agent de l'ANPE auprès de la Compagnie Générale des eaux », Mme [D] [G] se voyant confier les fonctions de chargée de mission auprès de la Direction des ressources humaines du Groupe Générale des Eaux.

Aux termes d'un échange ultérieur de correspondances , Mme [D] [G] a accepté le 18 septembre 1996 une proposition d'embauche valant contrat de travail et émanant de M. [B] [H], Président Directeur Général de la SA Compagnie Générale des Eaux .

Mme [D] [G] a ainsi été recrutée par la SA Compagnie Générale des Eaux pour y occuper les fonctions inchangées de chargée de mission à la Direction des Ressources Humaines du Groupe, moyennant un salaire brut mensuel de 32 000 francs (4 886 euros) auquel s'ajoutaient une prime annuelle de 66 000 francs (10077 euros) et un intéressement.

Par lettre du 21 février 2001, la SA VIVENDI UNIVERSAL, venant aux droits de la SA CGE, a convoqué Mme [D] [G] à un entretien préalable prévu le 26 février,  avant de lui notifier le 28 février 2001 son licenciement reposant sur le motif suivant : « les motifs de cette mesure tiennent à l'attitude que vous avez récemment adoptée quant à votre positionnement dans l'organigramme , et votre refus de continuer à travailler dans les conditions collaboration de manière satisfaisante antérieures.Ceci entraîne, de votre fait , une perte de confiance de notre part , et l'impossibilité de poursuivre notre».

Les parties ont ensuite conclu le 20 mars 2001 un « protocole d'accord » permettant à Mme [D] [G] de percevoir une « indemnité transactionnelle globale, forfaitaire et définitive de ' 710 000 francs après déduction de la CSG et de la CRDS ».

Suivant un courrier du 28 février 2002 , la SA VIVENDI UNIVERSAL a informé Mme [D] [G] de son embauche en qualité de Directeur adjoint à la Direction du Programme de Vigilance, moyennant en contrepartie un salaire brut annuel de 114 337 euros.

Cette nouvelle embauche a donné lieu à un accord signé des deux parties le 21 mars 2002, en vertu duquel il était convenu que la mesure de licenciement du 28 février 2001 « est reportée à une date ultérieure », la transaction du 28 février 2002 est « caduque » et que Mme [D] [G] est recrutée jusqu'à ses 64 ans, date à laquelle le contrat de travail cessera de plein droit.

Les parties ont ajouté à leur accord une clause ainsi libellée : « dans cet intervalle, en cas de rupture de votre contrat de travail prononcée à notre initiative pour quelle que cause que ce soit, à l'exception de la faute grave, il vous serait versé, en sus de vos indemnités légales et conventionnelles, une indemnité globale et forfaitaire égale au même montant ' que celui qui figurait à la transaction précitée ».

Courant 2003, la SA VIVENDI UNIVERSAL a engagé un procédure de licenciement collectif pour motif économique avec établissement d'un plan de sauvegarde de l'emploi.

Mme [D] [G] a adressé à l'intimée un courrier daté du 4 mars 2003, et dans lequel elle a entendu opter pour la mesure d' « aide au projet personnel » figurant dans le plan de sauvegarde de l'emploi qui a recueilli l'avis favorable du Comité d'entreprise consulté à cet effet le 6 février 2003.

Aux termes d'un courrier du 13 mars 2003 , la SA VIVENDI UNIVERSAL a notifié à Mme [D] [G] son licenciement pour motif économique, en raison de la suppression de son poste - Directrice Adjoint à la Direction du Programme de Vigilance - consécutivement à d'importantes difficultés financières et à la nécessaire réorganisation du Siège.

Sur la contestation par Mme [D] [G] de son licenciement pour motif économique

Mme [D] [G] développe les moyens suivants :

' A titre principal, son licenciement est nul en raison de l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi dont la nullité sera également prononcée, en ce que :

' le volet reclassement interne reste purement théorique, puisque les principales mesures consistent en des aides ou incitations financières devant favoriser les départs de l'entreprise de salariés en grand nombre ;

' le versement de l' indemnité complémentaire de licenciement est conditionné à la signature par les intéressés d'un protocole transactionnel  ;

' il n'est donné aucune indication précise sur les catégories professionnelles visées.

'Subsidiairement, son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, en ce que la lettre de rupture est insuffisamment motivée sur les raisons économiques ayant nécessité la suppression de son emploi, et il ne lui a été fait aucune proposition de reclassement interne préalablement à la notification de son licenciement.

'Très subsidiairement, le plan de sauvegarde de l'emploi ne définit pas les catégories professionnelles concernées, de sorte que l'intimée ne s'est pas conformée aux dispositions sur les critères d'ordre des licenciements.

La SA VIVENDI UNIVERSAL répond que :

' A titre liminaire, [D] [G] a quitté l'entreprise dans le cadre d'un départ volontaire, suite à la conclusion d'un accord collectif après consultation des représentants élus du personnel, ce qui s'analyse en une résiliation amiable de son contrat de travail.

' Sur la prétendue nullité du licenciement :

' le plan de sauvegarde de l'emploi a été conclu avec toutes les organisations syndicales représentatives et approuvé par le Comité d'entreprise saisi pour avis ;

' le volet reclassement de ce plan tant interne qu'externe est conforme aux exigences légales (au total , 264 postes étaient à pourvoir en interne alors que 146 emplois devaient être supprimés) ;

' le conditionnement du versement de l'indemnité complémentaire de licenciement à la signature d'une transaction (article IV.12.7) est valable dans la mesure où cela ne concerne que les salariés ayant opté pour un départ volontaire ou un congé de reclassement et non les salariés licenciés pour motif économique , d'autant que l'interdiction de subordonner le versement d'indemnités à la conclusion de transactions individuelles n'affecte ni la validité du plan de sauvegarde de l'emploi ni celle des licenciements opérés ;

' le plan de sauvegarde de l'emploi expose (titre II) les postes supprimés par catégories professionnelles (Cadres hors échelles, Cadres en échelles, Agents de maîtrise, Techniciens, Collaborateurs ) et l'annexe 1 reprend la liste desdits postes par catégories professionnelles dont celle à laquelle appartenait la salariée.

'Sur la prétendue absence de cause réelle et sérieuse du licenciement :

' la lettre de licenciement est suffisamment motivée en ce qu'elle indique que la suppression de l'emploi de Mme [D] [G] est consécutive à des difficultés économiques ;

' Mme [D] [G], ayant opté pour un départ volontaire, ne pouvait pas bénéficier des mesures de reclassement interne figurant dans le plan de sauvegarde de l'emploi, étant rappelé qu'elle a fait l'objet d'un reclassement externe (aide au projet personnel).

'Sur l'ordre des licenciements :

Il a bien été défini et mis en 'uvre les critères d'ordre des licenciements dans le plan de sauvegarde de l'emploi (article IV.2.1) .

Le plan de sauvegarde de l'emploi de la SA VIVENDI UNIVERSAL, soumis à la procédure d'information ' consultation du Comité d'entreprise courant février 2003, énonce (§ IV.1 PRINCIPES GENERAUX) les moyens qui seront mobilisés en faveur des salariés concernés par les suppressions d'emplois, au travers de l'adoption de mesures favorisant le reclassement interne au sein du groupe (§ IV.8), facilitant le reclassement externe au moyen de congés de reclassement (§ IV.6), et mettant en place des dispositifs d'aide pour permettre un projet personnel (§ IV.7).

Par un courrier du 4 mars 2003, Mme [D] [G] a informé la SA VIVENDI UNIVERSAL de son intention d'opter pour la mesure d'aide au projet personnel renvoyant ainsi au § IV.7 du plan de sauvegarde de l'emploi qui prévoit que, dans cette hypothèse, le salarié pourra selon son choix, soit bénéficier d'un accompagnement individualisé au reclassement sous la forme d'un out-placement à concurrence de 15 000 euros HT, soit utiliser durant 6 mois les services d'accompagnement de la plateforme reclassement mobilité en matière de reclassement externe.

En page 24 du plan de sauvegarde de l'emploi précité traitant précisément des « Aides au projet personnel », il est rappelé que : « les salariés intéressés par le départ volontaire dans les conditions ci-dessus mentionnées feront l'objet d'une procédure de licenciement pour motif économique respectant les prescriptions légales ».

Les mesures prévues d'aides au projet personnel s'inscrivent dans le volet reclassement externe du plan de sauvegarde de l'emploi , parmi l'ensemble des dispositifs arrêtés en vue de l'accompagnement de licenciements pour motif économique déjà décidés par la SA VIVENDI UNIVERSAL, en vertu des dispositions de l'article L.1233-61, alinéa 2, du code du travail rappelant que : « ce plan intègre un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité' ».

La mention précitée figurant dans le plan de sauvegarde de l'emploi de la SA VIVENDI UNIVERSAL (« les salariés intéressés par le départ volontaire dans les conditions ' ») doit ainsi s'interpréter comme renvoyant au dispositif général du reclassement externe, au sens de l'article L1233-62.5° du code du travail précisant que ce plan peut prévoir, notamment, des mesures de reconversion de nature à faciliter « le reclassement interne ou externe des salariés sur des emplois équivalents ».

Il s'en déduit, contrairement à ce que soutient l'intimée, que la rupture du lien contractuel intervenue avec Mme [D] [G] ne résulte pas d'un départ volontaire stricto sensu, départ volontaire que les parties auraient formalisé dans un acte susceptible de recevoir la qualification juridique de rupture amiable ou d'un commun accord, mais exclusivement d'un licenciement pour motif économique notifié à la salariée le 13 mars 2003, licenciement appelant ensuite la mise en 'uvre des mesures propres au reclassement externe dont elle a bénéficié en optant pour une reconversion professionnelle au titre des « aides au projetpersonnel », projet qu'elle a pu mener à bien après avoir créé dès le 2 mai 2003 la SARL [G] CONSULTANTS ayant pour objet le conseil en management et en ressources humaines.

Le plan de sauvegarde de l'emploi doit contenir des mesures concrètes, vérifiables et proportionnelles au moyen de l'entreprise , au sens des indications données par l'article L.1233-62 du code du travail.

La pertinence de celui-ci doit s'apprécier en fonction des moyens réels dont dispose l'entreprise ou le groupe auquel elle appartient et comporter notamment un plan de reclassement tant interne pour éviter autant que possible des licenciements, qu'externe en vue de préparer la reconversion professionnelle des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité.

Cette appréciation est indépendante du fait que le plan de sauvegarde de l'emploi de la SA VIVENDI UNIVERSAL ait été négocié et conclu avec les organisations syndicales représentatives et peu important qu'il n'ait pas été contesté par un syndicat ou le comité d'entreprise, dès lors que les salariés licenciés pour motif économique ont un droit propre à faire valoir que leur licenciement est nul par application des dispositions de l'article L.1235-10 du code du travail, restent titulaires d'une action individuelle devant le juge prud'homal aux fins de faire reconnaitre la nullité du plan de sauvegarde de l'emploi et par voie de conséquence, celle de leur licenciement.

L'examen du plan de sauvegarde de l'emploi de la SA VIVENDI UNIVERSAL contient les dispositifs suivants :

' mise en place d'une « plateforme de reclassement » (article IV.3) pour favoriser la mobilité intra groupe (reclassement interne) , et les mesures de reclassement externe ;

' adoption de services communs sur les « actions de reclassement » (article IV.4) au moyen d'un accueil et d'un accompagnement, d'une orientation de carrière, d'un « coaching » de carrière, et d'une diversification des recherches par les consultants retenus qui s'engagent à présenter aux salariés concernés 3 offres fermes de reclassement ;

' aides financières au reclassement (article IV.5) ;

' congé de reclassement (article IV.6) ;

' aides au projet personnel (article IV.7) ;

' reclassement interne (article IV.8) avec établissement d'une liste indicative de postes à pourvoir au sein du Groupe VIVENDI UNIVERSAL (annexe 3) ;

' mesures d'âge (article IV.9) .

La SA VIVENDI UNIVERSAL rappelle ainsi dans ses écritures soutenues à l'audience que 264 postes étaient proposés en reclassement au sein du Groupe, chiffre non expressément contesté par l'appelante.

Il en résulte que le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la SA VIVENDI UNIVERSAL est conforme aux standards attendus pour une entreprise de cette importance, en considération des moyens disponibles qu'elle a su mobiliser à cet effet.

En outre, si le plan de sauvegarde de l'emploi stipule que : « le versement des indemnités individuelles additionnelles prévues ' dans le cadre des départs organisés par les paragraphes IV.6 (congé de reclassement) et IV.7 (aides au projet personnel) donne lieu, à la rupture effective du contrat de travail, à l'établissement d'un protocole transactionnel en vertu des articles 2044 et suivants du code civil » (article IV.12.7) , l'interdiction de subordonner à la conclusion de transactions individuelles la mise en 'uvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi négocié dont les salariés tiennent leurs droits n'a pour seule conséquence que d'aboutir à la nullité de celles-ci, sans affecter en rien la validité même de ce plan ni celle des licenciements décidés par l'employeur .

Et contrairement encore à ce que prétend Mme [D] [G], le plan de sauvegarde de l'emploi contesté précise en page 2, d'une part, le nombre de suppressions de postes (146) et, d'autre part, les catégories professionnelles concernées (Cadres hors échelles, Cadres en échelles, Agents de maîtrise, Techniciens, Collaborateurs) , catégories précisées à l'annexe 1.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté Mme [D] [G] de ses demandes, au principal, liées à la nullité du plan de sauvegarde de l'emploi et de son licenciement lui ayant été notifié le 13 mars 2003.

La lettre de licenciement est suffisamment motivée , au sens des dispositions des articles L.1233-2 et L.1233-16 du code du travail, en ce qu'elle mentionne expressément que « la suppression de poste » dont fait l'objet la salariée est consécutive « aux importantes difficultés financières » de l'entreprise qui doit procéder à « la nécessaire réorganisation de (son) siège ».

Contrairement à ce qu'indique Mme [D] [G], la lettre de licenciement précise ainsi les raisons économiques (« difficultés financières » et « nécessaire réorganisation »), ainsi que leur incidence sur l'emploi de la salariée ayant été supprimé.

Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que si son reclassement dans l'entreprise s'avère impossible et à cette fin, il appartient à l'employeur , même quand un plan de sauvegarde de l'emploi a été établi, de rechercher sil existe des possibilités de reclassement, prévues ou non dans celui-ci, et de proposer au salarié concerné dont le licenciement est envisagé des emplois disponibles de même catégorie ou, à défaut, de catégories inférieures , au besoin par voie de modification de son contrat de travail et en assurant, au besoin, son adaptation à une évolution de son emploi.

Mme [D] [G] a adressé à l'intimé un courrier le 4 mars 2003 dans lequel elle l'informe de son adhésion au dispositif d'aide au projet personnel, tout en relevant « l'absence totale deproposition de reclassement interne alors que le poste de directeur des affaires sociales, récemment pourvu, ne (lui) a été proposé, ni même publié ».

En réponse, la SA VIVENDI UNIVERSAL se contente d'indiquer que : « Mme [D] [G] ayant quitté son employeur dans le cadre d'un départ volontaire, la Cour constatera que la société ' n'était pas tenue de lui proposer un reclassement » .

Il s'en déduit une violation manifeste par l'intimée de son obligation vis-à-vis de Mme [D] [G] de rechercher une solution de reclassement, avant de procéder à la notification de son licenciement pour motif économique par lettre du 13 mars 2003, en application des dispositions de l'article L.1233-4 du code du travail, ce qui rend celui-ci sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé en ce qu'il a débouté Mme [D] [G] de sa demande indemnitaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et la SA VIVENDI UNIVERSAL condamnée à lui payer de ce chef la somme de 58 000 euros avec intérêts au taux légal partant du présent arrêt, sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail, soit l'équivalent de 6 mois de salaires, en considération de son ancienneté dans l'entreprise (6 ans et 9 mois), et de son âge.

Sur le remboursement des indemnités de chômage 

En application de l'article L.1235-4 du même code, il sera ordonné le remboursement par la SA VIVENDI UNIVERSAL aux organismes concernés de la totalité des indemnités de chômage versées à Mme [D] [G], du jour de son licenciement au présent arrêt, dans la limite de 6 mois.

Sur les autres demandes indemnitaires au titre du licenciement pour motif économique 

1/ indemnité prévue par le plan de sauvegarde de l'emploi

En l'absence de discussion ni même de contestation sur ce point entre les parties, la décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a condamné la SA VIVENDI UNIVERSAL à payer à Mme [D] [G] la somme de 67172,96 euros (131 487,50 euros ' 64 314,54 euros) à titre de rappel d'indemnité complémentaire de rupture prévue par le plan de sauvegarde de l'emploi en son article IV.7 (Aides au projet personnel) avec intérêts au taux légal partant du 19 décembre 2003, date de réception par l'employeur de la convocation en bureau de conciliation.

2/ indemnité contractuelle autre

Mme [D] [G] entend se prévaloir de l'accord contractuellement négocié avec la SA VIVENDI UNIVERSAL le 21 mars 2002 aux termes duquel, en cas de licenciement autre que pour faute grave avant d'avoir atteint l'âge de 64 ans, il lui sera versé, en plus de ses indemnités légale et conventionnelle, « une indemnité globale et forfaitaire égale au même montant », ce à quoi s'oppose l'intimée qui considère que cette stipulation s'analyse en une clause pénale ayant le même objet que les indemnités négociées dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi, en sorte que, selon la SA VIVENDI UNIVERSAL, il ne peut y avoir de cumul entre ces dispositions de même nature puisque découlant directement de deux types de normes concurrentes, cumul par ailleurs expressément prohibé au vu de l'article IV.12.4 du plan de sauvegarde de l'emploi.

La clause figurant au § 2 de l'accord individuel conclu entre les parties le 21 mars 2002 précise qu'en cas de rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur, avant que la salariée n'ait atteint l'âge de 64 ans, excepté pour faute grave, il lui sera alloué, en sus de ses indemnités légale et conventionnelle, une indemnité « globale et forfaitaire » de même montant.

L'article IV.12.4 du plan de sauvegarde de l'emploi de février 2003 indique que : « les salariés visés par le présent accord et dont le contrat individuel de travail comporte des clauses particulières de rupture ne pourront pas cumuler celles-ci avec les indemnités prévues aux paragraphes ' IV.7' du présent accord ».

Un plan de sauvegarde de l'emploi ne peut pas limiter ou supprimer les droits de nature individuelle que tient un salarié d'un accord directement conclu avec son employeur, de sorte que la SA VIVENDI UNIVERSAL est mal fondée à opposer à Mme [D] [G] l'article IV.12.4 précité.

La stipulation issue de l'accord intervenu entre les parties le 21 mars 2002 s'analyse en une clause pénale qui ne peut être réduite en l'absence d'éléments permettant de conclure à son caractère manifestement excessif au sens de l'article 1152, dernier alinéa, du code civil.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a rejeté la réclamation de Mme [D] [G] et la SA VIVENDI UNIVERSAL condamnée en conséquence à lui régler à ce titre la somme de 108 238,60 euros avec intérêts au taux légal partant du 19 décembre 2003.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

La SA VIVENDI UNIVERSAL sera condamnée en équité à verser à Mme [D] [G] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, déboutée de sa réclamation du même chef et condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS 

La Cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe.

CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté Mme [D] [G] de ses demandes pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et au titre de l'indemnité contractuelle résultant de l'accord du 21 mars 2002).

Statuant à nouveau de ces chefs,

CONDAMNE la SA VIVENDI UNIVERSAL à payer à Mme [D] [G] les sommes suivantes :

' 58 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal partant du présent arrêt ;

' 108 238,60 euros d'indemnité contractuelle complémentaire (accord du 21 mars 2002) avec intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 2003 .

Y ajoutant :

ORDONNE le remboursement par la SA VIVENDI UNIVERSAL aux organismes concernés de la totalité des indemnités de chômage versées à Mme [D] [G], du jour de son licenciement au présent arrêt, dans la limite de 6 mois.

CONDAMNE la SA VIVENDI UNIVERSAL à régler à Mme [D] [G] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

DÉBOUTE la SA VIVENDI UNIVERSAL de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE la SA VIVENDI UNIVERSAL aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 09/05277
Date de la décision : 03/11/2010

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°09/05277 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-11-03;09.05277 ?
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