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26/10/2010 | FRANCE | N°08/01864

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 26 octobre 2010, 08/01864


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRET DU 26 Octobre 2010

(n° 2 , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/01864



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 Février 2008 par le conseil de prud'hommes de PARIS section encadrement - RG n° 07/01323







APPELANT

Monsieur [N] [O]

[Adresse 1]

[Localité 2] - SUISSE

comparant en personne, assisté de Me Flo

rence LAUSSUCQ-CASTON, avocat au barreau de PARIS, toque : T02







INTIMEE

SOCIÉTÉ GENERALE

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Dominique SANTACRU, avocat au barreau de PARIS, ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRET DU 26 Octobre 2010

(n° 2 , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/01864

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 Février 2008 par le conseil de prud'hommes de PARIS section encadrement - RG n° 07/01323

APPELANT

Monsieur [N] [O]

[Adresse 1]

[Localité 2] - SUISSE

comparant en personne, assisté de Me Florence LAUSSUCQ-CASTON, avocat au barreau de PARIS, toque : T02

INTIMEE

SOCIÉTÉ GENERALE

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Dominique SANTACRU, avocat au barreau de PARIS, toque : P 470

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 07 Septembre 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Brigitte BOITAUD, président

Monsieur Philippe LABREGERE, conseiller

Madame Marie-Aleth TRAPET, conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Corinne DE SAINTE MAREVILLE et Monsieur P. GARCIA, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par Madame Brigitte BOITAUD, Présidente

- signé par Madame Brigitte BOITAUD, président et par Madame Corinne DE SAINTE MAREVILLE, greffière présente lors du prononcé.

LA COUR,

Statuant sur l'appel formé par [N] [O] d'un jugement contradictoire du Conseil de Prud'hommes de Paris en date du 20 février 2008 l'ayant débouté de sa demande ;

Vu les dernières écritures et observations orales à la barre en date du 7 septembre 2010 de [N] [O] appelant, qui sollicite de la Cour l'infirmation du jugement entrepris et la condamnation de La SOCIETE GENERALE intimée à lui verser

3.400.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices professionnel, matériel et moral

1.467.818 euros en remboursement des frais d'avocat et de séjour aux Etat-Unis

10000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

avec capitalisation des intérêts ;

Vu les dernières écritures et observations orales à la barre en date du 7 septembre 2010 de la SOCIETE GENERALE intimée qui sollicite de la Cour la confirmation du jugement entrepris et la condamnation complémentaire de l'appelant à lui verser 20000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

SUR CE, LA COUR

Considérant qu'il est constant que [N] [O] a accompli ses obligations au titre du service national en qualité de volontaire à l'étranger à compter du 1er octobre 1989 au sein de la SOCIETE GENERALE SECURITIES CORPORATION filiale de la SOCIETE GENERALE, devenue SG COWEN à la suite du rachat par la société intimée des actifs de la société Cowen & Co apportés à la société SG SECURITIES CORPORATION ; qu'il a été employé à cette date par contrat de travail verbal ; qu'il est devenu consultant puis salarié vendeur d'actions ; qu'en cette qualité il avait la charge d'opérations financières dénommées PIPE, consistant en des investissements privés effectués dans des sociétés cotées en bourse, la société SG Cowen jouant le rôle d'agent de placement ; que le 10 octobre 2001 la société Healthextras a sollicité auprès de la société SG Cowen des informations sur les ventes à court terme par des investisseurs de titres de la société durant la période comprise entre la date à laquelle l'investisseur avait été approché et la date de clôture de la transaction ; qu'après des investigations susceptibles de faire apparaître la responsabilité de l'appelant dans ces manipulations, la société SG Cowen a procédé à sa suspension puis a rompu le contrat de travail le 20 décembre 2001 ; que la société Healthextras a engagé une procédure à l'encontre de l'appelant, de la société SG Cowen et de la SOCIETE GENERALE devant la Cour fédérale de New York ; qu'aux termes de la transaction survenue le 19 avril 2004 la société SG Cowen a versé la somme de 2.100.000 USD en contrepartie d'un désistement d'action contre les sociétés et l'appelant ; que par ailleurs à la suite de l'enquête diligentée par la Security Exchange Commission, une plainte a été déposée à l'encontre de l'appelant le 21 avril 2005, ayant conduit à la condamnation définitive de celui-ci au paiement d'une amende civile de 150000 USD, à l'interdiction définitive d'enfreindre des dispositions de la loi de 1933 sur les titres financiers et de la loi 1954 sur les échanges de ces titres ; qu'en outre par une procédure distincte la société SG AMERICAS, substituée aux droits de la société SG Cowen a été condamnée au paiement de la somme de 5.756.086,03 USD ; qu'enfin des poursuites pénales, ayant donné lieu à la délivrance d'un mandat d'arrêt pour les faits qualifiés d'escroquerie sur titre, ont été engagées devant une juridiction de l'Etat de New York contre l'appelant qui a été condamné à deux mois de prison et trois mois d'assignation à résidence ;

Que l'appelant a saisi le Conseil de Prud'hommes le 5 février 2007 en vue de faire constater qu'il a fait l'objet d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'obtenir des dommages et intérêts ;

Considérant que [N] [O] expose que la SOCIETE GENERALE a la qualité d'employeur conjoint ; qu'il a été chargé par celle-ci, dans le cadre de son activité de trading compte propre, de développer une activité de placements privés ; qu'il a rejoint le département dérivés actions à compter de 1999 à la demande de la société ; que la qualité d'employeur ne doit pas être appréciée au regard de la seule loi américaine ; qu'il existait une confusion d'intérêts entre la SOCIETE GENERALE et la SG SECURITIES devenue SG Cowen ; que l'appelant était placé dans un lien de subordination avec la société française ; qu'il dépendait hiérarchiquement des responsables du trading dérivés actions qui fixaient son bonus et décidaient de son affectation ; que la décision de procéder à son licenciement a été prise par la SOCIETE GENERALE ; que la décision de la S.E.C. en date du 13 février 2009 a confirmé clairement cet état de subordination ; que la qualité de co-employeur est également reconnue par la jurisprudence des juridictions de l'Etat de New-York ; que la SOCIETE GENRALE est civilement responsable ; qu'elle est tenue à garantie ;

Considérant que la SOCIETE GENERALE soutient que la société SG Cowen est le seul employeur de l'appelant ; que seul le droit américain est applicable à l'espèce ; que la relation de travail s'est déroulée sur le territoire américain ; que le droit de l'Etat de New-York exclut toute qualité de co-employeur ; qu'à titre subsidiaire l'intimée n'a jamais eu cette qualité ; que les demandes présentées sont dépourvues de fondement ; que l'appelant ne justifie pas le préjudice allégué ;

Considérant aux termes de l'article 2 de la convention de Rome en date du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles que la loi désignée par la convention s'applique même si cette loi est celle d'un Etat non contractant ;

Considérant que le litige déféré à l'appréciation de la Cour est relatif à la reconnaissance de la qualité de co-employeur de la SOCIETE GENERALE par l'appelant ; qu'il importe peu que les Etats Unis ne soient pas signataires de cette convention, l'application de la loi au présent litige n'étant pas conditionnée par le fait que les Etats Unis ne soient pas partie à la convention précitée ;

Considérant aux termes de l'article 4 de ladite convention que dans la mesure où la loi applicable au contrat n'a pas été choisie conformément aux dispositions de l'article 3 le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits ;

Considérant aux termes de l'article 6 §2 de ladite convention que nonobstant les dispositions de l'article 4, et à défaut de choix exercé conformément à l'article 3, le contrat de travail est régi par la loi du pays où le travailleur en exécution du contrat accomplit habituellement son travail, même s'il est détaché à titre temporaire dans un autre pays, ou, si le travailleur n'accomplit pas habituellement son travail dans un même pays, par la loi du pays où se trouve l'établissement qui a embauché le travailleur, à moins qu'il ne résulte de l'ensemble des circonstances que le contrat de travail présente des liens plus étroits avec un autre pays, auquel cas la loi de cet autre pays est applicable;

Considérant que [N] [O] a été embauché à compter du 1er octobre 1989 par la société de droit américain SG SECURITIES CORPORATION sise à New-York par contrat de travail verbal ; que la relation de travail s'est poursuivie sans que les parties conviennent ultérieurement de dispositions spécifiques sur le choix de la loi régissant la relation de travail ; que l'employeur de l'appelant est devenu la société de droit américain SG Cowen à la suite de l'apport au sein de cette société des actifs de la société Cowen & Co par la SOCIETE GENERALE ; que l'appelant ne conteste pas qu'il ait accompli habituellement son travail sur le territoire américain de la date de son embauche jusqu'à la rupture de son contrat de travail survenue le 20 décembre 2001 ; qu'en outre les pièces versées aux débats font apparaître qu'il a résidé de façon continue dans la ville de New-York ; qu'il s'est toujours acquitté du paiement des impôts et taxes afférents aux revenus tirés de son activité salariée auprès des services américains ; qu'en conséquence seule la loi américaine régissait la relation de travail ;

Considérant selon les notes des cabinets Covington & Burling, Fresfields Bruckhaus Ceringer US LPP et Nixon Peabody, que la législation de l'Etat de New York et la législation fédérale reconnaissent la qualité de co-employeur en cas de contrôle formel ou fonctionnel d'un salarié d'une filiale par la société mère ; que le contrôle formel est démontré lorsque la société mère dispose du pouvoir d'engager le salarié ou de mettre fin à la relation de travail, lorsqu'elle supervise ou contrôle l'organisation de son travail ou les conditions de celui-ci, arrête la rémunération et les méthodes de calcul de celui-ci et conserve les documents administratifs relatifs au salarié ; que les éléments établissant le contrôle fonctionnel sont l'exclusivité du travail au profit de la société mère, le degré de contrôle de l'activité du salarié par ladite société et le déplacement du lieu de travail de ce dernier vers celui de la société ; que s'agissant du contrôle formel, il résulte des pièces produites que l'appelant a été embauché par la filiale de la société intimée, devenue la SG Cowen Sécurities Corporation, dans les conditions rappelées dans le memorandum en date du 16 mai 1991 ; que cette société a procédé à la rupture de la relation de travail comme l'établit le document rempli le 18 janvier 2002 ; que le salaire de l'appelant a toujours été versé par cette société ainsi que le démontrent les diverses déclarations fiscales de revenus au nom de l'appelant ; que ce dernier ne produit aucune pièce de nature à établir que le montant de la part variable de sa rémunération et en particulier sa prime de 750 000 USD versée en mars 1999 ait été fixée par la société intimée ; qu'il résulte au contraire des déclarations sous serment de [C] [J], son supérieur direct détaché au sein de la société SG Cowen, que ce dernier procédait à son évaluation et à la fixation initiale des primes ; que de même les conditions d'exécution de sa relation de travail continuaient de relever de la seule société SG Cowen, dont l'activité et le personnel étaient indépendants de la société intimée ; qu'enfin tous les documents administratifs produits et en particulier, le certificat de travail en date du 12 novembre 1999, les pièces relatives à l'assurance maladie ou à l'assurance sur la vie, étaient établis et détenus par la société SG Cowen ; que s'agissant du contrôle fonctionnel, l'appelant bénéficiait d'un agrément professionnel accordé sur demande présentée par la société SG Cowen ; qu'en sa qualité de managing director du département ventes d'actions Etats-Unis, il relevait directement de [C] [J] et selon les déclarations de celui-ci mentionnées précédemment, n'était pas supervisé par une autorité quelconque en France ; qu'enfin il n'est pas contesté que l'activité de l'appelant s'est déroulée exclusivement aux Etats-Unis et que ce dernier ne disposait d'aucun bureau en France ; qu'en l'absence de démonstration de l'existence d'un contrôle formel ou fonctionnel exercé par la SOCIETE GENERALE sur l'appelant la qualité alléguée de co-employeur n'est donc pas rapportée ;

Considérant en conséquence qu'il convient de confirmer le jugement entrepris ayant débouté [N] [O] de sa demande ;

Considérant qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie les frais qu'elle a dû exposer, tant devant le Conseil de Prud'hommes qu'en cause d'appel, et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

PAR CES MOTIFS

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

CONDAMNE [N] [O] aux dépens.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 08/01864
Date de la décision : 26/10/2010

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°08/01864 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-10-26;08.01864 ?
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