RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 4
ARRET DU 12 Octobre 2010
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/00731
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 Décembre 2008 par le conseil de prud'hommes de EVRY RG n° 07/00139
APPELANT
Monsieur [V] [D]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
comparant en personne, assisté de Me Jean-Christophe LEDUC, avocat au barreau de CHARTRES
INTIMEE
SAS GENETIER
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Arnaud PICARD, avocat au barreau de PARIS, toque : B0776
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Septembre 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Denise JAFFUEL, Conseillère, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente
Madame Anne-Marie DEKINDER, Conseillère
Madame Denise JAFFUEL, Conseillère
Greffier : Mademoiselle Sandrine CAYRE, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente
- signé par Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente et par Mademoiselle Sandrine CAYRE, greffier présent lors du prononcé.
La Cour est saisie de l'appel interjeté par M. [D] du jugement du Conseil de prud'hommes d'Evry section encadrement, en date du 11 décembre 2008, qui en formation de départage l'a débouté de ses demandes à l'encontre de la société GENETIER et l'a condamné à payer à celle-ci la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
FAITS ET DEMANDES DES PARTIES
M. [D] a été engagé par la société GENETIER, dont l'activité porte sur la fourniture d'accessoires de lunetterie, à compter du 1er janvier 1988 selon contrat de travail à durée indéterminée.
Selon avenant du 31 mai 2000, signé entre les parties, il est devenu VRP exclusif, sa rémunération étant composée d'un salaire mensuel fixe et de commissions progressives sur le chiffre d'affaires suivant des modalités révisées annuellement.
Par lettre du 6 décembre 2004, M [D] a pris acte de la rupture de son contrat de travail.
L'entreprise comptait plus de onze salariés à l'époque de la rupture.
M. [D] demande l'infirmation du jugement et la condamnation de la société GENETIER à lui payer les sommes suivantes:
- 790,05 euros à titre de rappel de commissions pour l'année 2000 et 79 euros pour les congés payés afférents,
- 1284,24 euros à titre de rappel de commissions pour l'année 2001 et 128,42 euros pour les congés payés afférents,
- 1804,36 euros au titre de la prime sur objectif pour l'année 2001 et 180,44 euros au titre des congés payés afférents,
- 1945,82 euros à titre de rappel de commissions pour l'année 2002 et 194,58 euros pour les congés payés afférents,
- 2151,90 euros à titre de rappel de commissions pour l'année 2003 et 215,19 euros pour les congés payés afférents,
- 2449,89 euros à titre de rappel de commissions pour l'année 2004 et 244,99 euros pour les congés payés afférents,
- 9776,66 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 977,67 euros pour les congés payés afférents,
Avec intérêts au taux légal à compter de l'introduction de la demande,
- 196.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 200.000 euros à titre d'indemnité de clientèle,
- 2000 euros à titre d'indemnisation pour non remise d'une attestation Assedic conforme,
- 5000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- remise sous astreinte d'un bulletin de salaire correspondant au rappel de commissions, d'une attestation Pôle Emploi et d'un certificat de travail conformes,
A titre subsidiaire, s'il n'est pas fait droit à sa demande d'indemnité de clientèle, il demande de lui allouer la somme de 11.080,23 euros à titre d'indemnité minimale conventionnelle,
A titre infiniment subsidiaire et avant- dire droit, il demande de désigner un expert aux fins d'examiner l'ensemble des factures et des relevés des commissions de M. [D] pour les années 2000 à 2004 aux frais avancés de la société GENETIER et de condamner dès à présent celle-ci à payer à M. [D] la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société GENETIER demande de confirmer le jugement, de dire que la prise d'acte de rupture du contrat de travail par M. [D] produit les effets d'une démission, de débouter M. [D] de ses prétentions et de le condamner à lui payer la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
SUR CE
Il est expressément fait référence aux explications et conclusions des parties visées à l'audience;
Sur la rupture
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a jugé que la prise d'acte de rupture du contrat de travail par le salarié devait produire les effets d'une démission et débouté M. [D] de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis avec les congés payés afférents ;
En effet, la prise d'acte de rupture ne peut produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse que si les griefs invoqués par le salarié constituent des manquements suffisamment graves pour caractériser une rupture imputable à l'employeur ;
En l'espèce, M. [D] invoque deux griefs à l'encontre de l'employeur: des annulations de commandes dues au mécontentement des clients qui ont rejailli sur sa rémunération et un calcul erroné de ses commissions calculées sur un chiffre d'affaires tenant compte de remises qui ne figurent pas sur les factures ;
S'agissant des annulations de commandes, M. [D] verse aux débats des correspondances émanant de sept clients représentant dix magasins qui se plaignent essentiellement de la longueur des délais de livraison et pour certains de la mauvaise qualité des produits livrés, quatre clients mentionnant qu'ils ne travailleront plus avec la société GENETIER ;
Toutefois, ces quelques lettres de mécontentement proportionnellement au grand nombre de clients de M. [D], se comptant en plusieurs centaines, ne constituent pas un manquement de l'employeur suffisamment grave pour justifier une rupture qui lui serait imputable, étant observé au demeurant qu'à l'époque l'employeur avait procédé à une délocalisation de sa fabrication au profit d'un lieu en Italie et d'un autre dans un pays de l'EST, ce qui nécessitait quelques mois d'adaptation et que l'employeur justifie avoir pris des mesures pour combler les retards de livraison et réduire les dysfonctionnements ponctuels rencontrés, afin de renouer des relations stables avec la plupart des clients que M. [D] se plaignait hâtivement d'avoir perdus ;
S'agissant du calcul des commissions, l'avenant au contrat de travail du 31 mai 2000, à effet du 1er juillet 2000, signé par les parties, stipule que la rémunération de M. [D] est constituée d'un salaire mensuel fixe de 13.000 francs et de commissions pour toutes les affaires réalisées directement par lui avec la clientèle qu'il est habilité à visiter et sur les affaires passées sur son secteur et transmises directement à la société GENETIER pour les clients qu'il visite régulièrement, le taux des commissions étant évolutif; le dernier paragraphe de l'article 6 de l'avenant précité précise que le chiffre d'affaire réalisé par le représentant sera déterminé ' à partir du montant net des factures, déduction faite des remises ou ristournes éventuelles, des frais de transport, d'emballage, assurance et de toutes taxes, tous impôts existants ou qui pourraient ultérieurement être institués ainsi que, s'il y a lieu, des frais de recouvrement et de poursuite.' En 2001, 2002 et 2003, M. [D] a signé l'avenant fixant les objectifs à réaliser et le pourcentage de commission due en fonction du chiffre d'affaires, son salaire mensuel ayant été fixé en 2002 à la somme de 1525 euros; M. [D] a refusé de signer l'avenant de 2004 au motif qu'il modifiait ses conditions de rémunération en ajoutant au dernier paragraphe de l'article 6 précité de l'avenant du 31 mai 2000 la prise en compte des ristournes éventuelles « à régulariser à la fin d'année » ;
M. [D] ne peut pas valablement soutenir que la rupture serait imputable à l'employeur au motif qu'il ne l'aurait pas mis en mesure de contrôler la justesse du calcul de sa rémunération alors qu'il ressort des pièces versées aux débats qu'à la suite du courrier du 4 octobre 2004 du conseil de M.[D] demandant à la société GENETIER l'intégralité des éléments justifiant du chiffre d'affaires réalisé par M. [D] pour les années 2000 à 2004, certifiés par le commissaire aux comptes de la société, l'employeur a saisi son commissaire aux comptes aux fins demandées et a adressé audit conseil, par courrier du 19 novembre 2004, la « certification des commissions de M. [D] » établie par M. [E], commissaire aux comptes, lequel indique avoir effectué un contrôle des commissions versées à M. [D] entre le 1er janvier 2000 et le 31 août 2004, ce contrôle portant à la fois sur le montant des commissions versées et sur la base de calcul de ces commissions telle que prévue par l'article 6 de l'avenant du 31 mai 2000 et les avenants concernant les objectifs des exercices 2001,2002 et 2003 ;
M. [E] observe, dans son rapport de synthèse : « 'les commissions sont versées au représentant en fonction du chiffre d'affaires facturé, alors que le contrat prévoit que le calcul soit effectué et la commission versée uniquement sur le chiffre d'affaires encaissé. L'application de cette méthode est plus favorable au représentant' » et conclut : « 'concernant le premier semestre 2000, nous observons que les taux de commission pratiqués ne sont pas tout à fait ceux indiqués sur le contrat de travail. En effet, les taux pratiqués sont de 9,36 % et 12 % au lieu de 10 % et 12 %. La société GENETIER dit ne pas avoir en sa possession d'autres avenants modifiant les conditions de rémunération de ce représentant. La perte estimée pour le représentant est de 1500 euros. Concernant la régularisation de fin d'année 2000, nous observons qu'elle n'a pas été effectuée. Cette erreur est au profit du représentant pour un montant de 35.123 FRF soit 5354 euros. En conclusion, les quelques anomalies rencontrées au cours de nos travaux, cumulées les unes aux autres, ressortent légèrement en faveur de M. [D]... Compte tenu des contrôles effectués, nous pouvons certifier que les commissions dues à M. [D] pour la période allant de janvier 2000 à août 2004, soit les montants suivants' sont corrects et sincères » ;
Ainsi, lors de la prise d'acte de rupture de son contrat de travail par lettre du 6 décembre 2004, M. [D] était en possession du rapport du commissaire aux comptes certifiant ses commissions, sur lequel il ne formule aucune observation ; il ne peut donc pas valablement soutenir que l'employeur aurait commis de ce chef un manquement grave à son obligation de communiquer au salarié les informations permettant de vérifier que le calcul de sa rémunération avait été effectué conformément aux modalités prévues dans son contrat de travail, étant observé au demeurant, que M. [D] ne formule pas d'observation non plus sur l'ensemble des factures( pesant plus de 30 Kg) ayant servi de base au calcul de ses commissions pour les années 2000 à 2004, qui lui ont été communiquées en mars 2005 ;
M. [D] ne peut pas non plus valablement soutenir que la rupture serait imputable à l'employeur au motif que la société GENETIER aurait modifié unilatéralement son mode de rémunération en lui faisant supporter des remises qui ne figurent pas sur les factures, et ce malgré son refus de signer l'avenant de 2004 parce qu'il prévoyait de déduire des commissions « des remises ou ristournes éventuelles à régulariser à la fin de l'année » alors qu'il est établi par les pièces versées aux débats que les commissions de M. [D], pour la période de 2000 à 2004, ont été établies selon une méthode identique et conformément à l'article 6 de l'avenant du 31 mai 2000 ;
Il est justifié par l'employeur que la prise en compte, pour la détermination des commissions, des ristournes consenties en fin d'année aux groupements d'opticiens, qui paient les factures des opticiens groupés par exemple en centrales de paiement, sous enseignes coopératives ou dans le cadre de franchises, auxquels adhérent certains clients démarchés par les VRP, sans que ces ristournes ne figurent sur chaque facture contrairement à la situation des opticiens indépendants, a été appliquée depuis la prise d'effet de l'avenant du 31 mai 2000, conformément au dernier paragraphe de l'article 6 dudit avenant qui stipule la déduction « des remises ou ristournes éventuelles » ; il s'en déduit que l'ajout « 'remises ou ristournes éventuelles à régulariser à la fin de l'année » proposé dans l'avenant de 2004 et refusé par M. [D] était sans portée quant au mode d'établissement ou de calcul des commissions ;
L'employeur verse également aux débats, pour la période de 2000 à 2004, les contrats conclus avec les clients « groupements » dans lesquels sont mentionnés les taux de ristournes et des tableaux établis par client « groupement » permettant de vérifier le chiffre d'affaire servant de base au calcul des commissions ;
Il en résulte que M. [D] n'est pas fondé à invoquer de ce chef une modification unilatérale de son contrat de travail sur la détermination contractuelle du chiffre d'affaires servant de base de calcul pour ses commissions, de nature à imputer la rupture du contrat de travail à l'employeur ;
Enfin, M. [D] ne peut valablement soutenir que la rupture serait imputable à l'employeur au motif que le calcul des commissions serait erroné au regard des tableaux récapitulatifs annuels visés par un expert comptable, qu'il verse aux débats alors que ces tableaux, qui sont une succession de chiffres d'origine indéterminée, non commentés, sans explications sur la méthode d'établissement, ne peuvent être retenus pour preuve des prétentions de M. [D] qui a pourtant disposé de toutes les pièces comptables utiles, et alors que l'employeur rapporte la preuve du mode de calcul correct et sincère des commissions par la certification de son commissaire aux comptes, ce mode de calcul étant conforme aux stipulations prévues par l'article 6 de l'avenant du 31 mai 2000 ;
Il n'y a pas lieu d'ordonner de ce chef une mesure d'expertise, sollicitée à titre infiniment subsidiaire et avant-dire droit par M. [D] ;
Dans ces conditions, M. [D] n'établit pas des manquements de l'employeur rendant impossible la poursuite des relations contractuelles et, ses griefs n'étant pas établis, sa prise d'acte produit les effets d'une démission ;
En conséquence, la démission ne donnant droit à aucune indemnité, M. [D] sera débouté de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis avec les congés payés afférents ;
Sur l'indemnité de clientèle et l'indemnité minimale conventionnelle
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [D] de sa demande d'indemnité de clientèle et, subsidiairement d'indemnité minimale conventionnelle ;
En effet, la prise d'acte de rupture produisant, en l'espèce, les effets d'une démission, M. [D] ne peut prétendre ni à une indemnité de clientèle ni à l'indemnité minimale conventionnelle, la démission n'étant pas un cas d'ouverture du droit à ces indemnités ;
Sur le rappel de commissions
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [D] de sa demande de rappel de commissions pour les années 2000, 2001, 2002, 2003 et 2004 ;
En effet, à l'appui de sa demande de ce chef, M. [D] soutient qu'il existerait un écart substantiel entre les factures établies par la société GENETIER et les relevés qui lui étaient adressés relativement au calcul des commissions et verse aux débats des tableaux récapitulatifs annuels visés par un expert comptable, qui indiquent « chiffre d'affaires base FR, « CA réel FR », « différence CA FR »;
Ainsi qu'il a été dit précédemment, les tableaux produits par M. [D] ne sont pas probants et l'employeur rapporte la preuve du mode de calcul des commissions conforme aux dispositions contractuelles, étant observé que l'écart entre les factures émises et les montants figurant sur les relevés de commissions s'explique d'évidence puisque le chiffre d'affaire est calculé à partir du montant net des factures déduction faite des remises ou ristournes, frais et impôts éventuels ;
En conséquence, la demande de rappel de commissions de M. [D] ne peut prospérer ;
Sur la prime sur objectif pour l'année 2001
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [D] de sa demande au titre de la prime sur objectif pour l'année 2001 ;
En effet, M. [D] étant débouté de sa demande de rappel de commissions, sa demande tendant à se voir allouer, conformément à l'avenant fixant les objectifs pour l'année 2001 signé par les parties, « 4,0 % à partir d'un chiffre d'affaires de 4080.000 francs » s'avère sans objet, le chiffre d'affaires étant inférieur;
La demande de M. [D] de ce chef ne peut donc prospérer ;
Sur les autres demandes
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [D] de sa demande d'indemnité pour non remise d'une attestation Assedic conforme ainsi que de sa demande de remise, sous astreinte, d'un bulletin de salaire correspondant aux rappels de commissions, d'une attestation Pôle Emploi conforme et d'un certificat de travail conforme ;
En effet, les demandes de M. [D] de ce chef s'avèrent sans objet, la prise d'acte de rupture produisant en l'espèce les effets d'une démission ;
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a alloué à la société GENETIER la somme de 500 euros au titre de ses frais irrépétibles ;
Il n'y a pas lieu à frais irrépétibles d'appel ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement ;
Rejette les autres demandes ;
Condamne M. [D] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT