RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 11
ARRÊT DU 14 Octobre 2010
(n° 4 , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/00638 IB
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 Octobre 2008 par le conseil de prud'hommes de Paris - section encadrement - RG n° 08/02939
APPELANTE
UNEDIC - AGS CGEA IDF OUEST
[Adresse 1]
[Localité 7]
représenté par Me Hélène NEGRO-DUVAL, avocat au barreau de PARIS, toque : R.297 substitué par Me Maryse CAUSSIN ZANTE, avocat au barreau de PARIS, toque : R297
INTIMÉES
Me [S] [T] [E] - Mandataire liquidateur de SOCIETE INTERCBAT
[Adresse 3]
[Localité 5]
représenté par Me Safia BAZI, avocat au barreau de PARIS, toque : E 287 substitué par Me Françoise LEMIRE, avocat au barreau de PARIS, toque : E0217
Madame [J] [G]
[Adresse 2]
[Localité 6]
représentée par Me Isabelle NARBONI, avocat au barreau de CRETEIL, toque : PC339
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Septembre 2010, en audience publique, les parties représentées ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle BROGLY, conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, président
Madame Evelyne GIL, conseiller
Madame Isabelle BROGLY, conseiller
Greffier : Mme Francine ROBIN, lors des débats
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, président et par Séverine GUICHERD, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu l'appel régulièrement interjeté par l'UNEDIC-AGS CGEA IDF OUEST à l'encontre du jugement prononcé le 13 octobre 2008 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS, section Encadrement, statuant en formation de jugement sur le litige opposant Madame [J] [G] à la SARL INTECBAT représentée par la SELAFA MJA, ès qualités de Mandataire Liquidateur.
Vu le jugement déféré aux termes duquel le Conseil de Prud'hommes :
- a fixé la créance de Madame [J] [G] au passif de la SARL INTECBAT, représentée par la SELAFA MJA ès qualités de Mandataire Liquidateur, en présence de l'UNEDIC-AGS CGEA IDF OUEST aux sommes suivantes :
* 21 616,20 € à titre de salaires en deniers ou quittances.
* 2 161,00 € au titre des congés payés y afférents.
* 17 370,90 € titre d'indemnité de préavis.
* 1 737,09 € au titre des congés payés y afférents.
* 27 254,19 € à titre d'indemnité de licenciement.
- a ordonné la remise des documents sociaux conformes.
- a débouté Madame [J] [G] du surplus de ses demandes.
- a déclaré les créances opposables à l'UNEDIC-AGS CGEA IDF OUEST dans les limites des articles L 143-11-1 et suivants du Code du Travail (article L 1253-6 et suivants du Code du Travail), et dans celles de sa garantie.
- a dit que les dépens seront inscrits au titre des créances privilégiées conformément à l'article L 621 -31-II-2°du Code de Commerce.
Vu les conclusions visées par le Greffier et développées oralement à l'audience, aux termes desquelles :
L'UNEDIC-AGS CGEA IDF OUEST, appelante, poursuit l'infirmation du jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes et demande en conséquence à la Cour :
principalement :
- de constater l'absence de lien de subordination entre Madame [J] [G] et la société INTECBAT.
- de dire et juger que Madame [G] n'avait pas la qualité de salariée.
- de débouter Madame [G] de l'ensemble de ses demandes.
subsidiairement :
- de constater la nullité de l'avenant du 1er juin 2007 conformément à l'article L 632-1 du Code du Commerce.
- de dire et juger que Madame [G] ne peut prétendre à la qualification de Cadre.
- de tirer toutes conséquences de droit de l'existence du seul contrat de travail à temps partiel.
très subsidiairement.
- de lui donner acte des limites de sa garantie quant aux éventuels salaires correspondant à la période d'observation.
- de dire que Madame [G] ne peut prétendre qu'à la qualification d'ETAM en ne fixant sa créance qu'aux sommes suivantes :
* 8 568,00 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis.
* 856,80 € au titre des congés payés y afférents
* 17 180,52 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement.
- de débouter Madame [J] [G] de ses autres demandes.
Madame [J] [G] poursuit la confirmation du jugement déféré et demande en conséquence à la Cour :
- de constater qu'elle a toujours été salariée de la société INTECBAT et que la réalité de son contrat de travail ne fait aucune doute.
- de fixer au passif de la liquidation les sommes suivantes :
* 21 616,20 € à titre de salaires en deniers ou quittances.
* 2 161,00 € au titre des congés payés y afférents.
* 17 370,90 € titre d'indemnité de préavis.
* 1 737,09 € au titre des congés payés y afférents.
* 27 254,19 € à titre d'indemnité de licenciement.
- d'ordonner la remise de l'attestation ASSEDIC, du certificat de travail, des bulletins de paie de mars à juillet 2008, le tout sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du prononcé de la décision.
LA SELAFA MJA, prise en la personne de Maître [E], ès qualités de Mandataire Liquidateur de la SARL INTECBAT, demande :
- de prononcer la mise hors de cause Maître [N], sa mission étant terminée.
- d'infirmer principalement le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes le 13 octobre 2008 en toutes ses dispositions.
- de dire et juger subsidiairement que Madame [G] ne peut prétendre à la qualification de Cadre et de ne retenir que celle d'ETAM en ne fixant sa créance qu'aux sommes suivantes
* 8 568,00 € à titre d'indemnité de préavis.
* 856,80 € au titre des congés payés y afférents.
* 17 180,62 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement.
- de donner acte à la SELAFA MJA, ès qualités, de ce que les documents dont la production serait ordonnée par la Cour seront remis spontanément dès notification de l'arrêt à intervenir et de débouter Madame [G] de sa demande d'astreinte comme non justifiée.
- de débouter Madame [G] de ses demandes plus amples.
- de dire que le cours des intérêts sera arrêté au 3 avril 2008 en application des dispositions de l'article L 622-28 du Code de Commerce.
- de déclarer l'arrêt à intervenir opposable à l'UNEDIC-AGS CGEA IDF OUEST.
CELA ETANT EXPOSE.
Madame [J] [G] est l'épouse du Gérant de la société INTECBAT dont le capital était détenu par Monsieur [G], Monsieur [I] et Monsieur [M] à concurrence respective de 613 parts pour les deux premiers et de 24 parts pour le dernier.
Madame [G] expose :
- avoir obtenu le 20 décembre 2003 auprès de la société INTECBAT un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel en qualité de secrétaire de direction, statut ETAM, moyennant un salaire de 1 219,59 € pour 87 heures de travail.
- avoir obtenu le 1er janvier 2007, un second contrat de travail à temps partiel en qualité de secrétaire avec un statut de 'cadre', moyennant un salaire de 1 500 € pour 25 heures de travail auprès de la société COBAMET, sous-traitante exclusive de la société INTECBAT et dont le Gérant était également Monsieur [G].
- être passée à temps plein et avoir obtenu le statut 'cadre' moyennant une rémunération portée à la somme de 5 784 € pour 151,67 heures aux termes d'un avenant à son contrat de travail établi le 1er juin 2007 par la société INTECBAT.
Le Tribunal de Commerce de PARIS a prononcé le redressement judiciaire de la société INTECBAT pas jugement du 26 juillet 2007, puis sa liquidation judiciaire est intervenue par nouvelle décision du 3 avril 2008, la SELAFA MJA ayant été désignée en qualité de représentant des créanciers.
Le Tribunal de Commerce de Calais a prononcé la liquidation judiciaire de la société COBAMET par jugement du 26 juillet 2007.
Par courrier en date du 9 avril 1998, Madame [J] [G] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 16 avril 2008 en vue de son licenciement pour raison économique.
La documentation relative à la convention de reclassement personnalisé a été remise à Madame [G] le 16 avril 2008 lors de l'entretien dans les bureaux de la société MJA.
La lettre de licenciement adressée à Madame [G] qui confirmait son licenciement pour raison économique émettait une réserve ainsi libellée : 'Cette lettre vous est adressée sous réserve de la reconnaissance de votre qualité de salariée'.
Par courrier en date du 22 avril 2008, la société SELAFA a informé Madame [G] que la CGEA IDF avait rejeté sa créance au motif que : 'les éléments en notre possession ne nous permettent pas de reconnaître votre qualité de salariée'.
C'est dans ces conditions que Madame [J] [G] a saisi le Conseil de Prud'hommes afin que soit reconnu qu'elle avait toujours exercé les fonctions de salariée au sein de la société INTECBAT dans les mêmes conditions qu'au jour de l'ouverture de la procédure collective.
SUR CE
Sur les demandes de l'UNEDIC-AGS IDF OUEST.
Au soutien de son appel, l'UNEDIC-CGEA AGS IDF OUEST invoque la fraude de Madame [J] [G] en se fondant principalement sur l'absence de lien de subordination entre Madame [J] [G] et la société INTECBAT.
L'UNEDIC soulève subsidiairement la nullité de l'avenant du 1er juin 2007 conformément à l'article L 632-1 du Code de Commerce, avec toutes conséquences de droit au regard du maintien d'un emploi à temps partiel, du statut d'ETAM et de la rémunération antérieure et fait valoir plus subsidiairement que sa garantie est limitée à 45 jours de travail.
Sur le lien de subordination.
Est un contrat de travail, celui par lequel une personne réalise un travail au profit d'autrui contre rémunération en se plaçant sous sa subordination juridique.
L'existence d'un contrat de travail suppose donc la réunion de trois conditions : un travail pour autrui, une rémunération et une subordination dans l'exécution du travail, étant rappelé que l'existence d'une relation de travail salariée ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du salarié.
Madame [J] [G] produit le contrat de travail qu'elle a signé le 20 décembre 1993 après une période d'inactivité de deux ans au regard de son curriculum vitae, un bulletin de salaire au titre de l'année 1997, ainsi que les bulletins de salaire de 2001 jusqu'à 2007, ce qui laisse présumer l'existence du lien de subordination.
Cependant l'AGS UNEDIC-AGS CGEA IDF OUEST combat utilement cette présomption par les éléments objectifs du dossier.
En effet, d'une part il est constant que Madame [J] [G] se borne à produire quelques pièces en décrivant sommairement les activités effectuées pour le compte de la société INTECBAT, mais sans rapporter le moindre commencement de preuve de la réalité des tâches qu'elle prétend avoir accomplies durant près de 14 ans au sein de la société.
D'autre part, il ressort des pièces produites et notamment du rapport établi le 27 novembre 2007 par Maître [N], Administrateur Judiciaire :
- que le siège social de la société INTECBAT, sis [Adresse 4], qui avait pour Gérant Monsieur [G], n'était qu'une domiciliation, les locaux de l'entreprise n'étant constitués que d'un simple bureau sis au domicile des époux [G], [Adresse 2], bureau loué sans contrat par Monsieur et Madame [G] à la société, moyennant un loyer de 1 220 € par mois.
- qu'un autre bureau se trouvait mis à disposition de la société INTECBAT dans les locaux de la société COBAMET dont Monsieur [G] était également l'un des co-gérants.
-que le 26 juillet 2007, la société INTECBAT a été admise au bénéfice du redressement judiciaire et la société COBAMET placée en liquidation judiciaire.
- que le 1er juin 2007, soit quelques jours avant la cessation des paiements en date du 20 juin 2007, la société INTECBAT a, sans la moindre consultation du Juge Commissaire, décidé de reprendre la quasi-totalité des salariés de la société COBAMET dont Madame [G], au bénéfice de laquelle elle a consenti un avenant à son contrat de travail.
- qu'ainsi, quelques jours avant le dépôt de bilan, la société INTECBAT a octroyé à Madame [J] [G] qui travaillait à son propre domicile, un contrat de travail à temps plein avec la qualification de 'cadre' (et non plus de secrétaire), moyennant une rémunération brute mensuelle portée à 5 961,41 € pour 151,67 heures alors qu'elle percevait au 1er mai 2007 la somme mensuelle brute de 4 290 € pour 126 heures.
Au regard de l'ensemble ces éléments, l'UNEDIC-AGS CGEA IDF OUEST établit l'absence de lien subordination ayant existé entre Madame [J] [G] et la société INTECBAT, à savoir que Madame [J] [G] n'était effectivement pas placée sous l'autorité de l'employeur, ni que ce dernier ait eu le pouvoir de lui donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements.
La qualité de salariée de Madame [G] n'est donc pas établie.
Le jugement déféré doit donc être infirmé en toutes ses dispositions, et par suite Madame [J] [G] déboutée de l'intégralité de ses demandes.
Sur les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Succombant devant la Cour, Madame [J] [G] sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.
Déboute Madame [J] [G] de l'ensemble de ses demandes.
La condamne aux dépens de première instance et d'appel.
Le Greffier, Le Président,