RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRÊT DU 20 Octobre 2010
(n° 10 , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/00682
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Septembre 2008 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - Section Activités Diverses - RG n° 07/13733
APPELANT
Monsieur [U] [V]
[Adresse 4]
[Localité 1]
représenté par Me Mickaël ABOULKHEIR, avocat au barreau de VAL DE MARNE, PC 353
INTIMÉE
MUTUALITÉ FONCTION PUBLIQUE SERVICES (M.F.P. SERVICES)
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Arnaud DOUMENGE, avocat au barreau de PARIS, P280 substitué par Me Claire SEIGNÉ, avocate au barreau de PARIS, P 280
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Septembre 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Geneviève LAMBLING, Présidente, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Geneviève LAMBLING, Présidente
Madame Anne DESMURE, Conseillère
Monsieur Benoît HOLLEAUX, Conseiller
GREFFIÈRE : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.
- signé par Madame Geneviève LAMBLING, Présidente et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M. [U] [V] a été engagé par la Fédération Nationale des Mutuelles de Fonctionnaires et Agents de l'Etat, devenue Mutuelle Fonction Publique puis Mutuelle Fonction Publique Services (MFP Services) suivant contrat à durée indéterminée du 1er décembre 1981, en qualité d'opérateur 3ème degré au sein du service fédéral informatique.
Ses fonctions ont ensuite évolué et, dans le dernier état des relations contractuelles, il occupait les fonctions de techncien SVP utilisateur au sein du département production de la direction des systèmes d'information, sa dernière rémunération mensuelle brute s'élevant à la somme de 2 707,39 €.
La MFP services, dont la convention collective nationale est celle de la mutualité, occupait habituellement plus de 1 700 salariés.
Licencié pour motif économique par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 décembre 2006, M. [U] [V] a contesté son licenciement devant le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 19 septembre 2008, l'a débouté de l'ensemble de ses demandes, débouté la MFP services de sa demande reconventionnelle et condamné le salarié aux dépens.
Régulièrement appelant, M. [U] [V] demande à la cour, dans ses conclusions déposées et soutenues lors de l'audience du 13 septembre 2010 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, d'infirmer cette décision et, statuant à nouveau, de condamner la MFP services à lui payer les sommes de :
56 855,19 € sur le fondement de l'article 1235-3 du code du travail; subsidiairement pour inobservation de l'ordre des licenciements,
8 122,1 € à titre d'indemnité pour inobservation de la priorité de réembauchage sur le fondement de l'article L 1235-13 du même code,
3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses écritures soutenues dans les mêmes conditions auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, la MFP services prie la cour de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a considéré que le licenciement de l'appelant était bien fondé, qu'elle a respecté ses obligations en matière de recherche des postes de reclassement, les règles relatives à l'ordre des licenciements ainsi que ses obligations relatives à la priorité de réembauchage.
Elle sollicite une indemnité de procédure de 3 000 €.
MOTIFS
Sur le licenciement
En application de l'article 1233-3 du code du travail, le licenciement économique est celui effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques, des mutations technologiques, la réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité et la cessation d'activité de l'entreprise.
Aux termes de l'article L 1233-4 du même code, le licenciement économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou, à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur une emploi de catégorie inférieure, ne peut être réalisé dans le cadre de l'entreprise ou le cas échéant, dans les entreprises du groupe auquel elle appartient, les offres de reclassement devant être écrites et précises.
Dans la lettre de licenciement du 27 décembre 2006 qui fixe les limites du litige, la MFP services rappelle en quatre pages ses difficultés économiques et précise notamment 'Face à cette situation extrêmement préoccupante, MFP services n'a d'autre choix que de procéder à une restructuration de ses activités afin, dans un premier temps, d'assurer la pérennité de son activité fragilisée par les difficultés économiques tout en faisant face à des mutations technologiques'.
Et si elle ajoute que 'Pour la Direction des Systèmes d'information, cela se traduit par la suppression du Service 'Relations Utilisateurs' et de trois (3) postes de Technicien informatique.
Après application des critères pour l'établissement de l'ordre des licenciements, ayant fait l'objet d'un accord signé avec les organisations syndicales le 29 juin 2006 et sur lesquels le comité d'entreprise a été dûment consulté, votre licenciement a été envisagé....'.
Comme l'invoque M. [U] [V], si la cause économique ,qu'il conteste, est précisée dans ce courrier, en revanche, la conséquence sur son emploi soit la suppression du poste qu'il occupait, n'y apparaît pas.
Il résulte d'ailleurs des conclusions de la MFP services qu'elle a accepté, après négociations menées avec les membres du comité d'entreprise, de ramener de 5 à 3 le nombre de postes de techniciens informatiques devant être supprimé, ce qui nécessitait qu'elle précise expressément dans cette lettre la conséquence de la cause économique alléguée sur l'emploi occupé par le salarié, lequel expose sans être contredit que le service 'Relations Utilisateurs' comprenant cinq techniciens et un responsable a ensuite été dénommé 'Pilotage de la qualité de service' comprenant toujours cinq salariés et un responsable.
Dès lors, M. [U] [V] fait valoir à juste titre que la lettre est insuffisamment motivée.
Il s'ensuit que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse.
Sur les dommages-intérêts sollicités en application de l'article L 1235-3 du code du travail
M. [U] [V] ayant 25 ans d'ancienneté et la MFP services employant habituellement plus de dix salariés, peut prétendre à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Il sollicite la somme de 56 855,19 € correspondant à 21 mois de salaire.
Agé de 49 ans au moment de son licenciement, son conseil a précisé lors de l'audience qu'il venait de retrouver un emploi.
Il établit, par la production d'un certificat médical du 28 avril 2008, qu'en sus de son préjudice matériel, son licenciement sans cause réelle et sérieuse lui a causé un préjudice moral important puisqu'il était toujours à cette date suivi pour des problèmes psychiques réactionnels.
Au vu de ces éléments, la MFP services sera condamnée à lui verser la somme de 56 855,19 € qu'il sollicite à titre de dommages-intérêts.
Sur les dommages-intérêts sollicités pour violation de la priorité de réembauchage
Par lettre recommandée du 24 avril 2007, M. [U] [V] a demandé à bénéficier de la priorité de réembauchage prévue par l'article L 1235-13 du code du travail.
Il précise que la MFP services a engagé des salariés postérieurement à cette date, comme le registre des entrées et sorties du personnel en atteste, ce qui justifie sa demande de dommages-intérêts à hauteur de la somme de 8 122,17 €.
Cependant, l'intimée réplique à juste titre que l'analyse de ce registre fait apparaître qu'aucun poste compatible avec sa qualification ne pouvait lui être proposé.
Le jugement entrepris sera, en conséquence, confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande à ce titre.
Sur le remboursement des indemnités de chômage aux organismes concernés
En application de l'article L 1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner le remboursement par la MFP services aux organismes concernés, parties au litige par l'effet de la loi, des indemnités de chômage qu'ils ont versées à M. [U] [V] à concurrence de quatre mois.
Sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
L'équité appelle d'allouer à M. [U] [V] la somme de 3 000 € à ce titre, la MFP services étant déboutée de ce même chef et condamné aux dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
INFIRME le jugement entrepris SAUF en ce qu'il a débouté M. [U] [V] de sa demande de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1235-13 du code du travail,
Statuant a nouveau des autres chefs et y ajoutant,
DIT sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M. [U] [V],
CONDAMNE la MFP services à payer à M. [U] [V] les sommes de 56 855,19 € à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1235-3 du code du travail et 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
ORDONNE le remboursement par la MFP services aux organismes concernés, parties au litige par l'effet de la loi, des indemnités de chômage versées à M. [U] [V] à concurrence de quatre mois,
DÉBOUTE la MFP services de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et la condamne aux dépens de première instance et d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE