Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 4
ARRET DU 20 OCTOBRE 2010
(n° 210 , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/12758
Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Juin 2008
Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 07/08119
APPELANTE
SA D'EDITION DE DOCUMENTATION ECONOMIQUE ET COMMERCIALE exerçant sous l'enseigne MONITEUR DU COMMERCE INTERNATIONAL - MOCI
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par la SCP BERNABE - CHARDIN - CHEVILLER, avoués à la Cour
assistée de Me DUCOULOMBIER Bruno, avocat au barreau de PARIS - toque P419
plaidant pour la LLP FIELD FISCHER WATERHOUSE FRANCE
INTIMES
SARL AXE EXPANSION
agissant poursuites et diligences de son représentant légal
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par la SCP MIRA - BETTAN, avoués à la Cour
assisté de Me BENSIMON Maïa, avocat au barreau de PARIS - toque R013
substituant Me COHEN Benjamin, avocat
M. [M] [Y]
[Adresse 2]
[Localité 6]
représenté par la SCP MIRA - BETTAN, avoués à la Cour
assisté de Me BENSIMON Maïa, avocat au barreau de PARIS - toque R013
substituant Me COHEN Benjamin, avocat
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 septembre 2010, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur LE FEVRE, président de chambre, président et Monsieur ROCHE, président
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. LE FEVRE, président de chambre, président
M. ROCHE, président de chambre
M.VERT, conseiller
Greffier lors des débats : Mme CHOLLET
ARRET
- contradictoire
- prononcé publiquement par M. LE FEVRE, président
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. LE FEVRE, président et Mme CHOLLET, greffier.
LA COUR,
Vu le jugement du 20 juin 2008 du Tribunal de Grande Instance de Paris qui, dans un litige entre d'une part M. [M] [Y], ayant déposé à l'INPI la marque 'Commerce International l'actualité des chambres de commerce et d'industrie dans le monde' et la SARL AXE EXPANSION dirigée par M. [Y] éditrice d'une revue du même nom, et d'autre part la SA Société d'EDITION DE DOCUMENTATION ECONOMIQUE ET COMMERCIALE, ci-après SEDEC, éditrice de la revue le MONITEUR DU COMMERCE INTERNATIONAL MOCI et titulaire des droits sur la marque du même nom, a dit qu'en adoptant la dénomination 'COMMERCE INTERNATIONAL le moniteur du business MOCI' la SEDEC avait commis des actes de contrefaçon par imitation de la marque dont M. [Y] est titulaire et la société AXE EXPANSION licenciée non exclusive, a interdit à la SEDEC de 'poursuivre de tels agissements 'sous astreinte de 300 € par infraction constatée, l'a condamnée à payer à titre de dommages et intérêts 15 000 € à M. [Y] et 100 000€ à la société AXE EXPANSION, autorisé la publication du dispositif du jugement dans deux journaux ou revues, ordonné l'exécution provisoire, accordé à AXE EXPANSION et à M. [Y] ensemble 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
Vu l'appel de la SEDEC et ses conclusions du 21 septembre 2010 par lesquelles elle demande à la Cour d'infirmer le jugement ; déclarer AXE EXPANSION irrecevable en sa demande de contrefaçon de marque ; la débouter ainsi que M. [Y] de toutes leurs demandes ; ordonner la restitution de la somme de 119 000 € versée en exécution de l'ordonnance du Premier Président du 16 septembre 2008 aménageant l'exécution provisoire ; condamner in solidum M. [M] [Y] et la société AXE EXPANSION à lui payer 115 000 € de dommages et intérêts pour concurrence déloyale, 20 000 € pour procédure abusive et vexatoire, et 30 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions reçues au greffe le 21 septembre 2010 de la société AXE EXPANSION et de M. [Y] qui demandent à la Cour de confirmer le jugement, sauf en ce qu'il a dit que la société SEDEC n'avait pas commis d'actes de concurrence déloyale ; la débouter de ses demandes ; lui faire interdiction sous-astreinte de 1 000 € par infraction utiliser le titre ' Commerce International' sous quelque forme que ce soit, de
vendre en kiosque ou par correspondance 'les numéros du magazine jugés illicites au regard de la décision à intervenir', la condamner à retirer 'l'ensemble des numéros du magazine qu'elle édite de manière illicite' sous astreinte de 1 000 € par jour de retard, à payer à M. [Y] et à la société AXE EXPANSION les sommes de 394 595,04 € chacun pour atteinte au monopole d'exploitation de la marque, 832.826,40 € pour préjudice commercial, 75 000 € pour l'avilissement de la marque de M. [Y] ; 472 000 € chacun pour manque à gagner 'consécutif à la confusion des deux marques qui a empêché l'introduction au kiosque du magazine COMMERCE INTERNATIONAL'169 920 € chacun 'correspondant au manque à gagner de M. [Y] consécutivement à l'absence d'introduction en kiosque dudit magazine, 500 000 € pour les actes de concurrence déloyale, ordonner la publication de l'arrêt dans cinq publications, dont le MOCI, sur support papier ou électronique, et réclament 15 000€ pour AXE EXPANSION et 5 000 € pour M. [Y] en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Considérant que la Cour doit remarquer en premier lieu que les demandes d'indemnisation des intimés sont très confuses et d'interprétation difficile, la société réclamant des sommes pour des préjudices allégués qui seraient apparemment personnels à M. [Y], ce dernier réclamant réciproquement des sommes au titre d'un préjudice commercial qui serait apparemment celui de la société et les deux réclamant cumulativement des sommes différentes au titre du même prétendu préjudice ;
Considérant sur la recevabilité que l'appelante ne conteste pas la qualité et l'intérêt à agir de M. [Y] ; mais qu'elle le fait en ce qui concerne la société AXE EXPANSION quant à son action en contrefaçon, sur le fondement de l'article L 716-5 du Code de la propriété intellectuelle qui dispose que l'action civile en contrefaçon est engagée par le propriétaire de la marque - en l'espèce M. [Y] - , que le bénéficiaire d'un droit exclusif d'exploitation peut agir en contrefaçon, et en faisant valoir que la société AXE EXPANSION n'est titulaire que d'une licence non exclusive d'exploitation ; mais que cette dernière remarque à juste titre qu'elle allègue un préjudice qui lui est propre et qu'en application de l'article L 716-5 al. 2 du code précité, elle est recevable à intervenir dans l'action en contrefaçon engagée par M. [Y] ; que la Cour se réfère pour le surplus aux motifs non contraires du Tribunal sur ce point ;
Considérant sur le fond quant à l'action en contrefaçon que le Tribunal n'a pas dit précisément quels 'agissements' la SEDEC ne devait plus 'poursuivre', ce qu'elle devait faire à cette fin ni quelles étaient les 'infractions' qui seraient sanctionnées par l'astreinte de 300 € ; que toutefois il s'infère des motifs et de l'utilisation de caractères majuscules pour les deux mots 'commerce international' pour les deux marques dans le dispositif du jugement que c'est l'utilisation de ces deux mots ou la manière dont ils seraient utilisés dans le titre - qui n'est pas une 'dénomination' - de la revue éditée par la SEDEC qui constituerait ces 'agissements'; que les intimés sont en tout cas plus précis puisqu'ils demandent devant la Cour qu'il soit interdit à la SEDEC d'utiliser le titre 'Commerce International' sous quelque forme que ce soit ;
Considérant que la marque semi figurative déposée en 1985 ' par la SEDEC' LE MOCI-MONITEUR DU COMMERCE INTERNATIONAL ' et celle déposée en 1999, 14 ans plus tard par M. [Y] 'Commerce International ' l'actualité des chambres de commerce et de l'Industrie dans le monde' comportent toutes deux les termes 'commerce international'; que les intimés déclarent que ce sont les termes 'commerce international' qui sont les éléments caractéristiques, distinctifs et dominants de sa marque, mais qu'outre qu'ils ne sont pas distinctifs mais banals et ne peuvent être protégés indépendamment des autres éléments de la marque, ils sont aussi des éléments essentiels et dominants de la marque déposée par la SEDEC ; que ni le terme MOCI dont l'appelante remarque qu'il n'est que l'acronyme de l'expression 'moniteur du Commerce International', ni le terme 'moniteur' n'ont de sens en eux-mêmes ni d'utilité pour le titulaire de la marque sans les termes 'Commerce International' qui expliquent le sigle et donnent son sens à l'ensemble de l'expression objet du dépôt de marque ; que la SEDEC fait également valoir, et établit par la production de photographies de couvertures de son magazine qu'elle utilise les termes 'Commerce International' dans le titre dudit magazine de manière continue depuis de nombreuses années, en caractère de taille variable, quoique jusqu'à la transformation litigieuse en sous-titre du terme LE MOCI, ce dernier étant explicité par la mention en sous-titre ' Moniteur du Commerce International' ; qu'en réalité les intimés reprochent à la SEDEC d'avoir, à partir de 2006, modifié la présentation de son titre pour y mettre les mots 'Commerce ' et 'International' en plus gros caractères que le sigle MOCI et les mots 'le moniteur du' ; qu'il pourrait le cas échéant être démontré, dans le cadre d'une action appropriée , qu'une telle modification constitue un acte de concurrence déloyale, mais que la Cour n'a aucune possibilité, sur le fondement du droit de la propriété intellectuelle, d'interdire à la SEDEC l'utilisation dans le titre de son magazine des termes 'Commerce International', éléments essentiels de sa marque déposée antérieurement à celle de M. [Y] ; qu'au surplus la SEDEC remarque qu'elle utilise depuis 1972 les lettres bâton blanches dans un cartouche rouge, ce qui n'est que partiellement le cas pour le magazine édité par la société AXE EXPANSION qui à un cartouche plus long et étroit, le mot commerce en noir, la mention nettement visible 'l'actualité des chambres de commerce et d'industrie dans le monde', et la mention en anglais 'Latest news from chambers of commerce and industry around the world'; que la confusion n'est possible que pour un observateur très superficiel alors que la clientèle des deux magazines est normalement composée de professionnels avisés; qu'en tout cas les intimés ne demandent pas la modification de la présentation du magazine de la SEDEC pour éviter toute possibilité de confusion, mais l'interdiction pure et simple de l'usage des termes ' Commerce International', et ce 'sous quelque forme que ce soit', c'est à dire la privation de la SEDEC de ses droits sur sa marque antérieure à celle de M. [Y], ce qui est juridiquement impossible, comme dit ci-dessus ;
Considérant sur la concurrence déloyale que les intimés et appelants incidents soutiennent que la société SEDEC a commis des actes de déloyauté distincts de la prétendue contrefaçon, c'est à dire des mentions du titre de son magazine, en 'profitant délibérément de la notoriété de la marque et des efforts de développement entrepris depuis plusieurs années par la société AXE EXPANSION, créant dans l'esprit du public et des annonceurs une confusion dans le but de détourner la réussite commerciale D'AXE EXPANSION au bénéfice de SEDEC; qu'elle aurait repris des thèmes particuliers tel que l'économie générale d'un Etat, l'actualité des chambres de commerce et d'industrie, un contenu bilingue, des articles qui abordent notamment non seulement le thème du financement mais également des secteurs d'activité tels que la mode, les voitures etc...
Mais considérant que tout ceci est totalement banal ; que le recours à la langue anglaise est quasi obligatoire en matière de commerce international et que le bilinguisme d'articles y afférents ne constitue pas une spécificité, pas plus que la présentation économique de pays ou de thème divers ; qu'un magazine économique n'est pas une revue financière et que rien ne l'oblige à se limiter au 'thème du financement' ; que la société AXE EXPANSION ne démontre aucunement une imitation déloyale de thèmes ou éditoriaux ou autres articles réellement spécifiques ; que la simple reproduction , à quatre années d'intervalle, d'une photo non protégée publiée dans d'autres magazines, est insuceptible de causer quelque préjudice que ce soit et ne constitue pas une action déloyale; que la société AXE EXPANSION n'a pas le monopole de ses annonces publicitaires ; qu'elle n'établit pas la réalité de la concurrence déloyale qu'elle allègue;
Considérant qu'il en est de même de la société SEDEC qui fait une demande reconventionnelle pour concurrence déloyale sur le fondement de griefs imprécis et non démontrée ; que la Cour rappelle que la concurrence est libre en principe, de même que l'expression dans un magazine; que le dommage concurrentiel est licite sauf acte positif et démontrés de déloyauté, inexistant en l'espèce ; que la Cour déboutera les parties de leurs demandes réciproques sur le fondement de la concurrence déloyale ;
Considérant que le Tribunal ayant partiellement fait droit aux demandes de la
société AXE EXPANSION et de M. [Y] , la Cour ne peut constater d'abus de procédure de leur part ; que la SEDEC ne démontre d'ailleurs pas qu'elle ait subi du fait de la procédure un préjudice distinct de l'engagement de frais irrépétibles ; qu'il est équitable d'accorder à cette dernière la somme de 20 000 € pour ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la société SEDEC avait commis des actes de contrefaçon, en ce qu'il a prononcé des condamnations, y compris au titre des frais irrépétibles et des dépens, en ce qu'il a prononcé des interdictions et autorisé la publication du jugement.
Ordonne la restitution des sommes consignées en vertu de l' exécution provisoire aménagée.
Déboute la société SEDEC de ses demandes de dommages et intérêts.
Déboute la SARL AXE EXPANSION et M. [M] [Y] de toutes leurs demandes.
Les condamne in solidum à payer à la SA EDITION DE DOCUMENTATION ECONOMIQUE et SOCIALE SEDEC la somme de 20 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT