RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 11
ARRÊT DU 28 Octobre 2010
(n° 9 , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/00710 JMD
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Novembre 2008 par le conseil de prud'hommes de BOBIGNY RG n° 96/02131
APPELANT
Monsieur [D] [L]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Me Mylène RESMAN-JOYET, avocat au barreau de MEAUX, membre de la SELARL BALDUCCI-GUERIN GAVAUDIN RESMAN
INTIMÉE
SA MAYDAY SECURITE
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Béatrice HENRY-BIABAUD CLAIR, avocat au barreau de PARIS, toque : C 616
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 16 Septembre 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, Président
Madame Evelyne GIL, Conseillère
Madame Isabelle BROGLY, Conseillère qui en ont délibéré
Greffier : Mademoiselle Séverine GUICHERD, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, président et par Séverine GUICHERD, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu l'appel régulièrement interjeté par Monsieur [D] [L] à l'encontre d'un jugement prononcé le 28 novembre 2008 par le conseil de prud'hommes de BOBIGNY ayant statué sur le litige qui l'oppose à la S.A. MAYDAY SÉCURITÉ sur ses demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.
Vu le jugement déféré qui :
¿ a fixé la date de rupture du contrat de travail imputable à l'employeur au 16 avril 1996,
¿ a condamné la S.A. MAYDAY SÉCURITÉ à payer à Monsieur [D] [L] les sommes suivantes :
- 2 562 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents,
- 4 431 € à titre d'indemnité de licenciement,
- 15 000 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,
- 1 500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
¿ a débouté les parties de leurs autres demandes.
Vu les conclusions visées par le greffier et développées oralement à l'audience aux termes desquelles :
Monsieur [D] [L], appelant, poursuit l'infirmation partielle du jugement déféré et sollicite la condamnation de la S.A. MAYDAY SÉCURITÉ au paiement des sommes suivantes :
- 596,69 € à titre de rappel d'heures supplémentaires,
- 8 440,33 € à titre de rappel de salaires,
- 704,31 € au titre des heures de délégation,
- 6 010,67 € au titre de la prime de panier,
- 1 024,54 € au titre de la prime d'uniforme,
- 1 646,59 € au titre de la prime de vacances,
- 9 147,73 € au titre de la prime de 13ème mois,
- 2 562,85 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 427,14 € à titre de congés payés afférents,
- 1 281,42 € à titre de congés payés 1995 / 1996,
- 4 431,55 € à titre d'indemnité de licenciement,
- 120 000 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,
- 5 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.
La S.A. MAYDAY SÉCURITÉ, intimée, requiert le débouté des demandes de Monsieur [D] [L] et sa condamnation à lui payer la somme de 3 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.
CELA ÉTANT EXPOSÉ
Par contrat écrit à durée indéterminée en date du 3 septembre 1981, Monsieur [D] [L] a été engagé par la société ASERTEC en qualité d'agent qualifié.
Le premier janvier 1988, le contrat a été repris par la S.A. MAYDAY SÉCURITÉ.
En dernier lieu, Monsieur [D] [L] exerçait les fonctions de chef d'équipe IGH moyennant une rémunération mensuelle de 1 281,42 €.
Par lettre du 15 avril 1996, reçue par la S.A. MAYDAY SÉCURITÉ le 16, Monsieur [D] [L] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur en invoquant :
- les nombreux litiges opposant les parties devant différentes juridictions,
- les entraves à l'exercice des droits syndicaux,
- des retenues abusives sur salaire,
- des pressions morales et physiques continuelles et des mesures vexatoires depuis 1988,
- une agression physique en date du 24 octobre 1995,
- le refus de réintégration sur le site PRO à [Localité 5].
SUR CE
Sur les demandes au titre de la prime de panier, de la prime d'uniforme, de la prime de vacances et de la prime de 13ème mois.
Ces demandes sont fondées sur les dispositions d'un accord d'entreprise de la société ASERTEC, employeur initial de Monsieur [D] [L]. En 1988, ASERTEC a dû pour des raisons réglementaires se séparer de son activité dans le domaine du gardiennage et de la sécurité. Les salariés concernés, dont Monsieur [D] [L], ont été repris par une structure nouvelle, la S.A. MAYDAY SÉCURITÉ, ce passage donnant lieu à un conflit social aigu sur la question du maintien des avantages acquis.
Sur le plan collectif, les prétentions des syndicats ayant porté l'affaire en justice ont été définitivement repoussées par un arrêt de cette cour en date du 16 mai 1997.
Cette circonstance n'interdit toutefois pas à Monsieur [D] [L] d'agir à titre individuel. Cependant il résulte des éléments du dossier, et notamment des termes du rapport déposé le 12 janvier 1994 par Monsieur [Y] [J], désigné en qualité d'expert par le tribunal de grande instance de BOBIGNY le 27 février 1992, que les avantages résultant de l'accord d'entreprise de la société ASERTEC ont été maintenus ou compensés pour les salariés repris par la S.A. MAYDAY SÉCURITÉ, à l'exception de deux points,
- le premier, relatif aux indemnités complémentaires en cas d'arrêt de travail pour maladie ou accident du travail, l'avantage antérieur ayant été "diminué, sans compensation intégrale", "l'éventuelle perte en trésorerie (étant) négligeable, sinon contestable" : ce point ne fait pas l'objet d'une demande de rappel de la part de Monsieur [D] [L] ;
- le second, relatif à la prime de port d'uniforme, l'expert notant "cet avantage a été supprimé à ceux qui le percevaient sans compensation". Toutefois Monsieur [D] [L] ne peut se prétendre victime à titre individuel de cette suppression sans compensation puisqu'il est établi qu'il ne faisait pas partie de ceux qui percevaient cette prime chez ASERTEC au moment du transfert, cette prime, qui, aux termes des constatations de l'expert, "était loin d'être généralisée" et dont "le régime comportait de nombreuses variantes", figurant pour la dernière fois sur son bulletin de salaire en mars 1987 sans que l'intéressé n'allègue ni a fortiori démontre un préjudice de ce chef.
Il convient donc de confirmer le débouté des demandes de Monsieur [D] [L] relatives aux primes de panier, d'uniforme, de vacances et de 13ème mois.
Sur la demande au titre du rappel de salaires.
Monsieur [D] [L] fait état de retenues abusives de salaire pendant la période d'août 1991 à avril 1996. Il s'avère en réalité que ces retenues correspondent soit à des absences injustifiées, notamment des prises de poste avec un retard particulièrement important, pouvant dépasser une heure, que d'éventuelles difficultés de transport ne peuvent absolument pas expliquer de manière aussi répétitive, soit à la computation des arrêts maladie dans les termes de la convention collective et non de l'ancien accord ASERTEC, dont il a été jugé qu'il n'était pas applicable. Les retenues litigieuses ne constituent donc pas des sanctions pécuniaires illicites mais une application légitime des dispositions contractuelles et conventionnelles.
C'est dès lors à juste titre que le premier juge a débouté Monsieur [D] [L] de cette demande, décision qui sera confirmée.
Sur la demande au titre des heures supplémentaires et des congés payés pour les années 1995 et 1996..
Le conseil de prud'hommes a constaté de manière pertinente que ces demandes n'étaient assorties d'aucun justificatif.
Sur la qualification de la rupture du contrat de travail.
La prise d'acte de rupture du contrat de travail par le salarié produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou d'une démission dans le cas contraire.
Monsieur [D] [L] a exposé ses griefs dans sa lettre du 15 avril 1996, y ajoutant en cours de procédure une référence à la notion de harcèlement moral.
S'agissant des nombreux litiges ayant opposé les parties devant différentes juridictions, les faits sont constants mais ne peuvent être imputés à faute au seul employeur dans la mesure notamment où les décisions de justice rendues dans le cadre de ces conflits ne lui ont pas été systématiquement défavorables, au tout premier chef sur la question du maintien des avantages acquis des anciens salariés d'ASERTEC qui a été le déclencheur du combat syndical de Monsieur [D] [L].
Les faits que Monsieur [D] [L] qualifie d'entraves à l'exercice des droits syndicaux s'inscrivent dans ce contexte et peuvent d'autant moins justifier une prise d'acte qu'ils sont anciens et, pour certains, ont déjà été jugés. La discrimination invoquée par le salarié sur ce fondement, notamment en rapprochant sa situation de celle d'un collègue de travail, Monsieur [C] [G], ayant comme lui et quelques mois plus tard pris acte de la rupture de son contrat de travail, n'est pas avérée alors que la cour, par arrêt du 15 octobre 2009, a déclaré dans cet autre litige la discrimination alléguée non caractérisée.
Les retenues opérées sur le salaire de Monsieur [D] [L] n'ont aucun caractère abusif, comme cela a été établi ci-dessus.
Monsieur [D] [L] invoque des pressions morales et physiques continuelles et des mesures vexatoires depuis 1988, voire une entreprise de harcèlement moral. Les pièces versées aux débats font apparaître que son comportement fréquemment outrancier et insubordonné ont conduit l'employeur à exercer son pouvoir disciplinaire à plusieurs reprises de manière légitime et exempte de tout abus de droit. La circonstance que l'inspection du travail a constamment refusé l'autorisation administrative de licenciement sollicitée par l'employeur ne vaut pas approbation du comportement du salarié, les décisions constatant d'ailleurs à deux reprises la réalité de faits fautifs commis par Monsieur [D] [L].
Monsieur [D] [L] se déclare victime d'une agression physique sur son lieu de travail le 24 octobre 1995. Il s'avère en réalité qu'alors qu'il refusait de manière continuelle de porter son uniforme, son chef de service, Monsieur [W] [M], a fait intervenir deux inspecteurs de l'entreprise et, dans la volonté d'établir une preuve concrète de l'insubordination du salarié, a tenté de le photographier. Monsieur [D] [L] s'est alors précipité sur lui et l'a jeté à terre, comme en attestent les deux témoins de la scène. Si la tentative d'usage d'un appareil photographique était maladroite, elle ne présentait aucun péril physique pour Monsieur [D] [L] et ne pouvait s'analyser comme une agression. Elle ne justifiait en rien sa réaction disproportionnée et particulièrement dangereuse pour son protagoniste. Cette scène ne saurait donc justifier la prise d'acte.
La question du retour de Monsieur [D] [L] sur le site du CRÉDIT LYONNAIS 'PRO' à EVRY doit être analysée au regard du comportement habituel du salarié qui, par ses retards continuels et son refus répété de respecter des consignes d'autant plus importantes qu'était en jeu la sûreté des personnes et des biens confiés à sa garde, a provoqué, comme cela s'était déjà produit sur un site précédent, des protestations du client refusant l'affectation de l'intéressé dans ses locaux. Par ailleurs le comportement inadmissible de Monsieur [D] [L] à l'égard de Monsieur [M] interdisait à la S.A. MAYDAY SÉCURITÉ, qui était tenue envers ce dernier à une obligation de sécurité de résultat, de maintenir dans son équipe un salarié qui l'avait gravement agressé et qui était susceptible de réitérer des agissements de même nature. En dernier lieu, Monsieur [D] [L] a refusé une affectation sur un nouveau site.
La prise d'acte de Monsieur [D] [L], non justifiée par les faits invoqués à la charge de l'employeur, doit produire les effets d'une démission. Le jugement de première instance sera infirmé de ce chef et Monsieur [D] [L] sera débouté de ses demandes en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, d'une indemnité de licenciement et de dommages-intérêts.
Sur la demande au titre des heures de délégation.
Le décompte présenté par Monsieur [D] [L] est afférent à la période d'octobre 1995 à avril 1996 au cours de laquelle, jusqu'au 20 décembre 1995, il a été mis à pied à titre conservatoire puis, pour des raisons qui lui sont imputables, il n'a pu recevoir une affectation dans l'entreprise. Cet éloignement de son lieu d'exercice professionnel fait tomber la présomption de bonne utilisation des heures de délégation et il appartient à Monsieur [D] [L] de démontrer qu'il a exercé ses mandats malgré son absence, ce qu'il ne fait pas. Il convient donc de le débouter de sa demande de ce chef.
Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens.
Succombant au principal, Monsieur [D] [L] sera condamné aux dépens de première instance et d'appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'il a exposés.
La somme qui doit être mise à la charge de Monsieur [D] [L] au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la S.A. MAYDAY SÉCURITÉ peut être équitablement fixée à 1 000 €.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Confirme le jugement déféré en ses dispositions fixant la date de rupture du contrat de travail au 16 avril 1996 et déboutant Monsieur [D] [L] de ses demandes au titre du rappel de salaires, de congés payés, d'heures supplémentaires, de prime de panier, de prime d'uniforme, de prime de vacances et de prime de 13ème mois.
L'infirmant pour le surplus et y ajoutant,
Déboute Monsieur [D] [L] de l'ensemble de ses demandes.
Condamne Monsieur [D] [L] aux dépens de première instance et d'appel et à payer à la S.A. MAYDAY SÉCURITÉ la somme de 1 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,