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20/10/2010 | FRANCE | N°10/10765

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 5, 20 octobre 2010, 10/10765


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 5



ARRET DU 20 OCTOBRE 2010



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 10/10765



Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Mai 2010 -Tribunal de Grande Instance de FONTAINEBLEAU - RG n° 10/00079





APPELANTE



S.C.I. FG

représentée par son gérant

Ayant son siège [Adresse 1]

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représentée par la SCP BASKAL - CHALUT-NATAL, avoués à la Cour

assistée de Maître DUMONT avocat au barreau de Fontainebleau





INTIMEES





MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS

ayant son siège [Adres...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 5

ARRET DU 20 OCTOBRE 2010

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/10765

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Mai 2010 -Tribunal de Grande Instance de FONTAINEBLEAU - RG n° 10/00079

APPELANTE

S.C.I. FG

représentée par son gérant

Ayant son siège [Adresse 1]

représentée par la SCP BASKAL - CHALUT-NATAL, avoués à la Cour

assistée de Maître DUMONT avocat au barreau de Fontainebleau

INTIMEES

MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS

ayant son siège [Adresse 3]

représentée par la SCP BOMMART FORSTER, avoués à la Cour

assistée de Maître FLINIAUX avocat

SCM AR.MO.NI ' ARCHITECTURE MAITRISE D'OEUVRE NIVEAULT'

ayant son siège [Adresse 2]

représentée par la SCP OUDINOT FLAURAUD avoués à la Cour

assistée de Maître PELTIER avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 7 septembre 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Michel ZAVARO, président

Madame Marie-José THEVENOT, conseillère

Madame Dominique BEAUSSIER, conseillère

qui en ont délibéré.

rapport fait conformément aux dispositions de l'article 785 du code de procédure civile

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Hélène ROULLET

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur ZAVARO, président et par Madame ROULLET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

Considérant que la SCI FG a obtenu sur les plans du cabinet ARMONI, un permis de construire pour édifier un immeuble d'habitation étant précisé que le niveau habitable le plus bas devait être calé au moins au niveau 61,75 m correspondant aux plus hautes eaux des crues du Loing ;

Considérant que le chantier était interrompu en raison des difficultés financières de la SCI ; Qu'il apparaissait alors que l'ouvrage avait été implanté en dessous de la cote minimum ; Que l'expert désigné par ordonnance du 18 avril 2008 concluait à l'entière responsabilité du maître de l'ouvrage dans l'arrêt du chantier et proposait d'affecter à un usage commercial le rez-de-chaussée qui ne pouvait être laissé à usage d'habitation ;

Considérant que par jugement du 5 mai 2010, le tribunal de grande instance de Fontainebleau déboutait la SCI de sa demande en annulation du rapport d'expertise, prononçait la résiliation du contrat de maîtrise d''uvre et ordonnait une expertise à l'effet d'apprécier le coût des aménagements nécessaires au changement de destination du rez-de-chaussée ainsi que le manque à gagner du propriétaire de l'immeuble ;

Considérant que la SCI FG a relevé appel de ce jugement ; Qu'elle demande d'une part l'annulation du rapport d'expertise et d'autre part la condamnation in solidum de la société ARMONI et de la MAF à lui payer 733.105,49 € en réparation de son préjudice ainsi que 18.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Considérant que la société ARMONI Architecture sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu'il déboute la SCI de sa demande d'annulation du permis de construire et conclut au débouté de la SCI de ses demandes indemnitaires ; Qu'à titre subsidiaire, elle demande la garantie de la MAF et 3.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Considérant que la MAF soulève l'absence d'aléas et le caractère non décennal de la non conformité pour dénier sa garantie ; Qu'elle invoque à titre subsidiaire la franchise contenue dans sa police responsabilité civile professionnelle et demande condamnation de la SCI à lui payer 5.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Sur la nullité du rapport d'expertise

Considérant que le renseignement obtenu a été porté à la connaissance des parties et aurait pu être contradictoirement discuté ; que son recueil ne constitue pas une opération devant être conduite contradictoirement ;

Considérant que la SCI soutient que l'expert a violé le principe du contradictoire en faisant état de renseignements obtenus téléphoniquement de l'une des parties et en déposant son rapport après que le cabinet ARMONI lui ait adressé un dire sans lui laisser le temps de répliquer ;

Considérant que l'expert a reçu un dire de la SCI le 18 novembre 2009 et de l'architecte ainsi que de son assureur le 20 novembre ; Qu'il a déposé son rapport le 25 novembre 2009 ; Que ce dire ne contient aucun élément qui n'était pas déjà dans le débat ; Que compte tenu des éléments qu'il contenait la SCI pouvait parfaitement y répondre dans le délai du dépôt du rapport ;

Sur le défaut de conformité de la construction :

Considérant qu'il est constant que l'immeuble a été implanté sous la cote altimétrique prévue au permis de construire ; que son rez-de-chaussée ne peut être maintenu à usage d'habitation et qu'il convient, soit d'en changer l'affectation en obtenant un permis de construire modificatif, soit de détruire l'immeuble et de le reconstruire ;

Considérant que la société ARMONI Architecture conclut que la modification de l'implantation avait été effectuée dans un souci d'économie, avec l'accord du maître de l'ouvrage qui, en professionnel de l'immobilier, pouvait mesurer les conséquences de sa décision ;

Considérant que la SCI avait traité avec l'entreprise GONCALVES pour un montant de 170.430 € TTC ; Que celle-ci a abandonné le projet ; Que le maître de l'ouvrage a traité par lots séparés avec 7 entreprises pour un montant de 226.069,24 € qui dépassait son financement de telle sorte que les entreprises ont abandonné le chantier et que le maître de l'ouvrage n'a pu vendre une partie de l'immeuble pour trouver le complément de financement qui lui aurait permis de terminer son ouvrage;

Considérant que l'architecte entend démontrer que son mandant a supprimé le vide sanitaire sous le plancher du rez-de-chaussée ainsi que le perron et les deux marches d'accès liés au respect de la cote altimétrique dans un souci d'économie en produisant le devis de l'entreprise de gros 'uvre où ces prestations ne sont pas évaluées ; Que néanmoins le marché a été signé par le maître de l'ouvrage ;

Considérant qu'il produit en outre le compte-rendu de chantier n° 2 du 13 mars 2006 qui indique que la cote altimétrique du bâtiment sera descendue en accord avec le cabinet ARMONI et IDS CONSULT, les plans définitifs devant être remis aux entreprises la 12ème semaine et affirme que ce procès verbal a été transmis au maître de l'ouvrage qui l'a approuvé sans réserve ;

Considérant que l'architecte ne prétend pas avoir prévenu le maître de l'ouvrage des conséquences de la violation de la cote altimétrique ; Qu'il estime néanmoins que le représentant de la SCI est un professionnel de l'immobilier suffisamment compétent pour mesurer les risques qu'il prenait ainsi ; Qu'il apparaît en effet que le gérant de la SCI travaillait dans le secteur du commerce immobilier avant de quitter la France pour s'installer outre mer pendant la réalisation des travaux ;

Considérant d'une part que la présentation du devis ne permet pas de dire que le fait que les travaux nécessaires au respect de la cote altimétrique soient comptés pour 0 € impliquait qu'ils ne seraient pas réalisés, ces travaux pouvant être compris forfaitairement dans d'autres ; Que par ailleurs le compte-rendu du 13 mars 2006 n'est pas suffisamment précis pour que l'on en déduise l'acceptation nécessaire du maître de l'ouvrage ;

Considérant que les éléments invoqués par l'architecte n'établissent pas formellement que le maître de l'ouvrage savait que l'immeuble ne serait pas construit conformément au permis de construire et d'autre part que la commercialisation d'immeubles lui donnait une compétence telle qu'il devait nécessairement mesurer les conséquences de la non-conformité de la construction ;

Considérant que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont prononcé la résiliation du contrat de maîtrise d''uvre pour inexécution par le cabinet ARMONI Architecture de ses obligations ;

Considérant que les premiers juges ont estimé à juste titre que le retard apporté à l'achèvement de la construction ne résultait pas de cette erreur d'implantation mais de l'impécuniosité du maître de l'ouvrage qui avait déjà justifié l'abandon du chantier par les entreprises et qu'il n'était pas établi que les surcoûts déjà supportés par le maître de l'ouvrage étaient imputables à l'architecte ;

Considérant toutefois que les premiers juges ont estimé que le préjudice de la SCI se limitait au surcoût résultant de la transformation du rez-de-chaussée à usage d'habitation en local à usage commercial ;

Considérant que, nonobstant le fait que cette possibilité de transformation est liée à l'obtention d'un permis modificatif qui reste hypothétique, le maître de l'ouvrage a le droit d'exiger que l'ouvrage soit construit conformément aux prévisions contractuelles ; Qu'il convient donc d'ordonner sa démolition et sa reconstruction et de condamner le cabinet ARMONI à en supporter le coût ;

Considérant que les éléments d'appréciation produits permettent d'évaluer sans nouvelle expertise, les frais de démolition à 50.000 € et le coût de la reconstruction à 250.000 € ; Qu'il sera alloué à la SCI la somme de 300.000 € TTC en réparation de ses préjudices matériels ;

Considérant que le préjudice immatériel résultant de la démolition et de la reconstruction de l'immeuble n'est pas établi ;

Sur la garantie de la MAF

Considérant que la nécessité de démolir l'ouvrage pour le mettre en conformité avec le permis de construire caractérise une atteinte à la solidité et à la destination qui permet de qualifier le résultat du manquement du maître d''uvre en dommage de nature décennale ;

Considérant que la MAF, assureur DO dénie sa garantie en rappelant que les conditions de sa mise en 'uvre avant réception ne sont pas réunies ; Qu'il résulte en effet des dispositions de l'article L 242-1 9 que celle ci suppose que le contrat de louage d'ouvrage conclu avec l'entrepreneur soit résilié pour inexécution par celui-ci de ses obligations ; Que l'architecte n'étant pas assimilable à l'entrepreneur, la résiliation du marché de maîtrise d''uvre n'est pas suffisante ;

Considérant que la MAF, assureur de la responsabilité décennale de l'architecte dénie sa garantie en rappelant que la police contient une exclusion de garantie concernant les dommages résultant exclusivement du fait intentionnel ou du dol du sociétaire ;

Considérant que les premiers juges ont écarté cette exclusion en affirmant que le cabinet ARMONI n'avait pas délibérément violé par dissimulation ou par fraude ses obligations contractuelles ;

Considérant que s'il apparaît en effet que le cabinet ARMONI a délibérément abaissé le niveau altimétrique de la construction sans en informer le maître de l'ouvrage et le prévenir des conséquences juridiques qui en résulteraient, il n'a pas cherché à lui cacher ses agissements puisque, bien qu'elle ne soit pas suffisante pour engager la responsabilité du maître de l'ouvrage, la diffusion du 2ème procès verbal de chantier permet d'exclure toute volonté de dissimulation du maître d''uvre ;

Considérant que l'éloignement du maître de l'ouvrage, le mandat qu'il lui avait donné de payer les entreprises, le fait que l'immeuble était destiné à la location ont conduit le cabinet ARMONI à croire qu'il trouverait une solution pour pallier la non conformité de la construction aux prescriptions du permis de construire ; Qu'il en résulte que le dommage ne provient pas exclusivement de la faute volontaire ou du dol de l'assuré ;

Par ces motifs

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il ordonne une mesure d'expertise avant dire droit sur le préjudice et en ce qu'il sursoit à statuer sur la garantie de la MAF en sa qualité d'assureur dommages ouvrage,

L'infirme de ces deux chefs,

Déboute la SCI des demandes formées à l'encontre de la MAF prise en sa qualité d'assureur dommages ouvrage,

Condamne in solidum le cabinet ARMONI et la MAF assureur de la responsabilité professionnelle du cabinet ARMONI à payer à la SCI FG la somme de 300.000 € en réparation de ses préjudices,

Condamne le cabinet ARMONI et la MAF aux dépens d'appel et au paiement à la SCI de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

Accorde le bénéfice de distraction aux avoués en la cause.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 10/10765
Date de la décision : 20/10/2010

Références :

Cour d'appel de Paris G5, arrêt n°10/10765 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-10-20;10.10765 ?
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